La question kurde aujourd’hui : Vers un printemps kurde ? 

Les revendications kurdes d’autonomie dans les différentes zones concernées par la question

Réactivation du nationalisme dans l’ensemble de l’espace kurde

De par son influence sur le peuple kurde grâce à sa popularité fulgurante ainsi que la durée de la chasse à l’homme dont il a fait l’objet, l’arrestation – ou l’enlèvement – d’Abdullah Ôcalan, le leader emblématique du PKK, fût le plus grand tournant de l’histoire moderne de la question kurde. Ce à quoi la riposte kurde n’a pas tardé ; la Turquie et l’Iran seront bouleversés par une série d’émeutes kurdes violentes causant nombre important d’affrontements entre les kurdes et l’armée des deux pays, avec un bilan sanglant comptant plusieurs centaines de morts.
Ajouté à cela, la volonté de la Turquie à rejoindre l’Europe, la politique du « double endiguement » que l’administration Clinton prônait en Irak et en Iran doublée de la réintégration de la Syrie dans le « concert des nations », l’intérêt de la communauté internationale pour la question kurde n’a fait que régresser.
Dix ans après, le conflit kurde refait surface suite à l’invasion américaine de l’Irak doublé d’un contexte régional très conflictuel caractérisé par la violence et les insurrections. Je pense aux conflits israélo-palestinien, libano-israélien et irano-américain, dans lesquels le peuple s’est retrouvé mêlé de par sa forte représentation dans quatre pays de la zone proche et moyen-orientale.
En outre, face à tous ces défis qui rongent cette partie du globe, le Kurdistan irakien a réussi, à travers un système étatique en plein expansion, à se distinguer du reste de l’espace kurde et donc à préserver sa stabilité interne dans un cadre national extrêmement . Ceci étant, c’est, en grande partie, le problème de Kirkouk – province riche en pétrole et arabisée de force suite à des déportations forcées en 1963 et entre 1991 et 2003 – qui fait que le conflit perdure entre le Kurdistan irakien, autonome de facto depuis 1991, la Turquie, le Front Turcoman et les organisations arabes chiites irakiennes. Et ce, à cause du constant ajournement du référendum devant départager les dites parties, bien que la province soit actuellement toujours sous contrôle kurde.
En Iran, la donne change complétement ; l’assassinat des leaders de la guérilla kurde, en Europe en 1989 et 1992, a annoncé le deuil de la contestation kurde, déjà épuisé dans les années 1980. Le pays connaîtra ensuite des émeutes de désespoir à partir de 2005. Au niveau politique, une branche du PKK qui n’est autre que le PJAK (Parti de la vie Libre au Kurdistan) réussi, en s’inscrivant dans la durée ainsi qu’en élargissant son effectif grâce à l’affiliation de grands nombres de jeunes kurdes, à succéder aux anciens leaders de la guérilla massacrés par le gouvernement central iranien . Réactivant ainsi le mouvement contestataire kurde iranien.
La Syrie, quant à elle, a connu une brusque rupture de l’alliance qui était entre Hafiz Al-Assad et les organisations kurdes par son fils – et successeur – Bachar Al-Assad, provoquant ainsi l’éclatement de plusieurs résurrections sans précédents dans l’histoire du pays à partir de 2004, causant la mort de plusieurs dizaines de civiles. S’en est suivie plusieurs manifestations dans toutes les zones kurdes syriennes et même à Alep et Damas.
Pour ce qui est de la Turquie, les débats au sujet de la résolution du conflit kurde ont provoqué une tension entre les anciens généraux à la retraite – convaincus unanimement que les voies militaires ne mèneront nul part – et les officiers toujours en activités, réticents vis -à-vis de la moindre concession accordée aux kurdes (ou les turcs de montagne) car ce serait une atteinte envers l’unité du pays . La voie politique n’a pas fait long feu non plus malgré l’élection d’une vingtaine de députés kurdes à l’Assemblée Nationale en 2007 . Et pour ne rien arranger, en 2005, le PKK a rompu une trêve unilatérale qui a duré six ans dans le but de faire face aux attaques militaires du gouvernement d’Ankara ; la note de ces affrontements fût très salée : 1000 kurdes tués. Le ton été désormais donné, et les multiples attaques turques envers les bases du PKK au Kurdistan irakien 2008 le confirment et confirment aussi le caractère régional caractérisant cette question épineuse.
Face à cette situation, les trois pays concernés par le fait kurde – autre que l’Irak – ont décidé, à partir de 2003, au bout d’une série de réunions, de joindre leurs forces pour faire face à la menace séparatiste imminente, et donc de réadopter leur politique de sécurité collective (abandonnée lors de la guerre que se sont livrés l’Irak et l’Iran) impliquant une stratégie répressive sans appel envers le PKK et ses branches dans leurs pays respectifs, et ce via des opérations militaire conjointes. Pour eux, il ne faisait aucun doute que l’expérience kurde en Irak aura un effet de contagion – ou de domino – énorme vis-à-vis des autres communautés kurdes, et ils se devaient d’agir en conséquence.
Ce qui fait de cette politique ainsi que de l’expérience kurde en Irak de véritables facteurs réactivateurs de la contestation kurde au Proche et Moyen-Orient.

