La vérifiabilité
Selon eux, un énoncé est scientifique s’il est vérifiable par l’expérience. Autrement dit, seuls les énoncés qui ont un contenu empirique sont scientifiques. Il s’agit des énoncés d’observations et des énoncés théoriques qui, respectivement, décrivent les états de choses directement observables et des états de choses indirectement perçus .Ne sont scientifiques que les théories qui expriment les faits qui peuvent être mis en rapport avec des perceptions publiquement testables. Les empiristes du cercle de Vienne soutiennent que la science doit se limiter à des énoncés construits à partir de la seule observation .Carnap écrit à ce sujet : « Le jour succède toujours la nuit ; les saisons reviennent dans le même ordre ; le feu produit toujours une sensation de brûlure ; les objets tombent quand nous les lâchions ; etc. Les lois de la science ne sont rien de plus que des énoncés qui expriment de façon aussi précise que possible ces régularités ».Cela veut dire que la théorie n’excède en aucune manière l’ensemble des observations dont elle découle de sorte qu’elle est justifiée d’une manière immédiate et indiscutable par les perceptions. Carnap fut le plus ardent défenseur du principe de la vérifiabilité. Il considère comme vérifiable les seuls énonces qui se laissent réduire à des protocoles d’observations. Une théorie dite scientifique repose sur une base sure inébranlable appelée par Carnap les énoncés protocolaires. Ces derniers sont des énonces primitives sur lesquels reposent tous les autres énoncés appartenant au système. Ils sont justifiés par des expériences perceptives. Quand on parle d’énoncé on fait référence à des propositions qui résultent des données des sens. Ces énoncés dont parle Carnap correspondent directement dans une certaine mesure à des états de chose perçus. Une fois établis, ils deviennent irrécusables. Les perceptions constituent la base rocheuse sur la quelle repose l’édifice de la science. Comment peut on être sur que les perceptions ne sont pas chimériques ? Ne sont-elles pas relatives d’un individu à un autre ? Carnap est un fondationaliste de même que la plupart des membres du Cercle de Vienne. Le fondationalisme est une doctrine selon laquelle l’observation permet de donner un fondement absolu à l’ensemble de la science. Selon Schlick, les énoncés de la science doivent être fondés sur des énoncés incorrigibles rapportant des informations sensorielles. Au total, on peut dire que pour les empiristes l’énoncé scientifique est un pur donné sensationnel et la théorie devient une pure synthèse inductive des faits. Les lois inférées à partir des faits sont vérifiées car, comme on sait, les faits ne sont que la description d’événements perceptibles.
Le rationalisme dogmatique
Le rationalisme est un courant de pensée philosophique. Pendant l’Antiquité, il fut défendu par des philosophes grecs notamment Euclide (300 avant J.-C), Platon (428-347 avant J.-C), et Pythagore (569-475 avant J.-C) .Ils accordaient tous la primauté aux idées sur les faits. Des rationalistes comme Descartes (1596-1650) affirment l’existence d’une connaissance indépendante de l’expérience, purement intellectuelle et indubitable. En effet, selon Descartes l’homme dispose des moyens absolument surs pour élaborer des connaissances indiscutables. Ces instruments ont été dotés à l’homme par Dieu. Or Dieu est par essence vérace, un être absolument parfait et puissant. Il n’a donc pas créer notre entendement de telle nature qu’il puisse nous tromper. Ainsi, Descartes croit fermement quant au pouvoir de la raison. C’est une lumière naturelle permettant à l’homme de distinguer le vrai du faux. L’intuition et la déduction sont : « les actes de notre entendement par lesquels nous pouvons parvenir à la connaissance des choses sans aucune crainte de l’erreur ». Cependant, ce n’est pas suffisant de posséder ses facultés, il y a des réquisits auxquels il faut se conformer pour parvenir à la vérité. Il faudra procéder à un raisonnement bien conduit. Descartes élabore ainsi une méthode sure dont tout homme peut faire usage dans la quête de la vérité. Il définit la méthode comme : « des règles certaines et faciles, grâce auxquelles tous ceux qui les observent exactement ne supposeront jamais vrai ce qui est faux ». Dans cette perspective, il propose quatre règles dans la deuxième partie du Discours de la méthode. La première est celle de l’évidence : « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ; c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute ». Ce qui signifie qu’il ne faut admettre pour vrai que ce qui est évident. Descartes fait de l’évidence la marque distinctive d’une connaissance certaine. En évitant la précipitation et la prévention on peut échapper à l’erreur car elles sont susceptibles d’en être les sources. Le doute méthodique est aussi une nécessaire, il s’agit de faire table rase de toutes les opinions reçues jusqu’ici comme étant vraies, de se départir des préjugés que l’éducation et la tradition ont imprimes dans notre intellect. Certains jugements acquis pendant l’enfance peuvent obscurcirent l’esprit. On ne peut s’en libérer que par le doute à l’issu duquel on ne retiendra que ceux qui sont évidents. La seconde règle est celle de la division et de l’analyse ou de la simplification des difficultés : « diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre». C’est-à-dire diviser en parties les difficultés à examiner en autant de parties qu’il se pourrait. La troisième règle : « conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connaissance des plus composés, et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres ». En étudiant un problème, il faut toujours commencer par les plus simples et les plus faciles à connaitre ensuite progresser petit à petit jusqu’à la connaissance des plus composés. La quatrième règle consiste à : « faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre». Il s’agit d’une révision pour s’assurer de n’avoir rien oublié. Dès l’observance de ses règles, tout homme disposant de la lumière naturelle peut découvrir la vérité et parer à l’erreur. Descartes affirme : « si nous ignorons quelqu’une des choses que nous pouvons savoir, cela vient seulement ou de ce que nous n’avons découvert aucune route qui put nous conduire a une telle connaissance ou de ce que nous sommes tombes dans l’erreur contraire à la vérité ». Une méthode est donc obligatoire. Par ailleurs, chez Descartes toute connaissance est construite à partir d’une base solide à l’image de celle de la pyramide. Il y a une connaissance primitive qui est indubitable, évidente, auto -justifiant, à partir de laquelle toutes les autres connaissances sont déduites, une proposition de base dont dépendent toutes les autres. On appelle ces propositions dans le jargon de Descartes les principes. Ils nous sont connus par l’intuition et la déduction. Ainsi, il pose comme fondement ultime de toute connaissance le « cogito » (la pensée). C’est la première vérité qu’il a découverte. Toutes les autres comme l’existence de Dieu, celle du corps sont déduites de la première.
