La qualité du signe déposé à titre de marque

LA QUALITE DU SIGNE DEPOSE A TITRE DE MARQUE

Selon l’article L.711-1 du Code de propriété intellectuelle, le signe doit pouvoir être représenté graphiquement, c’est-à-dire que la marque doit être « possible » afin de procéder aux formalités de dépôt et à l’enregistrement. et aux tiers de connaître d’identifier facilement le signe, en quoi il consiste, et connaître la portée exacte du droit sur la marque.
En 2003, la CJUE affirme que « pour constituer une marque, le signe doit pouvoir faire ! ‘objet d’une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».
Cette exigence exclue donc possiblement certains objets intellectuels comme les signes olfactifs ou les sons, qu’on ne peut représenter graphiquement, ou en tout cas dont la représenlalion, graphique ou non, a peu de chances de remplir les critères de la CJUE.
Mais par la suite, ces critères vont être modérés par la Cour européenne, notamment à travers la directive de 2015 dans laquelle l’adjectif« graphique » disparaît, donc il suffira qu’on puisse représenter le signe d’une manière claire et précise. On pourrons alors le représenter autrement que par des mots et dessins, notamment par des moyens techniques, à condition qu’ils garantissent la sécurité juridique. C’est notamment l’exemple du dépôt de son au moyen d’un fichier numérique de celui-ci.
L’accès à la protection de la marque soulève deux interrogations, à savoir quel signe choisir (SECTION l) et quelles doivent être ses caractéristiques (SECTION 2).

La possibilité de représentation

L’article L. 711-1 du Code de la Propriété intellectuelle pose une définition doublée d’une exigence pour constituer une marque : « la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ». L’exigence étant celle d’un signe susceptible de représentation graphique donc il s’agit de tout signe que l’on est capable de décrire par des lettres, des chiffres, des mots ou des dessins. Ainsi en principe les signes sonores doivent donc être décrits et déposés sous forme de notes.
Cette définition se trouve déclinée par une liste d’exemples indiquant que peuvent notamment constituer une marque les signes suivants : les dénominations sous toutes les formes (assemblage de mots, mots, nom patronymique et géographique, pseudonymes, sigle, lettres, chiffres … ), les signes sonores (phrases musicales, sons), les signes figuratifs (dessins, étiquettes. reliefs, cachets, lisières, logos, hologrammes. images de synthèse … ) 2•
Cette énumération permet ainsi d’envisager plusieurs catégories de signes choisis à titre de marques, à savoir les signes nominaux (paragraphe 1), sonores (paragraphe 2) et figuratifs (paragraphe 3). la question de la marque olfactive doit également être soulevée ici (paragraphe 4 ).

La marque nominale

Les marques nominales sont constituées d’un ou plusieurs mots de sorte qu’elle peuvent se prononcer, se lire et s’écrire. L’mticle L.711-1 du CPI prévoit diftërentes sortes de marques comme la marque nominative (A), les noms géographiques (B), la marque nominale non verbale (C), les slogans ou devises (D). les termes de fantaisie (E).

Les marques nominatives

Elles comprennent un ou plusieurs noms, à savoir le nom patronymique (1-) et les accessoires (2-) comme le pseudonyme, le prénom ou le titre nobiliaire.

