La recherche abusive de satisfaction corporelle

Le bonheur est un thème majeur de l’art. Objet d’une quête personnelle ou collective, la question suscite de nombreux débats littéraires et philosophiques. Maints philosophes en font couler leur encre. Blaise PASCAL en est un. Ce français de nationalité est un génie, né à Clermont-Ferrand en 1623, fils d’Etienne Pascal (1588-1651), il perd sa mère en 1626.

« Blaise est un petit garçon qui avait des yeux brillants, un front bombé qui donne l’impression d’avoir une intelligence particulière et son père ne le mettra jamais dans une école, son père se charge seul de le façonner intellectuellement » .

Dès l’enfance, il donne des marques d’un esprit extraordinaire. En 1639, il a écrit un Essai sur les coniques. En 1642, l’invention de la calculatrice était son œuvre et il s’est mis à écrire la préface pour un Traité de vide en 1647. C’est le 23 novembre 1654 qu’il vit une expérience mystique allant l’engager dans une vie chrétienne authentique. En 1655, il effectue une retraite à Port Royal pour méditer et déployer son effort au jansénisme qui est un mouvement religieux catholique défendant la doctrine de la prédestination du salut ou de la damnation. De 1638 à1656, il s’est œuvré pour Les Provinciales (18 lettres), de 1656 à 1657, puis il a rendu l’âme le 19 août 1662, à une heure du matin avant d’avoir achevé l’Apologie de la religion chrétienne dont les fragments ont été publiés dans le titre des Pensées. Cette apologie nommée Les Pensées a pour contenu la misère et la grandeur de l’homme. L’être humain s’est égaré dans deux infinis de sorte qu’il est incapable d’atteindre la vérité. Il s’enlise dans un fin fond de puissance trompeuse à savoir : l’imagination, coutume et amour propre. L’homme éprouve une difficulté à connaître la vérité. Ce problème le force à oublier le néant cruel en se livrant à des divertissements. Cependant, à la différence de cette faiblesse, l’autre aspect de l’homme, indissociable du premier, résulte de sa pensée et de sa tendance à l’aspiration divine: sa supériorité. Cette analyse profonde de l’âme humaine, la plus préoccupante dans ce livre Les Pensées, aurait été la grande entrée de l’apologie pour donner à l’homme un ressentiment de sa double nature.

L’entendement humain se trouve dans la difficulté compréhensive face à cette ambivalence de la nature humaine. Aucun philosophe n’a donné la solution. Seule la religion chrétienne peut résoudre cette situation par la chute originelle. Certes, cette assertion théologique pourrait être en bute à la raison humaine mais Pascal veut véhiculer un message au lecteur. Cet entendement connait des limites et l’homme a intérêt à croire à l’existence divine.

C’est toujours dans cette œuvre que l’auteur prouve l’exigence de pratique saine dans l’adoration de Dieu. De ce fait, il a relevé tous les témoignages historiques et moraux dont la convergence lui paraissait établir une présomption suffisante en faveur de la religion chrétienne: prophètes, miracles, Jésus CHRIST, médiateur entre Dieu et ses créatures. C’est une apogée de sa doctrine. Pascal n’a pas oublié que c’est dans Les Pensées, les plus essentielles de l’étape qu’on doit effectuer pour transformer les connaissances en amour de Dieu, une entreprise surnaturelle. L’auteur a déployé ses efforts pour que l’homme soit croyant au monothéisme mais la conversion est une action divine.

La religion chrétienne n’empêche aucun homme de chercher le ravissement. Même les plus riches le recherchent. A cette tendance s’ajoute l’exploration du monde faite par certains rois en vue de quérir un présent et un avenir meilleurs. Ce n’est pas seulement par l’acte que les humains témoignent la nécessité de trouver le bonheur mais encore par la théorie. Ainsi, nombreux sont les philosophes eudémonistes mais Pascal prêche autrement la voie rendant les gens heureux. Son approche à la fois théologique et philosophique nous attire. De plus, sa vie étrange, étant un des savants devenu chrétien, éveille notre attention.

