Lโobjet des domaines dโรฉtude de la philosophie
ย ย La philosophie, comme nous lโavons dit en amont prรฉsente plusieurs objets aussi variรฉs que diverses. Ainsi nous allons observer quelques objets entre autres comme prรฉtexte pour enfin parler de lโobjet qui est en rapport directe avec notre thรจme en lโoccurrence lโobjet de la philosophie sociale
๏ท Lโobjet de la logique : La logique a pour objet le raisonnement. En effet, elle est une thรฉorie qui caractรฉrise la classe des arguments dรฉductifs valides en dรฉterminant si la conclusion est valide des prรฉmisses. Cโest la raison pour laquelle elle est appelรฉe la science du raisonnement. Robert Blanchรฉ dira dans son Introduction ร la logique contemporaine que : ยซ la logique est lโรฉtude des raisonnements ou infรฉrences, considรฉrรฉs du point de vue de leur validitรฉ ยป
๏ท Lโobjet de lโรฉthique : Elle a pour objet le bien et le mal dans toute leur extension. Cependant son objet est gรฉnรฉralement limitรฉ ร la seule conduite humaine alors que lโobjet propre de lโรฉthique ne se limite pas seulement ร cela ni ร ce quโil y a de bon ou de mauvais. Lโรฉthique a plutรดt pour objet comme nous venons de le souligner un peu plus haut : le bien et le mal dans toute leur รฉtendue. Bertrand Russel dira dans ses Elรฉments dโรฉthique que : lโobjet propre de lโรฉthique ne se restreint pas ร la conduite humaine, parce que ce quโil y a de bon (ou de mauvais ) dans nos actions ne rรฉside souvent pas ultimement en elle-mรชme, mais plutรดt dans leurs consรฉquences, lโobjet de lโรฉthique dรฉborde la seule condition humaine pour sโinterroger sur le bien ou le mal dans toute leur extension.
๏ท Lโobjet de la mรฉtaphysique : La mรฉtaphysique a pour objet la connaissance lโรชtre absolu comme premiรจre cause. Elle est la science de lโรชtre en tant quโรชtre.
๏ท Lโobjet de la philosophie de la connaissance : La philosophie de la connaissance est aussi thรฉorie de la connaissance ou philosophie des sciences ou encore รฉpistรฉmologie. Cependant, lโรฉpistรฉmologie en tant que discipline philosophique nโest ยซ ni une science positive de la science, ni une mรฉdecine de la science ; elle a pour but de mettre en lumiรจre la signification de lโลuvre scientifique. Cโest-ร -dire dโexpliciter des relations non immรฉdiatement apparentes entre concepts ; de discerner le rapport des connaissances parcellaires ร des totalitรฉs potentielles, peut รชtre mรชme seulement virtuelles et irrรฉalisables en fait, mais qui fournissent un moteur et donnent un sens ร la connaissance scientifique ยป21 .C โest dire en termes simples que la philosophie des sciences ou รฉpistรฉmologie est une รฉtude critique de la connaissance scientifique, de ses principes et de ses rรฉsultats.
๏ท Lโobjet de la philosophie politique : La philosophie politique est la branche de la philosophie qui รฉtudie les questions relatives aux pouvoirs politiques, ร lโรฉtat aux gouvernements, ร la loi, ร la paix, ร la justice et au bien commun entre autres. Elle est considรฉrรฉe comme une branche de la philosophie pratique ร cรดtรฉ de la philosophie du droit. La philosophie politique consiste cependant ร une rรฉflexion systรฉmatique sur la nature et les fins de la vie politique. Autrement dit, la vie sociale est une activitรฉ qui est orientรฉe vers un but tel que seule la sociรฉtรฉ peut le poursuivre ; mais, afin de poursuive un but spรฉcifique comme le but global qui est le sien, la sociรฉtรฉ doit รชtre organisรฉe, ordonnรฉe, construite, constituรฉe dโune maniรจre conforme ร ce but. Cโest en ce sens que la philosophie politique se prรฉsente comme une discipline qui se fonde sur les caractรฉristiques รฉlรฉmentaires de la condition humaine qui constituent la rรฉalitรฉ de la vie politique.
