La question des droits humains dans la construction de l’action extérieure de l’Union  européenne au Cambodge

Réflexivité

Une série de limites et difficultés se sont posées à différentes étapes de ma recherche, et particulièrement durant le déroulement des entretiens menés entre avril et mai 2021. Du fait du contexte sanitaire, il fut tout d’abord difficile d’obtenir des réponses à mes sollicitations pour conduire des entretiens. En outre, une fois les rendez-vous fixés, ces entretiens furent tous conduits par téléphone, donnant une tournure plutôt formelle aux conversations. Il n’a pas été possible de rencontrer mes interlocuteurs et de développer des relations informelles avec eux, ce qui a sans doute constitué un frein à la construction d’une relation de confiance et au déroulement de l’entretien comme « conversation » (Olivier de Sardan, 1995 : 8).
Par ailleurs, les sujets abordés lors des entretiens portaient sur les relations politiques entre l’Union européenne et le Cambodge, sur une période relativement récente (2018-2020). Aussi, la plupart de mes interlocuteurs ont estimé que certaines questions étaient de nature « trop politique » et sensible pour y répondre. Certains d’entre eux avaient en effet été amené à traiter du dossier « Tout Sauf Les Armes » dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. Ils ont insisté sur le fait que leurs avis et prises de positions personnelles recueillies par mes entretiens ne sauraient représenter les institutions pour lesquels ils travaillent. La totalité de mes interlocuteurs ont également demandé à ce que ces entretiens demeurent confidentiels, ce qui explique qu’ils soient anonymes dans le corps du texte. De surcroît, ce sujet est qualifié de « technique » par nombre de mes interlocuteurs, ce qui a parfois été une justification pour éluder certaines de mes questions. L’un de mes interlocuteurs m’a d’ailleurs demandé, sur le ton de la plaisanterie : « vous êtes journaliste ? » afin d’éviter une question jugée apparemment trop sensible.
Le choix du vocabulaire dans mes questions fut également important : la décision de suspendre les préférences tarifaires accordées jusqu’alors au Cambodge ne saurait, par exemple, être qualifiée de « sanction » selon la majorité de mes interlocuteurs : ceux-ci préféraient ainsi qualifier une telle décision de « retrait d’un privilège ». Par ailleurs, ceux-ci insistèrent à de multiples reprises sur le fait que les discussions lors de la procédure de suspension ne peuvent être considérées comme des « négociations », dans la mesure où l’Union européenne prend sa décision de manière unilatérale.
Afin de rapprocher la conduite de mes entretiens de la situation de conversation, je me suis efforcée d’adapter mes questions et de demander des éclaircissements sur des termes employés.
Cependant, je fus renvoyée à de multiples reprises à des documents publiés par la Commission ou le Service européen pour l’action extérieure, mes interlocuteurs les jugeant plus complets et ne souhaitant pas poursuivre les explications sur un sujet « si technique ». Aussi, il fut souvent difficile d’amener mes interlocuteurs à s’exprimer sur les sujets abordés et d’aller au-delà d’une discussion portant sur le déroulement de la procédure, pour considérer les enjeux et effets politiques de telle ou telle position ou décision. Certaines de mes questions furent parfois évitées par des rires, des silences, ou des réponses courtes à des questions appelant pourtant à des développements ou demandant plus de précisions.
Malgré ces difficultés, il convient toutefois de rappeler que la nature politique, mais également très contemporaine, du sujet explique en partie certains silences ou réponses allusives, d’autant plus que de nombreuses discussions politiques entre l’Union européenne et le Cambodge demeurent confidentielles.

Le déploiement de l’action extérieure européenne au Cambodge : quelle place pour la promotion des droits humains ?

