La maladie de Duchenne et de Becker
La dystrophine chez les modèles porcs
Le porc est un modèle animal souvent utilisé lors d’études sur l’homme, sa taille, son anatomie et sa physiologie ayant beaucoup de similitudes avec celles de l’homme. De plus, les porcs sont manipulables génétiquement, ce qui permet d’étudier des atteintes telles que les déficiences en dystrophine sur le plan moléculaire et de générer des modèles ayant des mutations similaires à celles de l’homme. De tels modèles porcins ont été créés par délétion de l’exon 52 du gène DMD [33], ce qui correspond à une mutation fréquemment rencontrée chez les patients DMD.
Par ailleurs, une lignée de porcs a été découverte, présentant une substitution spontanée dans l’exon 41 du gène de la dystrophine, entrainant le remplacement d’un acide aminé arginine par un acide aminé tryptophane (R1958W). Cette substitution entraine des niveaux plus faibles en dystrophine dans les muscles squelettiques et cardiaques.
Il existe donc des modèles porcins DMD naturels et artificiels. Chez les porcelets DMD, délétés au niveau de l’exon 52, il a été montré l’absence de dystrophine, comparé aux porcelets WT normaux, ce qui correspond à la situation de la plupart des patients atteints de myopathie de Duchenne. Chez les porcelets R1958W de 8 mois en revanche l’expression de la dystrophine n’était pas nulle, mais diminuée de 70%, dans le diaphragme, le psoas et le muscle longissimus, comparé aux porcelets sains [36]. La protéine dystrophine entière y est présente dans tous les muscles, localisée au niveau du sarcolemme, suggérant que chez ces porcelets R1958W les muscles ne sont pas déficients en dystrophine mais présentent une quantité diminuée de la protéine.
Ce modèle porcin R1958W présente donc des similitudes avec les patients atteints de myopathie de Becker. C’est à travers l’étude de ces mutations, notamment dans le cas du modèle R1958W, qu’il a été constaté qu’un déséquilibre d’expression entre les extrémités 5’-3’ rendait l’ARNm moins stable d’où une diminution de la quantité de dystrophine générée. En effet, ce type de mutations a également été observé chez des patients atteints de myopathie de Becker [37]. Comment une substitution dans la séquence d’acides aminés modifie la sensibilité à la protéolyse est pour l’instant inconnu, même si les propriétés fortement différentes entre les acides aminés arginine et tryptophane contribuent à une structure protéique différente et à des changements conformationnels, qui diminuent la stabilité de la protéine [38]. Par ailleurs, l’altération des interactions électrostatiques au niveau du ’rod domain’ déstabiliserait aussi la protéine dystrophine. Ces études à travers le modèle porcin, suggèrent donc que l’insuffisance en dystrophine provient d’une instabilité de l’ARNm et potentiellement aussi d’une dégradation protéique plus élevée. La quantité diminuée de dystrophine proviendrait donc au moins en partie des dommages causés à la protéine par les contraintes générées lors des contractions musculaires.
Modèle poisson-zèbre, Danio rerio
Les embryons de poisson-zèbre se développent à l’extérieur, sont transparents, et sont donc accessibles aux manipulations embryologiques in vivo. Des recherches permanentes sont effectuées pour améliorer les modèles existants, pour pouvoir au mieux étudier la maladie de l’homme.
Les larves de poisson-zèbre Dmd déficientes en dystrophine sont caractérisées par une abondante nécrose des fibres musculaires, remplacées par des infiltrats mononucléés, une fibrose extensive accompagnée d’inflammation, et une plus large hétérogénéité du diamètre lors de coupes transversales des fibres musculaires.
La régénération musculaire n’est pas capable de compenser l’importante perte musculaire. On peut apercevoir sur les larves vivantes Dmd le détachement des myofibres engendré par les contractions musculaires. En effet, sous une lumière polarisée, les muscles des poissons-zèbre peuvent être repérés par une zone lumineuse sur un fond sombre. Cet effet de lumière est appelé biréfringence et est le résultat de la diffraction de la lumière polarisée à travers la série des sarcomères des muscles. Les lésions musculaires se repèrent facilement par une réduction de cette biréfringence. C’est un indicateur très sensible de l’intégrité musculaire chez les larves de poisson-zèbre .
