La production et la gestion de l’espace portuaire à vocation industrielle et logistique

L’aménagement infrastructurel : un système et des pratiques en mutation, au cœur de la production de l’espace bâti

     L’identification et le choix de travailler sur cet objet découlent à l’origine d’une intuition. Le point de départ de ce travail de thèse étant la réforme portuaire française de 2008, nous avons constaté que dans son sillage s’est rapidement diffusée l’expression «port aménageur» pour désigner les grands ports maritimes. Elle fait référence au modèle dit landlord port mis en œuvre à cette occasion, qui se caractérise par une propriété et une gestion publique des infrastructures et du foncier portuaire, et à l’inverse une propriété et une exploitation privée des outillages de manutention, nous y reviendrons. Le terme «port aménageur» n’est pas la traduction littérale de landlord port, qui devrait être «port propriétaire». Ce glissement sémantique se retrouve essentiellement dans le discours des autorités portuaires, que les médias spécialisés contribuent à relayer. Moins anecdotique qu’il n’y paraît, cette dénomination a attiré notre curiosité. Elle institue l’aménagement non plus comme une simple fonction support à dimension uniquement technique, correspondant à la compétence classique de maîtrise d’ouvrage. Elle le place au contraire au rang de fonction dominante et stratégique au sein des missions des gestionnaires d’infrastructures, justifiant même peut-être leur existence et leurs prérogatives. Par ailleurs l’expression propose une approche de l’aménagement en tant que fonction globale des grands ports maritimes, déqualifiant de ce fait l’approche qui consisterait à examiner séparément la production des infrastructures à proprement parler du reste des activités. Plus largement ce terme nous interpelle sur la nécessité d’examiner de plus près et selon une approche transversale les caractéristiques et les éventuelles mutations en cours de l’aménagement infrastructurel. Au-delà de l’intuition, trois raisons expliquent cet intérêt. Premièrement les gestionnaires d’infrastructures jouent un rôle structurant dans la production du cadre bâti. L’ampleur de leur patrimoine foncier en donne une mesure. SNCF Réseau est le second propriétaire foncier en France avec un domaine de près de 113 000 hectares dont 93 000 accueillent les infrastructures et équipements ferroviaires et 20 000 sont confiés à SNCF Immobilier en vue de leur valorisation. VNF gère un domaine fluvial d’environ 80 000 hectares (plans d’eau compris). Du fait du caractère linéaire des infrastructures que gèrent ces deux établissements, ils sont présents dans de nombreux territoires et dans les principaux espaces urbains en France. Ils sont à ce titre des intervenants incontournables dans nombre de projets d’aménagement [Frébault, 2005 ; Adisson, 2015]. Les grands ports maritimes quant à eux jouissent d’un domaine d’environ 35 000 hectares au total, dont 10 000 au Havre comme à Fos-sur-Mer. Enfin Aéroports de Paris dispose d’un patrimoine de 6700 hectares sur le territoire francilien Outre cet aspect matériel et physique, l’ampleur de leur rôle s’explique par les moyens financiers et techniques dont ils disposent, la diversité des projets qu’ils initient, mais aussi par les enjeux économiques qui s’attachent aux espaces infrastructurels. Pour ne prendre qu’un exemple, les aéroports franciliens représentaient en 2010 5,8% du PIB de l’Ile-de-France et 1,7% du PIB français. À la même date, l’aéroport Paris-Charles de Gaulle seul représentait 6,1% de l’emploi salarié en Île-deFrance et 1,5% de l’emploi en France [BIPE, 2010, cité par ADP, 2012]. Deuxièmement, l’aménagement infrastructurel nous intéresse en raison des mutations fortes qu’il connaît actuellement. Nous le verrons, les gestionnaires d’infrastructures de transport voient d’une part se renforcer leur rôle d’aménageur et