Le nom patronymique

Il peut s’agir du nom patronymique du dép l ant, c’est-à-dire celui consacré par l’état civil. C’est le cas par exemple de Renault pour les automobiles, ou de Cartier pour la joaillerie, Sonia Rykiel.
Mais il faut savoir qu’une longue et loyale possession d’un patronyme peut conférer un droit sur le 110111. Le possesseur d’un patronyme bénéficie a priori d’un droit égal à celui de ses homonymes à le déposer à titre de marque mais cela risque de se traduire par le fait que le premier déposant pourra empêcher les autres de le faire.
Cependant, l’usage de son nom par l’homonyme ne peut aller jusqu’au dépôt par celuici d’une marque déjà enregistrée par un autre ; il peut cependant prétendre à l’usage de son patronyme à titre de dénomination sociale, de nom rnmrmm:ial ou d’enseigne. Les juges peuvent limiter ou interdire l’utilisation du patronyme de l »homonyme si l’utilisation qui en est faite porte atteinte aux droits du titulaire sur la marque considérée.
La limitation consiste habituellement dans l’adjonction au nom patronymique d’un prénom ou le choix d’un graphisme différent de celui de la marque d’origine afin d’éviter les confusions• Au sein d’une même famille, la réglementation paraît favorable à l’interdiction, celle-ci demeurant réservée aux usages abusifs ou frauduleux qui traduisent une volonté parasitaire non-ambiguë de la part de l’homonyme.
Ainsi, le demandeur doit obtenir l’autorisation de la personne tierce par voie conventionnelle, à titre onéreux ou à titre gratuit, et ce par écrit. Si l’utilisation du patronyme s’est faite sans l’autorisation de la personne alors il est légitime de se demander si le déposant d’une marque consistant dans le nom patronymique d’autrui peut bénéficier ou non d’une sorte de prescription acquisitive. C’est en effet le cas car l’action du possesseur du nom patronymique utilisé sans autorisation ne peut agir que dans le délai de 5 ans.
Il peut également s’agir des .!1QJJ1U1a lronymigues apuarte nam au domaine publi c. li s’agit en fait de noms banals auxquels aucune célébrité n’est attachée (shampooings Dop). Ce sont donc des noms dont les titulaires possèdent une notoriété personnelle, ainsi ils peuvent être déposés à titre de marque par leur titulaire.
Les noms illustres de personnes décédées ne peuvent être utilisés qu’après l’accord des héritiers(« Trophée Jules Verne»).
Concernant les noms d’usage, exception faite en matière littéraire, artistique ou commerciale, l’utilisation du nom de l’époux est possible dans la vie courante mais également à titre de marque. Cependant, une autorisation spécifique est nécessaire après le divorce. Si l’époux décède, le droit d’usage subsiste mais demeure intransmissible.

Les accessoires du nom

Tl peut s’agir des prénoms, pseudonymes ou des titres nobiliaires. Concernant le prénom, peu importe qu’il soit celui du déposant ou non (« Catherine » … ). Cependant, les tiers ne pourront pas déposer à titre de marque un prénom original si un risque de confusion préjudiciable existe entre ce prénom et la marque.
Pour les pseudonymes, cela peut être celui du déposant (« Chanel ») ou d’un tiers après avoir sollicité son autorisation. Dans le cas contraire, il est possible d’en interdire ‘utilisation commerciale et ainsi d’annuler le dépôt de la marque si un risque de confusion est bel et bien avéré. Les pseudonymes célèbres peuvent être utilisés en l’absence d’héritiers (« Stendhal »). Mais les noms des personnages littéraires ou du cinéma ne sont pas des pseudonymes et peuvent être déposés à titre de marques. Toutefois, s’ils sont originaux alors la protection par droit d’auteur s’enclenchera et il faudra l’autorisation du créateur.
Pour les titres nobiliaires, il n’y a pus de problème quand le titre accompagne un nom de fantaisie (duc, baron … ). La seule limite étant le respect du droit d’autrui si autrui vient à être identifié. Il en est de même pour l’usage des annoiries privées. il faut l’autorisation du titulaire ou des héritiers.

Les noms géoraphiques

Ils peuvent être déposés à titre de marque, appliqués à la désignation d’un produit car ils deviennent des termes de fantaisie (« Côte d’Or » pour les chocolats). L’autorisation est tempérée avec notamment l’article L.711-4 du Code de la propriété intellectuelle qui interdit le choix du nom géographique dans trois cas :
– S’il s’agit d’une appellation d’origine car celle-ci est un nom géographique déjà protégé par une législation particulière pour certains produits.
– Lorsque l’appropriation à titre de marque est de nature à porter atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.
– Lorsque l’acquisition d’un droit de marque sur la dénomination géographique prestigieuse serait de nature à monopoliser une dénomination qui est de nature collective en raison de la notoriété qui y est attachée. C’est le cas du terme« de Paris » qui ne peut être approprié par un parfumeur en raison du prestige dont il est entouré.

Les marques nominales non verbales

Selon l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle. ce sont les lettres (parfum « 0 » ). les initiales ( « LV » entrecroisées pour Louis Vuitton, « YSL » pour Yves Saint Laurent) ou les chiffres ( « N°5 » de Channel, « Pastis 51 »).

