LA RAISON ET LA FOI CHEZ PASCAL

Lโ€™homme : un รชtre entre deux infinis

ย  ย La question de la dรฉfinition de lโ€™homme a รฉtรฉ largement traitรฉe dans la religion chrรฉtienne. Dans la Bible, la rรฉflexion sur notre humanitรฉ est expliquรฉe en ces termes : ยซ Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la lune et les รฉtoiles que tu as crรฉรฉes : Quโ€™est-ce que lโ€™homme, pour que tu te souviennes de lui ? Et le fils de lโ€™homme, pour que tu prennes garde ร  lui ? Tu lโ€™as fait de peu infรฉrieur ร  Dieu, et tu lโ€™as couronnรฉ de gloire et de magnificence. Tu lui as donnรฉ la domination sur les ล“uvres de tes mains, tu as mis sous ses pieds, les brebis comme les bล“ufs, et les animaux des champs, les oiseaux du ciel et des poissons de la mer, tout ce qui parcourt les sentiers des mers. ยป Ces sรฉries de questions et dโ€™affirmations montrent que face ร  lโ€™immensitรฉ des choses qui lโ€™entourent, faisant lui-mรชme partie dโ€™une infime partie de la crรฉation divine, lโ€™รชtre humain a vu se plier ร  ses genoux toutes les choses que Dieu ร  crรฉรฉes. Sa petitesse par rapport ร  lโ€™รฉtendue de la nature nโ€™enlรจve en rien la grandeur quโ€™on lโ€™attribue. Ainsi, mรชme รฉtant un รชtre insignifiant de par sa taille au sein de lโ€™Univers, son existence et sa grandeur dโ€™esprit justifient sa position centrale. Cette situation montre lโ€™importance, lโ€™estime et la dรฉtermination avec lesquelles Dieu contemple la condition humaine. De ce fait, la vraie nature de lโ€™homme montre la disproportion dans laquelle celui-ci continue ร  vivre. En effet, Pascal nous explique que la dรฉfinition de lโ€™homme, par le simple moyen dโ€™une observation, rรฉvรจle quโ€™il est un รชtre particulier dans et au sein de la nature. Cette particularitรฉ fait de lui un รชtre multidimensionnel, difficile ร  cerner. Ainsi, le philosophe de Port-Royal propose une dรฉfinition physique et psychologique de lโ€™humain contrairement ร  la tradition philosophique. Cette explication qui situe lโ€™homme par rapport ร  lโ€™espace et au temps dรฉmontre lโ€™immensitรฉ et lโ€™infinitรฉ des choses qui lโ€™environnent. Ainsi il affirme : ยซ Car enfin, quโ€™est-ce que lโ€™homme dans la nature ? Un nรฉant ร  lโ€™รฉgard de lโ€™infini, un tout ร  lโ€™รฉgard du nรฉant, un milieu entre rien et tout. Infiniment รฉloignรฉ de comprendre les extrรชmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachรฉs dans un secret impรฉnรฉtrable, รฉgalement incapable de voir le nรฉant dโ€™oรน il est tirรฉ, et lโ€™infini oรน il est englouti. ยป Par consรฉquent cโ€™est pour prouver sa disproportion que Pascal dรฉcrit celui-ci comme รฉtant un รชtre infiniment petit cherchant un รฉquilibre dans un univers infiniment grand. Il est question donc pour lui de trouver ses repรจres en essayant de chercher le juste milieu avec lequel il parviendra ร  vivre de maniรจre รฉquilibrรฉe. Donc รฉtant un รชtre infiniment petit dans un espace infiniment grand, lโ€™homme se sent perdu et abandonnรฉ. Ce sentiment dโ€™un