recherchent d’autre part à diversifier leurs activités d’aménagement. Ces tendances commencent à être examinées dans les secteurs ferroviaire et aéroportuaire, comme en témoignent les travaux précédemment cités, mais de manière fragmentaire. Le secteur portuaire fait quant à lui office de parent pauvre dans ces réflexions. Ces deux dernières décennies, dans le contexte de la diffusion du modèle du landlord port, plusieurs chercheurs ont souligné les bénéfices d’un recentrage des autorités portuaires sur l’aménagement et la gestion du foncier [Goss, 1990 ; Comtois et Slack, 2003 ; Verhoeven, 2010] sans réellement interroger ni leur capacité (technique, économique) ni leur légitimité (politique) à exercer de telles fonctions. Le discours gestionnaire qui a accompagné la diffusion de ce modèle – dimension symbolisée par le Port Tool Kit proposé en 2003 par la Banque mondiale– ainsi que les nombreux travaux en science du management et en économie qui se sont emparés du sujet [Baltazar et Brooks, 2001 ; Brooks et Cullinane, 2006 ; Cheon et al., 2010] ont certainement contribué à masquer les enjeux que soulève un tel recentrage des activités des autorités portuaires. Troisièmement, nous postulons que pour dépasser cette évidence il convient d’examiner l’aménagement infrastructurel «par le bas», c’est-à-dire dans sa mise en œuvre [Lascoumes et Le Galès, 2012]. L’approche «au concret» des politiques publiques [Padioleau, 1982] tend à se développer dans le champ de la recherche en aménagement et urbanisme [Arab, 2016]. Elle permet de mettre en lumière les éventuels écarts entre les intentions des décideurs politiques et leur matérialisation [Maulat, 2014], l’influence respective des multiples intervenants d’un projet urbain dans sa concrétisation [Arab, 2004], ou encore le poids des acteurs techniques sur le politique [Idt, 2009]. L’analyse des pratiques est par ailleurs un révélateur des politiques publiques, permettant de dépasser les effets de «discours». Dans cette perspective, l’aménagement infrastructurel sera appréhendé à travers les processus concrets de production et de gestion des espaces correspondant, ceux-ci étant à ce jour encore peu connus. Par le terme de production nous désignons la chaîne d’actions concourant à leur transformation, comprenant notamment la planification de l’espace, la construction d’infrastructures de desserte ou encore l’implantation d’activités économiques sur des terrains préalablement viabilisés. Le terme de gestion est quant à lui employé en référence au fait que l’espace infrastructurel est formé de terrains qui sont majoritairement loués et non cédés. Contrairement au processus classique de production de l’espace où le rôle de l’aménageur prend fin au moment de la commercialisation des terrains, le gestionnaire d’infrastructures intervient au-delà de cette étape puisqu’il en reste propriétaire dans la plupart des cas. L’objectif empirique de notre travail est d’identifier les acteurs intervenant dans ces processus, les outils mobilisés, les objectifs qu’ils formulent, le sens qu’ils donnent à leurs pratiques et les évolutions récentes qu’elles ont connues. À travers cette analyse «au concret» des espaces infrastructurels, notre problématique de recherche – approfondie dans le chapitre 1 – visera à mettre en lumière l’existence de tensions entre les héritages d’un système de production et de gestion de l’espace conçu au cours des Trente Glorieuses dans un contexte économique et politique fordiste, et les mutations récentes des politiques publiques d’aménagement. Nous montrerons que ces tensions sont l’écho des mutations économiques, organisationnelles, spatiales et idéologiques qui traversent l’action publique étatique. Les enjeux empiriques et théoriques auxquels renvoie notre objet de recherche seront analysés à travers le cas de l’espace portuaire, et plus précisément des grands ports maritimes français.

