La production textuelle orthographique
La rénovation du français : l’apparition du PER
Depuis les années 80, les autorités chargées de l’éducation et de l’instruction tendent vers une modernisation des apprentissages. Ainsi, en 1985, le canton de Fribourg fixe des intentions concernant la lecture et l’écriture émergente à l’éducation préscolaire. En 1992 apparaît dans les écoles enfantines la compétence « à communiquer aussi bien à l’oral qu’à l’écrit » dans le domaine langue grâce à la brochure « Une école enfantine pourquoi et Objectifs et Activités préscolaires ». En 2000, le Service de l’enseignement primaire fribourgeois de langue française met en avant des activités portant sur le langage oral et écrit pour son canton. Finalement, en 2010, la CIIP (Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin) introduit le plan d’étude romand (PER), dont le domaine langue, demande de lier les apprentissages lire-écrire-écouterinteragir (Ansen Zeder & Joye-Wicki, 2012).
L’apparition du PER et sa mise en place ont standardisé les objectifs et les progressions d’apprentissage pour toute la Suisse romande. Concernant la langue d’enseignement, les objectifs pour le cycle 1 visent la maîtrise du français et le développement des compétences de communication (en français, mais aussi dans plusieurs langues étrangères).
Aujourd’hui, le PER définit l’enseignement de la langue 1 pour les enseignants de la Suisse romande autour de quatre visées prioritaires (CIIP, 2010):
– Maîtriser la lecture et l’écriture et développer la capacité de comprendre et de s’exprimer à l’oral et à l’écrit en français.
– Découvrir les mécanismes de la langue et de la communication.
– Développer des compétences de communication opérationnelles dans plusieurs langues.
– Construire des références culturelles et utiliser les Médias, l’Image et les Technologies de l’Information et de la Communication.
Ces quatre visées prioritaires sont développées d’après les grandes finalités du domaine langue, qui sont :
– apprendre à communiquer et communiquer ;
– maîtriser le fonctionnement des langues/réfléchir sur les langues ;
– construire des références culturelles ;
– développer des attitudes positives face aux langues et à leur apprentissage (CIIP,2010).
Les nouveaux moyens d’enseignement
La définition des objectifs et finalités pour la langue d’enseignement amène la création de nouveaux moyens d’enseignement. Nous en citerons ici deux qui se trouvent actuellement dans les classes des degrés élémentaires : S’exprimer en français et Dire, Écrire, Lire.
Pour Dolz, Noverraz et Schneuwly (2001), la collection S’exprimer en français permet un enseignement différencié et conjoint de l’oral et de l’écrit. Elle se concentre sur les dimensions de l’expression écrite et orale. Elle offre des textes de référence écrits et oraux comme base pour l’expression des élèves. Ce moyen d’enseignement favorise des mises en situations concrètes à l’aide de projets de classe.
Pour Auvergne, Jaquier, Lathion, Richoz, Rouèche et Madelon (2011), les albums Dire, Écrire, Lire permettent aux élèves de travailler d’abord la compréhension d’images pour ensuite passer à la compréhension textuelle. Au départ, ces albums mettent en avant le langage oral pour arriver par la suite à la langue écrite. Ils présentent également, en parallèle, un travail sur le code alphabétique, grâce aux situations d’écriture proposées aux élèves :
– lecture/écriture émergente provisoire (LEEP) ;
– dictée à l’adulte (DA) ;
– texte de référence (TR).
La LEEP permet de mettre l’élève dans un rôle de lecteur-scripteur, où il doit différencier l’écrit de l’oral. Il apprend à différencier image et texte. Il comprend ainsi l’importance de la connaissance des lettres pour l’apprentissage de la lecture-écriture.
La dictée à l’adulte (DA) permet de travailler davantage les différences entre l’oral et l’écrit.
L’élève apprend à énoncer un oral dit « écrivable » puisque l’enseignant écrit ce que dicte l’enfant. Il travaille donc la segmentation des mots, l’orthographe, le repérage et la reconnaissance de certains mots.
L’écrit dans sa complexité ou sa simplicité ?
L’écriture et la lecture sont travaillées simultanément dans les degrés élémentaires.
L’enfant est confronté très tôt à l’écrit dans sa vie quotidienne. Pasa et Fijalkow (2000) se sont posé la question s’il fallait présenter l’écrit dans sa complexité ou le simplifier afin que les élèves l’intériorisent avec plus de facilité. Ils ont étudié plusieurs manuels scolaires et ont remarqué que l’écrit y est souvent représenté comme un langage artificiel. Lorsque l’enseignant l’introduit dans des leçons structurées, il le rend davantage artificiel pour l’enfant, qui n’en comprend ni le sens ni but.