homme perdu au milieu de la nature a traversรฉ toute lโ€™histoire de lโ€™humanitรฉ notamment avec la thรฉorie de lโ€™hรฉliocentrisme. Contrairement au gรฉocentrisme de Ptolรฉmรฉe et dโ€™Aristote qui soutenait que la terre est le centre de lโ€™univers, la thรฉorie de lโ€™hรฉliocentrisme avec les travaux de Copernic permet de montrer que cโ€™est plutรดt le soleil qui est le centre de lโ€™univers et non la terre. Cโ€™est ainsi Jean-Louis Schlegel รฉcrit : ยซ Ses travaux lโ€™avaient menรฉ ร  la conclusion que ce nโ€™est pas la Terre, mais le Soleil, qui est au centre de lโ€™Univers, et que la Terre, comme les autres planรจtes, tourne autour du Soleil. Elle se meut aussi autour dโ€™elle-mรชme. On passait donc du ยซ gรฉocentrisme ยป ร  lโ€™ยซ hรฉliocentrisme ยปยป. Ce nouveau changement de paradigme a fait que le fondement scientifique qui faisait de lโ€™homme un รชtre fini dans un espace fini que soutenait lโ€™Eglise est remplacรฉ par la conception faisant de celui-ci un รชtre minuscule en perpรฉtuelle construction dans un univers infiniment grand. Cโ€™est dโ€™avec cette tradition scolastique qui soutenait la conception dโ€™un monde clos, dont la terre est le centre et lโ€™homme le centre de la terre que Pascal rompt pour montrer que celui-ci est en face dโ€™un univers infini. Un univers oรน lโ€™espace et le temps se dรฉcrivent comme รฉtant illimitรฉs et oรน la terre perd son repรจre initial qui รฉtait le centre de lโ€™univers. Ainsi, il dรฉcrit la terre comme รฉtant : ยซ une sphรจre infinie dont le centre est partout, la circonfรฉrence nulle part.ยป Cette description montre la direction de Pascal qui vise ร  bouleverser lโ€™ordre qui rรฉgit la science en prรฉsentant lโ€™homme comme รฉtant un รชtre entre deux infinis ร  savoir lโ€™infiniment grand et lโ€™infiniment petit. Cette distance รฉloigne lโ€™homme du point de repรจre qui stabilise son existence et donne sens ร  sa vie. Il le fait basculer dans une situation instable qui le fait vaciller dans un espace ou les deux infinis sโ€™opposent. Cโ€™est dans ce cadre que Pascal affirme : ยซ Voilร  notre รฉtat vรฉritable. Cโ€™est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et dโ€™ignorer absolument. Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flottants, poussรฉs dโ€™un bout vers lโ€™autre. Quelque terme oรน nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte et si nous le suivons, il รฉchappe ร  nos prises, nous glisse et fuit dโ€™une fuite รฉternelle. Rien sโ€™arrรชte pour nous. ยป En effet cette situation insupportable de lโ€™homme prouve quโ€™il nโ€™a plus de repรจre dans cet univers controversรฉ. Il montre que celui-ci se sent perdu en se rendant compte de lโ€™immensitรฉ de lโ€™espace qui lโ€™environne. En plus de prendre conscience de sa place dans lโ€™univers, lโ€™homme fait face ร  sa petitesse par rapport ร  lโ€™Univers. De ce fait, il se sent comme un รชtre exclu cherchant ร  retrouver une place idรฉale dans le Cosmos qui lui permettra de rรฉgler sa vie. Cโ€™est pour expliquer cette