La définition de la stratégie européenne au Cambodge

Afin de concevoir l’action extérieure de l’Union européenne, il s’agit dans un second temps de dresser un panorama des politiques conclues entre l’UE et les pays tiers, et notamment le Royaume du Cambodge, en matière de droits humains. Tandis que l’action extérieure de l’UE s’institutionnalise progressivement dans les années 1990, elle se déploie au Cambodge dans le cadre de la mission UNTAC, faisant suite à la République populaire du Kampuchéa (1979-1989) marquée par la présence vietnamienne au Cambodge. À mesure que l’UE précisait sa politique au Cambodge, celui-ci voyait son régime politique prendre forme avec la consolidation du pouvoir du Premier ministre Hun Sen depuis les premières élections de 1993.
L’ouverture de la délégation de la Commission européenne au Cambodge le 18 février 2002 constitue une étape importante dans la stratégie européenne au Cambodge , dans la mesure où elle permet d’instaurer un dialogue régulier entre la Commission et le gouvernement cambodgien. Les principales compétences de la Commission en termes de politique extérieure relevant du commerce et de l’aide au développement, les relations entre l’UE et le Cambodge furent tout d’abord essentiellement économiques. Cela explique pourquoi « jusqu’à la fin des années 1980, le réseau de délégations de la Commission demeure très largement concentré dans les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) », principaux destinataires de l’aide européenne au développement (Petiteville, 2006).
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne (2009) et la définition des compétences du Service européen pour l’action extérieure (2010) consacre la place du SEAE dans le rôle de représentation politique de l’UE auprès du Cambodge, la délégation de la Commission européenne au Cambodge est désormais renommée délégation de l’UE au Cambodge en décembre 2009. Une décision du Conseil des ministres européens des affaires étrangères du 26 juillet 2010 (article 9) distingue plusieurs instruments d’aide extérieure coordonnés par le Service européen pour l’action extérieure, dont certains sont particulièrement mobilisés dans le cadre des relations avec le Cambodge : Instrument de la coopération au développement, Fonds européen de développement et Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme (IEDDH) . Les moyens dont disposent le Service européen pour l’action extérieure pour la promotion des droits humains sont inscrits dans la politique commerciale de l’UE à travers les « clauses de conditionnalité démocratique insérées dans les accords d’association et de coopération », dans la politique d’aide au développement, via le financement d’ONG dans le cadre de l’IEDDH, grâce au dialogue politique mené avec le Cambodge et enfin à travers l’octroi d’une assistance électorale (Petiteville, 2006). Tandis que l’usage de la conditionnalité sera exploré dans une prochaine partie, il s’agit désormais de considérer l’emploi de ces divers instruments afin de qualifier l’action de l’UE en matière de promotion des droits humains.
Depuis 2012, les délégations européennes rédigent chaque année une stratégie des droits humains dans leur pays d’ancrage (Human Rights Country Strategies, HRCS), en consultation avec les ambassades des pays membres (Balfour, 2013 : 16). Ces documents, bien que confidentiels, indiquent la place que l’UE souhaite accorder à la promotion des droits humains et l’identification de points sur lesquelles elle souhaite déployer sa coopération avec les pays tiers sur la question des droits humains.
Un des premiers enjeux dans la mise en œuvre de cet objectif relève de la coordination et de la cohérence dans le déploiement de la stratégie européenne. Le nombre d’acteurs européens impliqués dans l’action extérieure étant particulièrement élevé, « il est toujours extrêmement complexe de synchroniser toutes les activités de toutes les parties prenantes à tous les niveaux » (Scherer, 2015 : 45). Cette complexité est due aux caractéristiques de l’action extérieure européenne, présentée comme « multidimensionnelle, multi-méthode et multi-niveau » (Keukeleire et Delreux, 2014 : 11). La division des compétences entre les acteurs dépend de la portée des politiques mis en œuvre : les décisions relatives au commerce, à la coopération et à l’aide humanitaire sont effectuées sur un mode communautaire tandis que celles plus politiques, de sécurité et de défense, relèvent du mode de décision inter-gouvernemental (Carta, 2014 : 11 ; Petiteville, 2011 : 99).

