LE CORAN ET LA PLURALITE DES ENTENDEMENTS
ย ย Le caractรจre de Dieu consistant ร se prรฉsenter comme un รtre insaisissable et infini nโest pas suffisant comme raison pour ne pas entrer dans le terrain de recherche qui permettrait de le connaitre. En gรฉnรฉral, pour lโexpliquer, nous avons tendance ร faire recours ร lโontologie nรฉgative. Cโest-ร -dire pour dรฉfinir Dieu, nous partons toujours de ce quโil nโest pas, pour la seule raison que personne ne peut le qualifier car il transcende tous les noms que nous lui attribuons. En tant quโรชtres imparfaits, les humains ont du mal ร comprendre et ร expliquer lโessence de lโAbsolu ainsi que le sens que renferme son verbe, le Coran. Ce qui rรฉsulte des divergences dโopinion sur la possibilitรฉ dโinterprรฉtation des choses dโordre divin. Pour avoir un aperรงu sur le crรฉateur du monde, les mutazilites procรจdent par la mรฉditation sur ce quโil a crรฉรฉ puisque le fait de rรฉflรฉchir sur ce qui est crรฉรฉ peut nous donner un aperรงu sur son crรฉateur. En effet, Averroรจs, de son vrai nom Abรปl Walรฎd Muhammad Ibn Ahmad Ibn Rushd nรฉ en 1126, voit que cet acte de mรฉditation que les croyants font vis-ร -vis des crรฉatures est parfois vu comme une obligation ou une recommandation de la part du crรฉateur. Et dans le Coran, Dieu incite les hommes ร rรฉflรฉchir sur les รฉtants. Ainsi, dit-il dans ce verset que : ยซ Ne considรจrent-ils donc pas les chameaux, comment ils ont รฉtรฉ crรฉรฉs, et le ciel comment il est รฉlevรฉ, et les montagnes comment elles sont dressรฉes et la terre comment elle est nivelรฉe ? ยป. Cela parce que cโest ร lโhomme que la facultรฉ de penser appartient et la capacitรฉ de formuler un jugement sur toute chose. Par-lร , nous pouvons comprendre sur quoi se sont basรฉs les mutazilites pour dire que cโest une recommandation dโutiliser la raison pour interprรฉter les vรฉritรฉs divines. Par contre, lโidรฉe que la rationalitรฉ est une chose importante et nรฉcessaire pour illuminer les passages du Coran qui paraissent obscures ร notre niveau, ne se substitue pas ร un excรจs de spรฉculation qui ne fait que nous induire en erreur. Convoquer la raison pour interroger les crรฉatures pourrait รชtre un acte qui rรฉvรจle ร lโhomme les secrets de lโunivers, ลuvre de Dieu. Dans cette mรชme logique, Averroรจs fait lโusage dโun syllogisme dans son ลuvre, Lโislam et la raison, et dit que : ยซ Si lโacte de philosopher ne consiste en rien dโautre que dans lโexamen rationnel des รชtres, et dans le fait de rรฉflรฉchir sur eux en tant quโils constituent la preuve de lโexistence de lโArtisan, cโest-ร -dire en tant quโils sont [analogues ร ] des objets fabriquรฉs โ car, de fait, cโest dans la seule mesure oรน lโon en connaรฎt la fabrique que les รชtres constituent une preuve de lโexistence de lโArtisan ; et la connaissance de lโArtisan est dโautant plus que parfaite quโest parfaite la connaissance des รชtres dans leur fabrique ; et si la Rรฉvรฉlation recommande bien aux hommes de rรฉflรฉchir sur les รชtres, et les y encourage -, alors il est รฉvident que lโactivitรฉ dรฉsignรฉe sous ce nom [de philosophie] est, en vertu de la Loi Rรฉvรฉlรฉe, soit obligatoire, soit recommandรฉe ยป Alors, nous dรฉduisons de cette idรฉe que la rรฉflexion sur les crรฉatures est, selon Ibn Rushd, un acte qui relรจve de la volontรฉ de Dieu. En plus, si Dieu, en tant quโArtisan, demande ร lโhomme de penser sur les ลuvres quโil a crรฉรฉ, peut-รชtre, cโest parce quโil a placรฉ en cet รชtre de raison la facultรฉ qui lui permettra dโen faire une