disproportion de lโ€™homme entre les deux infinis que Gรฉrard Granel รฉcrit : ยซ Ce texte est construit en partie double. Il contient dโ€™abord une sorte de description de la disproportion de lโ€™homme. Celui-ci paraรฎt placรฉ sur un axe, si lโ€™on peut dire, de part et dโ€™autre duquel se distribuent deux infinis : lโ€™infiniment petit et lโ€™infiniment grand. Ainsi placรฉ entre ces deux abรฎmes, lโ€™homme nโ€™a plus de proportion aux choses, il est plutรดt perdu dans lโ€™univers, et essentiellement disproportionnรฉ.ยป En outre, cette position minuscule de lโ€™homme au sein de la nature a permis ร  Pascal de poser la question de la dรฉfinition de lโ€™homme par rapport ร  lโ€™infini en affirmant : ยซ Quโ€™est-ce quโ€™un lโ€™homme dans lโ€™infini ? Mais pour lui prรฉsenter un autre prodige aussi รฉtonnant, quโ€™il recherche dans ce quโ€™il connaรฎt les choses les plus dรฉlicates. Quโ€™un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttesโ€ฆil pensera peut-รชtre que cโ€™est lร  lโ€™extrรชme petitesse de la natureโ€ฆ ยป Cette dรฉfinition qui peut รชtre qualifiรฉe de biologique montre lโ€™extrรชme petitesse de lโ€™homme. Elle montre que lโ€™รชtre humain est comme composรฉ dโ€™un ensemble dโ€™รฉlรฉments immensรฉment petits dont la combinaison lui permettra de chercher ร  sโ€™y identifier. Pour Pascal, il est question dans cette affirmation de prouver que lโ€™homme se prรฉsente comme รฉtant un gรฉant par rapport ร  lโ€™infiniment petit. Cet environnement extrรชmement rรฉduit qui entoure et sโ€™incruste dans la vie de lโ€™homme est invisible ร  lโ€™ล“il nu. Cโ€™est donc pour cela quโ€™il fait une description de lโ€™homme allant du plus petit au plus grand รฉvรฉnement en prouvant que celui-ci renferme en lui une infinitรฉ dโ€™รฉlรฉments aussi minuscules les uns des autres. Cette description ne laisse pas pour autant de montrer que lโ€™ordre dโ€™รฉnumรฉration est inversรฉ par rapport ร  lโ€™agencement descriptif de lโ€™infiniment grand. En dรฉfinitif, lโ€™infiniment petit comme lโ€™infiniment grand montre le rapport que lโ€™homme entretient avec son milieu. Ce vรฉcu permet de prouver que celui-ci est un รชtre entre deux infinis totalement contraires. Ainsi il รฉcrit : ยซ La nature nous a si bien mis au milieu que si nous changeons un cotรฉ de la balance, nous changeons aussi lโ€™autre : Je fesons, zรดa trรฉkei. Cela me fait croire quโ€™il y a des ressorts dans notre tรชte, qui sont tellement disposรฉs que qui touche lโ€™un touche aussi le contraire. ยป Cette affirmation montre que lโ€™homme รฉtant au milieu de deux infinis doit faire un effort pour รฉquilibrer et donner sens ร  sa vie. Cette vie qui a horreur des excรจs brouille notre jugement vu que nos sens nโ€™aperรงoivent rien dโ€™extrรชme. Lโ€™homme est donc un รชtre qui se doit de rechercher une assurance, ร  dรฉfaut de basculer vers lโ€™excรจs cโ€™est – ร  – dire le trop ou le trop peu. Cโ€™est dans ce sens que Pascal รฉcrit dans le fragment intitulรฉ Disproportion de lโ€™homme : ยซ Nos sens nโ€™aperรงoivent