La rage, une maladie fatale mais évitable
Les principaux facteurs de risques pour l’Homme
Quelques enquêtes rétrospectives ont été conduites en Chine afin identifier les facteurs de risque. Cette partie fait référence à quatre études différentes. Dans la province du Shandong, Wang et al. (2010b) ont recueilli des données de cas de rage de 1956 à 2007. Dans les provinces du Guangxi, du Hunan et du Guizhou, Song et al. (2009) ont utilisé des données du Centre de Contrôle et de Surveillance des Maladies entre 1998 et 2008 à partir de rapports annuels et individuels. Dans la province du Zhejiang, Gong et al. (2012) ont analysé les données de 2005-2006 qui comprenaient 132 cas et 73 contrôles. Kureishi et al. (1992) ont conduit une étude à Pékin (dans la périphérie sud) de 1974 à 1989. Toutes les études s’accordent à dire que les hommes sont plus touchés par la rage : plus de deux fois plus fréquemment que les femmes (SONG et al., 2009), 68 % des cas sont de sexe masculin dans le Shandong (WANG et al., 2010b) et 78 % à Pékin (KUREICHI et al., 1992). Les jeunes représentent toujours une part importante des victimes : 25 % des cas ont moins de 15 ans (SONG et al., 2009). La profession la plus touchée correspond aux agriculteurs ; de manière générale toutes les expositions ont eu lieu en milieu rural. Les étudiants et les enfants trop jeunes pour être scolarisés arrivent en seconde place, tous étaient originaires d’une zone rurale (WANG et al., 2010b).
Les cas de rage surviennent principalement pendant l’été et l’automne.
Tout d’abord pour le simple fait que les activités de plein air y sont alors plus fréquentes conduisant à davantage de contacts entre les chiens et les humains (SONG et al., 2009). D’autre part, plus de cas sont identifiés pendant la seconde moitié de l’année, ceci lié à la saison des récoltes, dans la province du Shandong par exemple, provoquant le déplacement des agriculteurs vers la ville (WANG et al., 2010b). La plupart des cas déclarés sont causés par des morsures de chien (89 à 95 %), ensuite par des morsures de chat suivi par celles d’autres mammifères comme le blaireau. L’étude de Kureishi a rapporté 5 % de cas provoqué par la manipulation de carcasses de chiens enragés (KUREICHI et al., 1992). Les sites d’introduction du virus sont principalement les mains à 42 %, la tête (21 %) et les extrémités inférieures (18 %) ; les bras eux ne sont mordus que dans 7 % des cas, le tronc et le cou chacun dans un pour cent des cas (WANG et al., 2010b). Pour les enfants de moins de 10 ans, la morsure se situe plus fréquemment sur le visage, entrainant des blessures souvent plus graves. Parmi les enfants se sont surtout les fillettes qui sont les plus touchées, expliquant de ce fait, que les personnes de sexe féminin sont globalement plus sévèrement blessées (KUREICHI et al., 1992). La période d’incubation est très semblable entre les différentes études : 53 jours (WANG et al., 2010b),
70 jours (KUREICHI et al., 1992) et 88 jours (GONG et al., 2012), c’est à dire entre 2 et 3 mois. Dans l’étude de Shandong, 82 % des patients sont décédés dans les 6 mois suivant la morsure et 88 % des patients avaient succombé avant un an (WANG et al., 2010b). La période d’incubation varie en fonction de nombreux facteurs (KUREICHI et al., 1992; GONG et al., 2012) : le score de gravité de la blessure, le site de l’exposition, la multiplicité des blessures, la désinfection et le nettoyage des plaies et l’accès ou non à une prophylaxie pré et post-exposition. Cependant l’infection des plaies, la source d’exposition, le type de vaccin, le type de mammifères et la raison de l’attaque de l’animal n’ont aucun lien avec l’incubation et la contamination (GONG et al., 2012). Kureichi a analysé la durée de la maladie : en moyenne 4,5 jours, durée n’étant sous l’influence ni de l’âge, du sexe, de la période d’incubation, du site de l’exposition ou bien de la gravité de la morsure (KUREICHI et al., 1992). Dans toutes les études le taux de mortalité a malheureusement toujours atteint 100 % des cas.