L’État et les transports : de l’ère libérale aux nationalisations

     L’École des Ponts et Chaussées, créée en 1747, symbolise l’implication historique et continue de l’État dans le développement des réseaux de transport. Sur un plan idéologique, celle-ci se fonde à partir de la première Révolution Industrielle sur la théorie de l’économie de la circulation selon laquelle les échanges de biens, d’hommes et de devises sont indispensables au développement économique et au progrès. Le marquis A. de Laborde, homme politique, écrit en 1834 que «Le commerce est l’art des transports comme l’administration est la science des impôts. Il agit dans l’intérieur des États ou au dehors, et ses combinaisons s’étendent à mesure qu’elles prospèrent» [Laborde, 1834]. Les infrastructures de transport constituent l’ossature de ces échanges et leur déploiement sur l’ensemble du territoire est à ce titre essentiel, comme le plaident les saint-simoniens tout au long du XIXème siècle [Desportes et Picon, 1997]. Dès le XVIIIème siècle le réseau navigable fait l’objet d’importants investissements, puis le réseau ferroviaire à partir du milieu du XIXème siècle. Au cours de cette période, la gestion des infrastructures s’appuie très largement sur le modèle de la concession. Les chambres de commerce et d’industrie gèrent les ports maritimes, des compagnies de chemin de fer privées développent et exploitent le réseau ferroviaire. Le réseau navigable, en particulier les canaux et les ports fluviaux, font quant à eux l’objet de multiples concessions auprès d’industriels, de chambres de commerce et d’industrie ou encore de collectivités locales. Le régime de la concession permet à l’État de faire intervenir les capitaux privés dans le développement des réseaux de transport. Ce modèle, en vigueur jusqu’à la Première Guerre mondiale, repose sur l’idéologie libérale alors dominante selon laquelle l’État doit intervenir au minimum dans les forces du marché. Deux raisons justifient et bornent son intervention. D’une part il est garant de l’intérêt général : il exerce un rôle de «régulateur» qui se matérialise via le contrôle des concessions. Dans le secteur ferroviaire par exemple, un cahier des charges est mis en place entre l’État et chaque compagnie, définissant les niveaux d’exploitation des lignes qui leur sont confiées. En 1858, l’État exige que les compagnies fusionnent afin qu’il n’en reste plus que huit, pour limiter la concurrence destructrice et faciliter leur contrôle. Celui-ci devient plus fort encore à partir des années 1880, le ministère des Travaux Publics disposant d’un droit de regard sur les tarifs, les budgets et les investissements des concessionnaires pour veiller aux abus éventuels [Jones, 1995]. Dans le secteur fluvial et portuaire maritime, les concessionnaires jouissent d’une plus grande liberté. Le ministère des Travaux Publics (créé en 1830) dispose toutefois d’un pouvoir de tutelle et de contrôle sur ces derniers et sur les projets qu’ils engagent. D’autre part l’État prend en charge les investissements de rentabilité de très long terme que les entreprises privées ne peuvent pas assumer. Il intervient premièrement via des aides financières. À partir de 1840 il propose des «garanties d’intérêts»26 aux compagnies concessionnaires pour favoriser les investissements privés dans le secteur ferroviaire. À partir de 1842, des subventions égales à la valeur de l’infrastructure et des terrains leur sont également accordées [Salini, 2015]. L’État participe à plusieurs projets de canaux – à faible hauteur toutefois (4% environ) [Merger, 1990]. Deuxièmement l’État initie et met en œuvre en tant que maître d’ouvrage des programmes d’ensemble, parfois avec difficulté. Le plus emblématique est le programme dit Freycinet, lancé en 1879, qui prévoit de nombreux investissements en faveur du développement infrastructurel dans tous les modes de transport L’État intervient alors en tant que «bâtisseur» [Neiertz, 1999] et planificateur. À partir de la fin du XIXème siècle et dans la première décennie du XXème le régime concessif dominant est largement discuté entre les tenants de l’idéologie libérale qui souhaitent son maintien et les partisans d’une intervention plus directe de l’État [Neiertz, 1999]. La Première Guerre mondiale constitue une rupture idéologique marquée par une remise en question de l’ordre libéral, aussi le débat s’approfondit-il dans les années qui la succèdent. Il est en particulier alimenté par les ingénieurs issus des grands corps techniques, qui défendent l’idée que seul l’État peut être garant de l’intérêt général face aux intérêts particuliers portés par les entreprises et les collectivités locales [Neiertz, 1999]. Dans un contexte idéologique renouvelé, ces discussions aboutissent à la nationalisation progressive des grandes infrastructures de transport. Ce processus repose sur la