rien dโ€™extrรชme : trop de bruit nous assourdit ; trop de lumiรจre รฉblouit ; trop de distance et trop de proximitรฉ empรชchent la vue (โ€ฆ) Les qualitรฉs excessives nous sont ennemies, et non pas sensibles ; nous ne les sentons plus, nous les souffrons. Trop de jeunesse et trop de vieillesse empรชchent lโ€™esprit, trop et trop peu dโ€™instruction ; enfin les choses extrรชmes sont pour nous comme si elles nโ€™รฉtaient point, et nous ne sommes point ร  leur รฉgard : elles nous รฉchappent, ou nous ร  elles. ยป En somme, lโ€™รฉtendu qui sรฉpare les deux infinis est telle que la possibilitรฉ de les relier se prรฉsente comme รฉtant une tรขche trรจs difficile. Cette difficultรฉ est accentuรฉe dรจs lors que lโ€™homme visant une stabilitรฉ entre ses deux infinis se trouve prisonnier du rapport de force qui est rรฉgi entre eux. Cependant, il nโ€™est pas impossible de joindre ces deux extrรฉmitรฉs. Cette entreprise de rรฉsolution dialectique entre lโ€™infini et le fini, le trop et le trop peu pourra bel et bien sโ€™accomplir. Mais il est important de prรฉciser que cette relation ne sera effective quโ€™en Dieu. Pour Pascal, Dieu รฉtant le commencement et la fin de toute chose, il est lโ€™Etre par excellence qui permettra ร  lโ€™homme de rรฉsoudre tous ces problรจmes. La solution ร  tout problรจme et la rรฉponse ร  toute interrogation ne peuvent รชtre satisfaites quโ€™en faisant recours ร  Dieu. Il en va de mรชme pour le gouffre sรฉparant lโ€™infiniment grand de lโ€™infiniment petit. Seul Dieu, par lโ€™intermรฉdiaire de Jรฉsus Christ, peut permettre ร  lโ€™homme de dรฉpasser ce problรจme. En guise dโ€™exemple, Pascal faisant la synthรจse des deux infinis montre la complรฉmentaritรฉ qui existe entre celle-ci. Ainsi il affirme : ยซ Lโ€™รฉtendue visible du monde nous surpasse visiblement ; mais comme cโ€™est nous qui surpassons les petites choses, nous nous croyons plus de les possรฉder, et cependant il ne faut pas moins de capacitรฉ pour aller jusquโ€™au nรฉant et jusquโ€™au tout ; il la faut infinie pour lโ€™un et lโ€™autre ; et il me semble que qui aurait compris les derniers principes des choses pourrait aussi arriver jusquโ€™ร  connaรฎtre lโ€™infini. Lโ€™un dรฉpend de lโ€™autre, et lโ€™un conduit ร  lโ€™autre. Ces extrรฉmitรฉs se touchent et se rรฉunissent en Dieu, et en Dieu seulement. ยป Cette analyse montre que face ร  lโ€™รฉtonnement de lโ€™immensitรฉ des choses qui lโ€™enveloppe lโ€™homme est conscient que celle-ci le dรฉpasse. Il reconnaรฎt que ce paradoxe ne peut รชtre surmontรฉ quโ€™en faisant recours ร  un รชtre supรฉrieur. Cet รชtre supรฉrieur qui a le plein pouvoir de dรฉpasser la complexitรฉ de ce rapport, cโ€™est Dieu. Cโ€™est donc en Dieu que lโ€™homme se trouve capable de rรฉunir lโ€™infiniment grand et lโ€™infiniment petit pour les prรฉsenter comme deux extrรฉmitรฉs ne se touchant quโ€™en lui. Cette rรฉunion de deux extrรชmes en Dieu nโ€™est rien dโ€™autre que la solution dรฉfinitive ร  la sรฉparation radicale entre lโ€™existence et le nรฉant.