Rôle fondamental des chiens
La population de chiens a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années en Chine (WU et al., 2009). Aujourd’hui, leur nombre est estimé entre 80 et 200 millions (TANG et al., 2005; ZHANG et al., 2011a) ou parfois à 130 millions (HU et al., 2008) dans tout le pays. En effet, le gouvernement chinois a enregistré 80 millions de chiens, dont 14 millions d’entre eux vivraient en zone urbaine. Il est admis que 120 millions de chiens, non déclarés, devraient être ajoutés au chiffre officiel (Sinovac, 2009). Quoi qu’il en soit tous s’accordent à dire que le chiffre exact n’est pas connu. Consécutivement, la densité de chiens par km2 a, elle aussi, augmenté : en supposant une répartition homogène des chiens sur le territoire, on atteint 8 à 20 chiens par km2. Par ailleurs on considère le seuil de 4,5 chiens par km2 pour lequel une transmission enzootique est possible (WU et al., 2009; KITALA et al., 2002). En outre, une faible couverture vaccinale des chiens, en particulier dans les zones rurales, est une composante importante du risque de transmission (TANG et al., 2005).
Parmi les morsures de chien, environ 60 % sont causées par des chiens non tenus en laisse mais qui possèdent tout de même un propriétaire (WU et al., 2009). En moyenne, environ 50 % des chiens responsables de morsure, appartiennent à la victime, 18 % à leurs voisins et seulement 18 % sont des chiens errants (SI et al., 2008). 51 % des attaques ne sont pas précédées d’une provocation : le chien attaque le patient sans cause apparente. La plupart du temps, les animaux ont une faible couverture vaccinale : seulement 3 % des chiens concernés étaient vaccinés (WU et al., 2009). Dans les villes, la plupart des chiens sont des animaux de compagnie (98 %), et les autres sont pour la plupart des chiens de garde. En zone rurale, la tendance est inversée : 99 % des chiens dans le village sont des chiens de garde (HU et al., 2008).
La couverture vaccinale
Selon l’OMS, une couverture vaccinale de 70 % de la population canine est suffisante pour interrompre une chaîne endémique de transmission de la rage dans une zone donnée (WHO, 2005). Song et al. (2009) ont évalué la couverture vaccinale des chiens dans la province de Guangxi, Hunan et Guizhou. 15 villes ont été prospectées dans les trois provinces et seulement 40 % d’entre elles possédaient un seuil de plus de 70 %. La couverture vaccinale la plus faible était autour de 10 % et la plus élevée autour des 93 %. Une étude a été conduite dans un district de la municipalité de Pékin entre 2006 et 2009 pour évaluer la couverture vaccinale des chiens domestiques. Cette dernière était de moins de 70 % pendant les 4 années étudiées (WANG et al., 2011). Dans la province du Guizhou en 2005, elle atteignait seulement 6 % (SI et al., 2008).
Dans une autre étude, en comptant la population féline et canine et le nombre de doses vaccinales administrées, elle atteignait 24 à 77 % pour les chiens et 2 à 75 % pour les chats en fonction du comté (WANG et al., 2011). Cette couverture vaccinale globalement faible est la conséquence de nombreux facteurs. Tout d’abord, les vaccins antirabiques sont aux frais du propriétaire (SI et al., 2008). Ensuite, au cours des campagnes de vaccination, le propriétaire ou le vétérinaire ne sont pas toujours dans des conditions qui leur permettent de contenir correctement le chien, conduisant à la non-vaccination des moins dociles d’entre eux (WANG et al., 2011).
Au printemps et à l’automne de chaque année, le ministère de l’Agriculture, prend en charge des campagnes de vaccination contre la rage pour les chiens domestiques sur tout le territoire. Ce programme a été lancé en 1987 (SI et al., 2008). Son efficacité est cependant limitée surtout dans les zones rurales, pour les raisons suivantes. Tout d’abord le suivi de l’organisation n’est pas organisé correctement : dès l’absence de cas de rage dans une zone, la campagne est immédiatement stoppée, le plus souvent pour des raisons financières (HU et al., 2008). De plus, d’après les auteurs lors de ces programmes annuels, plus de 10 % des chiens domestiques non répertoriés ne sont toujours pas vaccinés (WANG et al., 2011).
Certains chiens domestiques sont aussi difficilement manipulables et donc non vaccinés lors de ces campagnes comme expliqué précédemment. La gestion des chiens errants est un problème difficile. Fonder le contrôle de la rage chez les chiens errants exclusivement sur un abattage systématique ne peut pas conduire à un bilan positif. Coupler cette action à la réalisation d’une vaccination de masse et l’identification systématique des animaux devrait permettre un meilleur résultat ainsi qu’une meilleure acceptation (soutien de la population et des partisans de la protection animale). Cependant l’abattage des chiens, même s’il est nécessaire, entraîne inéluctablement l’élimination de chiens déjà vaccinés, l’augmentation de leurs déplacements dans la région, la modification de l’organisation sociale des meutes et conduit facilement à la perte du soutien du public (ZHANG et al., 2011a). L’identification, la vaccination et la régulation de la population canine (passant par une régulation de la population présente et un contrôle des naissances) sont donc les trois points nécessaires au contrôle de la rage chez les chiens errants.