Les slogans ou devies

Les slogans ou « assemblages de mots » selon l’article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, peuvent être déposés à titre de marque à condition quïls remplissent bien la condition de distinctivité, ils ne doivent pas être descriptifs (par exemple« Décathlon, à fond la forme » – « Feu vert, la patte de l’expert» … ).

Les termes de fantaisie

Il s’agit de mots inventés (comme « Téfal »), de termes de fantaisie comprenant notamment les néologismes qui sont des mots inventés dans un but commercial et déposés à titre de marque. En l’espèce, il faut juste que le terme choisi soit valable. C’est l’exemple de « La Pierrade » pour désigner des appareils utilisés en cuisine, ou encore « La vache qui rit » pour le fromage.
Les termes étrangers peuvent également être déposés à titre de marque. Ils doivent néanmoins comporter une traduction en français. Il peut également s’agir d’une combinaison de mots comme « Europ Assistance ».

Les marques sonores

Face à une multiplicité de marques qui s’offrent à lui dans tous les domaines, le consommateur reconnaît semble-t-il plus facilement une fom1e, une couleur, une odeur, un goût ou un son particulier, qu’un logo ou un mot.
Fortes de ce constat, les entreprises innovent et tentent d’enregistrer à titre de marque des signes s’adressant à d’autres sens que la vue.
Les marques sonores ont été introduites par la loi de 1991 et l’article L.7 l 1-1 (b) du CP! les mentionne. Les marques sonores apparaissent extrêmement utiles tout particulièrement dans le secteur audiovisuel pour protéger l’indicatif d’une chaîne de radio ou de télévision, une bande annonce d’un producteur ou d’un distributeur de films, (rugissement du lion), le thème musical accompagnant la publicité d’un produit, un« jingle ». etc
On pourrait penser que dans ce domaine, il est aisé de fournir une représentation graphique du signe. Or tel n’est pas toujours le cas. L’exigence d’une représentation graphique est remplie si le signe sonore est représenté graphiquement au moyen d’un\! partition comportant l’ensemble des précisions pour décrire la musicalité du morceau (instruments utilisés, rythme … ). Donc la représentation graphique s’ effectue par le biais de la portée musicale, c’est-à-dire par la transposition de la musique en notes écrites. 1-‘our les autres sonorités, on a recourt au spectrogramme de sons qui est un relevé graphique du son8 (par exemple pour le bruit du pot d’échappement d’une Harley Davidson).
En supprimant l’adjectif« graphique», la directive de 2015 permet l’enregistrement de sons par fichiers numériques. En effet, jusque-là, la Cour de justice de l’Union européenne avait été réticente en exigeant une description par langage écrit et constatant qu’une telle description manquait de clarté et de précision.

Les marques fiuratives

D’après l’article L. 711-1 ( c) du Code de propriété intellectuelle, ce sont des signes. autres que les mots ou les sons, qui s’adressent à la vue tels que les dessins, les couleurs et les formes : « dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos. images de synthèse : les .formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service : les di.spositions, combinaisons ou nuances de couleurs ».
Concernant les signes emblématiques ou figuratifs, la liste est donc très variée : tout signe figuratif, en 20 ou en 30, peut être choisi comme marque, à condition d’être distincti( Le droit des marques ne doit pas permettre au titulaire de monopoliser, à travers la marque. un genre. un style, une tendance de la mode, ce qui aurait pour conséquence de gêner un concurrent (par exemple marquer l’ours en peluche quelle qu’en soit la forme. la taille ou la couleur).
Il peut y avoir des ponts entre les marques figuratives et verbales : on peut avoir une contrefaçon par imitation d’une marque figurative par une marque verbale ou l’inverse (la marque Lacroix pour l’eau de javel, imitée par une marque représentée par une croix pour le même produit).

Les desins

Le signe choisi doit être susceptible d’une représentation graphique « claire. précise, complète par elle-même, jàcilement accessible., intelligible, durable et objective >.
Concernant le dessin, il s’agit de toute disposition de trait ou de couleur représentant une image ayant un sens détcnniné. C’est donc une figure à deux dimensions (Coquille de shell, tigre d’Esso, bibendum Michelin, un mot typographié d’une certaine façon comme « Walt Disney »).

Le portrait

Toute personne peut interdire la reproduction de ses traits, à plus forte raison quand cette reproduction est utilisée à des fins commerciales ou publicitaires.

Une création

Il faut l’autorisation du créateur ou de son ayant-droit si le dessin est une oeuvre de ! ‘esprit.