création de gestionnaires d’infrastructures publics ou semi-publics nationaux, placés sous la tutelle de l’État. L’abandon du système concessif marque la centralisation de la politique de transport et de sa mise en œuvre, dont la production des infrastructures. Outre les motivations déjà énoncées, ce mouvement s’appuie sur la théorie économique du monopole naturel développée par Léon Walras au siècle précédent. Selon l’économiste, la création de monopoles publics dans le secteur des transports, et plus encore dans la fourniture des infrastructures, est légitimée par l’ampleur des économies d’échelle qu’elle permet de réaliser. Ces économies se répercutent directement sur les tarifs, le monopole permettant donc de maximiser la satisfaction des usagers. Dès 1912, l’Office National de la Navigation est instauré. Ses responsabilités comprennent l’entretien et le développement du réseau navigable et son exploitation : l’ONN gère et exploite les ouvrages fluviaux (tunnels, écluses), les outillages de manutention et il est concessionnaire de plusieurs ports. Il est par ailleurs responsable de l’affrètement dans la batellerie à partir de 1936. L’ONN est donc un établissement polyvalent, mais sa création marque un tournant dans les modalités de gestion et de production des infrastructures de transport. Celui-ci est confirmé en 1937 avec la création de la Société Nationale des Chemins de Fer, société mixte à participation majoritaire de l’État. Elle met fin au système des concessions, entraîne la fusion des différents réseaux ainsi que la nationalisation et la centralisation de leur gestion. Après la Seconde Guerre mondiale le processus se poursuit avec la création d’Aéroports de Paris (1945), qui gère et aménage l’espace aéroportuaire en Île-de-France. La construction de l’aéroport de Roissy, initiée par le gouvernement central au début des années 1960, lui est confiée. Puis en 1965 la réforme portuaire crée six ports autonomes : ces établissements sont placés directement sous la tutelle de l’État et sont en quelque sorte les maîtres d’ouvrage de son projet d’industrialisation du littoral, comme nous le montrerons dans le chapitre 2. En l’espace de quelques décennies l’État est donc devenu propriétaire et gestionnaire des infrastructures de transport jugées d’intérêt national, par le biais d’établissements publics ou de sociétés mixtes dont il a le contrôle. Ceux-ci sont dotés de prérogatives fortes en matière d’aménagement. Ils peuvent procéder à des expropriations pour cause d’utilité publique en vue d’acquérir les ressources foncières nécessaires développement des infrastructures. En outre, l’ensemble des terrains qu’ils possèdent sont protégés par le droit administratif, et plus particulièrement par le régime de la domanialité publique. Dérogatoire du droit commun, ce régime vise à empêcher l’appropriation privée des biens considérés comme étant d’utilité publique. Leurs gestionnaires peuvent les mettre à disposition de tiers, mais toujours de manière temporaire et révocable, comme nous le reverrons (chapitre 2). Les missions des établissements mentionnés sont multiples : outre l’entretien et le développement des infrastructures dont ils ont la charge, ils en sont aussi les exploitants. Nous avons déjà mentionné les différentes activités de l’ONN. La SNCF pour sa part assume une mission d’opérateur de transport. Quant aux ports autonomes et à Aéroports de Paris, ils sont opérateurs de services connexes au transport : manutention pour les premiers et assistance à escale pour le second. Ce système d’une part intégré et d’autre part nationalisé doit être mis en regard de l’accroissement alors considérable de l’intervention de l’État dans la sphère économique. Il est encouragé par la montée en puissance des théories de l’économiste américain J. M. Keynes prônant une politique économique volontariste de la part des gouvernements nationaux dans le contexte de la crise des années 1930. Cette approche trouve un écho amplifié après la Seconde Guerre mondiale face aux besoins immenses auxquels la France fait face en termes de reconstruction de l’espace bâti d’une part et des moyens de production d’autre part. La prise de contrôle de la production et de la gestion des infrastructures de transport, au même titre que la planification économique ou la vague de nationalisations qui intervient dans les secteurs industriels et tertiaires entre 1945 et 1947, constitue l’un des outils de la politique économique dirigiste de l’État [Neiertz, 1999 ; Jones, 1995 ; Salini, 2015]. Parallèlement, les grands projets d’infrastructures de transport tels que l’électrification de la ligne de chemin de fer Paris-Lyon, la création des zones industrialo-portuaires ou encore le lancement de la construction de l’aéroport de Roissy représentent des leviers majeurs de la politique naissante d’aménagement du territoire.