๏ท Lโobjet de la philosophie sociale : En ce qui concerne la philosophie sociale cependant, et cโest lร que nous allons le plus concentrer notre travail, son objet, sa prioritรฉ est de dรฉfinir et dโanalyser les processus dโรฉvolutions de la sociรฉtรฉ qui apparaissent comme des รฉvolutions manquรฉes ou des perturbations, cโest-ร -dire comme des pathologies sociales. En effet le processus historique de la modernitรฉ a engendrรฉ des bouleversements au sein de la sociรฉtรฉ au fur du temps, et ces bouleversements impactent directement, dโune faรงon autant positive que nรฉgative sur la sociรฉtรฉ. Dรจs lors cโest dans cette situation que la philosophie sociale intervient et se donne comme objectif de diagnostiquer, parmi les processus de dรฉveloppement social, ceux qui constituent une entrave pour les membres de la sociรฉtรฉ et rรฉduire leurs possibilitรฉs de mener โโune vie bonneโโ. Cependant bien quโelle sโappuie sur des rรฉsultats de recherches empiriques (dans ses dรฉbuts et quelque part mรชme on peut dire quโelle sโy rรฉfรจre jusquโร prรฉsent), la philosophie sociale se distingue de la sociologie. Cโest dire simplement que la philosophie sociale possรจde un domaine dโobjet qui lui est propre ainsi quโun type de questionnement autonome. La philosophie sociale sโintรฉresse avant tout ร lโรฉtude ou ร lโanalyse des problรจmes sociaux inhรฉrents ร la modernitรฉ et aux dรฉformations de la vie que Honneth appelle โโpathologies socialesโโ. Elle se caractรฉrise donc par son approche plus ou moins descriptive tout en se combinant davantage aux รฉtudes sociales empiriques pour porter un jugement critique sur la sociรฉtรฉ. Autrement dit la philosophie sociale ne se rรฉduit pas simplement ร une critique de la sociรฉtรฉ dโune maniรจre exclusivement thรฉorique mais, elle se veut en mรชme temps une philosophie pratique รฉmancipatrice qui produit des normes favorisant une โโvie sociale rรฉussieโโ. Le manquement ou la dรฉfaillance sociale qui est mise en รฉvidence par la philosophie sociale ne concerne pas les atteintes portรฉes aux principes de justice โ qui, soit dit au passage, est lโapanage de la philosophie politique en ce quโelle reste attachรฉe ร la dรฉfinition de la justice et de lโinjustice ou ร la dรฉtermination du meilleur rรฉgime politique โ mais plutรดt les contraintes qui nuisent aux conditions sociales permettant aux รชtres humains de parvenir ร leur plein รฉpanouissement. Par consรฉquent, il est clair que la philosophie sociale ne se confond ni avec la philosophie morale, ni avec la philosophie politique, encore moins avec la sociologie mรชme si elles entretiennent parfois des relations trรจs รฉtroites. Ainsi dans lโentreprise de lever dโรฉventuels รฉquivoques, Patricia Desroches dรฉcline cinq critรจres pour spรฉcifier la philosophie sociale :
1) Elle reconnaรฎt une autonomie ร la sociรฉtรฉ et ร la vie sociale, pense par consรฉquent lโidรฉe de ยซย contrainteย ยป et de ยซย rรจgle socialeย ยป, ร lโinstar de la sociologie ร laquelle elle sโapparente sans se confondre avec elle.
2) Elle sโinscrit elle-mรชme dans un contexte social et se dรฉfinit par lร mรชme comme ยซย philosophie pratiqueย ยป, en ce quโelle vise (ร la diffรฉrence de la philosophie morale et de la philosophie politique) une transformation sociale, soit ยซย pรฉdagogiquementย ยป (sachant que ยซย cโest la sociรฉtรฉ qui tient lโรฉcole et non pas lโinverseย ยป), soit en acte, avec pour horizon une sociรฉtรฉ ยซย moins maladeย ยป et plus rationnelle.
3) La philosophie sociale diagnostique ce qui ne va pas dans ce qui est,(…)
4) Elle se charge dโรฉvaluer et de critiquer lโexistant, en particulier en repรฉrant les ยซย dรฉveloppements manquรฉsย ยป de la vie en sociรฉtรฉ (selon lโexpression dโAxel Honneth), sans se soumettre pour autant ร des prรฉsupposรฉs normatifs.