Les couleurs

Les couleurs sont exploitées dans les logos, elles sont l’une des composantes essentielles de l’identité visuelle d’une marque. Il est bien connu que les marques peuvent se déposer sous une fonne verbale (le texte) mais aussi visuelle : un logo se dépose (marque figurative ou semi-figurative). Mais une marque peut-elle s’approprier une couleur en tant que telle, indépendamment de son logo ?
S’agissant des couleurs déposées à titre de marque, elles ont fait l’objet d’un certain nombre de décisions et leur régime est désormais bien défini. La nouvelle directive autorise à choisir une couleur comme signe. L’article L.7 l l-1 du Code de la propriété intellectuelle précise qu’on peut choisir comme marque des dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.
Les couleurs principales sont au nombre de six. Ce sont les couleurs de l’arc en ciel : le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le bleu et le violet. Le dépôt de ces couleurs fondamentales, prises en tant que telles. n’est pas autorisé puisque leur nombre étant restreint.
En eftèt. si une personne ou une société déposait l’une de ces couleurs alors elle pourrait empêcher ses concurrents de l’utiliser. Ainsi, plus rersonne ne rourrait exploiter de couleurs dans ses marques et cela serait un abus de la liberté du commerce et de l’industrie.
Heureusement, les couleurs s’associent, se combinent entre elles et peuvent être déclinées en différentes mrnnces. A 11-<lelà de ces 6 couleurs principales, de nombreuses possibilités de déclinaisons sont offettes qui vont rendre la protection possible.
Le dépôt d’une disposition ou d’une combinaison de couleurs est donc valable, encore faut-il cependant que ces combinaisons ou dispositions de couleurs répondent aux conditions de validité des marques. En effet, la protection au titre du droit des marques étant limitée à la seule combinaison qui est déposée, il convient donc d’expliquer dans le dépôt dans quel ordre uu a1 rnuge111eul su11l asse111l.,lées uu associées les couleurs.
De plus, la publication au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (_BOPI) qui rend la marque opposable aux tiers est effectuée en noir et blanc donc par voie de conséquence, le public ne pourra connaître la disposition et les couleurs protégées qu’à l’aide de leur description.
– Concernant les nuances de couleurs, on appelle « nuances » différentes intensités d’une même couleur. Avant la loi de 1991, la jurisprudence était fortement hésitante quant à la validité <l’un <lépôt portant sur une couleur unie. Le orange de Orange, le rouge de Coca-Cola, le bleu de Décathlon … La liste est longue des couleurs que l’on associe spontanément à des entreprises. De plus. la tentation est grande pour ces dernières de les déposer à titre de marque pour renforcer du même coup leur identité visuelle et leur protection vis-à-vis des concurrents. Le Code de la propriété intellectuelle n’exclut cffcdivcment pas qu’une couleur puisse constituer une marque valable. Cependant, si l’on pouvait encore il y a une quinzaine d’années obtenir une protection sur une couleur relativement facilement, la jurisprudence communautaire a limité drastiquement la pratique en l’encadrant très précisément.
Par ailleurs, s’agissant d’une marque simplement constituée d’une nuance de couleur, les circonstances dans lesquelles l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) ou ses homologues européens considéreront qu’elle est sufiisamment distinctive pour être protégée sont exceptionnelles. Ce serait le cas si le marché pertinent des produits visés est très spécifique et que l’association de la couleur avec les produits est particulièrement inhabituelle.
Une autre circonstance peut justifier l’octroi d’une marque sur une couleur si le déposant démontre que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage. C’est-à-dire si du fait de son exploitation massive, la couleur est immédiatement associée par le consommateur au déposant. C’est le cas de « Milka » avec la couleur lilas ou de la combinaison de couleurs de « lkéa » qui font toutes les deux l’objet d’une marque communautaire après avoir prouvé qu’elles avaient acquis un caractère distinctif par l’usage.
Enfin, il faut noter que si les cas d’octroi sont rares, les demandes de dépôt le sont tout autant. On peut donc choisir une nuance particulière, à condition de la préciser en fournissant un échantillon et en se référant à un code de couleurs internationalement connu (le code Pantône). La Cour de Justice de l’Union européenne a estimé en effet que la description verbale, ou l’association de description verbale et de l’échantillon ne suffisent pas  • Cela étant, le dépôt de couleur n’est pas à la portée de toutes les marques. Cela reste l’apanage de grandes marques telles que « Milka », « Décathlon » (la couleur bleu, pantone Process Blue Quadri Cyan l 00% ), SFR, Orange ( couleur orange pantone 151 ), Petit Bateau (la couleur bleu, pantone 288 U). En effet, certaines sont efficaces et connues (la couleur jaune pantone 109C pour Nikon) donc dignes de protection.
A titre d’exemple et de cas concret, l’affaire Candia est représentative de cette problématique de nuance de couleur. En effet, Candia, titulaire de la marque « rose pantone 212 » a attaqué et obtenu la condamnation pour contrefaçon de la société Besnier ayant déposé la couleur « rose pantone 219 » pour les mêmes produits qui sont des produits laitiers.
La Cour de Cassation a annulé la marque de la société Besnier en considérant que « les teintes choisies par les sociétés Candia et Besnie1; bien que correspondant chacune à une nuance précise, étaient très proches et susceptibles d’être confondues par un consommateur d’attention moyenne ».