Jรฉsus-Christ : Le dรฉnouement du paradoxe humain

ย  ย La misรจre et la grandeur sont deux concepts permettant ร  lโ€™homme de se connaรฎtre. Il est donnรฉ ร  celui-ci la capacitรฉ ร  sโ€™interroger sur sa propre personne mais aussi ร  se questionner sur ce qui lui est extรฉrieur. Ces deux directions de la pensรฉe humaine a permis de comprendre que lโ€™essentiel de ses prรฉoccupations dรฉpasse de loin sa capacitรฉ ร  apporter de rรฉponses valables. Cโ€™est pour cela que lโ€™homme cherchant ร  se redรฉcouvrir se tourne vers dโ€™autres perspectives qui diffรฉrent de la production rationnelle. Cโ€™est dans ce cadre que le Pape Jean Paulย  รฉcrit : ยซ Ces questions ont une source commune : la quรชte de sens qui depuis toujours est pressante dans le cล“ur de lโ€™homme, car de la rรฉponse ร  ces questions dรฉpend lโ€™orientation ร  donner ร  lโ€™existence.ยป Cette affirmation montre que le dรฉsir de connaรฎtre est inscrite dans lโ€™esprit de lโ€™homme car cโ€™est ce qui lui permettra de comprendre sa vie. Ainsi lร  oรน sa raison ne peut pas percer le mystรจre, lโ€™homme se tourne vers lโ€™explication quโ€™apporte la religion. De ce fait, il constate que lร  oรน la pensรฉe rencontre dโ€™รฉnormes difficultรฉs ร  produire un raisonnement logique et cohรฉrent la religion, elle, parvient ร  dรฉnouer la complexitรฉ des problรจmes de maniรจre admirable. Cโ€™est ce qui fait quโ€™รฉtant conscient de son imperfection, lโ€™homme ressent la nรฉcessitรฉ de se tourner vers une explication infaillible en sโ€™interrogeant sur les mystรจres de la religion. Pour Pascal, la raison prรฉsente des limites dans sa capacitรฉ ร  apprรฉhender et ร  expliquer les interrogations que lui soumet la religion. Cโ€™est ce qui a permis ร  Kant dโ€™รฉcrire : ยซ Jโ€™ai donc dรป supprimer le savoir pour lui substituer la croyance.ยป Cette analyse de Kant montre que quand la raison essaie de rรฉsoudre le paradoxe de la nature humaine en sโ€™interrogeant sur les problรจmes surnaturels, elle se rend compte des difficultรฉs quโ€™elle rencontre. Cโ€™est pour cela que la solution ร  cette contradiction qui subsiste entre la misรจre et la grandeur relรจve pour Pascal de lโ€™ordre de la foi plus que celle de la raison. Ainsi avec la question du grand mystรจre de la crรฉation de lโ€™univers, la croyance ร  un รชtre supรฉrieur devient dรจs lors un acte de soumission ร  lโ€™ordre divin qui rรฉgit le monde. Pour saisir le dรฉnouement du paradoxe humain, il est nรฉcessaire de remonter jusquโ€™au mystรจre du pรฉchรฉ originel. Ce dogme fondamental dans la religion chrรฉtienne montre ร  quel point lโ€™homme est dรฉchu et rรฉtrogradรฉ de sa position initiale qui est la bontรฉ et le respect des recommandations divines. Cโ€™est dans ce cadre que Pascal รฉcrit : ยซ Lโ€™homme ne sait ร  quel rang se mettre. Il est visiblement รฉgarรฉ, et tombรฉ de son vrai lieu sans pouvoir le retrouver. Il le recherche partout avec inquiรฉtude et sans succรจs dans des tรฉnรจbres impรฉnรฉtrables. ยป Il est important de savoir que pour comprendre la vรฉritable nature de lโ€™homme il faut dโ€™abord connaรฎtre dโ€™oรน provient son caractรจres ร  sโ€™รฉlever vers les plus grandes vertus mais aussi ร  basculer dans les plus profondes bassesses. Ainsi sans lโ€™explication du Pรฉchรฉ originel la comprรฉhension de la nature humaine devient dรจs lors une recherche vouรฉe ร  lโ€™รฉchec. Cโ€™est pour cela que Pascal รฉcrit : ยซ Chose รฉtonnante, cependant, que le mystรจre le plus รฉloignรฉ de notre connaissance, qui est celui de la transmission du pรฉchรฉ, soit une chose sans laquelle nous ne pouvons avoir aucune connaissance de nous-mรชme ! (โ€ฆ) Le nล“ud de notre condition prend ses replis et ses contours dans cette abรฎme, de sorte que lโ€™homme est plus inconcevable sans ce mystรจre que ce mystรจre nโ€™est inconcevable ร  lโ€™homme. ยป Le Pรฉchรฉ originel est donc la cause principale de la nature controversรฉe de lโ€™รชtre humain. En effet comme le relatent les textes sacrรฉs (Torah, Bible, Coran) lโ€™homme qui vivait dans un รฉtat de grandeur et de puretรฉ immaculรฉe cโ€™est vu aprรจs avoir cรฉdรฉ ร  la tentation, quโ€™il a basculรฉ dans une vie de misรจre et de bassesse. Dรจs lors son vรฉcu devient une รฉpreuve ou les obstacles et les plaisirs du corps le contraignent ร  se battre pour se plier aux recommandations divines. Ce dogme religieux qui fonde mรชme la nature de lโ€™homme montre ร  quel point celui est un รชtre double et confus entre le bien et le mal.

