La puissance réactive comme service système
La puissance réactive est une notion complexe peu connue du public. Ce premier chapitre vise à présenter et à définir cette notion, dans un premier temps d’un point de vue physique, puis en mettant en évidence le rôle important qu’elle joue dans l’exploitation des grands réseaux électriques et notamment dans la maîtrise de la tension.
La puissance réactive dans les circuits électriques
Sens physique de la « puissance imaginaire »
La nature de la puissance réactive doit être prise en compte pour sa valorisation. Pour cela il est nécessaire de revenir sur sa définition et son interprétation physique.
Le théorème de Boucherot
Le théorème de Boucherot permet de faire le bilan des puissances entre les différents éléments d’un circuit : « La puissance active consommée dans un dipôle linéaire est la somme des puissances actives consommées par chacun des éléments composant ce dipôle. » « La puissance réactive d’un dipôle linéaire est la somme algébrique des puissances réactives consommées par chacun des éléments de ce dipôle. » Ce théorème met en évidence le découplage entre les éléments consommant la puissance active, qui peut être transformée en puissance utilisable (thermique, mécanique, chimique…) et ceux consommant ou produisant de la puissance réactive, qui n’est qu’échangée entre ces éléments.
Le réglage de la tension et la production de puissance réactive
Approche théorique
La sûreté du système, le bon fonctionnement des installations raccordées et la réduction des pertes en lignes rendent nécessaire de garder la tension en chaque nœud du réseau dans une plage contractuelle de tension.
En effet la tension sur un réseau n’est pas constante. Pour simplifier , sur lequel l’impédance série R, L représente, de façon simplifiée, une ligne aérienne. Ce modèle est simple, mais il permet d’expliquer qualitativement le lien entre les modules et phases des tensions à chaque extrémité de la ligne d’une part, et les transits de puissance active et de puissance réactive d’autre part.
Caractéristiques réactives des réseaux
Les lignes composant les réseaux de transport d’électricité et les charges qui y sont connectées sont majoritairement des consommateurs de puissance réactive. Néanmoins, cela n’est pas toujours le cas et nécessite d’être précisé. Nous allons donc détailler les caractéristiques des différents éléments ayant un impact sur la puissance réactive, à savoir les charges, les conducteurs, les transformateurs et les moyens de compensation.
Charges
Les charges sont les consommateurs de puissance active. Leur comportement réactif dépend de leur nature, néanmoins la plupart des charges présentent un caractère inductif. Vues du réseau de transport ou de répartition, il peut s’agir :
➤ de grandes installations industrielles.
Celles-ci peuvent être connectées directement sur le réseau de transport car elles nécessitent une puissance élevée ou bien une puissance de court-circuit importante (ligne de chemin de fer par exemple). Ces installations sont essentiellement de nature inductive et résistive, du fait de la présence de transformateurs et de moteurs asynchrones qui sont fortement inductifs. Certaines installations contiennent des convertisseurs d’électronique de puissance qui eux aussi présentent un caractère inductif.
➤ de réseaux de distribution.
Ces réseaux acheminent la puissance électrique depuis le réseau de transport jusqu’aux petits consommateurs finaux (sites industriels, particuliers). Les lignes aériennes et les transformateurs qui constituent ces réseaux sont eux aussi inductifs. Néanmoins l’enfouissement des lignes étant de plus en plus répandu, les câbles souterrains ont une part de plus en plus prépondérante dans ces réseaux. Or ces câbles sont générateurs de puissance réactive. Tant que ces câbles restent minoritaires dans les infrastructures des réseaux de distribution, nous pouvons considérer que les réseaux de distribution et les charges associées sont consommateurs de réactif.
➤ d’interconnexions avec les réseaux de transport de pays étrangers.
Les règles d’exploitation de ces interconnexions sont définies entre Gestionnaires de Réseau de Transport (GRT). Le principe fondamental concernant les transits de puissance réactive sur ces lignes est de les maintenir nuls. Cependant des différences de stratégie de conduite des réseaux peuvent se traduire par des flux importants de puissance réactive sur ces derniers.