Les formes avec les margues tridimensionnelles

Les législations françaises et communautaires autorisent l’enregistrement de formes de produits à titre de marque. En tirant profit des dispositions légales de façon adéquate, les industriels peuvent ainsi parvenir à acquérir des droits exclusifs, et potentiellement illimités dans la durée, sur des formes dont la mise au point a parfois nécessité des investissements importants en termes de temps et d’argent.
Encore faut-il que les formes de produits en cause, et donc les marques qu’elles ambitionnent de devenir, répondent à une condition minimale de validité : la distinctivité. Car une marque doit permettre aux consommateurs de distinguer les produits et services provenant d’une entreprise de ceux ayant une autre origine. Cette condition est appréciée très strictement par la jurisprudence, compte tenu des avantages en termes de durée qu’apporte un enregistrement à titre de marque, renouvelable indéfiniment, comparé à celui d’un modèle (25 ans maximum) ou d’un brevet (20 ans maximum).
La marque tridimensionnelle prend des formes diverses : cela peut concerner la forme du produit lui-même, son conditionnement le relief, la forme donnée à la surface du produit…
Ne sont pas considérées comme valables les formes de nature générique ou banale ou encore les formes indissociables d’un certain effet technique (c’est le cas des Légos par exemple).
Sont également dépourvus de caractère distinctif les signes conférant au produit sa valeur substantielle. Par conséquent, il faut faire attention à ce que les marques déposées et enregistrées ne servent pas de moyen détourné d’obtenir un monopole sur une forme qui, non plus par nature mais du fait de sa fonction, doit demeurer libre et à la disposition de tous les opérateurs d’un même marché.
La CJUE a exigé notamment qu’une forme dont les caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique et ont été choisies pour remplir cette fonction. puisse être librement utilisée par tous. Ainsi, dès lors que les caractéristiques fonctionnelles de la forme sont attribuables uniquement au résultat technique, elle ne peut constituer une marque valable.
Cela concerne par exemple la forme d’une bouteille de Perrier ou de Coca-cola, du chocolat Toblerone, ou encore la forme de galets des tablettes de lessive. Cela peut donc concerner la forme du conditionnement comme la marque distinguant les parfums Chanel ou bien la forme caractérisant un service comme pour la chaîne de restaurants Courtepaille (consistant en une représentation de la forme extérieure des restaurants).

Les marques particulières

La fonction essentielle d’une marque est d’indiquer au consommateur l’origine des produits et services qu’il achète. Dans un univers extrêmement concurrentiel, les entreprises sont appelées à se renouveler en permanence et à sans cesse développer de nouvelles stratégies de communication afin de se distinguer les unes des autres. En plus des marques classiques sollicitant la vue du consommateur. les entreprises souhaitent désonnais pourvoir enregistrer des marques non-conventionnelles faisant appel à d’autres sens. tels que l’odorat (1-) ou le goût (2-).