L’empirisme baconien
Si les rationalistes accordent la primauté à l’intellect, les empiristes quant à eux ne font fie qu’aux sens. Le mot empirique vient du grec empereia qui veut dire « se guider de l’expérience». Selon eux, l’esprit humain est une table rase à la naissance. Grace aux données des sens, il acquiert un certain nombre de savoir. Sans nul doute, Aristote (384-322 avant J.- C) fut le père de cette doctrine. Il soutient l’idée selon laquelle la première source de nos idées est la sensation. Il affirme même que le sens de la vue est celui qui, parmi tous les autres le plus apte à nous fournir plus de connaissances. Parmi les partisans de cette doctrine, on a Francis Bacon (15618-1626), John Locke (1632- 1704), Isaac Newton (1642 -1726) Berkeley (1685-1753), David Hume (1711- 1776), etc. Ils font de l’expérience leur pierre de touche angulaire. Francis Bacon à l’instar de Descartes pensait que l’homme grâce à une méthode appropriée peut détenir la vérité. L’expérience fut pour lui la route la plus sure par laquelle il faudrait passer pour la destination de l’épistèmê. Elle constitue le seul moyen de s’instruire car nos yeux nous sont donnés pour contempler la vérité. Il faut interagir avec l’environnement, aller vers les phénomènes pour découvrir la cause de toute chose. Chez Bacon, la nature est un livre ouvert dans lequel il y a des secrets. Ainsi, la méthode est ce qui est susceptible de les percer. Il la définit comme : « ce qui indique le chemin assuré vers la pure vérité des choses. Elle est l’étude de la nature ce que la boussole a été a la découverte des Indes occidentales ».16 C’est dans le Novum organum que Bacon expose sa conception de la démarche. Cette dernière consiste d’abord à se départir des idoles : Il s’agit des illusions altérant les images de la nature .On peut les appeler les préjugés. Les idoles sont donc des anticipations de l’esprit. Celles de la caverne constituent ce que l’éducation a imprimé dans notre esprit, quant aux idoles de la place publique, elles sont des illusions générées par nos langues naturelles. Il faut se débarrasser de toutes ses idoles afin de pouvoir lire convenablement dans le grand livre du monde. Elles compromettent l’interprétation de la nature. La première tâche de sa méthode consiste donc en une élimination de ses fausses croyances. Pape amadou Ndiaye affirme à propos des idoles de l’intelligence : « C’est fort justement qu’il (Bacon) les appelle aussi fantômes, puisqu’elles hantent l’esprit humain ou elles tissent des toiles imaginaires. Bacon procède à une chasse systématique aux fantômes puisqu’ils ont infiltre toutes nos connaissances ».17 Se purger est donc la première condition à remplir avant toute observation. Sa méthode est comparable à la maïeutique socratique .Cette dernière consiste à poser des questions destinées à détruire les préjugés, les fausses croyances qui sont le fait de la coutume ou de la tradition. Ce n’est pas une technique qui vise à enseigner une quelconque croyance, mais à nettoyer ou purifier l’âme de ses fausses croyances. Elle y parvient en nous apprenant à mettre en question les convictions qui sont les nôtres. En effet, la mission de Socrate n’était pas de dispenser des enseignements, car il ne se considérait pas comme quelqu’un qui détient le savoir .Il avait comme ambition de rendre meilleur l’âme des gens avec lesquels il discutait. Selon lui, après cette purification, on peut enfin contempler la vérité. Chez Bacon, cette méthode porte le nom d’induction. Elle est à différencier de l’induction au sens général. On faisait usage d’elle pour confirmer une théorie déjà élaborée. C’était une longue énumération de faits qui servaient de preuve à une opinion. Elle fut utilisée par les aristotéliciens. En revanche l’induction baconienne est un regroupement d’observations dont le but est de saisir la pure réalité des choses. On peut affirmer sans risque de se tromper qu’elle est une intuition de l’essence. Le savant en travaillant sur un phénomène doit exclure tout ce qui est contingent afin de ne retenir que ce qui est nécessaire et universel ; en effet, dans chaque phénomène se trouve une loi déjà prescrite. C’est cette dernière que le savant doit extraire. Mais cela n’est possible qu’après avoir été purifie des anticipations. Cette phase a pour finalité le constat objectif des phénomènes. Bacon tout comme Descartes pense que l’erreur peut être évitée des lors qu’on est en possession d’une bonne méthode. Ils font tous les deux confiances aux sources de connaissance dont l’homme dispose pour accéder au savoir. Le premier fait de l’observation le fondement ultime de tout savoir et le second la vision de l’intellect. Selon eux, connaitre c’est posséder la vérité. Ils défendent tous les deux la possibilité d’un savoir infaillible. C’est justement ces thèses que Popper va mettre en brèche, car à ses yeux, il n’existe pas des sources sures qui ne nous induiront pas en erreur. Cette dernière en plus d’être inéluctable est instructive. A Bacon, il lui répondra : « toute observation implique une interprétation produite à la lumière du savoir théorique, ou qu’un savoir émane de l’observation pure, a l’abri de toute théorie serait parfaitement stérile et dépourvu de tout intérêt ».