LA FAIBLESSE DE L’HOMME 

LA RECHERCHE ABUSIVE DE SATISFACTION CORPORELLE

A la différence des animaux, l’homme a la capacité d’explorer le monde et d’essayer de contredire sa nature. En fait, il connaît autant certaines faiblesses. Et PASCAL n’en manque pas de souligner. La recherche abusive de satisfaction corporelle et intellectuelle ainsi que le refus à la vérité s’inscrivent dans ce dire. Et pour mieux les expliciter il serait nécessaire de voir les étapes suivantes.

La recherche véhicule souvent une marque d’un vide à combler. Or l’homme est continuellement la proie de la satisfaction de ses besoins. Cette continuité excessive marque une faiblesse. Cette dernière se traduit par : « un caractère d’insuffisance en valeur, en intensité » . C’est en quelque sorte un caractère d’état de « manque de force, de vigueur physique » . Si on tient compte de l’idée véhiculée dans Les Pensées, cette quête perpétuelle de la satisfaction corporelle connote une défaillance si on ne regarde que les conséquences néfastes des actions humaines pour combler le vide. Autrement dit, l’exigence des droits suppose la nécessité de les respecter. Ce respect limite les abus relatifs à tout pouvoir. Pourtant, cette action outrancière, une fois commise, indique qu’il y a une marginalisation des autres personnes. Cette aliénation, du côté des victimes, entraine une opposition ; d’où la naissance des « guerres » et des « périls ». Ces mots sont repérés dans son texte intitulé : « le divertissement » dont voici un des passages :

Les périls, et les peines où ils s’exposent dans la cour, dans la guerre d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc.

Les mots « périls et peines » connotent vraiment l’ennui. L’exigence de besoin physiologique cause cette sagacité. L’homme, dans la peine et dans la guerre, n’est pas commandé par la raison pour ne pas gêner ou tuer leur semblable mais entrainé par son animalité voire l’instinct pour subvenir à son avidité.

Et, ce qui est pire, c’est qu’il continue ses quêtes. L’homme effectue des déplacements incessants quand il est contraint de satisfaire ses besoins physiologiques. En ce sens, Pascal fait de reproche en disant : J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre.

Cette expression connait une sagesse. Primo, on dit ici que ne pas se reposer dans la maison est une source de malheur. Le groupe de mots « vient d’une seul chose » prouve l’origine, la source. L’attitude humaine l’empêche de vivre au temps présent et qu’il cherche à y échapper. On peut dire qu’il ne pense pas vivre ce temps présent dans la mesure où il se sent toujours insatisfait ; l’expression « de ne savoir pas demeurer en repos » le montre. Le mot savoir signifie l’état de connaitre, « avoir présent à l’esprit (quelque chose qu’on a appris ou dont a été informé) » .

Mais cette action de connaitre n’aura pas eu lieu sans la pensée. C’est pour cette raison qu’on affirme auparavant que l’homme ne pense pas vivre le temps présent. Mais il préfère mieux reporter l’avenir vers la situation où il est d’où le présent. Cela se voit au moment où il passe des conditions embarrassantes. Vouloir les fuir explique la cause de ne pas prendre en compte son « repos ». Autrement dit, il ne désire pas de rester dans sa « chambre ». Même s’il y reste, son corps est présent et son esprit est ailleurs. Son corps, faible, réclame cette fuite en guise de solution. Le philosophe PASCAL, renforce encore son propos que « rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près ». La cause en est que la solution prise est provisoire du fait qu’elle calme seulement l’individu sans le guérir. C’est en quelque sorte un déguisement. Ce n’est pas un fait réel. Secundo, le fait de penser vivre dans le plaisir pour qu’on puisse oublier le malheur dénote une faiblesse et une tromperie. Si un roi, par exemple, ne pense qu’à assouvir son avidité il se trompe du fait qu’Il ne conçoit qu’à se divertir. Ce dernier verbe se traduit par s’amuser. Dans l’idée d’amusement, il y a l’idée de simulacre. Ainsi, une personne qui s’amuse est une personne qui évite la réalité. Il se divertit. En ce sens, le roi oublie qu’il est mortel. Et cette mort prochaine inévitable qu’il essaie de camoufler dans sa pensée. C’est là que surgit l’impuissance de l’homme face à la conscience de la vie éphémère du fait qu’il sollicite un passe temps pour en dépasser. En d’autres termes, il cherche une « consolation ». Voici le passage analogue à ce dire : S’il est, sans ce qu’on appelle divertissement le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.

