Lโยซidรฉal type ยป ยป comme concept mรฉthodologique
ย ย Considรฉrรฉ comme un concept opรฉratoire dans le domaine des sciences sociales, Weber emploie lโidealtype comme outil mรฉthodologique nรฉcessaire permettant dโinterprรฉter les connaissances dans la recherche. Cette thรฉorie de lโidรฉaltype est abordรฉe, voire explicitรฉe dans lโลuvre intitulรฉe Essais sur la thรฉorie de la science.Dans cette ลuvre, Weber procรจde ร sa conceptualisation la plus complรจte, en soutenant que lโidรฉaltype est un tableau de pensรฉe, il nโest pas une rรฉalitรฉ historique ni surtout la rรฉalitรฉ ยซ authentique ยป, il ne sert encore moins de schรฉma dans lequel on pourrait ordonner la rรฉalitรฉ ร titre exemplaire. Il nโa dโautre signification que dโun concept limitรฉ purement idรฉal, auquel on mesure la rรฉalitรฉ pour clarifier le contenu empirique de certains de ses รฉlรฉments importants et avec lesquels nous construisons des relations ยป. En effet, lโusage de ce concept permet de faire une comparaison des diffรฉrentes formes modernes de domination, voire de systรจme dโautoritรฉ avec dโautres plus anciennes. Ainsi, il dรฉcrit une panoplie de formes de soumission. Dans lโorganisation sociale des peuples, par exemple, on a vu apparaitre la domination fรฉodale, la domination de type traditionnel, charismatique et celle lรฉgale rationnelle. Ces diffรฉrentes formes dโautoritรฉ se distinguent par les mobiles quโelles mobilisent .Par le procรฉdรฉ de la thรฉorie de lโidรฉaltype, Weber รฉvoque ces modalitรฉs dโexercer le pouvoir pour simplement montrer comment les gouvernants parviennent ร obtenir le consentement des populations dans la relation dโobรฉissance. En ce sens, lโidรฉaltype, selon Weber, est une accentuation unilatรฉrale dโun ou de plusieurs apprรฉhensions sociales, รฉconomiques et politiques .Il est un moyen de pensรฉe utilisรฉ dans le but de mettre en place une mรฉthode de rรฉflexion, et/ou un tableau rรฉfรฉrentiel de conceptualisation. Il lโexplicite dans les propos qui suivent : [lโidรฉaltype] ยซ ne prรฉtend pas reproduire la rรฉalitรฉ, mais doter la description des moyens dโexpressions ยซ univoques ยป et ยซ prรฉcis ยป. Il est, ainsi, une technique de recherche qui peut รชtre mise au service de la mรฉthode comparative de la recherche de sens, mais aussi de lโanalyse du rapport de cause ร effet. Cโest pour dire que ce serait dogmatique de postuler que la thรฉorie de lโidรฉaltype serait liรฉe ร une dรฉmarche spรฉcifique. Par un emploi rigoureux de ses concepts, Weber arrive ร รฉcarter toute univocitรฉ. En outre, il prend beaucoup de soins les plus pertinents dans la construction idรฉal-typique dโune rรฉalitรฉ sociale en mettant lโaccent sur les points les plus saillants, pour ne pas dire les plus particuliers du concept utilisรฉ afin que celui-ci soit distinguรฉ de maniรจre singuliรจre et indรฉpendante des autres quels que soient lโespace et le temps. Le concept dโidรฉaltype se caractรฉrise donc par son intemporalitรฉ. De ce point de vue, il faut noter que Weber, en basant sa mรฉthode de recherche sur cette thรฉorie, avait comme soucis principal de fonder une pensรฉe sociologique et politique claire. Une telle thรฉorie va dissiper tout malentendu et toute idรฉe controverse. Cโest en ce sens quโil dรฉfend lโidรฉe selon laquelle la thรฉorie de lโidรฉaltype nโest pas une hypothรจse, mais elle vise ร guider lโรฉlaboration par plusieurs hypothรจses. En plus, elle nโest pas non plus une pensรฉe รฉlaborรฉe en vue de conceptualiser le rรฉel, mais qui se propose plutรดt de fournir lโensemble des matรฉriaux nรฉcessaires, voire incontournables pour celui qui veut mener des recherches sociologiques et politiques permettant dโapprรฉhender rationnellement le rรฉel. A partir de ces considรฉrations, on comprend que lโidรฉaltype est un concept opรฉratoire dans le domaine des sciences sociales .Cโest un concept est intรฉressant dans la mesure oรน il permet dโinterprรฉter les phรฉnomรจnes sociaux dans leur singularitรฉ historique. A titre dโexemple, Weber, en usant de la thรฉorie de lโidรฉaltype de la domination ou celle de la bureaucratie, ne nous dit pas que ces phรฉnomรจnes seront rencontrรฉs concrรจtement tels que nous les dรฉcouvrons. Mais, il nous permet de les conceptualiser en nous fondant sur certaines caractรฉristiques relevรฉes sur diffรฉrentes formes dโorganisation lรฉgales โrationnelle observรฉes. De plus, Weber, en รฉtudiant le concept de ยซ capitalisme ยป, montre quโon ignore tout de ce phรฉnomรจne รฉconomique. Mais en crรฉant son idรฉaltype, on verra que cโest une pratique fondรฉe sur lโรฉconomie par la recherche de profit individuel. Une recherche effrรฉnรฉe de profit qui se fait, cependant, sur des bases rationnelles. Lโentreprise, occupant une place de choix, sรฉparรฉe de la vie familiale, est organisรฉe sur la base de rรจgles strictes pour permettre lโรฉchange et lโexercice du travail libre. Du coup, ce quโil faut retenir ici, cโest que par la construction de lโidรฉaltype, lโobjectif recherchรฉ par le chercheur, est de trouver les caractรฉristiques et les traits du phรฉnomรจne รฉtudiรฉ. Toutefois, peut-on considรฉrer que la thรฉorie de lโidรฉaltype est un concept qui sโappuie seulement sur les caractรฉristiques dโun phรฉnomรจne et non sur sa valeur, si lโon sait que cโest par lโobservation rationnelle dโun ou de plusieurs phรฉnomรจnes que sa construction est faite? Rรฉpondre ร cette question reviendrait ร analyser la relation de domination. En effet, on construit lโidรฉaltype de la domination en convoquant les notions de relation interindividuelle, de soumission, de relations dโautoritรฉ, dโobรฉissance et dโinfluence. De telles relations sont hiรฉrarchisรฉes et normรฉes par les lois et les rรจgles, mais aussi par la confiance entre les sujets. De ce point de vue, la thรฉorie de lโidรฉaltype ne saurait รชtre une idรฉe abstraite et totalement sรฉparรฉe du monde. Elle trouve sa racine dans les traits que prรฉsente le phรฉnomรจne observรฉ, mais aussi sur la signification de celui-ci .Cependant, pour mieux expliciter cette notion dโidรฉaltype, ne serait-il pas plus pertinent de la comparer avec un autre type que Weber appelle aussi le ยซ type moyen ยป.