Origine de la science : le consensus
Si Popper définit la science comme une activité essentiellement critique, Kuhn lui, la pense en termes de consensus. C’est la science normale plutôt que la science extraordinaire qui distingue la science des autres entreprises humaines. La science extraordinaire à laquelle Popper se réfère pour caractériser la science ne se produit que très rarement dans l’histoire de la science. Ainsi elle n’est pas apte à fournir un critère pour distinguer la science des autres entreprises humaines. Le scientifique résout plutôt des énigmes en épousant nécessairement une théorie admise. Son but n’est donc pas de remettre en cause la théorie à laquelle il adhère. Ce qui est mis à l’épreuve c’est l’ingéniosité des chercheurs et non la théorie en question. Popper s’est appuyé sur les expériences de Lavoisier concernant la combustion, les expéditions pour observer la lune de 1919 et les expériences sur les conservations de la parité pour justifier l’idée selon laquelle le savant fait constamment des tests. Pour Kuhn, ses épisodes sont exceptionnels. C’est plutôt une crise qui est à l’ origine de ces expériences que la volonté du savant. Tant qu’il n’y a pas une crise, les savants ne se comportent pas en philosophes. Le discours critique n’apparait qu’aux moments de la crise quand les fondements sont à nouveaux ébranlés. Cela veut dire que la discussion critique devient possible que lorsqu’il y a dissonance entre la théorie et le phénomène observés. D’autres théories surviennent pour tenter de résoudre les failles de l’ancienne théorie c’est a ce moment que les scientifiques pensent comme des philosophes afin de choisir la meilleure théorie. Dans ce cas, la théorie en difficulté n’est pas immédiatement rejetée comme le pense Popper. Pour ce dernier dès que l’hypothèse est infirmée par l’observation, celle-ci n’est plus défendue par personne. Kuhn dit : « si chaque fois qu’on se heurtait à une impossibilité d’établir cette coïncidence, il fallait rejeter la théorie, toutes les théories devraient être toujours rejetées ». La présence d’anomalie n’exige pas l’abandon immédiat d’une théorie. Les scientifiques peuvent recourir à des hypothèses had hoc pour contourner la crise. Donc une théorie peut continuer à triompher malgré l’existence d’anomalies. Le scientifique peut se proposer de réajuster celle –ci et non pas de l’abandonner. Il peut aussi rejeter es résultats expérimentaux en le jugeant comme non fiables. Comme il peut penser que les divergences entre les tests expérimentaux ne sont pas effectives, elles peuvent ne plus apparaitre avec l’amélioration de notre compréhension. En ce sens, « la résolution d’énigme est moins équivoque et plus fondamental que celui de la mise à l’épreuve (Falsification chez Popper)».on a pu remarquer que si les scientifiques se mettaient à falsifier leur théorie, aucune théorie ne triomphera durablement. Dans cette perspective pourra-t-on même parler de progrès ? On ne laissera pas chaque théorie le temps de faire ces preuves.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA CONCEPTION POPPERIENNE DE LA SCIENCE
CHAPITRE I : Limites de l’induction
Section 1 : les empiristes logiques
CHAPITRE II : L’objectivité de l’activité de recherche scientifique
section.1 Le rationalisme critique
Section 2 : La méthode critique
DEXIEME PARTIE : KUHN, CRITIQUE DE POPPER
CHAPITRE I : Controverse Kuhn/Popper
Section1 : contre l’idéalisation de la science
Section2 : les critères de choix entre théories
CHAPITRE II : Développement et croissance des théories scientifiques
Section1 : Autour de la tradition
Section 2 : Les révolutions
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
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