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Concepts biomécaniques
Le concept biomécanique de la prothèse inversée repose sur l’augmentation du bras de levier du deltoïde par médialisation et distalisation du centre de rotation de l’épaule qui devient unique (6). L’augmentation du bras de levier du deltoïde restaure ainsi l’élévation antérieure active en cas d’épaule pseudo-paralytique. Une épaule pseudoparalytique se définit comme une élévation antérieure active inférieure à 90° avec une mobilité passive normale. Elle est le plus souvent la conséquence d’une atteinte d’au moins trois tendons de la coiffe des rotateurs (7).
L’indication principale de la PTEI est donc l’épaule pseudo-paralytique persistante, ceci dans le cadre d’une arthropathie de la coiffe des rotateurs mais également quel que soit le statut du cartilage gléno-huméral. En effet l’épaule est la seule articulation dont l’arthroplastie totale peut être envisagée sans arthrose car nous ne disposons pas de meilleure solution chirurgicale que cette arthroplastie afin de restaurer l’élévation antérieure active d’une épaule pseudoparalytique.
Sur le plan biomécanique, la médialisation du centre de rotation permet de recruter davantage de fibres antérieures et postérieures du deltoïde (Figure 1).
Cependant les contreparties de cette médialisation sont les risques d’une encoche scapulaire inférieure, d’une instabilité, d’une perte de la rotation externe et interne, et d’une déformation du contour de l’épaule.
La distalisation du centre de rotation augmente la tension du muscle deltoïde et restaure ainsi sa fonction. Cependant les contreparties de cette distalisation sont le risque de fracture de l’épine ainsi que celui de lésion du plexus brachial infra claviculaire par étirement.
Après le développement des prothèses inversées de type « Grammont » (1) associées à une importante médialisation, l’évolution des PTEI se fait dorénavant vers la latéralisation, soit au niveau de la glène, soit de l’humérus, soit encore au niveau des deux. La question du centre de rotation « idéal » d’une PTEI se pose actuellement. De plus, ce dernier est-il le même pour chaque pathologie de l’épaule ? Jusqu’où peut-on latéraliser le centre de rotation de l’épaule ? De nombreuses questions restent en suspens et vont animer notre réflexion dans les mois à venir.
Figure 1 : Recrutement des fibres du muscle deltoïde dans l’élévation active.
(A) Les 7 segments du muscle deltoïde selon Kapandji. (8) (B) Sur une épaule native, seul le deltoïde moyen (segment III) et une partie du deltoïde antérieur (segment II) participent à l’élévation active. (C)
La médialisation du centre de rotation d’une PTEI permet de recruter davantage de fibres antérieures et postérieures du deltoïde (segments I et IV) pour réaliser l’élévation active. D’après Boileau et al. (6)
Par voie de conséquence la réinvention de la dynamique gléno-humérale par la PTEI entraine des modifications de la cinématique du complexe articulaire de l’épaule et se répercute notamment sur l’articulation scapulo-thoracique.
Le rythme scapulo-huméral
Le rythme scapulo-huméral (RSH) décrit par Codman en 1934 (9) puis précisé par Inman et al. (10) est défini comme le rapport entre la rotation effectuée dans l’articulation gléno-humérale (GH), correspondant au début du mouvement d’abduction du membre supérieur, et celle effectuée dans l’articulation scapulothoracique (ST), correspondant à la sonnette latérale de la scapula et participant également à l’abduction du membre. On le calcule mathématiquement par le rapport GH/ST. (Figure 2)
Globalement, chez les sujets sains les éléments suivants sont rapportés (11) :
– entre 0 et 30° : l’essentiel du mouvement se situe au niveau de la GH
– au-delà de 30° : le rapport GH/ST évolue de façon non linéaire avec en moyenne 2° dans la GH pour 1° dans la ST
Ainsi, au-delà de 30°, les auteurs ont mis en évidence une contribution de la gléno-humérale (GH) deux fois plus importante que celle de la scapulothoracique (ST) chez des sujets sains.
Les patients porteurs d’une PTEI présentent une modification du RSH au cours de l’élévation du membre supérieur : l’essentiel du mouvement se situe toujours au niveau de la néo-articulation GH, néanmoins il existe une contribution plus importante de la ST et une contribution moins importante de la GH en comparaison à une épaule native (12–16). Kwon et al. (14) ont notamment montré que, chez ces patients porteurs d’une PTEI, la contribution de la ST dans le mouvement global de l’épaule augmentait dans tous les plans d’élévation de l’épaule. Enfin de Toledo et al. (15) ont observé les mêmes résultats lorsque le membre portait, ou non, une charge.
En conclusion l’articulation scapulo-thoracique est plus sollicitée chez les patients porteurs d’une PTEI. (Figure 3)
Résultats
Les résultats cliniques postopératoires sont très satisfaisants et durables dans le temps. En 2018, une méta-analyse de Ernstbrunner et al. (17) a étudié les résultats à long terme des PTEI implantées dans un contexte de pathologie de la coiffe des rotateurs. Elle retrouva, à près de 10 ans, une amélioration du score de Constant absolu et pondéré préopératoire respectivement de 24 à 59 points et de 33 % à 74 %. Le SSV (Subjective Shoulder Value) passait de 23 % à 72 %. L’élévation antérieure active et l’abduction étaient également significativement améliorées respectivement de 66° à 127° et de 63° à 113°. Ils n’ont cependant pas mis en évidence d’amélioration significative de la rotation externe passant de 19° à 24°.