De plus, ils ont pu observer que la plupart des manuels hiérarchisent les propriétés de la langue écrite afin de faciliter leur acquisition. Elle se fait alors par les rudiments. Ainsi, lors de la première année primaire, l’accent est davantage mis sur les correspondances phonographiques que sur la recherche de sens (la sémiotique). Selon la conception populaire, il faut aller du simple au compliqué, c’est pourquoi la pédagogie se conforme à ce principe en partant du court au long, en combinant plusieurs éléments.
Ils ont analysé comment les moyens d’enseignement présentent l’apprentissage des mots.
Premièrement, les voyelles sont étudiées séparément, puis elles sont associées à une consonne, ce qui forme des syllabes à deux lettres. Les élèves doivent être capables de lire ces syllabes dans certains mots proposés tels que moto ou vélo. Cette vision de l’apprentissage se fonde sur la représentation que l’acquisition des connaissances est linéaire. Cependant, les structures opératoires de l’élève ne se forment pas sur une accumulation de connaissances. Les représentations de l’enfant doivent être construites, et reconstruites par le sujet lui-même. Le fait de réduire l’apprentissage en petits éléments n’est pas utile dans ce cas de figure. « L’apprentissage est un réseau flexible et modulable qui évolue par restructuration » (p.49).
L’écrit, ses outils et ses fonctions
Plus loin, Vygotsky développe l’idée que l’écrit nécessite des outils. Ces outils sont créés par l’homme. Ils peuvent être de type technique ou secondaire, influençant l’activité d’écriture (supports, polices, machines …) ou sémiotique, constitutif, agissant sur le sens et sur la réalité psychique dans le but d’influencer des interlocuteurs ou soi-même. Dans son travail, Schneuwly (2008) met en avant que l’écrit est « un outil pour écrire » (p.122).
Ce principe vient du fait de l’existence de brouillons, d’annotations et de corrections. Ces éléments sont provisoires et dédoublent l’écrit. Il y a deux phases : transcoder et composer, écriture et réécriture.
Un autre outil de l’écrit est le genre, décomposé en genre premier et genre second. Le genre premier est spontané, il a lieu dans un échange verbal. Le genre second est plus artificiel puisqu’il a lieu lors d’un échange culturel, qui est principalement écrit. Ces genres permettent à l’enfant de s’adapter à de nouvelles situations dans sa pratique langagière.
Finalement, d’autres outils sont mis en avant dans cet ouvrage. Ils se réfèrent aux principes de la pédagogie Freinet, développée par Célestin Freinet lui-même. Ces outils sont le texte libre ou l’imprimerie. Ils trouvent leur origine dans la méthode naturelle qui met en avant le tâtonnement expérimental en mettant l’élève directement dans une situation globale et complexe. Le texte libre est un moyen par lequel l’élève peut produire un texte quand il le veut sur le choix d’un thème personnel. Cependant, sa production doit avoir un but fonctionnel dans la vie de la classe, il doit être écrit pour d’autres et pouvoir être lu à d’autres personnes. Dans une même visée communicative, l’imprimerie est un moyen matériel permettant de travailler les fonctions et les caractéristiques de l’écrit avec des enfants. De son côté, Vygotsky différencie deux phases dans l’apprentissage de l’écrit. La première est la « préhistoire », à travers laquelle l’enfant apprend à quoi sert l’écrit. La seconde phase est « l’histoire » pendant laquelle l’enfant différencie le langage écrit. Freinet travaille principalement la première phase avec ses outils (Schneuwly, 2008). En effet, par l’écriture de textes libres ou d’imprimerie, les élèves appréhendent l’utilité de l’écriture
Définition de l’écriture
Plusieurs auteurs ont donné une définition de l’écriture, dont Alleton (2012), qui la définit ainsi : «L’« Écriture » désigne un système symbolique propre à transposer les énoncés produits dans une langue en signes visuels, voire tactiles (le Braille), et matérialisés sur un support. » (p.113). À partir de cette définition, deux capacités indissociables à l’écriture sont développées : la possibilité d’établir une relation univoque grâce à des traces écrites et la possibilité de transposer tout énoncé (Alleton, 2012).
De même, selon Higounet (1955), l’écriture est : « un procédé dont on se sert actuellement pour immobiliser, pour fixer le langage articulé, fugitif par essence même » (p.3). C’est un langage muet, qui permet de fixer et faire ressusciter la pensée. Ainsi, l’écriture discipline la pensée. Elle permet de modeler nos pensées, de les modifier et de les arranger en les posant une première fois sur la feuille pour ensuite les travailler.
L’origine de l’écrit
L’écriture est un acte qui évolue depuis des milliers d’années. Déjà à la fin du IVe millénaire avant notre ère apparaissent les premières formes d’écrit avec les hiéroglyphes égyptiens.