5) La philosophie sociale veut identifier et dรฉsigner ses destinataires, ou encore les agents susceptibles de ยซย relayer socialement son point de vueย ยป et, en thรฉorisant ยซย un intรฉrรชt ร lโรฉmancipationย ยป (Jรผrgen Habermas), se rรฉvรจle le porte-parole des dominรฉs.
Lโorigine de la philosophie sociale
ย ย Pour connaitre lโorigine de la philosophie sociale, il faut remonter jusquโau XVIIIe siรจcle. En effet, cโest avec lโauteur Jean Jacques Rousseau que cette discipline va faire son entrรฉe dans la philosophie et prรฉcisรฉment ร travers son ลuvre du Discours sur lโinรฉgalitรฉ. Ainsi il est important de noter que, mรชme si cโest grรขce ร Rousseau que la philosophie sociale, ร proprement parler ร vue le jour, il ne faut pas perdre de vue quโ il revient ร Hobbes le privilรจge dโavoir baptisรฉ cette discipline au milieu du XVIIe siรจcle. En rรฉalitรฉ Honneth considรจre que Rousseau est le fondateur ou lโinitiateur de la philosophie sociale dans la mesure oรน il a introduit pour la premiรจre fois lโidรฉe dโune aliรฉnation de lโhomme du fait des structures propres ร la vie sociale. En dโautres termes, les rapports entre les hommes au sein de la sociรฉtรฉ civile moderne ont pour effet dโaltรฉrer le rapport de chacun ร soi-mรชme. Cโest en tout cas ce que lโon peut retenir de ces propos de Honneth lorsquโil explique la thรจse que Rousseau dรฉfendait dans sa โโ critique de la civilisationโโ selon laquelle : ยซ quand disparait le mode dโexistence naturel, caractรฉrisรฉ par la satisfaction non problรฉmatique des besoins, parce que lโhomme entre dans des relations dโinteractions rรฉguliรจres, il nโa pas dโautres choix que de voir son horizon dโaction sโextรฉrioriser ; en se voyant dรฉsormais ร travers la perspective de ses partenaires dโinteraction, il subit la contrainte permanente de devoir montrer une fausse image de lui-mรชme. Dรจs lors, la perte de libertรฉ qui caractรฉrise la modernitรฉ ainsi que la dรฉsintรฉgration progressive des vertus ne reprรฉsente plus que les deux faces dโun processus qui a son origine dans la structure dโune vie qui sโextรฉriorise : le trouble que suscite la mise en scรจne de soi conduit, de faรงon toujours croissante, ร la disparition de lโindรฉpendance individuelle (โฆ). Cโest ainsi que Rousseau peut rรฉsumer ร la fin de son traitรฉ, en une phrase devenue cรฉlรจbre, la thรจse qui sous-tend son diagnostic critique : ยซ le sauvage vit en lui-mรชme ; lโhomme sociable toujours hors de lui ne sait vivre que dans lโopinion de lโautre ยป. Dรจs lors lโinnovation apportรฉe par Rousseau dans le champ philosophique se trouvait dans sa dรฉmarche qui se distinguait en amont de celle de la philosophie politique dans la mesure oรน ce qui lui importait le plus, dans son projet, cโรฉtait de rechercher les causes de la corruption de la sociรฉtรฉ civile et non dโanalyser les conditions permettant de garantir sa stabilitรฉ. Axel Honneth dira ร ce propos que ยซ ce qui lโintรฉressait avant tout, cโรฉtait de savoir si dans lโensemble cette forme de vie contenait encore les conditions pratiques permettant aux รชtres humains de mener une vie bonne et rรฉussie. (โฆ) [ dรจs lors] ร la diffรฉrence de la philosophie politique, elle ne sโinterrogeait plus sur les conditions dโun ordre social convenable ou juste, mais elle mettait en รฉvidence les limitations que cette nouvelle forme de vie imposait ร la rรฉalisation de soi de lโhomme ยป.