Assistance électorale : la promotion d’un certain idéal démocratique européen

Un aspect majeur de la coopération de l’UE à l’égard du Cambodge est le soutien financier et technique dans le cadre d’organisations d’élections. L’assistance électorale de l’UE fut ainsi apportée à travers les missions d’observation d’élections (Election Observation Missions EOMs), mis en œuvre depuis 1998. Lors des élections générales du 26 juillet 1998, l’UE ne conduisit pas sa propre mission mais joua un rôle de premier plan au sein du Joint International Observer Group (JIOG) en compagnie des Nations Unies (Manikas, 1998 : 156). Cette première mission fit l’objet de nombreuses critiques, dans la mesure où les États-Unis et le Japon firent pression sur le Premier ministre Hun Sen pour autoriser le retour au Cambodge du candidat du parti FUNCIPEC, le prince Norodom Ranariddh, afin qu’il puisse participer aux élections (Karbaum, 2011 : 125). Celui-ci ne résidait plus au Cambodge suite au coup d’État de juillet 1997 (Peou, 1998a : 74). Le montant de l’aide européenne pour l’organisation des élections de 1998 s’élève à 12 millions d’euros avec le déploiement de près de 200 observateurs (Peou, 1998b : 285). Le président de l’UE publia un communiqué annonçant la satisfaction de l’UE sur la conduite des élections, jugées « crédibles, libres, justes et représentatives » (Peou, 1998b : 286).
Trois missions d’observations furent ensuite menées par l’UE au Cambodge : une mission fut menée par le député européen Carlos Costa Neyes entre décembre 2001 et février 2002 dans le cadre des premières élections communales depuis les Accords de Paris ; une seconde mission fut organisée entre le 11 juin et le 30 août 2003 sous la direction du député européen Robert Evans pour observer les élections législatives , et une troisième mission fut tenue par le député européen Martin Callanan, dans le cadre des élections législatives de la National Assembly du 27 juillet 2008 et fut accompagnée d’une délégation du Parlement européen représentée par l’eurodéputé Glyn Ford (S&D) . Depuis 2000, l’UE conduit des missions d’observation d’élections qui ont été inclues dans l’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme (IEDDH) dès sa création en 2006. Celles-ci ont pour objectif d’apporter de la légitimité au processus électoral en considérant son cadre constitutionnel et légal ainsi que son organisation sur le long-terme et en étant présent le jour des élections, les observateurs de ces missions sont nommés par la Commission et le SEAE (après 2010) et comprennent également des parlementaires européens . La mission conduite en 2002 impliqua 90 observateurs (30 de long-terme et 60 de court-terme) , celle de 2003 mobilisa 106 observateurs (36 de long-terme et 70 de court-terme) et celle de 2008 près de 130 observateurs . Tandis que la mission conduite en 2001-2002 représenta un budget de 1,2 millions d’euros , près de 2,8 millions d’euros fut dédié à celle de l’année 2008 . Cette assistance financière s’accompagne d’une aide technique apportée au National Election Committee (NEC), en charge de l’organisation des élections. Cette assistance se prolongea en dehors de la conduite de ces missions, la Commission lui consacrant près de 10 millions d’euros de son budget entre 2016 et 2017.

Le soutien de l’Union européenne aux acteurs de la société civile

Au-delà de l’assistance électorale, le soutien apporté aux acteurs de la société civile constitue un des fondements majeurs des politiques européennes de promotion des droits humains et de la démocratie au Cambodge. Dès 2001, une communication de la Commission européenne témoigne de l’importance de ce soutien dans le dialogue portant sur des enjeux de démocratisation et de droits humains . Une publication de 2011 consacre le rôle de l’UE dans le soutien à « l’émergence d’une société civile locale organisée, capable de jouer un rôle d’observateur critique et de partenaire du dialogue avec les pouvoirs nationaux » . Cet aspect est d’ailleurs intégré dans la stratégie de la Communauté européenne au Cambodge portant sur la période 2007-2013, insistant sur « l’assistance apportée aux ONG et autres organisations de la société civile » , mais également de la stratégie de coopération de la période 2014-2018, les organisations de la société civile jouant un « rôle vital comme promoteurs de la démocratie, de la justice sociale et des droits humains » . La Délégation européenne au Cambodge a d’ailleurs adopté une feuille de route avec les différentes ambassades européennes au sujet de leurs interactions avec les organisations de la société civile au Cambodge pour la période 2014-2018, dans l’optique d’adopter une position européenne commune dans la coopération au développement destinée à la promotion des droits humains et de l’égalité des genres (priorité n°1).
Les ONG constituent de facto des interlocuteurs de premier plan pour les institutions européennes, qui les mobilisent régulièrement à titre consultatif dans le cadre de l’élaboration de différentes politiques. Par exemple, le 25 juillet 2008, lors de la visite d’une délégation du Parlement européen menée par Glyn Ford (S&D) dans le cadre de leur mission d’observation électorale, les parlementaires européennes rencontrèrent des représentants des ONG ADHOC (Cambodian Human Rights and Development Association) et LICADHO (Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights), lesquelles sont réputées pour leurs engagements dans la défense de la liberté d’expression et le respect des droits humains dans le Royaume.
Lors des élections de 2008, 72 ONG furent également accréditées comme observateurs, avec la participation sur le long-terme d’organisations comme le Committee for Free and Fair Elections in Cambodia (COMFREL) et le Neutral and Impartial Committee for Free and Fair Elections in Cambodia (NICFEC) . En 2011, le Committee for Free and Fair Elections in Cambodia reçut une aide afin de sensibiliser la population cambodgienne sur l’importance des élections locales et de la participation au processus électoral , mais également en 2012 pour observer les élections locales
.