Les gestionnaires d’infrastructures à la recherche d’une valorisation financière de leur patrimoine foncier

    La diversification des activités d’aménagement exercées par les gestionnaires d’infrastructures naît de la nécessité à partir des années 1990 d’accroître leurs ressources propres. Deux solutions s’offrent à eux. Le premier axe d’action consiste en l’augmentation de leurs revenus existant, c’est-à-dire principalement les droits d’accès à l’infrastructure dont s’acquittent les opérateurs de transport, soit par l’augmentation de leurs tarifs, soit par la recherche de trafics nouveaux. Mais ces recettes fluctuent au gré des volumes de trafics traités. Elles dépendent des choix de desserte des opérateurs de transport ainsi que des choix modaux des usagers, sur lesquels les gestionnaires d’infrastructures ont peu de prise. Aussi, un second volet de leur stratégie consiste à diversifier leurs activités vers des sources de revenus plus pérennes afin de limiter l’impact de ces fluctuations sur leur capacité d’investissement. Dans cette perspective l’attention des gestionnaires d’infrastructures se porte sur leur patrimoine foncier, dont nous avons déjà précisé l’ampleur. Il leur apparaît qu’une partie de ce patrimoine n’est pas ou plus directement utile au développement ou à la gestion des infrastructures de transport, et peut de ce fait être mis à disposition d’autres usages. Dans ce contexte, plusieurs gestionnaires d’infrastructures lancent une stratégie de valorisation de leur patrimoine foncier, plus ou moins structurée et explicite selon les cas. Elle consiste en la vente ou la location de terrains leur appartenant pour des projets immobiliers portés par des collectivités locales ou des promoteurs. Les activités accueillies entretiennent un lien fonctionnel plus ou moins étroit avec le transport. Les opérateurs ferroviaires français, italien [Adisson, 2015] ou encore suisse [Gerber, 2008] encouragent par exemple le développement de projets urbains sur leurs terrains délaissés. Ils cherchent à ailleurs à accroître les revenus locatifs générés par les bâtiments de gare en augmentant les surfaces dédiées aux commerces et aux services. Cette stratégie fait écho à celles des gestionnaires d’infrastructures aéroportuaires, qui ont été les premiers à s’engager dans la diversification de leurs revenus. Aujourd’hui les grands hubs aéroportuaires mondiaux accueillent des galeries commerciales, mais aussi des bâtiments de bureaux, des salles de conférences, des hôtels, des restaurants. La notion d’airport city est communément employée pour désigner des espaces [Kasarda, 2006 ; Halpern, 2011]. Les aéroports comme les ports fluviaux mettent par ailleurs une partie de leur patrimoine foncier à disposition d’opérateurs logistiques pour l’implantation d’entrepôts, dont ils tirent des recettes locatives parfois substantielles, comme c’est le cas de Ports de Paris [Paffoni, 2013 ; Raimbault, 2014]. Les stratégies et pratiques mises en œuvre par les gestionnaires d’infrastructures de transport en vue de valoriser financièrement leur patrimoine foncier seront abordées en détail dans le chapitre 7, en nous penchant en particulier sur le cas des ports maritimes. Il s’agit ici de souligner le fait que ces tendances entraînent le développement de compétences et d’activités nouvelles en matière de production et de gestion de l’espace au sein des établissements étudiés. La nature et le périmètre de leurs interventions sont ainsi redéfinis. La synthèse rapide que nous venons de présenter retrace sur le temps assez long les évolutions de l’aménagement infrastructurel – soit le système qui sous-tend la production des infrastructures de transport. Plusieurs constats en découlent. Premièrement on observe des mutations significatives de l’espace infrastructurel, défini comme l’ensemble des territoires sous la compétence d’un gestionnaire d’infrastructures. Cet espace est d’une part marqué par la polarisation des investissementsd’infrastructures, et d’autre part par la multiplication des usages et activités qu’il accueille. Il reste infrastructurel par son rattachement institutionnel et son statut administratif, mais il ne l’est plus toujours par ses usages, comme le traduit bien la notion d’airport city. Deuxièmement, le système d’aménagement infrastructurel hérité de la première moitié du XXème siècle se voit remis en question dans ses fondements opérationnels et financiers. On ne peut pas affirmer à ce jour que les gestionnaires publics d’infrastructures historiques sont concurrencés par les firmes d’infrastructures privées. Néanmoins la montée en puissance de ces dernières questionne la place des opérateurs publics dans la gestion et la production des infrastructures et pourrait aboutir à une redéfinition de leurs fonctions. Plus profondément, la contestation de la démocratie représentative et la diffusion de l’idéologie néolibérale dans le cadre de la construction européenne tendent à remettre en question le lien qui unit depuis plusieurs siècles aménagement infrastructurel et intérêt général.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Objet de recherche et propositions de définitions