La renaissance du nationalisme kurde

L’histoire contemporaine du fait kurde a pris une tournure drastique pendant la période s’étalant entre 1961 et 1991, permettant ainsi au nationalisme kurde de refaire surface aussi bien dans l’espace kurde que dans toute la zone proche orientale. Ceci s’explique en grande partie par la révolution de Mustafa Barzani en 1961 combinée à la contestation commune de l’ensemble de la scène politique kurde irakienne contre le régime baathiste, annonçant ainsi les couleurs du futur de la population kurde en Irak.
En effet, la nouvelle génération de la mouvance kurde a décidé de délaisser la stratégie intégriste de leurs prédécesseurs d’après la deuxième Guerre Mondiale dans l’ensemble de l’espace kurde, en faveur d’une autonomisation radicale à l’égard du contexte politique nationale sans pour autant s’en isoler , prenant ainsi les choses en main en vue de leurs aspirations à former une région kurde autonome et développée socio économiquement parlant – croissance démographique, accès à l’enseignement en langue kurde, formation d’une nouvelle intelligentsia composée spécialement de jeune kurdes, etc.
L’identité kurde deviendra donc le socle du mouvement nationaliste kurde qui verra bon nombre de nouveaux groupes et partis kurdes détrôner les anciens qui prônaient une politique plutôt transversale. La capacité de mobilisation de ces nouveaux partis sera étonnante. En effet, l’autonomisation du champ politique kurde, aussi bien en Turquie qu’en Irak, a été réalisé dans un laps de temps record, de par l’évolution des aspirations et revendications du mouvement autonomiste kurde au sujet des droits politiques, culturels, sociaux et économique de la population kurde.
Par ailleurs, et à l’instar de la propagande des nouveaux partis kurdes en Irak au sujet d’une éventuelle libération « nationale » de la population kurde « colonisée » par l’Irak, les kurdes turcs revendiquent leur libération de l’emprise des turcs qui veulent éradiquer la culture kurde. Donnant ainsi à la question kurde un caractère transnational.
Dans un contexte conflictuel dans lequel la région proche orientale baignait, le sentiment d’urgence s’est emparé des nouvelles générations kurdes montrant les signes d’une lassitude claire vis -à-vis du pacifisme de leurs prédécesseurs. Or, il convient de noter que cette « fièvre révolutionnaire » ne concernait pas uniquement la population kurde, mais également bon nombre de militants arabes, turcs ou alors persans, débouchant sur plusieurs soulèvements populaires sans précédent dans la zone, organisés par une multitude de partis et groupes révolutionnaires, dont la violence semblait s’avérer comme étant leur seule et unique solution pour contrer les conflits qui rongent leurs pays. Plongeant ainsi le Moyen -Orient dans une série d’affrontements armés sans merci, combinés d’arrestations, assassinats, enlèvements, torture, etc.
Néanmoins, il serait judicieux de noter que la mouvance nationaliste kurde ne s’est pas contentée de la sphère kurde au Proche Orient. Bien au contraire, l’émergence d’un nationalisme kurde a commencé à se faire remarquer en Europe au lendemain de la deuxième Guerre Mondiale, grâce aux étudiants kurdes issus spécialement de Syrie ou d’Irak, installés dans une dizaine de pays européens et ayant fréquenté des écoles francophones ou anglophones . La Guerre Froide a notamment contribué à l’augmentation du nombre des étudiants kurdes en Europe d’une manière considérable, de par la rivalité entre les blocs communiste et occidental et leur intérêt commun à attirer le maximum possible d’étudiant moyen orientaux, dont les kurdes.
C’est donc ainsi que le rôle politique de ces étudiants s’est fait de plus en plus important au sein des différentes sociétés d’accueil, débouchant sur la création de l’association KSSE en août 1956 à Wiesbaden en Allemagne par une dizaine d’étudiants kurdes, dont les objectifs principaux s’articulaient autour du renforcement des liens entre les étudiants kurdes en Europe, l’aide mutuelle entre étudiants, la promotion de la culture kurde ainsi que l’établissement des relations avec d’autres associations d’étudiants ayant les mêmes principes, sans oublier le soutien à la lutte armée kurde initi ée par Mustafa Barzani un peu plus tard contre le régime baathiste.

