Lโhomme : un รชtre entre deux infinis
ย ย La question de la dรฉfinition de lโhomme a รฉtรฉ largement traitรฉe dans la religion chrรฉtienne. Dans la Bible, la rรฉflexion sur notre humanitรฉ est expliquรฉe en ces termes : ยซ Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la lune et les รฉtoiles que tu as crรฉรฉes : Quโest-ce que lโhomme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de lโhomme, pour que tu prennes garde ร lui ? Tu lโas fait de peu infรฉrieur ร Dieu, et tu lโas couronnรฉ de gloire et de magnificence. Tu lui as donnรฉ la domination sur les ลuvres de tes mains, tu as mis sous ses pieds, les brebis comme les bลufs, et les animaux des champs, les oiseaux du ciel et des poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers. ยป Ces sรฉries de questions et dโaffirmations montrent que face ร lโimmensitรฉ des choses qui lโentourent, faisant lui-mรชme partie dโune infime partie de la crรฉation divine, lโรชtre humain a vu se plier ร ses genoux toutes les choses que Dieu ร crรฉรฉes. Sa petitesse par rapport ร lโรฉtendue de la nature nโenlรจve en rien la grandeur quโon lโattribue. Ainsi, mรชme รฉtant un รชtre insignifiant de par sa taille au sein de lโUnivers, son existence et sa grandeur dโesprit justifient sa position centrale. Cette situation montre lโimportance, lโestime et la dรฉtermination avec lesquelles Dieu contemple la condition humaine. De ce fait, la vraie nature de lโhomme montre la disproportion dans laquelle celui-ci continue ร vivre. En effet, Pascal nous explique que la dรฉfinition de lโhomme, par le simple moyen dโune observation, rรฉvรจle quโil est un รชtre particulier dans et au sein de la nature. Cette particularitรฉ fait de lui un รชtre multidimensionnel, difficile ร cerner. Ainsi, le philosophe de Port-Royal propose une dรฉfinition physique et psychologique de lโhumain contrairement ร la tradition philosophique. Cette explication qui situe lโhomme par rapport ร lโespace et au temps dรฉmontre lโimmensitรฉ et lโinfinitรฉ des choses qui lโenvironnent. Ainsi il affirme : ยซ Car enfin, quโest-ce que lโhomme dans la nature ? Un nรฉant ร lโรฉgard de lโinfini, un tout ร lโรฉgard du nรฉant, un milieu entre rien et tout. Infiniment รฉloignรฉ de comprendre les extrรชmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachรฉs dans un secret impรฉnรฉtrable, รฉgalement incapable de voir le nรฉant dโoรน il est tirรฉ, et lโinfini oรน il est englouti. ยป Par consรฉquent cโest pour prouver sa disproportion que Pascal dรฉcrit celui-ci comme รฉtant un รชtre infiniment petit cherchant un รฉquilibre dans un univers infiniment grand. Il est question donc pour lui de trouver ses repรจres en essayant de chercher le juste milieu avec lequel il parviendra ร vivre de maniรจre รฉquilibrรฉe. Donc รฉtant un รชtre infiniment petit dans un espace infiniment grand, lโhomme se sent perdu et abandonnรฉ. Ce sentiment dโun homme perdu au milieu de la nature a traversรฉ toute lโhistoire de lโhumanitรฉ notamment avec la thรฉorie de lโhรฉliocentrisme. Contrairement au gรฉocentrisme de Ptolรฉmรฉe et dโAristote qui soutenait que la terre est le centre de lโunivers, la thรฉorie de lโhรฉliocentrisme avec les travaux de Copernic permet de montrer que cโest plutรดt le soleil qui est le centre de lโunivers et non la terre. Cโest ainsi Jean-Louis Schlegel รฉcrit : ยซ Ses travaux lโavaient menรฉ ร la conclusion que ce nโest pas la Terre, mais le Soleil, qui est au centre de lโUnivers, et que la Terre, comme les autres planรจtes, tourne autour du Soleil. Elle se meut aussi autour dโelle-mรชme. On passait donc du ยซ gรฉocentrisme ยป ร lโยซ hรฉliocentrisme ยปยป. Ce nouveau changement de paradigme a fait que le fondement scientifique qui faisait de lโhomme un รชtre fini dans un espace fini que soutenait lโEglise est remplacรฉ par la conception faisant de celui-ci un รชtre minuscule en perpรฉtuelle construction dans un univers infiniment grand. Cโest dโavec cette tradition scolastique qui soutenait la conception dโun monde clos, dont la terre est le centre et lโhomme le centre de la terre que Pascal rompt pour montrer que celui-ci est en face dโun univers infini. Un univers oรน lโespace et le temps se dรฉcrivent comme รฉtant illimitรฉs et oรน la terre perd son repรจre initial qui รฉtait le centre de lโunivers. Ainsi, il dรฉcrit la terre comme รฉtant : ยซ une sphรจre infinie dont le centre est partout, la circonfรฉrence nulle part.