Les relations commerciales entre l’Union européenne et le Cambodge, espace de promotion des droits humains et de dialogue politique ?

L’accord de coopération entre l’Union européenne et le Cambodge, premier jalon d’une conditionnalité politique dans un accord commercial

La politique commerciale européenne, à travers une série d’accords conclus avec des pays tiers, est un outil employé par l’Union européenne afin de promouvoir ses valeurs que sont le respect des droits humains, l’État de droit, la démocratie. Parfois désigné sous le terme de « gouvernance à travers le commerce » (Wouters et al., 2018), la coopération économique de l’UE peut être perçue comme une occasion de combiner ressources économiques et ambitions politiques (Petiteville, 2003 : 126).
Ainsi, étudier les accords commerciaux conclus avec des pays comme le Royaume du Cambodge, mais surtout la façon dont ces conditions sont posées et par la suite évaluées, permet de dégager la posture que l’UE adopte dans son action extérieure. « La diplomatie européenne ne se limite pas à la politique étrangère et de sécurité commune. Les relations communautaires extérieures (accords de coopération, d’association et de commerce, « partenariats » institutionnalisés, aide au développement, etc.) constituent les outils d’une « diplomatie coopérante » qui complète la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et qui, en pratique, s’imbrique étroitement avec elle. » (Petiteville, 2006 : 97). En 2012, l’adoption du plan d’action de l’UE en faveur des droits humains et de la démocratie précise ainsi dans son objectif n°11 que le commerce doit se conduire en accord avec les droits humains.

La conditionnalité dans le Schéma de Préférences Généralisées, historique d’un instrument tant juridique que politique