Réseaux de transport et distribution
Les éléments qui constituent les réseaux de transport d’énergie électrique ont un impact très fort sur les transits de puissance réactive. Nous allons ainsi nous intéresser aux transformateurs, aux lignes aériennes et aux câbles souterrains .
Transformateurs
Les transformateurs sont utilisés en sortie de groupe pour élever la tension puis à chaque changement de niveau de tension. La composition des transformateurs font que ceux-ci sont fortement inductifs. Les valeurs communément admises pour les réactances de fuite des transformateurs élévateurs sont de l’ordre de 13 %. Les couplages capacitifs à 50 Hz sont négligeables vis-à-vis de ces valeurs.
Lignes aériennes et câbles souterrains.
Le modèle en Pi des conducteurs est très précis pour une fréquence de 50 Hz et des longueurs de ligne de l’ordre de la centaine de kilomètres. Celui-ci permet de modéliser avec une bonne précision la résistivité de la ligne, son inductance linéique ainsi que les capacités latérales.
Production et compensation
Il existe plusieurs catégories de dispositifs de production de puissance réactive : les alternateurs et compensateurs synchrones, les bancs de condensateurs et les compensateurs statiques de puissance réactive.
Générateurs synchrones
Les alternateurs synchrones permettent de convertir la puissance mécanique des turbines en puissance électrique active. Cette technologie permet aussi de générer de la puissance réactive. Le principal avantage de la production de puissance réactive des générateurs synchrones réside dans la possibilité de piloter très précisément la puissance réactive injectée ou absorbée, et ainsi de réguler la tension au niveau du nœud de connexion.
Les limites de capacité de production d’un générateur sont définies par les constructeurs sous la forme de diagramme P-Q-U . Une puissance apparente constante se traduit dans un diagramme P-Q par un cercle centré sur l’origine. Or il ne s’agit pas de la seule limite entrant en jeu, et ce en raison des contraintes de fabrication de la machine. Les capacités de production sont limitées par d’autres paramètres tels que les limites de courants statorique et rotorique.
La limite de courant statorique, nécessaire pour limiter les échauffements au stator, va se traduire par une limite de la puissance apparente, ce quel que soit le niveau de puissance réactive. La limite de courant rotorique a pour objectif de limiter les échauffements au rotor de la machine. La conséquence de cette limite de courant d’excitation est que la surexcitation de l’alternateur est limitée, et ainsi sa capacité de production de puissance réactive. Dans un fonctionnement en compensateur synchrone où le générateur ne produit pas de puissance active mais génère de la puissance réactive, la puissance apparente sera inférieure à la puissanceapparente nominale en raison de la limitation du courant au rotor .
Compensateurs synchrones
Les compensateurs synchrones sont eux aussi des alternateurs synchrones connectés au réseau, mais ils ne sont pas entraînés par une turbine et ne fournissent donc pas de puissance active. Comme ils fonctionnent en moteur, ils consomment la puissance active correspondant aux pertes mécaniques et aux pertes électriques du stator. A l’instar des générateurs synchrones, leur courant d’excitation est régulé, permettant ainsi de contrôler la tension à leur nœud de connexion. Ces installations, souvent issues de centrales de production déclassées sont assez rares sur les réseaux. Il en existe une seule sur le réseau français, à Cheviré près de Nantes. Néanmoins certaines centrales de production ont la possibilité de débrayer l’alternateur de la ligne d’arbre de la turbine, et de fonctionner en compensateur synchrone. C’est le cas pour des groupes hydrauliques tournant sans être alimentés en eau, afin de leur faire produire de la puissance réactive sans puissance active.