ยป Cette description montre la direction de Pascal qui vise ร bouleverser lโordre qui rรฉgit la science en prรฉsentant lโhomme comme รฉtant un รชtre entre deux infinis ร savoir lโinfiniment grand et lโinfiniment petit. Cette distance รฉloigne lโhomme du point de repรจre qui stabilise son existence et donne sens ร sa vie. Il le fait basculer dans une situation instable qui le fait vaciller dans un espace ou les deux infinis sโopposent. Cโest dans ce cadre que Pascal affirme : ยซ Voilร notre รฉtat vรฉritable. Cโest ce qui nous rend incapables de savoir certainement et dโignorer absolument. Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flottants, poussรฉs dโun bout vers lโautre. Quelque terme oรน nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte et si nous le suivons, il รฉchappe ร nos prises, nous glisse et fuit dโune fuite รฉternelle. Rien sโarrรชte pour nous. ยป En effet cette situation insupportable de lโhomme prouve quโil nโa plus de repรจre dans cet univers controversรฉ. Il montre que celui-ci se sent perdu en se rendant compte de lโimmensitรฉ de lโespace qui lโenvironne. En plus de prendre conscience de sa place dans lโunivers, lโhomme fait face ร sa petitesse par rapport ร lโUnivers. De ce fait, il se sent comme un รชtre exclu cherchant ร retrouver une place idรฉale dans le Cosmos qui lui permettra de rรฉgler sa vie. Cโest pour expliquer cette disproportion de lโhomme entre les deux infinis que Gรฉrard Granel รฉcrit : ยซ Ce texte est construit en partie double. Il contient dโabord une sorte de description de la disproportion de lโhomme. Celui-ci paraรฎt placรฉ sur un axe, si lโon peut dire, de part et dโautre duquel se distribuent deux infinis : lโinfiniment petit et lโinfiniment grand. Ainsi placรฉ entre ces deux abรฎmes, lโhomme nโa plus de proportion aux choses, il est plutรดt perdu dans lโunivers, et essentiellement disproportionnรฉ.ยป En outre, cette position minuscule de lโhomme au sein de la nature a permis ร Pascal de poser la question de la dรฉfinition de lโhomme par rapport ร lโinfini en affirmant : ยซ Quโest-ce quโun lโhomme dans lโinfini ? Mais pour lui prรฉsenter un autre prodige aussi รฉtonnant, quโil recherche dans ce quโil connaรฎt les choses les plus dรฉlicates. Quโun ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttesโฆil pensera peut-รชtre que cโest lร lโextrรชme petitesse de la natureโฆ ยป Cette dรฉfinition qui peut รชtre qualifiรฉe de biologique montre lโextrรชme petitesse de lโhomme. Elle montre que lโรชtre humain est comme composรฉ dโun ensemble dโรฉlรฉments immensรฉment petits dont la combinaison lui permettra de chercher ร sโy identifier. Pour Pascal, il est question dans cette affirmation de prouver que lโhomme se prรฉsente comme รฉtant un gรฉant par rapport ร lโinfiniment petit. Cet environnement extrรชmement rรฉduit qui entoure et sโincruste dans la vie de lโhomme est invisible ร lโลil nu. Cโest donc pour cela quโil fait une description de lโhomme allant du plus petit au plus grand รฉvรฉnement en prouvant que celui-ci renferme en lui une infinitรฉ dโรฉlรฉments aussi minuscules les uns des autres. Cette description ne laisse pas pour autant de montrer que lโordre dโรฉnumรฉration est inversรฉ par rapport ร lโagencement descriptif de lโinfiniment grand. En dรฉfinitif, lโinfiniment petit comme lโinfiniment grand