2. L’aménagement infrastructurel : un système et des pratiques en mutation, au cœur de la production de l’espace bâti
3. Terrain de recherche : l’espace portuaire français sous tutelle étatique
3.1. Définir l’espace portuaire
3.2. Terrain de recherche : les grands ports maritimes français
4. Méthodologie de recherche : démarche, matériau, traitement
4.1. Une démarche inductive et exploratoire
4.2. Matériaux de recherche
4.2.1. Source principale : l’entretien semi-directif
4.2.2. Sources complémentaires
4.3. Récolte et traitement des données : approche transversale et études de cas
5. Organisation de la thèse
PREMIÈRE PARTIE. DE L’INFRASTRUCTURE À L’ESPACE INFRASTRUCTUREL : LA TRAJECTOIRE DE L’AMÉNAGEMENT PORTUAIRE
CHAPITRE 1. La production et la gestion des espaces infrastructurels au prisme des lectures postfordistes et postmodernistes de l’action aménagiste de l’État
1. Introduction
2. L’aménagement infrastructurel : «terrain expérimental» de l’intervention économique de l’État (Neiertz, 1999)
2.1. Le secteur des transports face à la libéralisation de l’économie
2.1.1. L’État et les transports : de l’ère libérale aux nationalisations
2.1.2. L’affaiblissement de l’État dirigiste et le renouvellement des principes de gestion publique
2.1.3. Gestion et production des infrastructures de transport : le repli relatif de l’État
2.1.4. La libéralisation du marché des transports : vers une désintégration entre production et exploitation des infrastructures
2.1.5. Des trafics incertains ou en baisse
2.2. Impacts des stratégies adaptatives des gestionnaires d’infrastructures de transport sur leurs pratiques d’aménagement
2.2.1. La production des infrastructures de transport : un système en cours de restructuration
2.2.2. Les gestionnaires d’infrastructures à la recherche d’une valorisation financière de leur patrimoine foncier
3. L’action publique aménagiste : une relecture au prisme des approches postfordistes et postmodernistes des mutations de l’État
3.1. L’État face aux transformations de l’environnement économique et idéologique global
3.1.1. L’État : figure abstraite et institutionnelle
3.1.2. Environnement global : transitions postfordistes et postmodernistes
3.2. Les mutations de l’action publique aménagiste de l’État : la convergence entre aménagement infrastructurel et urbanisme opérationnel
3.2.1. L’urbanisme opérationnel et l’aménagement infrastructurel : entre politiques publiques et secteurs d’activités économiques
3.2.2. Les effets des mutations de l’État sur son action aménagiste
4. Problématique et hypothèses de recherche
CHAPITRE 2. Les Trente Glorieuses : instauration d’un modèle fordiste de production et de gestion de l’espace portuaire
1. Introduction
2. Planification économique et aménagement du territoire au cœur de l’interventionnisme étatique des Trente Glorieuses
3. Les zones industrialo-portuaires : leviers de la politique d’aménagement du territoire et de développement économique au cours des Trente Glorieuses
3.1. Les ports de commerce et l’État : aperçu historique
3.2. Les enjeux de l’intervention portuaire étatique à l’après-guerre
3.3. La zone industrialo-portuaire : un modèle d’aménagement et d’industrialisation du littoral en diffusion
4. Production et gestion des zones industrialo-portuaires en France : modalités et outils
4.1. Les cadres de l’action publique ou l’affirmation de la zone industrialo-portuaire comme levier de la politique d’aménagement du territoire et de développement économique
4.1.1. Échelon national : les plans de développement économique et social
4.1.2. Échelon régional : les schémas d’aménagement des aires métropolitaines
4.2. Les ports autonomes : opérateurs de l’État
4.3. Les instruments financiers de la production de l’espace industrialo-portuaire
4.4. La maîtrise foncière étatique au service de l’aménagement des zones industrialoportuaires
5. La politique étatique d’industrialisation du littoral : les fondements d’un système spatial et économique amené à perdurer
5.1. La création des zones industrialo-portuaires, des «majors» aux ports atlantiques
5.2. Hiérarchie portuaire et structures des trafics
6. Conclusion
CHAPITRE 3. Des déconvenues du modèle industrialo-portuaire fordiste à la réforme de 2008 : l’avènement du port-aménageur
