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La reconversion des friches comme stratégie d’aménagement
Malgré le besoin de nouveaux terrains pour construire des logements et autres infrastructures, bien souvent, les politiques de la ville détruisent des espaces naturels plutôt que de se concentrer sur la reconversion et réhabilitation de terrains à l’abandon tel que les friches (Grimski & Ferber, 2001). Aujourd’hui, les politiques urbaines prennent conscience de ce potentiel inexploité, et le réaménagement des friches devient un des points centraux du développement des villes. Cependant, le réaménagement de ce type de site ne se fait pas sans écueil, car ils sont liés à de fortes contraintes liées au passé du lieu.
Avantages et inconvénients de la friche
L’avantage de la friche est qu’elle présente un grand terrain, vierge, souvent avec des bâtiments à l’abandon, qui permettent toutes catégories de figure de réaménagement. De plus, cet espace est souvent déjà vecteur d’une image négative, la population est donc plus favorable à ce qu’il soit reconverti.
De nombreux freins viennent à l’encontre de ces projets de réaménagement, le premier étant la pollution du sol. En effet, pendant leurs nombreuses années de fonctionnement, les usines produisent des déchets qui polluent le sol et l’atmosphère.
Selon la loi du 19 juillet 1976, les exploitants d’activités des sites industriels devaient jusqu’alors prévenir et résorber les problèmes de pollution de leur site. Aujourd’hui la loi ALUR tente d’expliciter les directives liées à ces terrains dans le Plan Local d’Urbanisme. En effet, dans certains pays européens tel que les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni, il existe des outils juridiques touchant à la gestion des sols pollués. Précédemment, en France, la plupart des sites industriels pollués étaient mis en décharge, plutôt que dépollués pour être réhabilités, car cela posait moins de problèmes au niveau juridique et réglementaire. La nouvelle loi ALUR autorise maintenant les exploitants d’activités à diriger ces obligations vers d’autres acteurs (Lafeuille & Steichen, 2015).
Ainsi les sols pollués peuvent être la source d’importantes dépenses qui ne sont pas forcément évidentes à évaluer avant la mise en place du projet. C’est pourquoi bien souvent l’Etat se doit d’intervenir, au travers d’Établissements Publics Fonciers, car étant donné les coûts de dépollution des sols, les acteurs de reconversion de friches ne veulent pas toujours supporter les coûts et se retirent finalement du projet.
De plus, les friches industrielles, de par leur activité à caractère nuisible pour leur environnement, peuvent se trouver éloignées des villes et de leur centre-ville. Elles sont parfois excentrées et donc plus difficile d’accès, ce qui les rend moins attractives pour des investissements et financements futurs.
La présence de sites délaissés a également des conséquences négatives sur l’environnement aussi bien que sur le bien-être économique et social de la ville (Grimski & Ferber, 2001), car ce sont des sites non exploités qui se trouvent en attente.
Dynamiser et promouvoir le territoire
Aujourd’hui, les politiques territoriales tentent d’arrêter le processus d’étalement urbain. Les friches urbaines et notamment les friches industrielles, vastes lieux inutilisés, présentent donc une opportunité très intéressante pour les communes (Lafeuille & Steichen, 2015). De plus, les espaces culturels et créatifs faisant également partie des stratégies d’aménagement menées par les villes (Andres & Grésillon, 2011), la culture étant liée à l’économie dans le développement des villes, car elle permet de rendre la ville plus attractive pour le tourisme, les investisseurs, et pour son image à l’échelle nationale et internationale (Grésillon, 2010). Le réaménagement des friches industrielles par le biais de projets culturels et artistiques est donc apparu dans les politiques d’aménagement des pouvoirs publics comme stratégique afin de redynamiser le territoire et de le promouvoir (Lusso, 2010). En passant d’une fonction industrielle à une fonction culturelle, les villes transforment un aspect négatif de leur territoire en un élément positif de leur développement (Grésillon, 2010).