montre le rapport que lโhomme entretient avec son milieu. Ce vรฉcu permet de prouver que celui-ci est un รชtre entre deux infinis totalement contraires. Ainsi il รฉcrit : ยซ La nature nous a si bien mis au milieu que si nous changeons un cotรฉ de la balance, nous changeons aussi lโautre : Je fesons, zรดa trรฉkei. Cela me fait croire quโil y a des ressorts dans notre tรชte, qui sont tellement disposรฉs que qui touche lโun touche aussi le contraire. ยป Cette affirmation montre que lโhomme รฉtant au milieu de deux infinis doit faire un effort pour รฉquilibrer et donner sens ร sa vie. Cette vie qui a horreur des excรจs brouille notre jugement vu que nos sens nโaperรงoivent rien dโextrรชme. Lโhomme est donc un รชtre qui se doit de rechercher une assurance, ร dรฉfaut de basculer vers lโexcรจs cโest – ร – dire le trop ou le trop peu. Cโest dans ce sens que Pascal รฉcrit dans le fragment intitulรฉ Disproportion de lโhomme : ยซ Nos sens nโaperรงoivent rien dโextrรชme : trop de bruit nous assourdit ; trop de lumiรจre รฉblouit ; trop de distance et trop de proximitรฉ empรชchent la vue (โฆ) Les qualitรฉs excessives nous sont ennemies, et non pas sensibles ; nous ne les sentons plus, nous les souffrons. Trop de jeunesse et trop de vieillesse empรชchent lโesprit, trop et trop peu dโinstruction ; enfin les choses extrรชmes sont pour nous comme si elles nโรฉtaient point, et nous ne sommes point ร leur รฉgard : elles nous รฉchappent, ou nous ร elles. ยป En somme, lโรฉtendu qui sรฉpare les deux infinis est telle que la possibilitรฉ de les relier se prรฉsente comme รฉtant une tรขche trรจs difficile. Cette difficultรฉ est accentuรฉe dรจs lors que lโhomme visant une stabilitรฉ entre ses deux infinis se trouve prisonnier du rapport de force qui est rรฉgi entre eux. Cependant, il nโest pas impossible de joindre ces deux extrรฉmitรฉs. Cette entreprise de rรฉsolution dialectique entre lโinfini et le fini, le trop et le trop peu pourra bel et bien sโaccomplir. Mais il est important de prรฉciser que cette relation ne sera effective quโen Dieu. Pour Pascal, Dieu รฉtant le commencement et la fin de toute chose, il est lโEtre par excellence qui permettra ร lโhomme de rรฉsoudre tous ces problรจmes. La solution ร tout problรจme et la rรฉponse ร toute interrogation ne peuvent รชtre satisfaites quโen faisant recours ร Dieu. Il en va de mรชme pour le gouffre sรฉparant lโinfiniment grand de lโinfiniment petit. Seul Dieu, par lโintermรฉdiaire de Jรฉsus Christ, peut permettre ร lโhomme de dรฉpasser ce problรจme. En guise dโexemple, Pascal faisant la synthรจse des deux infinis montre la complรฉmentaritรฉ qui existe entre celle-ci. Ainsi il affirme : ยซ Lโรฉtendue visible du monde nous surpasse visiblement ; mais comme cโest nous qui surpassons les petites choses, nous nous croyons plus de les possรฉder, et cependant il ne faut pas moins de capacitรฉ pour aller jusquโau nรฉant et jusquโau tout ; il la faut infinie pour lโun et lโautre ; et il me semble que qui aurait compris les derniers principes des choses pourrait aussi arriver jusquโร connaรฎtre lโinfini. Lโun dรฉpend de lโautre, et lโun conduit ร lโautre. Ces extrรฉmitรฉs se touchent et se rรฉunissent en Dieu, et en Dieu seulement. ยป Cette analyse montre que face ร lโรฉtonnement de lโimmensitรฉ des choses qui lโenveloppe lโhomme est conscient que celle-ci le dรฉpasse. Il reconnaรฎt que ce paradoxe ne peut รชtre surmontรฉ quโen faisant recours ร un รชtre supรฉrieur. Cet รชtre supรฉrieur qui a le plein pouvoir de dรฉpasser la complexitรฉ de ce rapport, cโest Dieu. Cโest donc en Dieu que lโhomme se trouve capable de rรฉunir lโinfiniment grand et lโinfiniment petit pour les prรฉsenter comme deux extrรฉmitรฉs ne se touchant quโen lui. Cette rรฉunion de deux extrรชmes en Dieu nโest rien dโautre que la solution dรฉfinitive ร la sรฉparation radicale entre lโexistence et le nรฉant.