La philosophie sociale moderne
ย ย A partir des annรฉes 1930, des penseurs tels que Adorno et Horkheimer, pour ne citer que ceux-lร , ont pris la relรจve de ce projet ou de cette entreprise de diagnostic de la sociรฉtรฉ. Ainsi dans leur ouvrage intitulรฉ La Dialectique de la raison ils opรจrent une pathologie qui est liรฉe ร une dictature totalitaire de certaines structures ou de certains pouvoirs sur le reste de la sociรฉtรฉ. Cette situation se justifie par le fait que, la rationalitรฉ humaine รฉtait devenue instrumentalisรฉe de telle sorte quโelle crรฉe au sein de la sociรฉtรฉ une nouvelle forme de rationalisation avec la nature dans laquelle les individus entiรจrement vidรฉs psychiquement, sont livrรฉs sans dรฉfense ร des grandes organisations qui opรจrent selon une rationalitรฉ par rapport ร une fin. Ainsi ils considรจrent la dictature totalitaire comme ยซ le point dโaboutissement dโ un processus de rationalisation qui remonte au dรฉbut de lโhistoire du genre humain [ dรจs lors pour eux] ce nโest plus la rรฉalitรฉ sociale du totalitarisme lui-mรชme, mais le processus de civilisation dans son ensemble qui reprรฉsente une forme de pathologie sociale ยป. Cependant Hannah Arendt partage avec Horkheimer et Adorno lโidรฉe de la dictature totalitaire mais elle la conรงoit dโune maniรจre plus ou moins diffรฉrente de celle de ces derniers dans la mesure oรน elle considรจre la naissance de la dictature totalitaire non pas comme le point dโaboutissement dโun quelconque processus, mais comme la consรฉquence dโune pathologie sociale qui nโa pu se dรฉvelopper quโau cลur des sociรฉtรฉs modernes. Selon elle, le dรฉveloppement fulgurant de lโindustrialisation et la structure du travail ont tendance ร rรฉduire lโespace minimum de libertรฉ dont chaque รชtre humain a besoin pour sโรฉpanouir dans la sociรฉtรฉ. En dโautres mots, la modernisation du travail qui, devient plus technique, et lโessor de lโindustrialisation constituent des pathologies car ils limitent voire annihilent la โโsphรจre dโaction garantissant la libertรฉโโ de lโindividu dans la sociรฉtรฉ moderne. Cโest la raison pour laquelle Hannah Arendt, dans son รฉtude les considรจre comme sources dโaliรฉnation dans la mesure oรน nous dit-elle : ยซ les formes dโactivitรฉ technique que sont la fabrication et le travail exercent, dans un contexte dโindustrialisation croissante, une telle emprise sur la sociรฉtรฉ quโelle risque de refouler entiรจrement la pratique de dรฉlibรฉration et de communication politique, gรฉnรฉratrice de libertรฉ [dรจs lors], le triomphe de la technique va de pair avec lโexacerbation dโune aliรฉnation gรฉnรฉralisรฉe ยป
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LโOBJET DE LA PHILOSIPHIE
CHAPITRE I : UNITE ET DIFFERENCE DE LโOBJET DE LA PHILOSOPHIE
A. Lโobjet des domaines dโรฉtude de la philosophie
B. La philosophie sociale : des origines a aujourdโhui
CHAPITRE II : LA RECONNAISSANCE : NOUVEL OBJET DE LA PHILOSOPHIE DU VINGT ET UNIEME SIECLE
A. De la production ร la communication
B. De la communication ร la lutte pour la reconnaissance
DEUXIEME PARTIE : LA RECONNAISSANCE : LIMITES ET PERSPECTIVES
CHAPITRE I : RECONNAISSANCE ET LIMITES
A. La thรฉorie de la reconnaissance de Axel Honneth
B. Les Limites de la reconnaissance dโAxel Honneth : La Critique de Nancy Fraser
CHAPITRE II : PERSPECTIVES DE LA RECONNAISSANCE
A. Nancy Fraser : La conception de la paritรฉ de participation
B. Nancy Fraser et son modรจle Dualiste
TROISIEME PARTIE : VERS UN DEPASSEMENT DE LA RECONNAISSANCE
CHAPITRE I : LA PROBLEMATIQUE DE LA DIVERSITE
A. La question de lโidentitรฉ moderne dans la sociรฉtรฉ libรฉrale
B. La problรฉmatique de la diversitรฉ culturelle
CHAPITRE II : LA GESTION DE LA DIVERSITE : LE MUTICULTURALISME
A. Quโest-ce que le multiculturalisme ?
B. Reconnaissance et intรฉgration dans le multiculturalisme
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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