Lรฉgitimitรฉ et lรฉgalitรฉ
ย ย Dans le domaine politique, Max Weber a รฉlaborรฉ plusieurs concepts idรฉaux typiques pour apprรฉhender les phรฉnomรจnes de pouvoir dans la relation sociale .Les idรฉaux types de domination, de puissance et de lรฉgitimitรฉ figurent en bonne place dans sa pensรฉe sociologique et politique. En dรฉfinissant le concept de domination comme une relation sociale de subordination et de consentement entre les individus de catรฉgories sociales diffรฉrentes, Weber dรฉfend quโelle peut รฉpouser diffรฉrentes natures. Elle peut รชtre personnelle comme la relation entre le maรฎtre et lโesclave, entre pรจre et son fils. Elle peut prendre le caractรจre impersonnel dans le cadre dโobรฉissance ร des contraintes systรฉmiques. En ce sens, la domination peut passer dโune nature volontaire et arbitraire ร une autre qui est objective, voire rationnelle qui transcende toutes les composantes de la sociรฉtรฉ. Dรจs lors, pour analyser les deux concepts de lรฉgitimitรฉ et de lรฉgalitรฉ, nous allons les รฉtudier dans la relation de domination ou de pouvoir. Apres une clarification conceptuelle pour saisir leur sens prรฉcis, nous essayerons dโรฉtablir le rapport quโils entretiennent dans le jeu du pouvoir. Une domination, au vrai sens du terme, doit, selon Weber, se fonder non pas seulement sur les intรฉrรชts matรฉriels, mais sur le consentement du dominรฉ .Si lโon en croit Julien Freund,une domination ne peut pas se contenter seulement de la soumission des dominรฉs, mais elle doit chercher ร รฉveiller chez ses sujets la foi en la lรฉgitimitรฉ. Autrement dit, la relation de domination doit chercher ร transformer le dominรฉ jusquโร ce quโil adhรจre de maniรจre consentante et disciplinรฉe ร lโautoritรฉ revendiquรฉe par le dominant. En ce sens, le dominant doit transformer la discipline comme une sorte dโadhรฉsion ร une vรฉritรฉ quโelle reprรฉsente. Ainsi, pour une stabilitรฉ sociale, la relation entre le dominant et le dominรฉ doit รชtre une production des structures symboliques partagรฉes entre les dรฉtenteurs de lโautoritรฉ et les gouvernรฉs, cโest-ร -dire, ceux qui sont dans une position dโobรฉissance. Pour une vie sociale harmonieuse et paisible, il faut que la relation dโobรฉissance ait comme fondement lโordre lรฉgitime dรฉfini rationnellement. Lโordre lรฉgitime est toujours revendiquรฉ par celui qui exerce le pouvoir. Ce dernier est celui qui en a besoin dans lโexercice de son pouvoir. Et sur cette position de revendication de lรฉgitimitรฉ, Weber en dรฉnombre plusieurs de formes particuliรจres dโobรฉissance .A ce propos, il soutient que ยซ lโaction de celui qui obรฉit se dรฉroule en substance comme sโil avait fait de sa conduite et cela simplement de par le rapport formel dโobรฉissance sans considรฉrer la valeur ou la non-valeur de lโordre ยป.De ce point de vue, la lรฉgitimitรฉ que revendiquent les gouvernants, va instaurer un rapport dโobรฉissance ร lโadministration quelle que soit la nature de lโordre. Donc, des diffรฉrentes formes de domination thรฉorisรฉes par Weber, il y a une constance. Cโest que chacune dโelles cherche la lรฉgitimitรฉ fondรฉe sur la croyance aux ordres du dominant. Cโest dire que lโobรฉissance nโest pas seulement suffisante pour instaurer une relation de dominant et de dominรฉ. Pour que celle-ci puisse perdurer, il faut la foi en la lรฉgitimitรฉ chez les membres qui participent dans les rapports dโinteraction. Ainsi, La lรฉgitimitรฉ, est comprise, selon Weber, comme une autoritรฉ sโexerรงant avec lโassentiment au moins tacite des dominรฉs. Et partant de lร , il observe que ยซ La forme de lรฉgitimitรฉ actuellement la plus courante consiste dans la croyance en la lรฉgalitรฉ, cโest-ร -dire, la soumission ร des statuts formellement corrects et รฉtablis selon la procรฉdure dโusageย . Cette faรงon de concevoir la lรฉgitimitรฉ ne semble-t-il pas soulever quelques problรจmes complexes ? Ainsi, ne peut- elle pas รชtre invoquรฉe contre la lรฉgalitรฉ ? Si une chose ou un acte est jugรฉ lรฉgal parce que conforme ร la loi, la lรฉgitimitรฉ, quant ร elle, ne prend-elle pas appui sur un ordre supรฉrieur ? Dโoรน la nรฉcessitรฉ de les distinguer. En effet, la lรฉgitimitรฉ et la lรฉgalitรฉ sont deux