1. Introduction
2. Globalisation et libéralisation de l’économie : quels effets sur les espaces portuaires ?
2.1. Espaces portuaires : affaiblissement des fonctions productives, renforcement des fonctions commerciales
2.1.1. La fragilisation du port en tant que plateforme industrielle
2.1.2. Le port : nœud de chaînes de transport globalisées
2.2. Renforcement de la concurrence interportuaire et globalisation de l’industrie maritime et portuaire
2.3. Néo-libéralisme et secteur public portuaire : la diffusion du modèle landlord port
2.3.1. La libéralisation du secteur portuaire
2.3.2. L’approche académique du modèle du «port-propriétaire» : vers un élargissement du rôle des autorités portuaires dans la production et la gestion de l’espace
3. La réforme portuaire française de 2008 : mise à l’agenda et contenu
3.1. Du milieu des années 1970 aux années 2000 : la marginalisation politique et économique des ports autonomes
3.1.1. Des ports sans pilote
3.1.2. Le relatif déclin des ports autonomes
3.2. La mise à l’agenda de la réforme portuaire
3.2.1. De la formulation du problème
3.2.2. … à la formulation d’une réponse politique
3.3. La réforme portuaire de 2008 : contenu et reformulation a posteriori
3.3.1. Les principales dispositions de la réforme
3.3.2. Le modèle de port-aménageur : une reformulation a posteriori de la réforme
4. Le modèle du port-aménageur ou la production et de gestion des espaces portuaires sous tutelle d’un État «stratège» et «actionnaire»
4.1. Les grands ports maritimes : des opérateurs sous une tutelle étatique dédoublée
4.2. Segmentation du référentiel d’action publique
4.3. Maîtrise foncière : dispositifs historiques et instruments nouveaux
4.4. Un modèle économique et financier fragilisé
4.5. Le modèle du port-aménageur : un rééchelonnement complexe et partiel de l’action aménagiste de l’État
5. Conclusion
SECONDE PARTIE. PRODUIRE ET GÉRER L’ESPACE PORTUAIRE : ACTEURS, ENJEUX ET PRATIQUES
CHAPITRE 4. Les gestionnaires de l’espace portuaire et la planification : entre injonction et appropriation
1. Introduction
2. La planification : reflet de la «recomposition de l’action publique territoriale» (Zepf et Andres, 2011)
2.1. La remise en cause des méthodes et dispositifs de la planification traditionnelle
2.2. L’essor de la planification stratégique spatialisée autour de réseaux d’acteurs stabilisés
2.3. La planification appliquée aux espaces infrastructurels : un exercice «hybride»
3. Les mutations de la planification portuaire : du renforcement du cadre règlementaire environnemental à l’instauration des projets stratégiques
3.1. Le cadre originel de la planification des espaces portuaires : des pratiques doublement singulières
3.1.1. Le domaine portuaire : un espace historiquement à l’écart des dispositifs classiques de planification spatiale
3.1.2. Espaces bord-à-quai et espaces rétro-portuaires : des modalités distinctes d’intervention
3.2. Les facteurs externes de mutation de la planification portuaire
3.2.1. Les pressions environnementales croissantes et leurs impacts sur l’espace portuaire aménageable
3.2.2. Les élus locaux : une demande croissante de visibilité sur les projets de développement portuaire
3.3. Appropriation des injonctions et outils de planification par les autorités portuaires : prévalence des registres économiques et techniques
3.3.1. Les enjeux économiques de la densification
3.3.2. Anticipation et attractivité de l’espace portuaire
3.3.3. La planification comme vecteur d’affirmation du rôle d’aménageur des grands ports maritimes
3.4. La réforme portuaire de 2008 et l’instauration des projets stratégiques
3.4.1. Le projet stratégique : un instrument de planification composite
3.4.2. Élaboration du projet stratégique : la multiplicité des parties prenantes impliquées
4. Le cas portuaire havrais : la planification portuaire comme outil de préservation des
ressources foncières industrielles et logistiques face aux règlementations environnementales
4.1. Le port du Havre : un environnement naturel sensible et un territoire urbain peu dynamique
4.2. D’une logique extensive défensive
4.2.1. Le Plan de développement de la ZIP et la Charte pour l’environnement et le cadre de vie (1991)
4.2.2. Schéma d’orientation pour le développement du port du Havre et l’aménagement et la gestion de la zone industrielle (1994)