La politique commerciale de l’Union européenne à l’égard du Cambodge s’inscrit également dans sa politique d’aide au développement. Cette relation de coopération, construite depuis 1997, s’inscrit dans un contexte mondial bien particulier en ce qui concerne l’aide au développement. À partir de 1975, les conventions successives de Lomé marquèrent l’établissement d’une coopération entre l’UE et les pays en voie de développement, constituant par ailleurs la « première expérience de coopération de l’Europe communautaire » (Petiteville, 2006 : 97). Au-delà de l’aide au développement et de la coopération, au cœur de ces conventions signées entre la Communauté européenne et les pays de l’ACP (Afrique Caraïbes Pacifique), la question de la politisation de ce système se posa graduellement (ibid.). Ces interrogations furent en effet fondées sur un questionnement plus général sur la position de l’UE à l’égard de pays tiers, souhaitant également promouvoir ses valeurs et un modèle politique démocratique. Petiteville qualifie la coopération au développement engagée par la Communauté européenne de « médiation communautaire de la politique étrangère européenne », car, « sous couvert de clauses commerciales, d’aide financière et de dialogue institutionnel, [elle] exprime très largement des intérêts politiques (relatifs par exemple à la sécurité de l’Europe, à la stabilisation de sa périphérie, au contrôle de ses frontières) et des normes politiques (relatives au respect de la démocratie et des droits de l’Homme, à la résolution des conflits, au respect du multilatéralisme et des traités dans les relations internationales, etc.) » (2006).
L’ajout de clauses de conditionnalité fut ainsi considéré comme un instrument adéquat dans la poursuite d’objectifs politiques, car il permet d’inclure des clauses dont le respect est essentiel afin de poursuivre un accord de coopération, commercial par exemple. La conditionnalité est définie comme « l’octroi de bénéfices à un pays sous réserve que le bénéficiaire remplisse certaines conditions » (Kishore, 2017 : 8), ou comme un « mécanisme permettant de réaliser des réformes politiques ou d’imposer des politiques que le pays bénéficiaire ne choisirait pas volontairement » (Morrissey, 2005 : 237). La conception d’un tel outil juridique repose sur l’idée selon laquelle les échanges économiques participent à la promotion des droits humains :
« Cette pratique de la coopération sous condition de respect des droits de l’Homme et des normes démocratiques par le partenaire combine une négociation en amont avec lui sur le contenu et la formulation des clauses de conditionnalité, une codification de l’activation de ces clauses et, en théorie, une anticipation de la part du partenaire des risques de sanctions induits par un comportement « déviant ». L’Union mise d’autant plus sur la conditionnalité que ses politiques de coopération constituent son mode d’action extérieure dominant et que la conditionnalité procède d’un idéal d’influence sans recours à la force, conforme au modèle de la puissance civile » (Petiteville, 2006).
Ainsi, la poursuite d’objectifs non commerciaux considère que des « préférences économiques doivent être accordées aux pays (en voie de développement) qui respectent les principes démocratiques et de droits humains, et doivent être retirés de ceux qui ne les respectent pas » (Bartels, 2008 : 1).

La suspension partielle de l’accord « Tout Sauf Les Armes » (février 2018-août 2020)

Les discussions relatives à la suspension de l’accord TSA furent menées par un ensemble d’acteurs européens, témoignant de la complexité que peut revêtir l’action extérieure européenne. Ainsi, l’aspect commercial de l’accord fut considéré sous l’égide de la Commission européenne, et notamment de la Direction générale du commerce (DG Trade). Comme confirmé par un diplomate français lors d’un entretien, les questions commerciales relatives au Cambodge dépendent du département Commerce et Investissement de la Délégation européenne en Thaïlande , mais également des membres de la Direction Commerce, basée à Bruxelles. Le Service européen pour l’action extérieure, comprenant le département Asie du Sud-Est basé à Bruxelles et la délégation de l’UE de Phnom Penh, sont donc responsable de la mise en œuvre des décisions et de la cohérence de celles-ci. De fait, les interlocuteurs cambodgiens sont confrontés à une multitude d’acteurs institutionnels de l’UE.
Côté cambodgien, les principaux acteurs de ces discussions furent des membres du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, ainsi que des membres du ministère du Commerce et de l’Industrie (Entretien n°1).
Retracer la chronologie de la suspension partielle de l’accord TSA permet ainsi de dérouler les différents enjeux qui sous-tendent cette décision. Il s’agira ici ci-après de procéder à une analyse séquentielle de cette politique en prenant en compte les acteurs impliqués dans la procédure.

Une procédure opaque, « bureaucratique » et « complexe » ?

Après avoir retracé les principales étapes de cette procédure de suspension, dont l’absence de lisibilité fut parfois critiquée (Entretien n°1). Il semblerait que peu d’information aient été communiquées à ce sujet, y compris aux ambassades des États membres. Un diplomate français qualifie la procédure de « très bureaucratique, à la bruxelloise », et « pas très claire ». Il poursuit : « On a eu pleins d’éléments contradictoires sur le détail de la procédure, mais bon ! Dans l’ensemble il y avait des échéances à date précise, 6 mois. […] On récupérait certaines informations par les Cambodgiens, avant même que l’UE… C’est vous dire ! Donc, non, non, c’est hyper étanche, très compliqué pour nous [diplomates] d’avoir des informations. » (Entretien n°1).
Tout d’abord, concernant les missions d’observation (« monitoring mission ») conduites en juillet 2018 et juin 2019, dont l’opacité fut soulevée à de nombreuses reprises par des parlementaires européens. Le 4 juillet 2018, la veille de la première mission d’observation, un groupe de 18 parlementaires européens écrivit une lettre adressée à la HRVP Federica Mogherini, à la Commissaire au commerce Cecilia Malmström, ainsi qu’à la Commissaire à l’Emploi Marianne Leonie Petrus Thyssen dans laquelle ils les enjoignaient à rendre publiques les conclusions de la mission . En août 2018, dans une question adressée à la Commission européenne, l’eurodéputé Ramon Tremosa i Balcells (ALDE) évoque le déroulement frauduleux des élections du 29 juillet 2017 et interpelle la Commission sur la mission conduite en juillet 2018, en demandant si ses conclusions seront rendues publiques . Une telle requête fut une nouvelle fois formulée le 14 septembre 2018 , mais la réponse donnée par la Commission ne mentionna pas ce point.