Cette méthode permet d’avoir des résultats reproductibles, même avec un faible nombre de larves et peut être utilisé pour caractériser les différents muscles des mutants, permettant une comparaison globale des atteintes musculaires. Les mutants Dmd peuvent être repérés très précocement et elle permet de suivre l’effet des différents traitements.
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Table des matières
Introduction
Première partie : Compréhension de la maladie de Duchenne et de Becker au travers des modèles animaux
I. L’absence de la protéine dystrophine fonctionnelle et entière, responsable de la maladie de Duchenne
A. La protéine dystrophine
B. Le gène de la dystrophine et ses mutations
C. Le modèle souris mdx déficient en dystrophine
D. Des modèles primates déficients en dystrophine
E. Les modèles canins cDMD déficients en dystrophine
F. Les modèles rats déficients en dystrophine
G. La dystrophine chez les modèles chats
H. La dystrophine chez les modèles porcs
I. La dystrophine chez les modèles non-mammifères : drosophile, poisson-zèbre et Ceanorhabditis elegans
1. Le modèle Zebrafish, Danio rerio
2. Modèle Drosophile, Drosophila melanogaster
3. Modèle Ceanorhabditis elegans
II. Protéines associées à la dystrophine via le DGC, dont le rôle est précisé à l’aide des modèles animaux
A. D’autres protéines jouent un rôle similaire à la dystrophine
B. Rôles joués par l’Utrophine et l’Intégrine
C. Rôle joué par l’interaction dystroglycane/sarcoglycane-dystrophine
D. Interaction dystrobrévine/syntrophine-dystrophine
III. Physiopathologie comparée de la myopathie de Duchenne et de Becker
A. Les manifestations cliniques chez l’homme
B. Les manifestations cliniques chez le modèle souris mdx
C. Evolution du modèle souris pour approcher au mieux la clinique de l’homme
D. Les manifestations cliniques chez les modèles canins, cDMD
1. Modèle poisson-zèbre, Danio rerio
2. Modèle drosophile, Drosophila melanogaster
IV. D’autres organes atteints lors de myopathie de Duchenne et de Becker
A. L’atteinte cardiaque
B. L’atteinte du système nerveux central et périphérique
C. Atteinte des muscles lisses
D. Atteinte diaphragmatique
Deuxième partie : Thérapie génique pour traiter la maladie de Duchenne et de Becker à l’aide des différents modèles animaux
I. Les principes de la thérapie génique
A. Actualités sur la thérapie génique dans le cadre de la myopathie de Duchenne et de Becker
1. Objectifs de la thérapie génique
2. Principes du remplacement du gène de la dystrophine muté
3. Principes de réparation du gène de la dystrophine muté
B. Comment le gène de la dystrophine fonctionne-t-il ?
C. Détermination du niveau d’expression du gène nécessaire pour un effet thérapeutique
D. Traiter les précurseurs des cellules musculaires ?
E. Les réponses immunitaires cellulaires et humorales, un défi important
II. Le remplacement du gène défectueux de la dystrophine
A. Les fibres musculaires révertantes
B. Remplacement du gène défectueux par la séquence entière codant pour la dystrophine
C. Remplacement du gène défectueux de la dystrophine par de petits gènes artificiels
D. Traiter tous les muscles de l’organisme
III. La réparation du gène défectueux de la dystrophine
A. Les principes de la réparation du gène de la dystrophine
B. La réparation de l’ARNm transcrit du gène défectueux de la dystrophine
C. La réparation du gène défectueux de la dystrophine directement sur l’ADN
IV. La thérapie génique indépendante du gène de la dystrophine
A. Utilisation du gène de l’utrophine et de l’intégrin
B. Utilisation du gène SERCA (Sarco/endoplsamique reticulum calcium ATPase)
C. Utilisation du gène Galgt2
V. La thérapie génique chez l’homme suite aux résultats obtenus sur les modèles animaux
Troisième partie : Les autres thérapies développées grâce aux modèles animaux
I. Des thérapies qui s’attaquent aux conséquences cliniques des myopathies de Duchenne et de Becker
II. Réduction de l’inflammation
A. L’inflammation dans le cadre de la myopathie de Duchenne
B. L’utilisation des corticostéroïdes, effet anti-inflammatoire mais pas seulement
C. Des co-traitements aux stéroïdes, des exemples non-exhaustifs
III. Les antifibrotiques
IV. Inhibition de la myostatine pour augmenter la force musculair
Conclusion
Bibliographie
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