cogitation. Par contre, ne serait-il pas insensรฉ de la part du Crรฉateur de donner aux humains la facultรฉ de juger et en retour leur interdire de rรฉflรฉchir sur ses ลuvres ? Si nous comprenons ce syllogisme dโAverroรจs, nous pouvons en conclure quโune telle interdiction sur la possibilitรฉ dโinterprรฉtation serait contraire ร ce que voudrait la logique. Ainsi la religion, รฉtant lโexpression de la vรฉritรฉ divine, ne peut alors cautionner une telle contradiction. Parce que la vรฉritรฉ ne peut se fonder sur une contradiction. De mรชme, la vรฉritรฉ ร laquelle on accรจde par la raison ne peut รชtre dangereuse pour celle rรฉvรฉlรฉe, du fait que, des vรฉritรฉs ne sont jamais en conflit parce quโelles sont toutes vraies. Et, tous les humains nโont pas les mรชmes degrรฉs dโentendement. Chaque individu peut comprendre une rรฉalitรฉ dโune maniรจre relative. Comment donc Dieu pourrait sโadresser ร celui qui a une grande capacitรฉ intellectuelle, de la mรชme faรงon quโil sโadresse ร un autre qui dispose dโun faible entendement ? Il se trouve, donc, que les hommes sont identiques de par leurs apparences physiques, mais ils sont diffรฉrents de par leurs facultรฉs intellectuelles et leurs dispositions ร donner un quelconque jugement sur toute chose ou ร recevoir une information. De ce fait, la perception diffรจre, en gรฉnรฉrale, selon les individus et les degrรฉs dโentendement. Ce qui parait simple pour une personne peut aussi รชtre difficile ร cerner pour une autre. De plus, les moyens ร utiliser par les mutakallim, cโest-ร -dire les thรฉologiens musulmans, praticiens du kalรขm (thรฉologie musulmane dialectique) peuvent diffรฉrer selon les รฉcoles auxquelles ils appartiennent. Ce qui explique que les voies dโaccรจs ร la vรฉritรฉ divine peuvent revรชtir plusieurs formes. Autrement dit, la faรงon dont une personne conรงoit Dieu et apprรฉhende toute chose peut ne pas รชtre la mรชme chez les autres. Ibn Rushd nous indique les diffรฉrentes natures humaines disposรฉes ร lโassentiment, ร la vรฉritรฉ divine. Il nous dit que si dโaucuns optent pour la dรฉmonstration, dโautres choisissent lโargumentation dialectique au moment oรน il y a des hommes qui empruntent le chemin de lโargumentation rhรฉtorique pour donner leurs acquiescements ร lโordre divin. En fait, il serait important dโexpliquer cette derniรจre mode dโinterprรฉtation qui est la rhรฉtorique, parce quโelle est lโargumentation qui est ouverte au grand public. Certes, le syllogisme rhรฉtorique ne dispose pas dโune valeur de vรฉritรฉ mais il aide ร la masse dโavoir un aperรงu sur le divin et de renforcer son assentiment ร la vรฉritรฉ divine. Nous notons que chez Averroรจs, lโargument dรฉmonstratif de mรชme que celui juridique ne sont pas ร la portรฉe de tout le monde, ils ne sont pas du domaine du vulgaire. Autrement dit, ils sont rรฉservรฉs ร une รฉlite. Cette difficultรฉ ร cerner la quintessence de la vรฉritรฉ que renferme lโIslam est aussi reconnue et acceptรฉe par le thรฉologien acharite Abu Hamid Al-Ghazรขlรฎ (1058-1111). Ainsi, Dominique Urvoy nous dit, dans son ลuvre intitulรฉ Averroรจs : les ambitions dโun intellectuel musulman, que selon Al-Ghazรขlรฎ, lโhomme peut faire un effort personnel pour pรฉnรฉtrer les secrets divins. Ce qui nโest pas ร la portรฉe de tout un chacun ; en revanche, ceux qui peuvent en avoir la possibilitรฉ sont ceux-lร qui disposent dโune ยซ [โฆ] bonne connaissance du crรฉdo musulman, de la langue arabe, des problรจmes de lโabrogation et des rรจgles de la transmission des hadiths ยป.