concepts qui sont au centre de lโexercice du pouvoir. Une grande confusion est cependant entretenue sur ces notions. La lรฉgitimitรฉ est un accord, une autorisation que le peule a donnรฉe ร un homme ou un gouvernant ou un groupe organisรฉ pour le diriger. Par exemple, le peuple peut octroyer lโautorisation ร un parti politique pour le diriger et/ ou pour prendre des dรฉcisions ร son nom sur la base des normes prรฉalablement dรฉfinies et acceptรฉes par tous. Confondu ร celui de lรฉgalitรฉ, le concept de lรฉgitimitรฉ est dรฉfini, en substance, par Olivier DUHAMEL et Yves MENY, dans leur Dictionnaire Constitutionnel, ainsi : la lรฉgitimitรฉ est diffรฉrente de la lรฉgalitรฉ qui est la conformitรฉ ร la loi telle quโelle est รฉtablie par les organes ou organismes habilitรฉs .Alors que par lรฉgitimitรฉ, il faut entendre lโaccord avec une demande ou une exigence que lโon considรจre comme รฉtant supรฉrieure. La lรฉgitimitรฉ donne, ainsi, ร ceux qui sont รฉlus une autoritรฉ ou une autorisation ร exercer un pouvoir ou une autoritรฉ. Lโautoritรฉ tient de ce pouvoir de demander ร sa popularitรฉ. En ce sens, la lรฉgitimitรฉ a de la valeur. Elle vient de ce que le pouvoir quโelle instaure ne sโappuie pas sur la force des dominants. Ce pouvoir dโautoritรฉ vient de lโextรฉrieur. En dโautres termes, cโest la volontรฉ libre des individus qui confรจre ce pouvoir. Par consรฉquent, la lรฉgitimitรฉ consolide le pouvoir en lui octroyant un fondement solide. De ce point de vue, il faut retenir que la lรฉgitimitรฉ est la capacitรฉ pour le dรฉtenteur du pouvoir de faire admettre ses dรฉcisions. La reconnaissance de son pouvoir ou lโadhรฉsion ร ce dernier par ceux qui sont sous sa domination et qui sont les principaux acteurs de son รฉlection lui donne une certaine jouissance. Lโautoritรฉ รฉlue par les citoyens bรฉnรฉficie dโune autorisation de commander sur la base du droit que les dominรฉs ont prรฉalablement รฉdictรฉ. En ce sens, il est trรจs difficile de sโopposer au pouvoir et aux dรฉcisions dโun chef lรฉgitimement รฉlu ou choisi. Donc la lรฉgitimitรฉ relรจve de la science politique et se distingue nettement de la notion juridique de lรฉgalitรฉ. Elle permet de caractรฉriser le type de domination. Ainsi comprise, elle est une croyance, mais une croyance de ceux qui sont gouvernรฉs en une valeur intrinsรจque de lโordre social oรน ils รฉvoluent. Pour le dรฉtenteur du pouvoir, la domination ne serait durable que si elle permet de dรฉpasser lโobรฉissance orientรฉe par un processus rationnel et instrumental ou par lโhabitude. Les dominรฉs, non seulement, doivent pouvoir donner un sens ร leur consentement mais aussi, ils doivent รชtre dans une position de souhait car ils voient dans la position ร laquelle ils sont une garantie de leur sรฉcuritรฉ, de leur stabilitรฉ sociale, voire de leur รฉpanouissement. Cependant, pourquoi lโacceptation de la domination ne doit-elle pas se fonder uniquement sur lโutilitรฉ ou lโhabitude ? En effet, Weber nous en donne les raisons. Pour lui, si la soumission ร lโordre social nโest motivรฉe que par lโutilitรฉ, alors il suffit quโil ait un changement dans la distribution des avantages et des sanctions pour que lโordre soit remis en cause, voire se retrouve dans une situation pรฉrilleuse. De mรชme, si les gouvernรฉs se soumettent par lโhabitude, il y a risque de changements de comportement permanents dans lโavenir. Et cette situation risque de dรฉstabiliser la cohรฉsion sociale. La solution ,selon Weber, cโest de faire de telle sorte que lโadhรฉsion des dominรฉs trouve sa source dans des valeurs morales profondes .Weber ajoute que lโordre respectรฉ selon les motifs rationnels en finalitรฉ est gรฉnรฉralement beaucoup plus stable si lโorientation faite est basรฉe simplement en vertu de la coutume car ce comportement, รฉpouse un caractรจre routinier .Cet ordre, comparรฉ aux autres , est moins stable que celui qui sโaffirme grรขce au prestige de lโexemplaritรฉ et de lโobligation ,pour dire de la lรฉgitimitรฉ. Toutefois, doit-on se mรฉfier des explications fonctionnelles qui apprรฉhendent lโorigine de la lรฉgitimitรฉ dans le besoin de stabilitรฉ ? Ce genre dโargumentaire est souvent retrouvรฉ dans de nombreuses