Droit à l’autodétermination dans le sillage du Droit International Public

De par sa complexité et son caractère arbitraire, le droit à l’autodétermination ne s’applique pas d’une manière équitable pour tous les peuples le réclamant. Et contrairement à ce que l’on puisse lire dans la littérature juridique, on ne saurait en déduire la portée au droit à la sécession, qui ne peut être revendiqué que dans le cas d’un colonialisme « pur et dur ».
Ceci étant, la seconde Guerre Mondiale ayant signé l’arrêt de toute forme de colonialisme – hormis le cas du Kosovo et de la Palestine –, le droit à la sécession est désormais inapplicable. A contrario, la communauté internationale étant réticente quant à un précédent débouchant sur le droit à la sécession, la situation d’autres peuples – notamment les kurdes – aspirant à l’indépendance à la Kosovar demeure problématique et fait couler beaucoup d’encre.
C’est donc dans ce contexte conflictuel que la question kurde s’inscrive. En effet, le droit international demeure impuissant face à la situation de la population kurde, pourtant sujet des pires atrocités que l’histoire moderne n’ait jamais connu, et ne propose aucun outil juridique aux revendications d’une éventuelle indépendance kurde.
Ainsi, il serait nécessaire de mettre l’accent sur un droit fondamental d’une importance majeure aux yeux de plusieurs auteurs du droit international, qui n’est autre que le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ou alors le droit à l’autodétermination.

Deuxième partie : Vers des Etats-Unis du Kurdistan?