La raison et le cล“ur dans la connaissance

ย  ย Dโ€™abord, il est important de savoir que la raison est un outil mental, une facultรฉ par laquelle lโ€™homme sโ€™interroge, exerce son jugement et รฉtablit une connaissance. Elle est une disposition nรฉcessaire dans la recherche de la vรฉritรฉ aussi bien scientifique que religieuse. En philosophie, la raison est considรฉrรฉe comme le moyen permettant de faire la part des choses en distinguant le vrai dโ€™avec le faux. Cโ€™est dans ce sens que des philosophes comme Descartes pense quโ€™il nโ€™est plus question de se rรฉfรฉrer aux discours dogmatiques, ou aux raisonnements imaginaires et spรฉculatifs pour connaitre la vรฉritรฉ mais plutรดt faire confiance ร  la construction et ร  la production rationnelle. Ainsi, nous voyons que lโ€™importance quโ€™a la raison dans lโ€™impรฉrieuse fonction de saisir la vรฉritรฉ est surtout appuyรฉe par les rationalistes dogmatiques qui jugent que celle-ci a un pouvoir absolu de connaissance. Pour eux, la raison peut produire de la connaissance aussi bien dans le domaine de la science que dans le domaine de la religion. Nรฉanmoins cette thรจse est remise en cause par Pascal qui met en garde contre lโ€™utilisation dรฉmesurรฉe et exclusive de la raison. Il pense que la raison รฉtant limitรฉe doit รฉviter de sโ€™aventurer dans le champ du surnaturel. Certes dans la religion lโ€™interpellation de la raison est nรฉcessaire parce que permettant dโ€™expliquer et dโ€™รฉclaircir certains points cependant son incapacitรฉ ร  รฉlucider le mystรจre reste trรจs flagrante. Dans cette optique Pascal dรฉclare : ยซ Si on soumet tout ร  la raison, notre religion nโ€™aura rien de mystรฉrieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule.ยป Cette idรฉe est porteuse des germes dโ€™une longue dispute entre Descartes et Pascal. Considรฉrรฉ comme le pรจre du rationalisme moderne, Descartes donne ร  la raison la possibilitรฉ de tout connaรฎtre y compris la question de Dieu. Il dรฉclare quโ€™ il nโ€™y a rien que lโ€™homme ne puisse connaรฎtre sโ€™il conduit sa raison par ordre. Pascal sโ€™oppose ร  cette position qui donne ร  la raison la pleine puissance de tout savoir. Il dรฉclare que lโ€™usage excessif de la raison peut mener ร  dรฉnaturer la vรฉritรฉ dans la religion chrรฉtienne. Cโ€™est pour cela quโ€™il pense que Descartes ne fait quโ€™utiliser Dieu pour prouver la puissance de la raison et justifier la validitรฉ et lโ€™infaillibilitรฉ de sa mรฉthode. Ainsi il rejette la raison comme la seule facultรฉ qui prรฉtend atteindre la vรฉritรฉ et montre que la coutume et surtout la foi qui est dโ€™une dimension supรฉrieur peut satisfaire lโ€™homme dans sa quรชte perpรฉtuelle dโ€™une vรฉritรฉ divine. Cโ€™est ce qui pousse Pascal ร  รฉcrire : ยซ Je ne puis pardonner ร  Descartes ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il nโ€™a pu sโ€™empรชcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement aprรจs cela, il nโ€™a plus que faire de Dieu.