รฉtudes sur les รฉcrits politiques de Weber. Mais, pour mieux expliciter le concept de lรฉgitimitรฉ, interrogeons-nous pour comprendre les raisons de la domination. Pour quโil ait une domination, il faut au moins que les rapports soient justifiรฉs en se fondant sur un principe partagรฉ. Il faut quโaussi le consentement des individus puisse avoir comme fondement des mรฉcanismes qui assurent une obรฉissance consentie ร travers le principe de lรฉgitimation. A ce propos, Augustin Simard soutient que la lรฉgitimitรฉ nโest jamais envisagรฉe comme un รฉlรฉment fonctionnel susceptible de rรฉsoudre ยซ lโรฉnigme de lโobรฉissance ยป ou encore de rรฉvรฉler les mรฉcanismes souterrains qui assurent lโintรฉgration de la sociรฉtรฉ ยป : elle dรฉsigne, au contraire, un phรฉnomรจne autonome dont les effets sont dโailleurs, pour lโessentiel, internes au groupe dirigeant lui-mรชme . En effet, selon Simard, les gouvernants font de la lรฉgitimitรฉ un moyen politique pour stopper toutes volontรฉs dโรฉmancipation des dominรฉs dans lโobjectif de bien asseoir une stabilitรฉ sociale durable dans lโexercice de leur pouvoir. Explicitement, lโeffet de stabilisation รฉvoquรฉ dans la thรฉorie de la lรฉgitimation du pouvoir provient de deux sources. Une premiรจre qui est une grande manipulation quโorganise le gouvernant pour pallier ร toute idรฉe ou volontรฉ de son renversement. Une seconde qui รฉmane dโun besoin de stabilitรฉ du systรจme politique .Partant de lโidรฉe selon laquelle, le pouvoir politique acceptรฉ est dรฉtenu par celui qui dirige ou exerce un certain pouvoir, il nous semble difficile quโon puisse รฉchapper ร lโune ou lโautre de ces deux hypothรจses. Loin de se sรฉparer, elles se complรจtent, voire vont ensemble. Ainsi, vouloir comprendre la nature de la lรฉgitimitรฉ reviendrait ร considรฉrer ces deux aspects. Par ailleurs, deux niveaux de diffรฉrenciation sont aussi notรฉs dans la conscience des dominants et des dominรฉs. Pour les dominants, il y a aucun doute des effets de la lรฉgitimitรฉ et ils y font recours, alors que les dominรฉs se considรจrent comme esclaves de leurs croyances. La situation de soumission dans laquelle ils sont confinรฉs ne leur permet pas de voir la manipulation parfois latente et rationnelle des dominants. Lโautre problรจme quโil faut aussi souligner vient dโune surรฉvaluation de la stabilitรฉ quโengendre la lรฉgitimitรฉ. Cโest paradoxal, par exemple, quโon observe dans certains pays des rebellions et des coups dโรฉtat, voire des rรฉvolutions politiques alors quโon a toujours considรฉrรฉ que les systรจmes de lรฉgitimitรฉ engendrent la paix sociale et le pouvoir durable. Cette situation permet de remettre en cause la lรฉgitimitรฉ de certains pouvoirs .Cโest pourquoi pour le dominant, il y a nรฉcessitรฉ, ร cรดtรฉ des systรจmes de lรฉgitimitรฉ, dโinstaurer un pouvoir fort pour contraindre toute vellรฉitรฉ de contestation. Autrement dit, un pouvoir qui use de la contrainte de maniรจre rationnelle est le meilleur garant de la stabilitรฉ de son autoritรฉ. Des lors, nโest-il pas possible de voir par lร un problรจme dans lโanalyse de la lรฉgitimitรฉ par Weber ? En effet, si la domination est un processus qui nโa pas besoin ร tout moment que des raisons qui la guident soient clarifiรฉes et convaincantes, on peut se demander si une domination peut avoir une lรฉgitimitรฉ par les charges quโelle regorge. La rรฉponse quโon pourrait dรฉfendre serait que la lรฉgitimitรฉ sโimpose ร tous car elle est un dรฉjร lร . Elle sโimpose parce quโelle est aussi un รฉlรฉment culturel dโune sociรฉtรฉ. Lequel รฉlรฉment nโest pas le produit dโune aspiration dโun quelconque leader ou dirigeant charismatique. Au contraire, elle traduit lโaspiration de tout un peuple ร travers un systรจme dโobรฉissance qui est la reproduction sociale de la sociรฉtรฉ. Cependant, cette conception de la lรฉgitimitรฉ wรฉbรฉrienne a des limites. En les analysant, Gerald Mendel affirme que la lรฉgitimitรฉ de la loi ne va plus de soi pour nous, aussi bien celle de la loi nazis ordonnant lโexclusion sociale des juifs et lโรฉlimination des handicapรฉs que celle de la loi stalinienne permettant de condamner ร mort un enfant ร partir de lโรขge de douze ans .