Favard et al. (18) retrouvaient dans leur série un taux de survie global de 92 % à 10 ans et de 84 % à 15 ans. Le taux de survie atteignait même 97 % à 10 ans pour les patients qui présentaient une arthropathie de la coiffe des rotateurs.
De plus, l’étendue des indications de PTEI touche une population de plus en plus jeune, avec une demande fonctionnelle plus élevée, mais dont les résultats cliniques restent très satisfaisants et durables (19–21).
Complications
Le taux de complications des PTEI est cependant relativement élevé et notamment plus important que celui des PTEA. La méta-analyse de Zumstein et al. (22) retrouvait 20,9 % de complications postopératoires dont 10,1 % de révision.
De plus le taux de complication était près de trois fois plus important dans le cadre d’une PTEI de révision en comparaison à une PTEI de première intention : respectivement 33,3 % et 13,4 %.
Les principales complications décrites dans cette méta-analyse étaient :
– L’instabilité (4,7 %)
– L’infection (3,8 %)
– Le descellement glénoïdien aseptique (3,5 %)
– Les fractures de l’acromion ou de l’épine de la scapula (1,5 %)
– Le désassemblage de la glénosphère (1,5 %)
– Le désassemblage de l’implant huméral ou la luxation du polyéthylène (1,5 %)
– La fracture de l’humérus (1,4 %)
– Le descellement de la tige humérale (1,3 %)
– Les troubles neurologiques (1,2 %)
– Autres (0,5 %)
On note donc que les troubles neurologiques occupent, dans cette étude, une part relativement rare mais non négligeable des complications postopératoires. Les données de la littérature concernant cette complication sont d’ailleurs très variables, allant de 0 % à 10 % (22–26). Boileau et al. (4) rapportèrent 2 % de troubles neurologiques objectivés dans leur série et Walch et al. (27) 3,6 % dans la leur.
Cependant cette complication est très certainement sous-estimée de par sa récupération presque toujours complète (28).
Ainsi Lädermann et al. (29) réalisèrent un électromyogramme (EMG) préet postopératoire chez des patients opérés d’une PTEI. Ils purent ainsi dépister les atteintes neurologiques non objectivées dans les séries précédentes et mirent en évidence une atteinte neurologique postopératoire chez 47 % de ces patients.
Les diverses étiologies retrouvées dans la littérature (28–33) pouvant être responsables de ces troubles neurologiques postopératoires sont :
– Des phénomènes d’étirement :
o par des mobilisations excessives du membre en peropératoire
o par l’allongement global du membre inhérent au dessin non anatomique de la prothèse inversée
– Des phénomènes de compression :
o par un instrument, notamment les écarteurs, en peropératoire
o par extrusion de ciment dans le cadre de prothèses cimentées
o par l’apparition secondaire d’un hématome postopératoire
– Un traumatisme nerveux direct au cours de l’intervention
– Une complication anesthésique du bloc interscalénique
Toutes ces étiologies sont communes aux interventions de PTEI et de PTEA en dehors de l’allongement du membre, inhérent au dessin non anatomique de la prothèse inversée.
Or, dans leur série de 2011, Lädermann et al. (29) mirent en évidence un risque 10 fois supérieur d’avoir un trouble neurologique postopératoire après une PTEI qu’après une PTEA.
Ainsi, actuellement, l’allongement du membre est la seule étiologie décrite à notre connaissance, spécifique aux PTEI, pouvant être responsable de cette différence de fréquence de troubles neurologiques postopératoires.
Enfin, ces troubles neurologiques, lorsqu’ils sont symptomatiques, peuvent être responsables d’insatisfaction de la part des patients, voire d’incapacité ou même de dépression (34).
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Table des matières
I. INTRODUCTION
A. LA PROTHESE TOTALE D’EPAULE INVERSEE
1. Généralités
2. Concepts biomécaniques
3. Le rythme scapulo-huméral
4. Résultats
5. Complications
B. LES SYNDROMES COMPRESSIFS
1. Le syndrome du défilé cervico-thoraco-brachial
2. Le syndrome du petit pectoral
3. Le « double crush syndrome »
C. OBJECTIFS DE NOTRE ETUDE
II. MATERIEL ET METHODES
A. POPULATION ETUDIEE
B. METHODOLOGIE
C. MATERIEL UTILISE
D. PROCEDURE EXPERIMENTALE
E. LES CRITERES DE JUGEMENT
F. ANALYSE STATISTIQUE
III. RESULTATS
IV. DISCUSSION
A. UNE NOUVELLE ETIOLOGIE
B. LE « DOUBLE CRUSH SYNDROME »
C. PROPOSITION DE PRISE EN CHARGE
1. La consultation préopératoire
2. Le suivi postopératoire
V. CONCLUSION
VI. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
VII. ANNEXES
A. ANNEXE 1 – DONNEES TECHNIQUES DU CAPTEUR
B. ANNEXE 2 – ÉVALUATION DU CAPTEUR
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