ยป Selon Pascal, la raison peut รชtre dรฉfinie suivant deux sens. Dโ€™abord elle peut รชtre prise comme รฉtant une capacitรฉ de lโ€™esprit ร  avoir une puissance de raisonner pour obtenir des rรฉsultats logiques et cohรฉrents en partant des principes. Ensuite elle peut signifier lโ€™ensemble des moyens c’est-ร -dire argument, analyse, dรฉduction, justification, conclusion dรฉrivant dโ€™un fait. Cโ€™est ce dernier sens que Pascal appelle la raison des effets. Cโ€™est dans cette logique que la raison dans toute sa plรฉnitude sโ€™affirme en tant que principe universel en ce quโ€™elle est la facultรฉ productive et intellectuelle de lโ€™homme. Elle est lโ€™instrument propre ร  lโ€™รชtre humain qui a la capacitรฉ de soumettre ร  lโ€™inspection toute chose qui se prรฉsente ร  elle. Sa dimension dรฉterminant la nature humaine fait dโ€™elle un dispositif principiel commun ร  tous les hommes. Cโ€™est dans ce sens que Descartes รฉcrit dans le Discours de la mรฉthode que : ยซ Le bon sens est la chose du monde la mieux partagรฉe ; car chacun pense รชtre si bien dรฉpourvu que ceux mรชme qui sont les plus difficiles ร  contenter en toute autre chose nโ€™ont point coutume dโ€™en dรฉsirer plus quโ€™ils en ont ยป. Cette affirmation montre que la raison permet ร  lโ€™homme de se connaรฎtre et de faire connaรฎtre son environnement, mais aussi fait appelle ร  la mรฉthode quโ€™elle doit suivre pour รชtre efficace dans sa recherche de vรฉritรฉ. Pour critiquer cette mรฉthode de Descartes qui considรจre la raison comme seule source dรฉterminante de la connaissance Pascal รฉcrit quโ€™ : ยซ Il faut savoir douter oรน il faut, assurer oรน il faut, en se soumettant oรน il faut. Qui ne fait pas ainsi nโ€™entend pas la force de la raison. Il y en a qui faillent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme dรฉmonstratif, manque de se connaitre en dรฉmonstration ; ou en se soumettant en tout, manque de savoir oรน il faut juger.ยป Cette proposition montre que la raison est valorisรฉe et non surestimรฉe mais aussi quโ€™il faut lโ€™employer convenablement. Il faut trouver le moment et lieu appropriรฉ pour lโ€™appliquer afin dโ€™en tirer le meilleur rรฉsultat. Elle doit donc รชtre utilisรฉe de maniรจre prรฉcise suivant les interrogations et les attentes qui se prรฉsentent devant elle.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA REDร‰FINITION DE Lโ€™HOMME DANS Lโ€™APOLOGIE
I/ Lโ€™HOMME : UN รŠTRE ENTRE DEUX INFINIS
II/ LE PARADOXE DE LA NATURE HUMAINE
III/ Jร‰SUS-CHRIST : LE Dร‰NOUEMENT DU PARADOXE HUMAIN
CHAPITRE II : DES MOYENS DE CROIRE
I/ LA COUTUME COMME PREMIER PRINCIPE NATUREL
II/ LA RAISON ET LE Cล’UR DANS LA CONNAISSANCE
III/ LA FOI OU LA GRร‚CE UN DON DE DIEU
CHAPITRE III : LA QUESTION DE DIEU
I/ LA RECHERCHE DE DIEU
II/ Lโ€™APOLOGIE COMME HERMENEUTIQUE
III/ LE THร‰OCENTRISME PASCALIEN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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