Ce n’est pas un homme qui a inventé l’écriture, mais plusieurs groupes d’hommes dans le monde, qui, par besoin, ont inventé un code afin de pouvoir diffuser ou transmettre des informations. Ainsi, à Sumer, en Égypte, puis en Chine, plusieurs techniques d’écriture ont vu le jour et ont évolué très différemment (Alleton, 2012). L’écriture suméro-akkadienne, par exemple, combinait et représentait plusieurs clous triangulaires imprimés grâce à un roseau dans des tablettes d’argile (Higounet, 1955).
Le terme « Écrire » dit « Graphein » en grec signifie la trace, l’empreinte. Il comprend donc au sens large les actes de dessiner ou graver. L’action « Écrire » a été développée par l’homme afin de pouvoir garder une trace, garder en mémoire ce qui a été vu, entendu, perçu. Pour ce faire, trois types d’écrits se sont développés :
– L’un représente une chose ou un objet, c’est la pictographie.
– Le second représente une idée, c’est l’idéographie. L’écriture idéographique, représentée par le Mandarin par exemple, utilise des idéogrammes pour écrire un mot.
La transcription de celui-ci n’a alors aucune ressemblance avec les sons prononcés (Philippe, 2007).
– Le troisième type d’écrit représente un groupement de phonèmes, c’est l’écriture phonétique.
Les principes de la communication
Tout au long de ce point, nous parlons de l’apprentissage de la langue ou des langues et de la communication. Il nous faut définir ce qu’est le langage. Le langage constitue le milieu naturel de l’homme, selon Bronckart (2007). Étant donné que l’homme s’est développé dans ce milieu, c’est un être de langage. Le langage est une connaissance de l’homme qui lui permet d’intégrer de nouvelles connaissances. De ce fait, deux niveaux de langue existent: « le niveau de la langue intériorisée ou de la langue comme construction sociale secondaire » (Bronckart, 2007, p.6).
« Moyen d’expression et de communication, la langue s’acquiert chez l’enfant dès les premières années. À l’école, il s’agit de poursuivre un apprentissage commencé dans la famille et plus précisément de favoriser un double besoin, de développer un double pouvoir : le besoin et le pouvoir de s’exprimer oralement et par écrit ; le besoin et le pouvoir de comprendre ce qui est dit et écrit. » (Besson, Genoud, Lipp, Nussbaum 1979, p.1). Trois idées dirigent l’enseignement du français dans cet ouvrage.
La première de ces idées est que lorsqu’il y a apprentissage d’une langue, il y a un apprentissage au niveau de la communication, car la langue est le principal moyen pour communiquer. La deuxième idée, qui est expliquée plus en détail dans le point concernant l’apprentissage de l’écriture en 1-2H, est que l’école a pour but de continuer les apprentissages au niveau de la langue, que l’enfant a déjà acquis ou développés avant sa scolarisation. Finalement, la dernière idée met en avant le sens des apprentissages. En effet, les apprentissages au niveau de la langue peuvent s’effectuer seulement si l’enfant veut entrer en communication avec autrui, s’il a l’envie de s’exprimer, de comprendre (Besson et al., 1979).
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Table des matières
C. Introduction
D. Partie théorique
1. Problématique
1.1. La communication au centre des apprentissages
1.1.1. La rénovation du français : l’apparition du PER
1.1.2. Les nouveaux moyens d’enseignement
1.2. Apprentissage de l’écrit
1.2.1. L’écrit dans sa complexité ou sa simplicité ?
1.3. L’écrit et les outils
1.3.1. L’écrit, ses outils et ses fonctions
2. Cadre conceptuel
2.1. Les origines de l’écrit
2.1.1. Définition de l’écriture
2.1.2. L’origine de l’écrit
2.2. La communication
2.2.1. Les principes de la communication
2.2.2. Les genres de textes
2.2.3. Les fonctions de l’écrit
2.2.4. L’apprentissage de l’écriture au cycle 1
2.3. Les outils de l’enseignement de l’écrit
2.3.1. Définition d’ « outil »
2.3.2. Lecture/écriture émergente provisoire (LEEP)
2.3.3. La dictée à l’adulte (DA)
2.3.4. Le texte de référence (TR)
2.3.5. La production textuelle orthographique
3. Questions de recherche
4. Hypothèses
5. Présentation du dispositif
5.1. Le questionnaire
5.2. Les entretiens
5.3. La séquence
E. Partie empirique
6. Les résultats
6.1. Le niveau général des deux classes et le rapport à l’écrit des enseignants
6.2. Le niveau des huit élèves désignés
6.3 Séquence d’enseignement-apprentissage et temps d’enseignement
6.4. Les représentations pré et post-séquence des élèves
6.4.1. Analyse des résultats sous-question Q1.1
6.4.2. Analyse des résultats sous-question Q1.2
7. Conclusion
7.1. Réponses aux questions de recherche
7.2. Critique de la démarche
7.3. Pistes d’amélioration
7.4. Aller plus loin
8. Références bibliographiques
F. Annexes
G. Certificat d’authenticité
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