Le futur incertain de la question kurde 

Le Kurdistan irakien

Le Kurdistan irakien en tant que tel a été marqué par deux tournants durant son histoire moderne : l’autonomie de facto obtenue en 1991 et la chute de Saddam Hussein en 2003. Dans cette partie, nous allons plutôt analyser les chances de réussite d’une démocratie kurde à travers les raisons du déclenchement de la guerre civile entre le PDK et l’UPK ainsi qu’à travers le contexte géopolitique actuel de la zone du Proche Orient. En effet, les deux pôles du Kurdistan irakien – le PDK de Barzani et l’UPK de Talabani – se sont mis d’accord, au lendemain de l’autonomie kurde, sur la mise en place d’un système de direction selon lequel le pouvoir politique sera partagé entre les deux protagonistes.
Mais ceci n’a pas suffi pour calmer les ardeurs, étant donné que quelques anciennes querelles remontant à la guerre civile (1964-1975) – scissions anciennes qualifiées de trahison, concurrence politique entre le PDK et l’UPK, l’influence des personnalit és, intervention d’acteurs extérieurs, etc – combinées aux différends croissants entre lesdits partis politiques au sujet du partage des recettes énergétiques de la zone autonome kurde, ont refait surface. Qui plus est, le Gouvernement Régional Kurde formé en 1992 a été placé en isolation forcée puisque aucune puissance occidentale ne l’a reconnu ni aidé financièrement parlant. Ce qui a plongé la démocratie naissante moyen -orientale dans le chaos.
En outre, cette situation qui dure jusqu’en 1997 a fait le bonheur de la Turquie, l’unique client des kurdes à l’époque en matière d’exportations pétrolières ; des milliers de barils de pétrole exportés tous les jours via la Porte d’Ibrahim Khalil, le seul poste frontalier entre l’Irak et la Turquie, qui était so us contrôle du PDK, générant ainsi des recettes suffisantes au développement de la régions autonome, mais non sans soucis, puisque l’UPK, qui contrôlait les frontières irano -irakiennes a crié au scandale estimant que les recettes énergétiques n’étaient pas équitablement réparties.
Par conséquent, une seconde guerre civile s’est déclenchée en 1994 entre les deux protagonistes à ce sujet pour ne s’arrêter qu’en 1997, faisant plus de 3000 morts et des dizaines de milliers de déplacés parmi les kurdes pour fuir cette guerre sans merci, qui a vu la zone autonome kurde encore une fois se faire diviser entre le PDK – contrôlant la partie septentrionale de la région avec Erbil comme capitale – et l’UPK qui contrôlait la province de Souleimaniye où il a formé un go uvernement de coalition et dont le Président n’était autre que Jalal Talabani.
Ceci étant, malgré la dégradation de la qualité de vie au Kurdistan irakien à cause de la guerre civile, l’économie kurde n’a, étonnement, pas cessé de se développer. En effet, grâce aux spécificités et aux ressources énergétiques dont dispose le Kurdistan irakien, lui permettant de ne dépendre que de lui-même et le coupant du reste du pays, l’économie kurde a continué à s’autonomiser et se nationaliser tout en accentuant ses partenariats et relations avec l’ensemble des pays frontaliers surtout avec la Turquie.