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Table des matières
Introduction
Motivations
Objectif
Collaboration
Structure
Chapitre I La puissance réactive comme service système
I.1 La puissance réactive dans les circuits électriques
I.1.1 Sens physique de la « puissance imaginaire »
I.1.2 Le théorème de Boucherot
I.2 Le réglage de la tension et la production de puissance réactive
I.2.1 Approche théorique
I.2.2 Caractéristiques réactives des réseaux
I.2.2.1 Charges
I.2.2.2 Réseaux de transport et distribution
I.2.2.2.1 Transformateurs
I.2.2.2.2 Lignes aériennes et câbles souterrains
I.2.2.3 Production et compensation
I.2.2.3.1 Générateurs synchrones
I.2.2.3.2 Compensateurs synchrones
I.2.2.3.3 Bancs de condensateurs
I.2.2.3.4 Compensateurs statiques de puissance réactive
I.3 Organisation du réglage de la tension et de la gestion de la puissance réactive
I.4 Conclusion
Chapitre II Données économiques sur lI9a puissance réactive, tarification et état de l’art
II.1 Coûts de production de la puissance réactive
II.1.1 Coûts de production pour les générateurs
II.1.1.1 Coûts d’investissements
II.1.1.2 Coût d’exploitation : pertes
II.1.1.3 Coût d’exploitation : coût d’opportunité
II.1.2 Coûts des moyens de production statiques
II.1.2.1 Bancs de condensateurs / bobines
II.1.2.2 Compensateurs Statiques de Puissance Réactive : SVC, STATCOM
II.2 Dispatching économique
II.3 Méthodes basées sur les sensibilités
II.3.1 Définition des sensibilités
II.3.2 Sensibilités marginales
II.3.3 Sensibilités globales
II.4 Conclusion
Chapitre III Méthode des Capacités Réactives Equivalentes
III.1 Présentation de la méthode ERC
III.1.1 Remplacement de la production réactive d’un générateur
III.1.2 Lien entre sensibilités et méthode ERC
III.2 Evaluation de la capacité réactive équivalente
III.2.1 Etat initial du réseau
III.2.2 Consignes de tension et production de puissance réactive
III.2.3 Calcul de la capacité réactive équivalente
III.2.4 Calcul de la capacité réactive équivalente de manière incrémentale
III.2.5 Nature des moyens de compensation
III.2.6 Application aux réseaux maillés
III.3 Application sur un réseau à deux nœuds
III.3.1 Caractéristiques du réseau à 2 nœuds
III.3.2 Influence du niveau de production du générateur
III.3.3 Influence de la longueur de la ligne
III.3.3.1 Capacités réactives équivalentes pour différentes longueurs de ligne
III.3.3.2 Capacités réactives équivalentes marginales
III.4 Conclusion
Chapitre IV Méthodes des capacités réactives équivalentes optimisées
IV.1 Limites de la méthode ERC traditionnelle
IV.1.1 Contraintes et consignes de tensions fixées côté charges
IV.1.2 Choix des emplacements des condensateurs fictifs
IV.1.3 Investissements en moyens de compensation fictifs non optimisés
IV.1.4 Prise en compte des capacités disponibles auprès des autres générateurs
IV.2 Notre méthode : les capacités réactives équivalentes optimisées
IV.2.1 Minimisation des capacités réactives équivalentes et limites de tension
IV.2.2 Choix des nœuds d’emplacement des capacités réactives équivalentes
IV.2.3 Prise en compte des capacités des autres générateurs
IV.2.4 Comparaison entre la méthode ERC initiale et la méthode CREO
IV.3 Mise en œuvre sur les réseaux maillés
IV.3.1 Organigramme de la méthode des CRE optimisées
IV.3.2 Définition des plans de charge et de production
IV.3.2.1 Définition des plans de production initiaux
IV.3.2.1.1 Plan de production de puissance active
IV.3.2.1.2 Plan de production de puissance réactive
IV.3.2.2 Contraintes
IV.3.3 Mise en équation de l’optimisation
IV.3.3.1 Fonction d’optimisation
IV.3.3.2 Equations des contraintes
IV.3.4 Outils d’optimisation
IV.3.4.1 TROPIC OPF
IV.3.4.2 TROPIC QUASAR
IV.4 Conclusion
Chapitre V Application de la méthode à un réseau test IEEE 118 nœuds
Conclusion