Jรฉsus-Christ : Le dรฉnouement du paradoxe humain
ย ย La misรจre et la grandeur sont deux concepts permettant ร lโhomme de se connaรฎtre. Il est donnรฉ ร celui-ci la capacitรฉ ร sโinterroger sur sa propre personne mais aussi ร se questionner sur ce qui lui est extรฉrieur. Ces deux directions de la pensรฉe humaine a permis de comprendre que lโessentiel de ses prรฉoccupations dรฉpasse de loin sa capacitรฉ ร apporter de rรฉponses valables. Cโest pour cela que lโhomme cherchant ร se redรฉcouvrir se tourne vers dโautres perspectives qui diffรฉrent de la production rationnelle. Cโest dans ce cadre que le Pape Jean Paulย รฉcrit : ยซ Ces questions ont une source commune : la quรชte de sens qui depuis toujours est pressante dans le cลur de lโhomme, car de la rรฉponse ร ces questions dรฉpend lโorientation ร donner ร lโexistence.ยป Cette affirmation montre que le dรฉsir de connaรฎtre est inscrite dans lโesprit de lโhomme car cโest ce qui lui permettra de comprendre sa vie. Ainsi lร oรน sa raison ne peut pas percer le mystรจre, lโhomme se tourne vers lโexplication quโapporte la religion. De ce fait, il constate que lร oรน la pensรฉe rencontre dโรฉnormes difficultรฉs ร produire un raisonnement logique et cohรฉrent la religion, elle, parvient ร dรฉnouer la complexitรฉ des problรจmes de maniรจre admirable. Cโest ce qui fait quโรฉtant conscient de son imperfection, lโhomme ressent la nรฉcessitรฉ de se tourner vers une explication infaillible en sโinterrogeant sur les mystรจres de la religion. Pour Pascal, la raison prรฉsente des limites dans sa capacitรฉ ร apprรฉhender et ร expliquer les interrogations que lui soumet la religion. Cโest ce qui a permis ร Kant dโรฉcrire : ยซ Jโai donc dรป supprimer le savoir pour lui substituer la croyance.ยป Cette analyse de Kant montre que quand la raison essaie de rรฉsoudre le paradoxe de la nature humaine en sโinterrogeant sur les problรจmes surnaturels, elle se rend compte des difficultรฉs quโelle rencontre. Cโest pour cela que la solution ร cette contradiction qui subsiste entre la misรจre et la grandeur relรจve pour Pascal de lโordre de la foi plus que celle de la raison. Ainsi avec la question du grand mystรจre de la crรฉation de lโunivers, la croyance ร un รชtre supรฉrieur devient dรจs lors un acte de soumission ร lโordre divin qui rรฉgit le monde. Pour saisir le dรฉnouement du paradoxe humain, il est nรฉcessaire de remonter jusquโau mystรจre du pรฉchรฉ originel. Ce dogme fondamental dans la religion chrรฉtienne montre ร quel point lโhomme est dรฉchu et rรฉtrogradรฉ de sa position initiale qui est la bontรฉ et le respect des recommandations divines. Cโest dans ce cadre que Pascal รฉcrit : ยซ Lโhomme ne sait ร quel rang se mettre. Il est visiblement รฉgarรฉ, et tombรฉ de son vrai lieu sans pouvoir le retrouver. Il le recherche partout avec inquiรฉtude et sans succรจs dans des tรฉnรจbres impรฉnรฉtrables. ยป Il est important de savoir que pour comprendre la vรฉritable nature de lโhomme il faut dโabord connaรฎtre dโoรน provient son caractรจres ร sโรฉlever vers les plus grandes vertus mais aussi ร basculer dans les plus profondes bassesses. Ainsi sans lโexplication du Pรฉchรฉ originel la comprรฉhension de la nature humaine devient dรจs lors une recherche vouรฉe ร lโรฉchec. Cโest pour cela que Pascal รฉcrit : ยซ Chose รฉtonnante, cependant, que le mystรจre le plus