PLURALISME RELIGIEUX ET CONNAISSANCE DE LA VERITE
ย ย Pris dans le sens positif quโil renferme, le pluralisme religieux est un avantage qui pourrait รชtre non seulement bรฉnรฉfique pour les musulmans, mais aussi pour toutes les personnes de confession autre que lโIslam, mieux encore pour toute lโhumanitรฉ. Il est positif au sens oรน les diffรฉrents points de vue ne se sont pas transformรฉs en combat de position oรน chacun devient lโennemi de lโautre, mais, au contraire, en un terrain de complรฉmentaritรฉ oรน chaque approche รฉclaire la voie ร une autre afin de parvenir ร un but ultime : lโรฉlรฉvation spirituelle dans la totalitรฉ. De plus, la dรฉcouverte de la vรฉritรฉ nโest pas un travail qui part de lโindividualitรฉ pour sโachever dans celle-ci. Elle nรฉcessite le partage. Par-lร , il faut comprendre que lโapport de lโautre nโest pas toujours nรฉgatif. Si dโune part il peut corrompre notre jugement, dโautre part, il peut nous permettre de mieux comprendre notre position par rapport ร un sujet si nous acceptons de mettre en confrontation nos diffรฉrents points de vue. En ce sens, nous pouvons comprendre, ร travers la mรฉtaphore de la fenรชtre dont fait usage Tariq Ramadan, lโimportance des diffรฉrentes visions que disposent les hommes vis-ร -vis de la Vรฉritรฉ. Elle consiste ร montrer que les humains dรฉcouvrent, chacun, la Vรฉritรฉ ร partir dโune fenรชtre qui diffรจre des autres selon la position du sujet qui apprรฉhende lโobjet. A considรฉrer la Vรฉritรฉ, observรฉe par les hommes, comme un objet immuable sur lequel toutes les visions convergent et que chaque observateur occupe une position particuliรจre et bien dรฉfinie, vis-ร -vis dโelle, elle offre ร chacun une image qui, logiquement, reste diffรฉrente aux autres selon la position des diffรฉrents sujets. En effet, chaque personne dispose dโune maniรจre particuliรจre de voir le monde. Tout individu voit le monde sous un angle qui rime avec son entendement, parce que nous avons tous la facultรฉ de juger ; mais lโusage que nous en faisons prend des tournures diffรฉrentes selon les milieux dans lesquels nous รฉvoluons et les situations auxquelles nous faisons face. Et, toutes ces diffรฉrences dโentendement et de jugement convergent sur lโabsolue volontรฉ, de la part de tout un chacun, de dรฉcouvrir la vรฉritรฉ des choses, que รงa soit dans le domaine thรฉologique, politique ou juridique. Par consรฉquent, cette volontรฉ de dรฉcouvrir la vรฉritรฉ, cette quรชte continuelle de lโabsolu fait appel au dialogue non seulement entre les diffรฉrents individus mais aussi entre les diffรฉrentes sectes islamiques et toutes les religions confondues. Lโรฉchange dont il est question, ici, aide les diffรฉrents interlocuteurs ร renforcer leurs idรฉes en les critiquant objectivement afin dโen saisir la vรฉritรฉ. Nous avons appris avec les philosophes du soupรงon Karl Marx, Freud, et Nietzsche, que la vรฉritรฉ se montre en se cachant. Autrement dit, elle est difficile dโaccรจs. Parfois, nous pensons la dรฉtenir alors que la connaissance que nous avons de notre objet est fausse. Dans ce sillage, ces penseurs nous font savoir que la vรฉritรฉ nโest pas toujours du domaine de ce qui apparaรฎt. Ce que nous pensons รชtre vrai pourrait รชtre une illusion. Ce nโest pas parce que lโhomme bรฉnรฉficie de la raison et du bon sens que chacun de ses jugements soit vrai et authentique. Ce nโest pas, non plus, dans lโindividualitรฉ et lโenfermement