 

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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Résumé
Mots clés
Abstract
Key Words
Liste des acronymes
Introduction
Méthodologie
Réflexivité
I. La question des droits humains dans la construction de l’action extérieure de l’Union  européenne au Cambodge : discours et politiques extérieures
A. L’inscription des ambitions normatives de l’action extérieure de l’Union européenne  dans le paysage sociopolitique cambodgien
1. La définition progressive des droits humains comme boussole de l’action extérieure  de l’Union européenne
2. Droits humain et conceptions bouddhistes : quels points de rencontre entre les  conceptions européennes et cambodgiennes des droits humains ?
3. Le rôle du Parlement européen dans la mise à l’agenda de la situation des droits  humains au Cambodge
B. Le déploiement de l’action extérieure européenne au Cambodge : quelle place pour la  promotion des droits humains ?
1. La définition de la stratégie européenne au Cambodge
2. Assistance électorale : la promotion d’un certain idéal démocratique européen
3. Le soutien de l’Union européenne aux acteurs de la société civile
II. La « posture normative » de l’Union européenne au Cambodge dans la mise en œuvre de  sa politique commerciale
A. Les relations commerciales entre l’Union européenne et le Cambodge, espace de  promotion des droits humains et de dialogue politique ?
1. L’accord de coopération entre l’Union européenne et le Cambodge, premier jalon  d’une conditionnalité politique dans un accord commercial
2. La conditionnalité dans le Schéma de Préférences Généralisées, historique d’un  instrument tant juridique que politique
B. La suspension partielle de l’accord « Tout Sauf Les Armes » (février 2018-août 2020)
1. La procédure de suspension partielle de l’accord TSA, une action conjointement
menée par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure
2. Une procédure opaque, « bureaucratique » et « complexe » ?
3. Le choix des secteurs visés par la suspension : le cas de la production de sucre et de
l’accaparement des terres
C. La suspension partielle de l’accord « Tout Sauf Les Armes » : une décision critiquée
1. Débats relatifs à la conditionnalité comme outil de promotion des droits humains
2. La réception du retrait des préférences tarifaires au Cambodge
3. La portée politique et économique limitée de la suspension partielle des préférences  tarifaires
Conclusion
Bibliographie
Rapports de l’Union européenne
Rapports de la Banque mondiale
Rapports de l’Organisation internationale du Travail (ILO)
Rapports d’ONG
Articles et ouvrages académiques
Annexes
Annexe n° 1 : Chronologie des résolutions du Parlement européen sur la situation politique
au Cambodge (1994-2021)
Annexe n° 2 : Liste des entretiens conduits dans le cadre de ce mémoire
Annexe n° 3 : Liste des chargés d’affaires de la délégation de la Commission européenne au
Cambodge (2002-2009) puis des chefs de la délégation de l’Union européenne au Cambodge (2009-2021)
Annexe n° 4 : Liste des conventions internationales mentionnées dans la régulation
« Schéma de Préférences Généralisées »
Annexe n° 5 : Exportations de produits vestimentaires au Cambodge (2005-2015)
Annexe n° 6 : Principaux bénéficiaires du « Schéma de Préférences Généralisées » en 2016
Annexe n° 7 : Principaux bénéficiaires de l’accord « Tout Sauf Les Armes » en 2018

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