En effet, il est important pour les villes de faire face à la concurrence et d’attirer touristes et investisseurs. Elles se doivent donc d’être attractives, et les élus semblent l’avoir bien compris avec de nouvelles politiques de développement culturel qu’ils n’hésitent pas à déployer comme arguments électoraux (Lusso, 2010). La construction de gros équipements culturels peut engendrer un rayonnement métropolitain, national, voire international, cependant le succès socio-culturel du projet ne garantit pas le succès financier du projet. Par exemple, dans des lieux culturels à entrée gratuite, le retour sur investissement n’est pas toujours présent financièrement, et le projet peut se trouver en déficit. De plus, même si l’usine est reconvertie pour abriter une nouvelle fonction, elle n’atteint cependant pas le même chiffre d’emplois que lorsqu’elle avait sa fonction première. En effet, les équipements artistiques et culturels génèrent des emplois, mais bien peu en comparaison de l’activité d’origine du lieu. Ce sont en fait les activités économiques qui vont se développer autour de la zone qui vont générer le plus d’emplois (Lusso, 2010). Il faut qu’il y ait des développements économiques, via l’implémentation d’entreprises entre autres, afin que le projet de revitalisation économique et sociale du territoire soit porté à efficace. L’impact réel d’une friche reconvertie en lieu culturel se fait surtout par le rayonnement autour de celle-ci, sur les équipement alentours comme les restaurants, cafés, cinéma qui seront plus utilisés, et qui ouvriront (Grésillon, 2010). De plus pour que la reconversion ait réellement un impact sur le quartier et la ville, il faut qu’il y ait des discussions d’égal à égal entre les différents acteurs qui sont très nombreux : urbanistes, travailleurs sociaux, élus, investisseurs et promoteurs, directeurs d’école, commerçants, habitants… (Grésillon, 2010).
L’art dans le paysage urbain d’aujourd’hui
Parti en 1939 de l’idée de mieux intégrer l’art dans les villes, la loi du 1% voit le jour en 1951 sous la forme d’une obligation de réserver 1% du budget de tout travaux de construction, de réhabilitation ou d’extension d’un bâtiment public pour y intégrer une oeuvre artistique réalisée par un artiste vivant et spécialement conçu pour le site. D’abord appliquée uniquement aux universités et bâtiments scolaires, cette loi s’insère ensuite petit à petit dans la trame urbaine de la ville. Au début des années 80, les chantiers de grandes ampleurs commencent à appliquer la loi du 1%, ce qui donne place à des oeuvres monumentales. De plus, dans les Villes Nouvelles cette ambition a permis à ces dernières de mettre l’art sur le devant de la scène. Aujourd’hui, cette initiative rencontre plus ou moins de succès selon la volonté des acteurs du territoire (Smadja, 2003).
Il existe 2 types d’intervention d’artiste : – L’intervention sur ce qui existe déjà – L’intervention pendant la conception d’un projet.
Celle-ci peut avoir plusieurs buts : – Sauvegarder le patrimoine par le geste artistique – Redécouvrir la ville – Faire sortir l’art des musées.
Dans mon étude, c’est plus particulièrement l’intervention de l’art par la mise en lumière de l’espace urbain qui m’intéresse, et c’est donc sous cet angle-là que je vais aborder la question.
L’art à la rencontre de la population
Le rôle de l’art est notamment de stimuler l’imaginaire du promeneur. En l’amenant dans la rue, l’artiste permet ainsi à tout le monde de pouvoir en faire l’expérience sans discrimination (Masboungi et al., 2004). Selon Richard Serra, l’art ne doit pas être porteur d’un message politique, mais doit être présent en tant que tel, et ne requiert pas d’avoir d’utilité quelconque, autrement il ne serait pas considéré comme art. Cet intervention artistique dans la rue se fait dans un espace de vie commune, c’est pourquoi les valeurs qu’il expose se doivent d’être symbolique, et l’art est un bon moyen pour un bâtiment d’être valorisé et de devenir un référent (Masboungi et al., 2004). Dans la mise en lumière de bâtiments, on peut donc penser que ce type d’intervention répond donc bien à ce critère, car c’est souvent une intervention jouant sur les couleurs, et sur la révélation de détails de l’architecture du bâtiment, afin de révéler et rappeler le passé, plutôt que sur le vecteur d’un quelconque message politique. De plus, il est nécessaire de se rappeler que l’espace urbain est public, fréquenté par tous, et c’est pourquoi il est important que l’oeuvre d’art soit comprise et appréciée, contrairement aux oeuvres de musée qui sont la vision de l’artiste. « La recevabilité de l’oeuvre est un enjeu essentiel », c’est pourquoi il est important de déterminer comment l’oeuvre est perçue par les habitants (Masboungi et al., 2004). Il y a donc un désir de rendre l’objet beau, mais en restant plutôt neutre, afin de satisfaire le plus de monde possible.