sur soi que nos idรฉes reรงoivent le cachet de la scientificitรฉ. Par contre, nous nous trouvons dans la nรฉcessitรฉ de partager avec lโautre nos convictions, nos idรฉes, notre croyance et notre connaissance. Cela parce que, ce qui fait la valeur dโune connaissance, cโest quโelle soit partagรฉe avec dโautres individus capables de recevoir le message, de le dรฉcoder, dโen formuler leur point de vue et de rรฉpondre, si nรฉcessaire, afin dโaffirmer lโinformation ou de lโinfirmer. On nโest pas sensรฉ ne pas savoir que ce qui paraรฎt simple peut renfermer une extrรชme complexitรฉ. Ainsi, cโest lร oรน nous sentons le besoin et la nรฉcessitรฉ du jugement dโautrui. Lโimportance du point de vue de lโautre ne rรฉside pas dans la vรฉracitรฉ ou non de son message, mais dans sa capacitรฉ ร nous faire comprendre quโune autre possibilitรฉ peut exister. En effet, Al-Ghazali nous explique dans son ลuvre intitulรฉe La Balance Juste, La connaissance rationnelle dans la tradition musulmane, que la conclusion que lโon tire de lโopinion ou de lโanalogie peut รชtre, parfois, fausse et quโil est nรฉcessaire, dans la quรชte de la vรฉritรฉ, dโรชtre prudent, parce quโun raisonnement mal abordรฉ peut conduire le chercheur dans lโerreur. En ce sens, la contribution de lโautre devient importante au sens oรน elle nous permet de revenir sur nos certitudes et nos croyances, non pas pour les supprimer, mais pour en avoir une idรฉe beaucoup plus claire. En outre, dans son ลuvre que nous venons de parler dans les lignes qui prรฉcรจdent, Al-Ghazali entretient une discussion avec un compagnon de route, ismaรฉlite lors de son voyage. Celui-ci lui demanda sโil peut enseigner ร tout le monde la vรฉritรฉ divine afin quโil nโexiste plus des idรฉes opposรฉes au sujet de leur croyance. A cette question, Al-Ghazali rรฉpond par la nรฉgation et lui dit que ยซ La controverse est au contraire une loi nรฉcessaire et รฉternelle. ยป. Ainsi, lโidรฉe que la divergence soit une perpรฉtuelle nรฉcessitรฉ semble, mรชme, รชtre tirรฉe du Verbe de Dieu. En tant quโรtre parfait, puissant de par ses attributs et son essence, Dieu doit pouvoir faire de ces crรฉatures ce dont il aimerait quโils soient ; sinon la chahada qui tรฉmoigne quโil nโy a ยซ point de divinitรฉ en dehors de Dieu ยป nโaurait pas de sens. Et ce qui explique cela est que, qui parle de divinitรฉ, parle, non seulement, de la transcendance mais aussi de la puissance qui est au-dessus de toute chose. Dans cette logique, Dieu dit dans le Coran : ยซ Et si ton Seigneur avait voulu, il aurait fait des gens une seule communautรฉ. Or, ils ne cessent dโรชtre en dรฉsaccord (entre eux) sauf ceux ร qui ton Seigneur a accordรฉ misรฉricorde. Cโest pour cela quโil les a crรฉรฉs. [โฆ] ยป1 . Cela montre que lโIslam est donc ร la base une religion de controverse oรน chacun a son mot ร dire. Ce qui fait que sur une chose les points de vue des individus peuvent diffรฉrer selon les appartenances sectaires. En outre, ce qui importe, dans ce cas, ce nโest pas le fait de dire qui a raison ou qui a tort sur tel ou tel autre point, mais ce que le jugement de lโautre peut mโapporter dans ma quรชte de la vรฉritรฉ. En รฉcoutant son prochain parler, lโhomme peut faire une analyse objective des diffรฉrentes propositions afin de se rendre compte de la complรฉmentaritรฉ quโil peut y avoir dans leurs messages oรน des points forts ou faibles de chacun des arguments dont il disposait.