Le pouvoir : ยซ monopole de la violence physique lรฉgitime ยป
ย ย Weber, guidรฉ par la thรฉorie de lโ ยซ idรฉaltype ยป, analyse le phรฉnomรจne du pouvoir en le dรฉfinissant comme une relation dโinfluence. Il sโest interrogรฉ sur ses conditions dโรฉmergence et dโinstitutionnalisation. A ce propos Laurent Fleury soutient ceci : ยซ Considรฉrรฉ comme un rapport de force, le pouvoir est pensรฉ en terme dโaction dโun individu sur lโaction dโautres individus, rapports de forces inรฉgalitaires relativement stabilisรฉ ยป. En ce sens, le pouvoir peut รชtre dรฉfini comme la capacitรฉ dโun agent ร affecter les actions dโautrui. La relation de pouvoir est dirigรฉe de faรงon ร assurer la production dโeffets recherchรฉs en provoquant un comportement ou un ensemble de comportements dรฉterminรฉs. Ce principe dโasymรฉtrie permet dโรฉclairer la notion de contre -pouvoir. Le jeu de pouvoir et du contre- pouvoir est gรฉnรฉralement prรฉsentรฉ comme un moyen efficace de parvenir ร un รฉquilibre social. Si nous nous rรฉfรฉrons ร Weber, on voit que sa rรฉflexion sur cette question aura exercรฉ sur la conception de la thรฉorie de la lรฉgitimation du pouvoir une influence exceptionnelle. Dรจs lors, en quoi Weber considรจre que le pouvoir est lโexpression du ยซmonopole de la violence physique lรฉgitime ยป? Ne dissociant pas lโEtat et le pouvoir politique, Weber considรจre que ce dernier est lโexercice dโune autoritรฉ politique. Il le dรฉfinit comme une structure qui sโexerce par lโusage dโun moyen spรฉcifique ร savoir la violence physique. A cet effet, par cette dรฉfinition, Weber clarifie les formes de pouvoir dans les sociรฉtรฉs diverses. Cโest parce que lโEtat use de la force pour rรฉguler la sociรฉtรฉ que Trotski, thรฉoricien et homme politique russe considรจre que ยซ Tout Etat est fondรฉ sur la force ยป rapporte Weber .Ainsi, les structures sociales sont-elles capables dโinstaurer la paix sociale sans lโemploi de la force ? La violence peut-elle รชtre absente dans la gouvernance sociale ? Si les hommes pouvaient exercer leur autoritรฉ sans usage de la violence, une organisation politique comme lโEtat ne disparaรฎtrait elle pas ? Convenons avec Weber que le pouvoir sโexerce difficilement, voire nโexisterait pas sans lโusage de la force, de la violence. Dโautres moyens pour son exercice existent, mais la violence semble รชtre le moyen le plus efficace. A son absence, lโanarchie ne sโinstallerait elle pas ? La prรฉsence de lโEtat comme structure centralisateur de la violence ne semblerait- il pas รชtre la voie du salut pour la pรฉrennitรฉ de la coexistence pacifique ? En effet, Weber dรฉfinit la violence comme lโensemble des actes que caractรฉrise la force physique de maniรจre abusive. Elle peut รชtre exercรฉe physiquement par lโutilisation des armes et symboliquement par le systรจme des taxes et autre. De son cรดtรฉ, la lรฉgitimitรฉ est une notion beaucoup plus subjective et exprime lโadhรฉsion profonde de la population ร la maniรจre dont elle est gouvernรฉe. Et la violence lรฉgitime sโoppose ร la violence tout court car celle-ci est infligรฉe conformรฉment ร la loi. Ainsi, la lรฉgitimitรฉ de la violence nโรฉpouse-t-elle pas un caractรจre juridique ? Si la violence est une opposition ร la violence alors la question de lโapprรฉciation de la lรฉgitimitรฉ se pose .Dรจs lors, la violence peut-elle รชtre lรฉgitime ? Tenter de rรฉpondre ร cette problรฉmatique reviendrait ร essayer de comprendre en quoi la violence nโest pas toujours dรฉployรฉe dans le but de faire souffrir ou torturer .Mais aussi, voir en quoi elle est reconnue comme le moyen de lโautoritรฉ. Sur ce, on pourrait dire que la violence, quand elle est exercรฉe, a pour premiรจre consรฉquence la souffrance, la douleur morale ou physique .Cโest la raison pour laquelle on croรฎt que la violence ne peut servir quโร violenter lโautre. Et pourtant, on note que ce nโest pas toujours le cas. Beaucoup de choses motivent lโusage de la violence. Celle qui nous intรฉresse pour notre รฉtude, cโest celle qui est utilisรฉe pour instaurer ou rรฉtablir lโautoritรฉ dans lโexercice du pouvoir politique. Une violence est dite lรฉgitime selon lโintention qui anime son usage. Par exemple, en pรฉriode de guerre entre les Etats, lโusage de la violence est lรฉgitime dans la mesure oรน elle est utilisรฉe par les belligรฉrants pour sauvegarder leur intรฉgritรฉ territoriale et se protรฉger. La lรฉgitimitรฉ de la violence est aussi