รฉloignรฉ de notre connaissance, qui est celui de la transmission du pรฉchรฉ, soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mรชme ! (โฆ) Le nลud de notre condition prend ses replis et ses contours dans cette abรฎme, de sorte que lโhomme est plus inconcevable sans ce mystรจre que ce mystรจre nโest inconcevable ร lโhomme. ยป Le Pรฉchรฉ originel est donc la cause principale de la nature controversรฉe de lโรชtre humain. En effet comme le relatent les textes sacrรฉs (Torah, Bible, Coran) lโhomme qui vivait dans un รฉtat de grandeur et de puretรฉ immaculรฉe cโest vu aprรจs avoir cรฉdรฉ ร la tentation, quโil a basculรฉ dans une vie de misรจre et de bassesse. Dรจs lors son vรฉcu devient une รฉpreuve ou les obstacles et les plaisirs du corps le contraignent ร se battre pour se plier aux recommandations divines. Ce dogme religieux qui fonde mรชme la nature de lโhomme montre ร quel point celui est un รชtre double et confus entre le bien et le mal.
La raison et le cลur dans la connaissance
ย ย Dโabord, il est important de savoir que la raison est un outil mental, une facultรฉ par laquelle lโhomme sโinterroge, exerce son jugement et รฉtablit une connaissance. Elle est une disposition nรฉcessaire dans la recherche de la vรฉritรฉ aussi bien scientifique que religieuse. En philosophie, la raison est considรฉrรฉe comme le moyen permettant de faire la part des choses en distinguant le vrai dโavec le faux. Cโest dans ce sens que des philosophes comme Descartes pense quโil nโest plus question de se rรฉfรฉrer aux discours dogmatiques, ou aux raisonnements imaginaires et spรฉculatifs pour connaitre la vรฉritรฉ mais plutรดt faire confiance ร la construction et ร la production rationnelle. Ainsi, nous voyons que lโimportance quโa la raison dans lโimpรฉrieuse fonction de saisir la vรฉritรฉ est surtout appuyรฉe par les rationalistes dogmatiques qui jugent que celle-ci a un pouvoir absolu de connaissance. Pour eux, la raison peut produire de la connaissance aussi bien dans le domaine de la science que dans le domaine de la religion. Nรฉanmoins cette thรจse est remise en cause par Pascal qui met en garde contre lโutilisation dรฉmesurรฉe et exclusive de la raison. Il pense que la raison รฉtant limitรฉe doit รฉviter de sโaventurer dans le champ du surnaturel. Certes dans la religion lโinterpellation de la raison est nรฉcessaire parce que permettant dโexpliquer et dโรฉclaircir certains points cependant son incapacitรฉ ร รฉlucider le mystรจre reste trรจs flagrante. Dans cette optique Pascal dรฉclare : ยซ Si on soumet tout ร la raison, notre religion nโaura rien de mystรฉrieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule.ยป Cette idรฉe est porteuse des germes dโune longue dispute entre Descartes et Pascal. Considรฉrรฉ comme le pรจre du rationalisme moderne, Descartes donne ร la raison la possibilitรฉ de tout connaรฎtre y compris la question de Dieu. Il dรฉclare quโ il nโy a rien que lโhomme ne puisse connaรฎtre sโil conduit sa raison par ordre. Pascal sโoppose ร cette position qui donne ร la raison la pleine puissance de tout savoir. Il dรฉclare que lโusage excessif de la raison peut mener ร dรฉnaturer la vรฉritรฉ dans la religion chrรฉtienne. Cโest pour cela quโil pense que Descartes ne fait quโutiliser Dieu pour prouver la puissance de la raison et justifier la validitรฉ et lโinfaillibilitรฉ de sa mรฉthode. Ainsi il rejette la raison comme la seule facultรฉ qui prรฉtend atteindre la vรฉritรฉ et montre que la coutume et surtout la foi qui est dโune dimension supรฉrieur peut satisfaire lโhomme dans sa quรชte perpรฉtuelle dโune vรฉritรฉ divine. Cโest ce qui pousse Pascal ร รฉcrire : ยซ Je ne puis pardonner ร Descartes ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il nโa pu sโempรชcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement aprรจs cela, il nโa plus que faire de Dieu.