Par cette expression, PASCAL désire bien exposer la faiblesse de l’homme qui refuse sa misérable condition : face à la peur et au néant, l’homme est impuissant, il est incapable de surpasser la grande peur de la mort et tout son comportement en va de pair. Il est condamné par une vie basée sur l’agitation et l’illusion. L’être humain prime les activités futiles et inconséquentes : les honneurs, la richesse, l’argent, le faste, le luxe ainsi que le divertissement. Il fuit l’idée de sa mort et de sa finitude en multipliant les divertissements. Mais, il se trompe en cherchant la vie de plénitude heureuse dans les simulacres de plaisir de la vie sensible et terrestre au lieu de se dévouer à Dieu.

Et la représentation de la faiblesse de l’homme n’est pas seulement cette évasion à vivre dans le temps présent pour satisfaire le besoin corporel mais encore les témoignages de son égoïsme. L’égoïsme signifie « disposition à rechercher exclusivement son plaisir et son intérêt personnel » . À travers cette définition, l’accent est mis sur le propre d’un individu. Il s’agit encore de question de corps. A cette corporalité s’affirme l’égoïsme si chacun fait ce qui lui plait. C’est une sorte de maladie dans la mesure où le gain de l’autrui peut causer l’ennui à une personne car il n’est pas en possession de ce bien. Une culture d’une telle jalousie peut affecter la relation d’un individu à un autre si on ne parle que de la recherche de richesse facilement. Dans le fragment n° 100, Pascal affirme que :

La nature de l’amour-propre et de ce moi humain est de n’aimer que soi et de ne considérer que soi.

Si on fait analogie à la religion, une fois que l’égoïsme domine, le péché s’impose aux gens voulant solliciter abusivement le plaisir charnel, de sorte que le transgresseur mette de côté les disciplines religieuses. Dans ce cas, l’égoïste veut instaurer sa loi en dépit de celle qui existe déjà. Cela encourage l’homme à voler le bien d’autrui même si les dix commandements l’interdisent. Bien que JESUS CHRIST valorise l’amour du prochain, l’égoïste persiste dans ses convictions avides. JESUS a conseillé aux hommes d’aimer les uns les aux autres pour instaurer la paix et éviter la vengeance car le respect entraine la considération. Pourtant, l’homme ne pense même qu’à son corps. Dans ce cas, on parle de l’égoïsme. L’égoïste croit obéir à lui-même. Le degré d’égoïsme caractérisant un individu n’est pas une affaire de choix personnel ou de psychologie, mais résulte de société dans laquelle un individu est placé et de la situation qu’il occupe. L’autrui est en seconde position même si on en observe. Il y a une autre optique d’apparence de cette notion de respect.

Si on examine le comportement humain dans la société, il existe un intérêt le poussant à honorer son chef. Cette tendance n’est qu’une aspiration à assouvir son corps par les biais des différents plaisirs. Pour cela, il déploie tous ses efforts pour arriver à sa fin : assurance de sa protection. Autrement dit, si cette confiance devient une affaire de son chef, il se plie sous son intérêt. Pourtant, s’il n’a pas la nécessité corporelle, il n’obéit pas à son chef. Il est en quelque sorte piégé de son désir d’être protégé. En ce sens, il a un manque à combler. Sa servilité au roi l’illustre du fait qu’il tient à sa vie (on parle de son corps.). Le fait qu’il est fidèle à son maître a pour lui un intérêt réciproque qu’il sera sûr de satisfaire son plaisir. A la tâche de trouver le besoin s’ajoute celle de satisfaction. PASCAL, dans son œuvre Opuscule affirmait que :

Ce sont ces besoins et ces désirs qui les attirent auprès de vous, et qui font qu’ils se soumettent à vous : sans cela ils ne vous regarderaient pas seulement ; mais ils espèrent, par ces services et ces déférences qu’ils vous rendent obtenir de vous quelque part de ces biens qu’ils désirent et dont ils voient que vous disposez.