admise quand elle est dรฉployรฉe pour rรฉtablir, voire instaurer lโordre. Cela montre la difficultรฉ dโinterprรฉter cette notion de violence lรฉgitime. En regardant la dรฉfinition du terme de ยซ violence physique lรฉgitime ยป, on note quโil est question de la violence exercรฉe selon les prescriptions de la loi. Donc, le rapport entre la lรฉgitimitรฉ et la lรฉgalitรฉ est bien visible et semble nรฉcessaire pour caractรฉriser la lรฉgitimitรฉ de la violence .Ainsi, une violence est lรฉgitime quand elle est exercรฉe dans le respect des lois et des rรจglements. De maniรจre prรฉcise, il sโagit de la violence dรฉployรฉe dans les situations de lรฉgitime dรฉfense et dans lโapplication du droit. La lรฉgitime dรฉfense est lโaccord donnรฉ lรฉgalement de faire cesser une agression physique contre soi-mรชme en utilisant des moyens qui seraient interdits dans dโautres cas. De ce point de vue, on peut dire que la violence qui met fin ร celle-ci, est acceptรฉe, voire lรฉgitimรฉe. Car, il est admis que la violence est lรฉgitime si elle est une violence quโon peut admettre et excuser, voire justifier .Elle sโappuie sur des concepts subjectifs. Certes, les lois et rรจglements procรจdent par une dรฉlimitation de lโexcusable et ce qui ne lโest pas. Mais, on sait que la loi ne couvre pas toujours toutes les situations possibles. Le juste nโest pas toujours lรฉgal. A ce titre, on a, au cours de lโhistoire, quelques exemples oรน la conscience morale sโinsurge souvent ร juste raison contre le droit รฉtabli .Par exemple, le cas de lโApartheid en Afrique du Sud. Ce quโil faut retenir et qui est important, cโest quโon a la possibilitรฉ de remettre en question le droit dans le sens de pouvoir corriger ses limites. Dans le droit, on note la notion de justice sociale. Cโest pour cela, aprรจs la Seconde guerre mondiale, on condamna les officiers nazis au procรจs de Nuremberg prรดnant la notion de crime contre lโhumanitรฉ et la protection des droits de lโhomme. Cependant, Weber va plus loin et dรฉveloppe lโidรฉe selon laquelle lโEtat peut assurer son rรดle et garder son statut grรขce ร lโusage de la violence. Cโest, donc, la violence qui dรฉfinit la force dโun Etat et empรชche la sociรฉtรฉ de tomber dans lโanarchie. Car il sโagit de la figure suprรชme de lโautoritรฉ pour une population entiรจre. Et la violence est son moyen lรฉgitime dโรฉtablir son autoritรฉ. Mais de faรงon plus moderne, il faut retenir, en substance que, lโEtat reste un territoire dรฉterminรฉ par des frontiรจres gรฉographiques avec une communautรฉ humaine et qui revendique dans la limite de son territoire le monopole de la violence physique lรฉgitime. Par le monopole de lโutilisation de la violence que dรฉtient une structure politique comme lโEtat, Weber considรจre que lโEtat est la seule institution qui peut utiliser lรฉgitimement la force physique. En effet, par lโexpression ยซ lรฉgitime ยป il montre que si des personnes peuvent faire usage de la violence elle nโest en aucun cas lรฉgitime. Seul lโEtat, pouvoir politiquement instituรฉ, est habilitรฉ ร user de la violence lรฉgitimement car cela fait partie de ses prรฉrogatives lรฉgales. Ainsi, lorsquโun individu est autorisรฉ ร user de la violence, il le fait par dรฉlรฉgation de lโEtat. Toutefois, interrogeons-nous pour pousser un peu la rรฉflexion en cherchant ร savoir si la violence est lรฉgitime partout. En dโautres termes, si lโEtat lรฉgitime la violence, alors quโen estil de la violence internationale ? Si le concept de lรฉgitimitรฉ dรฉpend du systรจme lรฉgal dโun pays ou dโune organisation, alors ne peut-il pas y avoir de nombreuses visions diffรฉrentes ? La lรฉgitimitรฉ de la violence dรฉpend du contexte et des circonstances dans laquelle elle est employรฉe, mais aussi de la nature des buts visรฉs. Lors dโune guerre, par exemple, chaque pays peut penser que lโusage de la violence est lรฉgitime car il va sโagir de protรฉger sa population dans un sens et/ou de protรฉger ses principes idรฉologiques. Cโest pour ces raisons que des terroristes revendiquent leurs idรฉes par la violence. Cette violence est lรฉgitime ร leurs yeux. Des organisations extrรฉmistes commeย organisation regroupant plusieurs pays en lโoccurrence lโONU est nรฉcessaire pour ยซ surveiller ยป les relations internationales. Bien quโune fois encore il peut y avoir des conflits sur le droit ร lโintervention (lโEtat souverain) dans un conflit et sur lโarbitrage de la lรฉgitimitรฉ des pays.