Landschaftspark à Duisbourg
Le Landschaftspark à Duisbourg (Source : landschaftspark.de/der-park/entstehung) Ouverte en 1903, l’usine de charbon et d’acier de Duisburg en Allemagne emploie près de 10 000 ouvriers jusqu’en 1985, année à laquelle elle se voit contrainte de fermer. A sa fermeture, elle se retrouve sans racheteur potentiel, le site est alors abandonné et devient une friche. La population locale s’oppose à la destruction de l’usine, et c’est alors qu’intervient en 1988 l’organisation IBA Emscher Park désirant développer le site en un parc innovant accessible au public.
Dès le départ, les enjeux de reconversion de l’IBA Emscher Park identifiés par les pouvoirs publics est de s’appuyer sur la culture pour inverser l’image négative du territoire en une image positive, en convertissant le patrimoine industriel déjà existant pour y implanter un aspect culturel. Pour cela, il s’appuie sur trois types d’actions structurantes : – la construction d’équipements culturels d’envergure – le soutien au développement d’industries créatives ou culturelles – la festivalisation de la culture par un soutien aux manifestations culturelles événementielles et aux lieux de convivialité (Lusso, 2010).
Ici, l’Emscher Park s’étendant sur un très grand territoire, il traverse différentes communes dont chacune d’entre elle a pour mission de s’occuper de la maîtrise d’ouvrage (Lusso, 2010). Par exemple, le Parc paysager de Duisburg-Nord, ancienne usine sidérurgique, a été conservé et converti en un parcours retraçant l’histoire industrielle de la région à travers des installations artistiques et ludiques (Lusso, 2010).
L’Etat fédéré de Rhénanie-du-Nord–Westphalie achète le parc et ses structures. C’est en 1991 que le State Development Corporation achète le site pour une somme symbolique de un mark allemand et l’ancien propriétaire de l’usine, la companie Thyssen, offre 2.5 millions de dollars pour le développement du projet de parc.
Une compétition est lancée pour le réaménagement du site en un espace innovant chargé de redynamiser le territoire. L’architecte Peter Latz et son équipe sont alors engagés pour transformer le site en un parc écologique. Au fil des années, de nombreux nouveaux usages se sont développés sur le site. Le parc est ouvert au public en 1994 alors que certaines parties sont en cours de réalisation. C’est en 1996 qu’intervient l’artiste Jonathan Park dans la mise en lumière du site.
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Table des matières
I. LA MISE EN LUMIERE DES FRICHES INDUSTRIELLES
A. APPROCHE METHODOLOGIQUE
B. LA REHABILITATION DE FRICHES
1. LE SITE A L’ETAT DE FRICHE
2. LA RECONVERSION DES FRICHES COMME STRATEGIE D’AMENAGEMENT
C. L’INTERVENTION PAR LA MISE EN LUMIERE
II. ETUDE DE CAS DE MISES EN LUMIERE DE FRICHES
A. CAS D’ETUDE
1. L’ANCIENNE FRICHE MILITAIRE DU PORT DE SAINT-NAZAIRE
2. LANDSCHAFTSPARK A DUISBOURG 23 B. SYNTHESE DE CETTE ETUDE
C. ELEMENTS POUR QUE LA FRICHE RECONVERTIE SOIT UNE REUSSITE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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