Ce faisant, le gouvernement irakien a décidé de profiter de l’assise géostratégique que le KRG accumulait malgré la guerre civile, et contourner l’embargo international sur l’Irak en accentuant le trafic de contre bande entre Erbil et Bagdad en matière de pétrole – une politique tolérée par l’ONU quoiqu’illicite. Ainsi, les kurdes rachetaient du pétrole aux irakiens pour le revendre aux turcs avec un prix plus cher.
Cette situation n’a duré que jusqu’en 2003.
Par ailleurs, il convient de noter que le différend interne entre le PDK et l’UPK n’était pas d’ordre énergétique seulement, il était plus grand qu’il concernait même les aides humanitaires que la population kurde souffrante recevait entre 1991 et 1993.
Néanmoins, c’est plutôt l’année 1996 qui était la plus sanglante puisque l’UPK s’était emparé d’Erbil, suscitant une demande d’aide de la part du PDK à Bagdad. Etant donné l’enjeu de l’occupation d’Erbil par l’UPK sur les rapports de force au Kurdistan irakien et sur les intérêts américains dans la région autonome, les Etats -Unis se sont retrouvés contraints d’agir en conséquence pour protéger leurs intérêts surtout que le Congrés National Irakien (CNI) était en jeu.
Il faut croire que l’intervention américaine dans ce conflit interne était le principal facteur derrière la pacification des rapports entre les deux partis kurdes débouchant sur un accord global au sujet, aussi bien, du pouvoir politique que des ressources énergétiques et des recettes douanières qu’elles génèrent. Qui plus est, 13% du produit de rente pétrolière irakienne ont été injectée dans l’économie kurde grâce à la Résolution 986 de l’ONU en 1996 Pétrole contre nourriture, permettant ainsi, la reconstruction du Kurdistan irakien en matière d’écoles, universités, hôpitaux, villages pour accueillir les revenants parmi les déplacés. Ainsi, la région retrouve en quelque sorte la liberté d’expression, puisque les kurdes aussi bien que les autres et hnies – turcs et arabes – vivant dans les territoires kurdes disposaient, désormais, de leurs propres écoles enseignant dans leurs langues. Sans oublier la bouffée d’air qui a aussi touché la presse locale avec l’autorisation de plusieurs publications.
Ceci dit, la signature des « accords de Washington » entre le PDK et l’UPK en 1993 ont énormément contribué à la pérennité du développement croissant de la région et ce à travers la formation d’un Gouvernement Kurde codirigé par les deux partis sur le même pied d’égalité.
Ainsi, la région a vu des élections municipales au suffrage universel pour la toute première fois dans l’histoire du pays, le processus d’institutionnalisation s’est élargi pour comprendre le secteur de l’économie, le système bancaire commercial refonctionne de nouveau avec la création d’une Banque Centrale du Kurdistan.