La lรฉgitimitรฉ charismatique
ย ย La lรฉgitimitรฉ charismatique est une forme de domination lรฉgitime qui est, tout entier, fondรฉe sur le charisme dโune personne ou dโun chef (sauveur, prophรจte, hรฉros..) etc. …Weber la dรฉfinit comme suit : La domination charismatique sous sa forme originelle ne connait pas par consรฉquent, ni de principes juridiques abstraits, ni rรจglements, ni exercices ยซ formel ยป du droit. Son droit ยซ objectif ยป est lโรฉmanation concrรจte de lโexpรฉrience รฉminemment personnelle que le maitre charismatique fait de la grรขce cรฉleste et dโune force hรฉroรฏque semblable ร celle des dieux ; il implique le refus de la soumission ร tout ordre extรฉrieur, au profit de lโidรฉalisation exclusive de la mentalitรฉ authentique prophรฉtique et hรฉroรฏque. En dโautres termes, elle est une forme de domination qui dรฉpend des qualitรฉs extraordinaires de la personne qui lโincarne. Elle obรฉit ร aucune rรจgle juridique. Il faut, cependant, prรฉciser que la lรฉgitimitรฉ charismatique est dรฉveloppรฉe par une organisation sociale dโautoritรฉ. Parmi les formes de lรฉgitimitรฉ thรฉorisรฉes par Weber, elle est celle qui le fascine le plus. Si on sait quโelle sโoppose ร toute forme dโorganisation administrative bureaucratique, on peut se demander les fondements de la lรฉgitimitรฉ charismatique .Puis, on peut sโinterroger aussi pour voir comment elle se dรฉploie. Avant dโapporter des esquisses de rรฉponses ร ces interrogations, nโest -t-il pas pertinent dโรฉtudier dโabord lโidรฉal type du charisme ? Si le terme ยซ charisme ยป est de maniรจre trรจs forte banalisรฉ dans notre faรงon de sโexprimer dans la mesure oรน il renvoie ร toute sorte dโascendant que lโon impute au rayonnement ou au magnรฉtisme propre dโun individu, il nโen va pas de mรชme en sociologie. Dans les sciences sociales, plus prรฉcisรฉment en sociologie, il ยซ pointe vers une dimension vรฉritablement exceptionnelle et sโapplique principalement ร deux domaines de lโactivitรฉ humaine : le religieux dโabord et, par extension, le politique ยป .En effet, lโindividu qui joint du charisme peut รชtre un ยซ envoyรฉ de Dieu ยป ou un ยซ chef guerrier ยป .Il se distingue des autres parce quโil possรจde des qualitรฉs qui transcendent les valeurs humaines. Pour parler comme Weber, le personnage charismatique dรฉtient le ยซ feu sacrรฉ ยป qui le particularise des autres hommes ordinaires. Une telle particularitรฉ lui confรจre une autoritรฉ รฉminente sur ceux qui manifestent en vers lui une reconnaissance de sa dimension. En effet, ร en croire ร Weber, le charisme est un mode de domination .Dans sa signification initiale plus prรฉcisรฉment en thรฉologie chrรฉtienne, le concept renvoie ร la prรฉsence dโune grรขce divine qui se manifeste chez lโindividu par des dons extraordinaires .Dans le champ sociologique, mรชme si la dimension extraordinaire est toujours conservรฉe, on met plus lโaccent sur la personne qui la possรจde et sur lโautoritรฉ quโil est sensรฉ exercer sur des disciples. La nature des dons que le personnage charismatique possรจde nโest pas trop mise en valeur. En ce sens, le le charisme est au principe dโun mode particulier de domination, dans lequel un leader impose son autoritรฉ grรขce ร une qualitรฉ ou un ensemble de qualitรฉs spรฉcifiques, nimbes de sacre ou de vertu hรฉroรฏque ; elles sont inhรฉrentes ร sa personne et il doit en prouver rรฉguliรจrement la possession ร ses disciples par un ensemble de hauts faits ou de prestation ร caractรจre magique. Religieux par sa nature(en particulier dans les sociรฉtรฉs les plus anciennes, oรน la domination religieuse tend ร imprรฉgner lโintรฉgralitรฉ des domaines de lโagir social), le charisme est politique par ses effets : il confรจre ร son possesseur une autoritรฉ personnelle dรฉcisive qui peut lui permettre de rompre avec la tradition et avec les pouvoirs รฉtablis au nom de sa relation particuliรจre avec une dimension transcendante. Le leader charismatique est celui qui a le pouvoir dโรฉnoncer โ et de faire respecter โdes commandements nouveaux lรฉgitimes par sa seule parole. En ce sens, on pourrait dire que le charisme est une disposition qui donne ร une personne un comportement singulier, un caractรจre extraordinaire qui montre quโelle est dotรฉe de pouvoirs et de qualitรฉs surnaturelles, voire surhumaines, ou tout le moins, exceptionnelles. Le personnage charismatique bรฉnรฉficie de la confiance des individus qui lui voue une confiance aveugle et une obรฉissance consentante. Julien Freund ne dit pas autre chose, ร propos du charisme. Il prรฉcise que le charisme est rupture de la continuitรฉ, quโelle soit lรฉgale ou traditionnelle ; il brise les institutions, il remet en question lโordre รฉtabli et la contrainte habituelle pour en appeler ร une nouvelle maniรจre de concevoir les rapports entre les hommes. Il est ร la fois destruction et construction ยป En dโautres termes, le personnage qui jouit du charisme a autour de sa personne une cohorte dโindividus qui appliquent sans aucune rรฉflexion ses ordres, voire ses dรฉcisions car ils les considรจrent comme des lois รฉtablies pour lโintรฉrรชt de la communautรฉ. Le personnage charismatique, de ce point de vue, se donne un rรฉgime dโexceptionnalitรฉ au regard des rรจgles quโil met en ลuvre dans des domaines comme lโรฉconomie, la vie sociale, mais dans lโexercice de son autoritรฉ. Cette derniรจre est exercรฉe suivant une hiรฉrarchie interne qui dรฉpend des faveurs du chef ou des disciples quโil a choisis. En outre, le charisme est devenu un modรจle contemporain .Cโest dans ce sens que Weber nous le prรฉsente dans un modรจle typologique. Le charisme wรฉbรฉrien reprรฉsente un des formes de domination permettant de