ยป Selon Pascal, la raison peut รชtre dรฉfinie suivant deux sens. Dโabord elle peut รชtre prise comme รฉtant une capacitรฉ de lโesprit ร avoir une puissance de raisonner pour obtenir des rรฉsultats logiques et cohรฉrents en partant des principes. Ensuite elle peut signifier lโensemble des moyens c’est-ร -dire argument, analyse, dรฉduction, justification, conclusion dรฉrivant dโun fait. Cโest ce dernier sens que Pascal appelle la raison des effets. Cโest dans cette logique que la raison dans toute sa plรฉnitude sโaffirme en tant que principe universel en ce quโelle est la facultรฉ productive et intellectuelle de lโhomme. Elle est lโinstrument propre ร lโรชtre humain qui a la capacitรฉ de soumettre ร lโinspection toute chose qui se prรฉsente ร elle. Sa dimension dรฉterminant la nature humaine fait dโelle un dispositif principiel commun ร tous les hommes. Cโest dans ce sens que Descartes รฉcrit dans le Discours de la mรฉthode que : ยซ Le bon sens est la chose du monde la mieux partagรฉe ; car chacun pense รชtre si bien dรฉpourvu que ceux mรชme qui sont les plus difficiles ร contenter en toute autre chose nโont point coutume dโen dรฉsirer plus quโils en ont ยป. Cette affirmation montre que la raison permet ร lโhomme de se connaรฎtre et de faire connaรฎtre son environnement, mais aussi fait appelle ร la mรฉthode quโelle doit suivre pour รชtre efficace dans sa recherche de vรฉritรฉ. Pour critiquer cette mรฉthode de Descartes qui considรจre la raison comme seule source dรฉterminante de la connaissance Pascal รฉcrit quโ : ยซ Il faut savoir douter oรน il faut, assurer oรน il faut, en se soumettant oรน il faut. Qui ne fait pas ainsi nโentend pas la force de la raison. Il y en a qui faillent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme dรฉmonstratif, manque de se connaitre en dรฉmonstration ; ou en se soumettant en tout, manque de savoir oรน il faut juger.ยป Cette proposition montre que la raison est valorisรฉe et non surestimรฉe mais aussi quโil faut lโemployer convenablement. Il faut trouver le moment et lieu appropriรฉ pour lโappliquer afin dโen tirer le meilleur rรฉsultat. Elle doit donc รชtre utilisรฉe de maniรจre prรฉcise suivant les interrogations et les attentes qui se prรฉsentent devant elle.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA REDรFINITION DE LโHOMME DANS LโAPOLOGIE
I/ LโHOMME : UN รTRE ENTRE DEUX INFINIS
II/ LE PARADOXE DE LA NATURE HUMAINE
III/ JรSUS-CHRIST : LE DรNOUEMENT DU PARADOXE HUMAIN
CHAPITRE II : DES MOYENS DE CROIRE
I/ LA COUTUME COMME PREMIER PRINCIPE NATUREL
II/ LA RAISON ET LE CลUR DANS LA CONNAISSANCE
III/ LA FOI OU LA GRรCE UN DON DE DIEU
CHAPITRE III : LA QUESTION DE DIEU
I/ LA RECHERCHE DE DIEU
II/ LโAPOLOGIE COMME HERMENEUTIQUE
III/ LE THรOCENTRISME PASCALIEN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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