Les signes olfactifs

Le choix d’un signe répond à 2 exigences : tout d’abord qu’il soit perçu par les sens et qu’il puisse être susceptible d’une représentation graphique. Les signes s’adressant au sens olfactif ne sont pas a priori exclus de la loi. mais le principal obstacle à leur choix à titre de marque réside dans l’exigence d’une représentation graphique.
La jurisprudence française demeure encore assez réservée et frileuse sur ce point. Aux États-Unis la première marque olfactive a été enregistrée en 1990. En Europe, le texte de la directive 89/104/CEE de 1988 sur le rapprochement des législations des États membres sur les marques (remplacée à droit constant par celle de 2008) permet théoriquement d’enregistrer de telles marques. Cependant, la jurisprudence des Cours nationales ainsi que celle de la Cour de Justice de l’Union européenne ont freiné le développement des marques olfactives en Europe. De plus la directive adoptée par le Parlement européen le 15 décembre 2015 en la matière prévoyait notamment la suppression de l’exigence de représentation graphique et pourrait entraîner un rapprochement des droits américain et européen sur ce point. De fait, la directive de 2008 petmet en principe \’enregistrement de telles marques. Certes. l’article 2 de la directive énumère les signes capable de constituer une marque (« les mots, y compris les noms de personnes, les dessins. les lettres, les ch{ffres, la forme du produit 011 de son conditionnement»), mais la présence de l’adverbe« notamment» indique qu’elle n’est pas exhaustive.
Ainsi, après l’entrée en vigueur de la directive, l’lntellechial property office du Royaume-Uni a accepté l’enregistrement de deux marques olfactives:« uneji·agrancejlorale rappelant la rose » pour des pneus et une « forte odeur de bière amère » pour des fléchettes. Probablement influencée par le droit américain, l’autorité anglaise a considéré qu’une simple description de l’odeur permettait de l’enregistrer en tant que marque.
Suivant la même logique, l’OHMI de l’époque (aujourd’hui EUIPO) a autorisé l’enregistrement de« l’odeur de l’herbe fraichement coupée» pour des balles de tennis . Ici aussi. la seule description verbale de l’odeur avait été considérée comme suffisante car « l’odeur d’herbe .fi »aîchement coupée est une odeur distincte que tout le monde reconnaît immédiatement sur la base de ses souvenirs. » Cette décision a été fortement critiquée par la doctrine.
De fait, la décision fait explicitement référence aux souvenirs de chacun qui sont par nature subjectifs et ne permettent donc pas de déterminer la portée exacte de la protection accordée.
Pour choisir une odeur comme marque, il faudrait donc remplir la condition de représentation, et actuellement de représentation graphique en attendant la transposition de la directive de 2015 (prévue pour 2019). 11 serait donc nécessaire de procéder à :
Une description de I’ deur par de mots mais cela manque de fiabilité car chacun perçoit les odeurs à sa manière. De plus, l’odeur doit être arbitraire par rapport au produit, c’est-à dire qu’on ne peut déposer comme marque d’un parfum le parfum lui-même.
Une traduction de l’odeur sous forme graphique : il existe des méthodes chromatographiques censées traduire les odeurs par des courbes et des couleurs. Mais cela n’est pas non plus très fiable, et surtout incompréhensible pour les tiers (l’objectif d’information et de clarté n’est pas respecté).

Une lb alchimique de l’ odeur

Un dépôt d’un échantillon de l’odeur

Cependant la jurisprudence européenne se montre toujours aussi réticente. En effet, en 200216, la Cour de justice de l’Union européenne a refusé d’admettre une marque en tant que signe olfactif et a énoncé que « la marque olfactive ne peut être protégée. L’odeur n’est pas susceptible de représentation graphique claire. Ni la formule chimique, ni la description, ni le dépôt d’un échantillon ne sont une représentation graphique. »
Les marques olfactives passent difficilement le cap de la justice européenne. Après l’arrêt de la Cour Européenne de Justice dans l’affaire Sieckmann, le Tribunal de Première Instance en 2005 a aussi confirmé le rejet d’une demande de marque olfactive portant sur l’odeur d’une fraise mûre• Encore une fois, c’est en raison de la subjectivité de la représentation graphique.

 

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Table des matières

TITRE 1 : L’ACCÈS À LA PROTECTION DE LA MARQUE
Chapitre 1 – La qualité du signe déposé à titre de marque
Chapitre 2-L’existence du droit sur la marque
TITRE 2 : LES EFFETS DE LA PROTECTION
Chapitre 1 – L’exploitation de la marque
Chapitre 2 – L ‘action contre les tiers nu droit de la marque

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