Le blaireau-furet chinois
Le blaireau-furet chinois Melogale moschata est une espèce particulière de blaireau, spécifique à la Chine. Cette espèce possède plusieurs noms différents, en particulier liés à son régime omnivore, et elle est reconnaissable facilement grâce à son apparence extérieure. Cet animal est solitaire et nocturne, mais s’il est malade (et en particulier de la rage), il peut être observé au cours de la journée. L’animal, alors énervé et sans repères, peut rentrer dans les maisons et mordre des humains. Le blaireau-furet possède une zone géographique ciblée : principalement dans l’Anhui, le Zheijiang et la province du Jiangxi (ZHANG et al., 2009b). Des cas de rage ont uniquement été signalés en Chine et ont surtout eu lieu dans ces trois provinces. Les trois principales causes de la transmission de la rage entre l’animal sauvage et l’humain sont les morsures, la consommation de civet et les contacts étroits et fréquents entre l’Homme et l’animal lors de la chasse, du commerce et de l’abattage des blaireauxfurets (LIU et al., 2010).
En 1994, spécifiquement dans la région de Huzhou, 60 % des cas de rage ont pour origine une morsure de blaireau-furet. D’après des études phylogénétiques, 89 % de similitudes génétiques ont été mises en évidence entre le virus isolé chez les blaireaux-furets et le virus rabique isolé chez les chiens locaux. Le blaireau-furet pourrait ainsi jouer le rôle de réservoir naturel dans la province. Ces animaux ont été impliqués dans 2 épizooties présumées dans le sud-est de la Chine : en 1994-1994 et 2002-04 (ZHANG et al., 2009b). Une enquête épidémiologique, rétrospective et prospective, a été conduite dans les trois provinces citées ci-dessus, avec des approches épidémiologiques descriptives et moléculaires. Ainsi, les êtres humains les plus exposés sont les chasseurs (qui capturent et vendent des blaireaux-furets), les agriculteurs (exposés occasionnellement) et les résidents (contact dans le jardin, la maison). Aucun de ces acteurs n’est conscient du réel danger que cette espèce peut représenter, de ce fait ils n’ont jamais eu aucun traitement post-exposition. Le virus isolé chez le blaireau-furet est proche d’un variant canin présent dans le sud ou sud-est de la Chine (LIU et al., 2010).
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie bibliographique
Le virus rabique, un virus connu
Notion de virologie
Souches et mouvement
Les données épidémiologiques de la rage
Les principaux facteurs de risques pour l’Homme
Rôle fondamental des chiens
La population canine
La couverture vaccinale
L’hypothèse du chien porteur sain
Manger du chien
Autres sources de contamination
Les chauves-souris
Le blaireau-furet chinois
Le blaireau
La transmission orale et aérienne
Exposition atypique
Cas récent d’autres animaux
Chez le mouton
Chez le buffle
Chez le porc
La rage, une maladie fatale mais évitable
Une maladie nerveuse
Un bon outil laboratoire
L’existence d’une vaccination
Un vaccin pour l’Homme
Un vaccin pour l’animal
L’existence d’un traitement post-exposition chez l’Homme
Le contrôle de la rage
Les principes de contrôle
Etat de la surveillance en Chine
Chez les humains
Chez l’animal
L’identification de lacunes dans la surveillance
Contribution personnelle
Justification
Objectifs
Méthode
Lieu, période et sujet d’étude
Collection de données
Préparation de l’enquête
Entrevues en face-à-face réalisées par équipe de deux (un enquêteur et un observateur)
Taille de l’échantillon
Gestion des données et analyses statistiques
Considération éthique
Résultats
Données pré-terrain
Enquête et données démographiques
Pratiques à risque
Nombres de morsures et traitements post-exposition
Gestion des chiens
Garde des chiens
Transport des chiens
Chiens et contacts extérieurs
Abattage des chiens
Utilisation de protection
Manipulation des carcasses
Commerce des chiens
Origine des chiens
Devenir des chiens
Schéma final et calculs globaux
À propos de la rage
Connaissance
Attitude
Niveau de sensibilisation global
Analyse du réseau social
Discussion
Synthèse
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Annexe 1 : Images chocs d’articles sur la consommation de chiens en Chine
Annexe 2 : Cartes des cas de rage humaine et animale dans les 4 districts de Chongqing parcourus, 2010-2011
Annexe 3 : Questionnaire des « Intermédiaires » en anglais
Annexe 4 : Questionnaire des « Restaurants » traduit en chinois (rempli)
Annexe 5 : Note d’information de consentement verbal
Annexe 6 : Photos prises lors de l’enquête
Annexe 7 : Résultats d’analyses comparatives
Annexe 8 : Prospectus de campagne de sensibilisation dans le district de Banan, Chongqing
Annexe 9 : Carte du commerce de chiens
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