L’Iran : futur très sombre

Aussi ironique qu’il paraisse mais il existe bel et bien un territoire kurde en Iran, aussi petit soit-il avec une micro province sur laquelle vivent quelques huit millions de kurdes.
Dans ce sens, il convient de noter qu e ces derniers jouissaient déjà d’une certaine autonomie un peu à l’irakienne entre 1920 et 1925 avant le coup d’Etat orchestré par le Général Reza Pahlavi, qui deviendra Shah par la suite, et donc mettra aussitôt fin à cette autonomie dans le cadre de la politique de « la ceinture de sécurité » adopté mutuellement par la Turquie, l’Irak et l’Iran contre le fait kurde lors du Traité de Saada Bad de 1937. Cela va même jusqu’à qualifier le peuple kurde de citoyens de seconde classe. Ceci étant, malgré le fait que l’occupation soviétique de l’Iran ait redonné espoir au kurdes iraniens quant à leurs revendications autonomistes, la signature d’un traité énergétique entre l’URSS et l’I ran après son indépendance en 1946 est venue sonner le glas dans les milieux kurdes, éprouvant ainsi un amer sentiment d’abandon par Staline, qui se proclamait pourtant comme étant le protecteur des kurdes pendant l’occupation soviétique.
Une situation qui a engendré une répression extrêmement violente à l’égard des activistes kurdes, notamment le PDKI(Parti démocratique du Kurdistan d’Iran) dont le président s’est fait assassiné en1989 au lendemain du renversement du Shah d’Iran et le PEJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan) dont plusieurs membres exécutés par les gardiens de la Révolution.
En effet, victimes d’une politique fondée autour d’une logique unioniste basée sur la religion, les revendications kurdes dans cette partie du Kurdistan continueront à tomber dans l’oreille d’un sourd.
Une situation qui dure jusqu’à nos jours étant donné que la politique prônée par Ahmedi Nedjad n’a pas vraiment beaucoup changé ; son gouvernement base toujours sa politique sur l’Union de la Umma plutôt que sur le fait raciale.
Ceci étant, la répression envers la population kurde est en train de se faire de moins en moins violente en Iran ; elle est en effet de plus en plus orientée et vise directement les leaders des partis kurdes ainsi que les milices armées plutôt que les citoyens, qui jouissent de plus en plus de liberté culturelle qu’auparavant, étant donné les similitudes qui existent à ce niveau entre les kurdes et les persans, surtout au niveau de la langue, bien qu’ils demeurent toujours réprimés religieusement parlant vu qu’ils sont majoritairement sunnites. En effet, et comme le confirme Clément Therme, la « question kurde n’est pas le marqueur démocratique de l’autoritarisme iranien . A majorité sunnite dans un pays où l’islam chiite duodécimain est religion d’Etat et pratiquée par 89% de la population, les Kurdes d’Iran ne sont pas considérés comme minorité dès lors qu’ils n’appartiennent pas à l’une des trois « religions révélées » officiellement reconnues par la Constitution et qui jouissent de représentants au Parlement à savoir, les chrétiens , les juifs et les zoroastriens »

Les enjeux géopolitiques et géostratégiques empêchant le règlement pacifique de la question kurde

L’émergence d’une nouvelle puissance énergétique ?