Cependant, le fragment 146 dans Les Pensées décrit la morale stoïcienne. Pour les stoïciens, la quête de satisfaction corporelle doit être maîtrisée par l’abstinence du désir. SENEQUE (v. 4 av. J.-C.-65 apr. J.-C.) , philosophe, stoïcien, homme d’État et écrivain romain qui a été le précepteur de NERON et EPICTETE (v. 55-v. 135) , philosophe grec, une des principales figures du stoïcisme de l’époque impériale, fait partie des philosophes adhérant à cette doctrine courante. Ils sont également eudémonistes même s’ils se divergent dans la façon de quérir le bonheur. Epictète, par exemple, est pour la résignation d’envie dans la vie étant donné que l’être humain est libre par rapport à son opinion. Nous sommes trompés, en se référant à ses idées, si l’acquisition d’un bien nous rend satisfait car c’est sa possession qui nous a coûté cher : la peine, l’angoisse et l’anxiété avant de l’avoir. Ainsi, pour lui, il est bon de stopper même le désir de disposer, en abondance, les choses du monde même si le corps en réclame :

Le bonheur ne consiste point à acquérir et à jouir, mais à ne pas désirer. Car il consiste à être libre.

A la différence d’Epictète dénotant qu’il y a de chose qui nous dépend à savoir l’opinion, EPICURE en pratique le calcul du plaisir. A noter que jusqu’ici, la concupiscence corporelle est courant pour l’homme si on revient sur ce dernier philosophe. Son terme l’ataraxie indique l’absence de trouble. Ce qu’il veut nous renseigner à cette notion est qu’il est nécessaire d’opérer mentalement, à la fois, la peine et le gain pour être satisfait. Vaut mieux ne pas se distraire si l’effort à déployer est supérieur au gain escompté. La solution épicurienne en opte pour la privation.

Bien que cette situation se concrétise, l’activité humaine tendant à la satisfaction corporelle incessante, pour déconsidérer en face notre mort prochaine ainsi que les différents problèmes, connote une faiblesse de désavouer son existence. La question est de savoir maintenant s’il en est ainsi pour l’activité intellectuelle.

LA RECHERCHE DE LA SATISFACTION INTELLECTUELLE 

Chercher la satisfaction des besoins en faisant des va et vient incessants est le propre de l’homme. Cependant, maints gens se donnent beaucoup de la peine à vouloir trop acquérir. C’est cette façon de combler le manque intellectuel qui est l’objet de notre explication maintenant. Autrement dit, l’homme ne se contente pas de ce qui est. Il veut toujours avoir beaucoup plus de plaisir visuel. Cette recherche excessive sur le plan intellectuel assigne une faiblesse si on se réfère à l’assertion de PASCAL que nous allons développer.

Si l’être humain fait des efforts abusifs quant à la recherche de savoir en oubliant Dieu, il est faible du fait qu’il fait de l’autorité sa pensée et son imagination. Dans ce cas, les deux dernières facultés commandent la conduite humaine. On appelle imagination « une faculté qu’a l’esprit de reproduire les images d’objets déjà perçus». Et André LALANDE la définit comme : La faculté de combiner des images en tableaux ou en successions, qui illustrent les faits de la nature, mais qui ne représentent rien de réel, ni d’existant.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA FAIBLESSE DE L’HOMME
I.1 LA RECHERCHE ABUSIVE DE SATISFACTION CORPORELLE
I.2 LA RECHERCHE DE LA SATISFACTION INTELLECTUELLE
I.3 LES REFUS DE LA VERITE
DEUXIEME PARTIE : LA GRANDEUR DE L’HOMME
II.1 LA NECESSITE DE LA CONSCIENCE AU SENS OPPOSE DU BONHEUR TERRESTRE
II.2 LE CHEMIN PASCALIEN VERS LA DESTINEE NATURELLE
II.3 LA GRANDEUR DE L’HOMME
TROISIEME PARTIE : LE PARADOXE DU BONHEUR
III.1 LE ROSEAU PENSANT
III.2 LES OBSTACLES AU BONHEUR
III.3 LE NOUVEAU SENS DE LA VIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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