lรฉgitimer le pouvoir politique, voire lโexercice dโune autoritรฉ. Cependant, ร cรดtรฉ de la tradition des ancรชtres et de la compรฉtence encadrรฉe par les procรฉdures et lois, peut-on affirmer que le charisme ne peut pas se prรฉsenter dans les sectes religieuses et dans les structures dโordre naturel oรน la soumission est de rigueur ? Autrement dit, ยซ les sociรฉtรฉs modernes, de plus en plus profondรฉment gouvernรฉes par des rรจgles impersonnelles de nature bureaucratique, peuvent-elles encore succomber ร la fascination pour un chef dรฉtenteur de charisme ยป? Sous ce rapport on voit que la sociologie politique contemporaine, en รฉtudiant la genรจse des rรฉgimes totalitaires dans lโEurope des annรฉes de guerres et de toutes les atrocitรฉs humaines, nous a prรฉsentรฉ une nouvelle approche dโune pertinence extraordinaire au concept de charisme dans le domaine politique. En occultant les autres domaines comme le religieux, la pensรฉe politique a montrรฉ comment un leader arrive ร imposer sa vision.A titre dโexemple, prenons un cas trรจs remarquable, celui de Hitler .On se demande comme il a rรฉussi ร imposer ses convictions, ses idรฉes et sa volontรฉ du destin de la nation allemande ร un Etat fortement bureaucratisรฉ .Non seulement, il a rรฉussi ร rendre universelle sa vision, mais il a mis en place une sociรฉtรฉ trรจs diffรฉrenciรฉe dans ses fonctions. Si la communautรฉ charismatique classique mettait lโaccent sur la mise en place dโun groupe restreint trรจs proche du leader, lโEtat totalitaire de la vision dโHitler ne crรฉait quโun simulacre de proximitรฉ ร travers des rites de communion entre le guide, cโest-ร -dire, le leader et son peuple. Ce rapprochement artificiel permet dโanรฉantir toutes les autoritรฉs intermรฉdiaires susceptibles de constituer un obstacle ร ยซ lโatomisation de la sociรฉtรฉ ยป.Le charisme, inefficace dans les sociรฉtรฉs de population trรจs grande, peut donner des rรฉsultats probants dans celle de taille rรฉduite. Le personnage charismatique, dans cette derniรจre, peut changer radicalement le destin dโune sociรฉtรฉ et lโorienter vers la direction voulue par le leader. Le charisme, que dโaucuns considรจrent comme un phรฉnomรจne imprรฉvisible, voire irrationnel semble susceptible dโamorcer une rรฉvolution voire un changement social dโune envergure trรจs grande. Il reste mรชme trรจs actuel dans nos sociรฉtรฉs modernes. En admettant que la lรฉgitimitรฉ traditionnelle prรฉsente les hommes comme dรฉterminรฉs par leur culture, lโidรฉal type de la lรฉgitimitรฉ charismatique repose selon Weber ยซ sur la soumission extraordinaire au caractรจre sacre, ร la vertu hรฉroรฏque ou ร la valeur exemplaire dโune personne ; ou encore (รฉmanant) dโordres rรฉvรจles ou รฉmis par celle-ci ยป .En dโautres termes, cโest une forme de domination lรฉgitime qui repose sur la croyance aux valeurs et vertu que possรจde le leader charismatique. Ce dernier dispose de qualitรฉs humaines qui transcendent celles des autres. Pour comprendre les fondements de la lรฉgitimitรฉ que procure cette forme de pouvoir, il semble important de convoquer la dรฉfinition que Weber donne du concept de charisme. Weber appelle charisme la qualitรฉ extraordinaire ( ร lโorigine dรฉterminรฉe de faรงon magique tant chez les prophรจtes et les sages, thรฉrapeutes et juristes, que chez les chefs des peuples chasseurs et les hรฉros guerriers) dโun personnage, qui est, pour ainsi dire, douรฉ de forces ou de caractรจres surnaturels ou surhumains ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne, inaccessibles au commun des mortels ; ou encore qui est considรฉrรฉ comme envoyรฉ par Dieu ou comme un exemple , et en consรฉquence considรฉrรฉ comme un ยซ chef ยป [ Fรผhrer] . A la lecture de cette dรฉfinition, on comprend que le chef charismatique nโest pas un individu comme les autres. Dโabord, le charisme peut provenir de pouvoirs surnaturels. Les pouvoirs du personnage charismatiques peuvent รชtre expliquรฉs par les liens quโil entretient avec des chamans, des mages, des oracles selon Weber. Puis, il peut aussi provenir dโun caractรจre personnel que le leader porte ร un niveau extraordinaire. A titre dโexemples, on peut convoquer les gรฉnies artistiques, les leaders politiques qui ont la possibilitรฉ de faire usage de leurs dons pour lรฉgitimer leur position de pouvoir. Enfin, le charisme peut รชtre constatรฉ dans la gloire de ceux qui ont pu rรฉaliser des choses extraordinaires en participant ร des รฉvรจnements extraordinaires ou en rรฉalisant des prouesses au bรฉnรฉfice de la communautรฉ. Les personnes qui ont รฉtรฉ tรฉmoins de grands รฉvรจnements sont dรฉpositaires de rรฉcits qui font dโeux des hommes exceptionnels. Bref, le charisme rรฉside plus dans une forme de mise en scรจne de la qualitรฉ que dans ses caractรฉristiques propres, au point que, nโimporte quelle disposition humaine pourrait รชtre production de charisme si elle est bien exploitรฉe.
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Table des matiรจres
Introduction
Chapitre premier : Le pouvoir comme rapport de domination
I .1. Lโ ยซ idรฉal type ยป,comme concept mรฉthodologique
I .2. Lรฉgitimitรฉ et lรฉgalitรฉ
I. 3. Le pouvoir :ยซ monopolisation de la violence physique et lรฉgitime ยป
Chapitre II : Une typologie des formes de lรฉgitimitรฉ
II .1. La lรฉgitimitรฉ traditionnelle
II .2. La lรฉgitimitรฉ charismatique
III .3. La lรฉgitimitรฉ lรฉgale-rationnelle
Chapitre III : ยซ Weber ou la dรฉmocratie inachevรฉe ยป
III .1. De lโinactualitรฉ de la typologie wรฉbรฉrienne
III .2. Lโidรฉal dรฉmocratique wรฉbรฉrien
III .3. La lรฉgitimitรฉ dรฉmocratique
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
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