Dans un contexte proche oriental complètement bouleversé par les conflits interétatiques sanglants, les kurdes ont toujours été pris dans les pieds et n’ont jamais réussi à échapper à leur destinée, aussi sombre soit-elle, d’être avec les palestiniens les deux plus grandes nations sans Etats, provoquant ainsi plusieurs débats explosifs, dont l’étendue a outrepassé la région du Proche Orient pour impliquer aussi bien l’Europe que les Etats-Unis, où les kurdes comptent de grandes diasporas. Néanmoins, et en vue de la situation sécuri taire et du contexte politique que vit cette zone mouvementée, il semblerait que la communauté internationale verra une nouvelle nation, pourtant longtemps opprimée et marginalisée, dicter les nouvelles règles du jeu, et finira probablement par s’imposer comme étant l’une des nouvelles puissances émergentes et incontournables de la zone.
Dans ce sens, les kurdes sont d’ores et déjà devenus des interlocuteurs de première classe. Ceci étant, les kurdes irakiens so nt ceux qui ont le plus de possibilités à se forger une place géostratégique importante dans la région, contrairement aux autres kurdes de Turquie, d’Iran ou de Syrie, toujours en train de livrer des guerres farouches à leurs gouvernements centraux respectifs en vue d’obtenir une autonomie tant attendue.
En effet, le Kurdistan irakien, autonome de facto, depuis 1991 et reconnu officiellement dans la Constitution irakienne de 2005 dans le cadre d’un Irak Fédéral, dispose actuellement d’un Gouvernement Régional du Kurdistan avec une assise régionale croissante grâce auxhydrocarbures dont il dispose aussi. Selon plusieurs sources, Erbil produit plus de 400 000 barils de pétrole par jour , lui permettant delargement subvenir aux besoins domestiques en matière d’énergie, et donc de se pencher sur le marché mondial, avec des exportations qui avoisineraient un million de barils par jour selon les statistiques de 2015, mais surtout avec une ambition grandissante d’atteindre deux millions de barils de pétrole en matière d’exportation à hauteur de 2020 . La région dispose aussi de réserves de gaz monstrueuses capables de largement combler l’alimentation domestique en matière d’électricité pour se projeter, là encore une fois, sur des prévisions ambitieuses en ce qui concerne les exportations. Des ressources capables de positionner le Kurdistan irakien parmi les puissances régionales voire mondiales en matière d’hydrocarbures.
Ceci étant, cet enjeu énergétique ne cesse d’accentuer les contentieux entre Erbil et Bagdad, notamment au sujet de la question épineuse de Kirkouk – très riche en pétrole – ainsi qu’au sujet du développement de nouveaux gisements pétroliers, et donc logiquement la signature des contrats avec le marché extérieur , sans pour autant oublier le fameux conflit du partage des recettes pétrolières entre les deux pôles. En effet, la Constitution irakienne de 2005 en est pour beaucoup en ce qui concerne la majorité de ces différends, de par la divergence des interprétations des clauses constitutionnelles entre lesdites parties en matière de la gesti on de l’exploitation des gisements gaziers et pétroliers et des recettes qu’ils généreront, qui n’existaient pas encore au moment de l’approbation de la Constitution de 2005.
Par ailleurs, en 2009, Erbil et Bagdad se sont mises d’accord pour que la première exploite le gisement de Tak Tak en vue d’exporter du pétrole à travers l’oléoduc Kirkouk/Ceyhan, reliant l’Irak Fédéral à la Turquie, avec une répartition des recettes à hauteur de 17% pour le Gouvernement Régional de Kurdistan et 83 pour la Capitale . Cet arrangement n’a duré que trois petites années à cause du non -respect de Bagdad de sa part du marché à, savoir donner 17% des recettes à Erbil.
En effet, le Gouvernement Régional du Kurdistan ne recevait en réalité que quelque 10.6% ou 10.8% au lieu des 17% convenus, quoique les kurdes compensaient largement le reliquat par l’utilisation des camions pour transporter le pétrole exporté au lieu de l’oléoduc , dans le but d’économiser les frais de transport devenus plus chers . Ce qui a drastiquement affecté les revenus de Bagdad, au point de se retirer de l’alliance énergétique établie entre les kurdes et la Turquie, qui tente pour sa part d’échapper de sa dépendance envers la Russie et l’Iran – devenue cauchemardesque – en matière d’hydrocarbures.
Dans cette optique, les turcs veulent absolument élargir leurs sources d’importation en matière de Gaz pour faire en sorte que ses dépenses baissent, surtout que le pays vit un déséquilibre frappant entre le besoin énergétique national croissant et sa croissance économique qui ne cesse de dégringoler . Par conséquent, et dans l’ultime objectif de trouver une alternative à cette situation, la Turquie a formé une alliance énergétique avec le KRG et l’Azerbaïdjan lui permettant de devenir un carrefour de transit énergétique de taille au niveau régional, et ce à travers la construction d’un nouveau oléoduc – directement lié à Kirkouk/Ceyhan – sur les territoires turc pour la transportation de toute sorte de pétrole – lourd ou léger – à hauteur d’un million de barils par jour.
En ce qui concerne le gaz, Ankara, en plus d’avoir négocié la construction d’un nouveau gazoduc reliant l’Iran à la Turquie avec une capacité exportatrice de dix milliards de mètre cube par an, elle a mis en place un autre gazoduc reliant la Turquie au Kurdistan irakien à Mardin – sud-est turc – redimensionnant ainsi la carte énergétique régionale et profitant de l’émergence énergétique de la nouvelle puissance régionale qui n’est autre que le Kurdistan irakien.
Tous ces facteurs permettent donc à affirmer que les kurdes peuvent, désormais, être considérés comme étant une puissance énergétique émergente de taille, capable de chambouler tous les équilibres moyen-orientaux, de par les intérêts énergétiques qu’ils sont déjà en train de susciter auprès des puissances occidentales.