RECONNAISSANCE ET TOLERANCE DANS LโISLAM
ย ย Lโuniversalitรฉ ne peut se rรฉaliser que dans un pluralisme oรน les diffรฉrentes parties acceptent chacune la lรฉgitimitรฉ des autres entitรฉs. En dรฉpit des diffรฉrences, les musulmans gagneraient plus ร donner de valeur ce qui uni les adeptes et ร ce qui fait quโils se reconnaissent dans les autres religions. Par exemple sur la question du sacrifice dโAbraham, les personnages utilisรฉs dans le Coran et la Bible ne sont pas les mรชmes, mais les musulmans comme les chrรฉtiens reconnaissent la rรฉalitรฉ de lโexistence de lโรฉvรจnement. Dans le Coran, il est dit : ยซ Nous lui fรฎmes donc lโannonce dโun garรงon (Ismaรฏl) longanime. Puis quand celui-ci fut en รขge de lโaccompagner, [Abraham] dit : ยซ ร mon fils, je me vois en songe en train de tโimmoler. Vois donc ce que tu en pense ยป. (Ismaรฏl) dit : ยซ ร mon cher pรจre, fais ce qui tโest commandรฉ : tu me trouveras, sโil plaรฎt ร Dieu, du nombre de endurants ยป. Sโil est utilisรฉ dans ce verset le nom dโIsmaรฏl, nous trouvons que la Bible fait lโusage du nom dโIsaac. Il y est dit : ยซ Or, aprรจs ces รฉvรจnements, Dieu mit Abraham ร lโรฉpreuve et lui dit : ยซ Abraham ยป ; il rรฉpondit : ยซ Me voici ยป. Il reprit : ยซ Prends ton fils, ton unique Isaac, que tu aimes. Pars pour le pays de Moriyya et lร , tu lโoffriras en holocauste sur celle des montagnes que je tโindiquerai ยป Abraham se leva de bon matin, sangla son รขne, prit avec lui deux de ses jeunes gens et son fils Isaac. Il fendit les bรปches pour lโholocauste ยป. Si nous trouvons nรฉcessaire de nous arrรชter sur ces passages du Coran et de la Bible, ce nโest pas pour nous attarder ร dire qui a raison ou qui qui a tort, mais nous insistons sur ce qui montre que les deux Livres partagent la mรชme source. Sur ce, la scรจne du sacrifice qui est racontรฉ de part et dโautre montre lโimpossibilitรฉ de connaรฎtre la vรฉritรฉ dans sa totalitรฉ. Et, par lร , nous comprenons quโil serait important de croire avec la foi et de sโouvrir aux autres par lโintelligence, la raison. Cette attitude pluraliste nรฉcessite la reconnaissance de lโautre. Ce qui permettrait de comprendre le sens quโil donne ร sa propre croyance et les conditions qui nous uni dans nos diffรฉrences en faisant abstraction des diffรฉrences thรฉologiques. Cette diffรฉrence des visions est visible sur le plan interne mais aussi sur celui externe. En effet, nous voyons parfois une distance entre les soufis et les docteurs de la loi islamique, les oulรฉmas. Il semblerait quโils ne partagent pas la mรชme tรขche de quรชte de la sagesse divine. Si les partisans du littรฉralisme et du conformisme ร la sunna essayent de saisir le divin par lโaccomplissement des ordres de la charia et la fidรฉlitรฉ ร la tradition du prophรจte, les soufis, en revanche, adoptent la voie mystique pour se purifier et accomplir une รฉlรฉvation envers la source divine, tout en ayant un objectif commun. Par ailleurs, la comprรฉhension que les diffรฉrentes sectes de lโIslam doivent avoir entre elles doit se baser sur le respect et la reconnaissance mutuelle des musulmans malgrรฉ leurs diversitรฉs identitaires. Peu importe la race ou la religion ร laquelle appartient une personne, elle peut dire vrai. Il serait donc une erreur de penser quโun individu est infรฉrieur ร un autre par son appartenance. Les messagers de Dieu ont apportรฉ chacun