L’émergence d’un Kurdistan irakien comme « prototype » ?

Pour reprendre l’expression de Bernard Kouchner, « lorsque certains groupes kurdes, nationaux ou pas, sont plus avancés que le reste de la communauté, il faut ana lyser la communauté à partir de ce groupe avancé ».
En effet, le Kurdistan irakien fait preuve d’une stabilité sécuritaire étonnante, et ce dans le cadre d’un régime démocratique en évolution si l’on prend en considération le contexte géopolitique extrêmement tendu qui ronge toute la région proche orientale, y compris les minorités qui y vivent dans des conditions précaires. Cette démocratie naissante qu’est le Kurdistan irakien est, en réalité, le fruit d’une politique nationale unifiée combinée à la mi se en place d’une démocratie basée sur les débris des années sombres et sanglantes, que les kurdes irakiens n’ont cessé de subir tout au long des différents régimes qui se sont succédé en Irak.
En étant une zone de stabilité sécuritaire sans précédent au Moyen Orient, dans laquelle plusieurs minorités trouvent refuge, de par son exemplarité au niveau des programmes de protection qui leurs sont dédiés, le Kurdistan irakien est désormais considéré comme étant un véritable prototype à suivre aux yeux des autres kurdes vivant dans les trois autres Etats parents.
Dans ce sens, il est nécessaire de signaler que le Parlement du Kurdistan irakien a compté parmi ses élus sept femmes démocratiquement élues en 1992 . Sans parler du fait que la Constitution kurde garantie explicitement la protection de toute les minorités nationales ou internationales trouvant refuge dans les territoires kurdes. Voici quelques chiffres à l’appui : 35 000 familles chiites et sunnites, et 50 000 réfugiés syriens ainsi que de nombreux kurdes syriens, iraniens et turcs sont venus s’installer et vivre en paix dans ce nouveau Kurdistan.
Au niveau diplomatique, le Kurdistan irakien compte d’amblée quelques 27 ambassades étrangères dans ses territoires tout en étant représenté chez quatorze Etats par des bureaux du Gouvernement Régional du Kurdistan, dont un à Paris, et ce en dépit de toutes les lacunes politiques entre « les grands titans irakiens », à savoir Erbil et Bagdad . Il s’agit d’une diplomatie qui reflète proportionnellement la prospérité économique de ce petit îlot ; là encore, les chiffres issus des rapports des Nations Unies parlent d’eux -mêmes : une croissance économique de 8% en 2012, de 10% en 2013 et de 13% en 2015, un taux de chômage vacillant entre 6% et 8% et un taux de pa uvreté ne dépassant pas les 4% contre 20% dans le reste du pays.
Par ailleurs, il semblerait que les kurdes de Syrie soient sur les talons du Kurdistan irakien suite à la crise syrienne.
En effet, alors que le chaos désastreux règne dans toute la Syrie et spécialement au niveau de Kobané et les autres zones kurdes sur la frontière turco-syrienne désertée par l’armée de Bachar Al-Assad, le PYD – la branche syrienne du PKK – en a largement tiré profit, en s’organisant militairement avec l’aide du PKK, bien entendu, qui n’hésite pas à leur fournir les armes dont ils ont besoin, pour enfin déclarer le 12 novembre 2013, via le leader du PYD Mohamed Saleh Muslim, que le « Kurdistan occidental » (syrien) dispose désormais de sa propre administration complétement autonome, comptant une vingtaine de membres au sein d’une Assemblée Générale à la KRG.
Ceci étant, Kobané, Afri et Qamichli – les villes autonomes du Kurdistan syrien – comptent déjà une assemblée locale, une administration et des représentants élus dans le gouvernement provisoire régional. L’objectif du PYD n’étant plus de faire sécession –car réticence de la communauté internationale – mais d’imposer un régime fédéral en Syrie, encore une fois à l’irakienne.

 

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Table des matières
Introduction 
Première partie : La question kurde aujourd’hui : Vers un printemps kurde ? 
I- L’identité kurde en tourmente
A- L’émergence de la « minorité kurde »
B- La chute de l’Empire Ottoman : l’échec du Traité de Sèvres et l’adoption du Traité de Lausanne
C- La naissance du nationalisme kurde : les premières associations et mouvements nationalistes
D- Premières révoltes et répressions dans l’espace kurde
II- Les revendications kurdes d’autonomie dans les différentes zones concernées par la question
A- Réactivation du nationalisme dans l’espace kurde
B- La renaissance du nationalisme kurde
C- Radicalisation et Guérilla
III- Droit à l’autodétermination dans le sillage du Droit International Public
A- Le droit des peuples à disposer d’eux même selon le droit international
B- Principe d’intégrité territoriale
C- Evolution du droit à l’autodétermination
D- Lien de causalité entre le droit à l’autodétermination et le droit de sécession : le cas kurde
Deuxième partie : Vers des Etats Unis de « Kurdistan » ? 
I- Le futur incertain de la question kurde
A- Le Kurdistan irakien
B- Le conflit kurde dans la crise syrienne
C- Le Kurdistan turc : entre guerre et paix
D- L’Iran : future très sombre
II- Les enjeux géopolitiques et géostratégiques empêchant le règlement pacifique de la question kurde
A- L’émergence d’un nouvelle puissance énergétique ?
B- L’émergence d’un Kurdistan irakien comme « prototype » ?
C- Les kurdes dans les cartes américaines : diplomatie et stratégie
D- Les similitudes avec Israël : effets et conséquences
III- Vers des Etats-Unis du Kurdistan ?
A- Le système fédéral à l’américaine : seule solution envisageable ?
B- Les limites d’une éventuelle sécession kurde
C- Le Kurdistan irakien : la question interminable de Kirkouk
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes 

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