un message qui, sur la forme, diffรจre de ceux des autres. Pourtant chacun dโeux prรฉtend dire la vรฉritรฉ. Ce qui explique que chaque religion peut รชtre considรฉrรฉe comme une vase dans laquelle Dieu a dรฉposรฉ sa connaissance. En ce sens, Amadou Hampรขtรฉ Bรข nous dit que ยซ Lors, dรจs quโun homme croit en Dieu, il est notre frรจre. Traite-le comme tel et ne soit pas du nombre des รฉgarรฉs ยป. Par-lร , nous constatons que lโauteur donne plus dโimportance ร la convergence des croyances quโร lโappartenance identitaire. Il montre que ce qui nous lie est plus important que ce qui nous diffรฉrencie. En remontant de plus dans la liaison des diffรฉrentes sectes, on trouve que la totalitรฉ des identitรฉs finit par รชtre une unitรฉ. Par exemple, les diffรฉrentes tarรฎqa ont des particularitรฉs, mais elles se reconnaissent รชtre toutes des soufis ; aussi, les sectes sont multiples dans lโislam et disposent chacune des particularitรฉs, mais elles ont en commun leur appartenance ร la religion musulmane. De plus, le caractรจre infini de la parole de Dieu nous fait comprendre que les humains doivent se mettre en contact pour รฉchanger afin de renforcer leurs connaissance de Dieu, dans un รฉtat dโesprit qui favorise le dialogue et la complรฉmentaritรฉ dans la reconnaissance et la tolรฉrance de lโautre. Cette reconnaissance mutuelle commence par, savoir quโaucune idรฉe nโest infaillible et que nul ne dรฉtient le monopole de la vรฉritรฉ ; elle permet ร tout homme de critiquer pour accepter ou ne pas adhรฉrer ร lโidรฉe de son prochain avec une grande intelligence. Ainsi, lโรชtre humain est conscient de son incapacitรฉ de dรฉtenir le savoir dans sa globalitรฉ ; il ne peut avoir quโune connaissance parcellaire de la vรฉritรฉ divine. Cependant, son รฉgoรฏsme et le besoin dโaffirmation qui animent son รชtre sont autant dโobstacles qui lโempรชcheraient de voir ce qui est en lโautre et qui pourrait lui รชtre bรฉnรฉfique. Ce qui favorise en lui un dogmatisme religieux qui ne lui permet pas de sโouvrir aux autres. Dans cette situation, lโindividu peut ne pas รชtre tolรฉrant vis-ร -vis de son semblable. Et lโobscurantisme dont il est victime devient, ainsi, une contrainte face ร la reconnaissance de lโautre et ร lโouverture dโesprit qui pourrait lui permettre dโรฉchanger avec les autres ayant des idรฉes autres que les siennes. Cโest en ce sens que Amadou Hampรขtรฉ Bรข rajoute que : ยซ Si lโon nโa pas la certitude de possรฉder entiรจrement toutes les connaissances, il faut se garder de contredire. Certaines vรฉritรฉs ne nous paraissent invraisemblable que, tout simplement, parce que notre connaissance ne les atteint pas ยป.
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Table des matiรจres
PREMIERE PARTIE : LโIMPOSSIBILITE DโUNE INTERPRETATION UNIVOQUE DU CORANย
CHAPITRE I : LโUNICITE DE LโISLAM DANS LA DIVERSITE DES INTERPRETATIONS DE LA VERITE
CHAPITRE II : LE CORAN ET LA PLURALITE DES ENTENDEMENTS
DEUXIEME PARTIE : LA DIVERSITE DANS LโISLAM
CHAPITRE I : PLURALISME RELIGIEUX ET CONNAISSANCE DE LA VERITE
CHAPITRE II : RECONNAISSANCE ET TOLERANCE DANS LโISLAM
TROIXIEME PARTIE : LA FIDELITE : CONFORMISME OU REFORMISME ?
CHAPITRE I : CONFORMISME ET REFORMISME
CHAPITRE II : LE DETERMINISME RELIGIEUX ET LA LIBERTE HUMAINE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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