4.2.3. Port 2020 (2008)
4.3. …à une logique intensive
4.3.1. Projet stratégique 2009 – 2013
4.3.2. Le SDPN : du Schéma directeur du patrimoine naturel au Schéma de développement du port et de la nature
4.3.3. Projet stratégique 2014 – 2019
4.4. Les outils de planification portuaire : d’une vocation technique à une mobilisation politique ?
4.4.1. L’apprentissage collectif ou la consolidation organisationnelle et technique de la compétence de planification
4.4.2. Le projet stratégique : outil de construction d’un «bien commun territorialisé» ?
5. Conclusion
CHAPITRE 5. Les implantations industrielles et logistiques portuaires : le port-aménageur sous influences
1. Introduction
2. Les politiques «spatialistes» de développement local face à la mobilité des entreprises
3. L’implantation des chargeurs industriels et logistiques comme levier de développement économique portuaire
4. Les implantations logistiques : la place de l’autorité portuaire dans la chaîne de promotion immobilière. Le cas de Distriport (Fos-sur-Mer) et du PLPN 2 (Le Havre)
4.1. L’émergence d’une logistique portuaire
4.2. L’offre foncière «clé en main» : un produit dédié aux implantations logistiques
4.3. Les autorités portuaires face à la volatilité des flux maritimes
5. Implantations industrielles et mobilisation des ressources juridiques, politiques et financières publiques
5.1. Le développement industriel : une acceptabilité politique différenciée par filière
5.2. L’implantation du centre de broyage Eqiom à La Rochelle : les filières industrielles portuaires face aux risques de rejet local
5.3. Le développement de la filière des énergies marines renouvelables à Nantes-SaintNazaire : un portage politique multiscalaire
5.4. Implantations industrielles portuaires : synthèse
6. Conclusion
CHAPITRE 6. Vers une « régionalisation » du port-aménageur ? Éclairages français et rotterdamois
1. Introduction
2. Les autorités portuaires : des acteurs secondaires de la régionalisation portuaire
2.1. L’intégration de la chaîne de transport et ses effets sur l’espace portuaire : la régionalisation portuaire comme notion géo-économique
2.2. Le rôle des autorités portuaires dans le processus de régionalisation : état des lieux et recommandations
2.3. La régionalisation du port-aménageur : grille de lecture
3. La réforme française de 2008 : les outils de la régionalisation portuaire et leur mise en œuvre par les grands ports maritimes.
3.1. Un contexte institutionnel en mutation
3.2. La régionalisation embryonnaire du port-aménageur
3.2.1. La rénovation des réseaux ferroviaires et navigables portuaires : une priorité des projets stratégiques 2014-2019
3.2.2. Les grands ports maritimes, acteurs du développement des terminaux multimodaux intérieurs ?
3.2.3. La coordination interportuaire comme levier de consolidation de l’hinterland : les cas d’Haropa et de Medlink Ports
3.3. Rouen : port-aménageur entrepreneur
3.4. Synthèse
4. Du port-aménageur au port facilitateur : l’implication de l’autorité portuaire de Rotterdam dans l’hinterland
4.1. Rotterdam : un hub portuaire international inséré à un arrière-pays dense et contesté
4.2. La stratégie d’insertion du port dans l’hinterland : objectifs et leviers d’action
4.3. L’autorité portuaire de Rotterdam : propriétaire et aménageur de terminaux fluviaux
4.3.1. La constitution d’un portfolio européen de ports intérieurs comme objectif
4.3.2. Une stratégie d’expansion européenne peu concluante
4.3.3. Le repli du port-aménageur sur le territoire national
5. Vers une révision du rôle du port-aménageur dans l’hinterland
6. Conclusion
CHAPITRE 7. La gestion des espaces portuaires : d’une rémunération par les flux à une rémunération par le patrimoine ?
1. Introduction
2. La «mise en actif» du patrimoine de l’État comme levier de performance financière
3. La valorisation du patrimoine foncier portuaire : de l’approche économique à l’approche financière
3.1. Le domaine portuaire : entre protection et valorisation
3.1.1. Les fondements de la domanialité publique : des biens « hors commerce »
3.1.2. L’assouplissement des règles d’occupation privative en vue de favoriser le développement industrialo-portuaire
3.1.3. D’une valorisation économique à une valorisation financière des ressources foncières portuaires
3.1.4. La difficile appréciation des effets de l’assouplissement du cadre législatif sur les pratiques de gestion domaniale
3.2. Les fragilités du modèle économique et financier des grands ports maritimes
3.2.1. La restructuration des trafics portuaires dans un contexte de déclin de la rente pétrolière
3.2.2. Les grands ports maritimes : des situations financières hétérogènes
3.3. La valorisation financière du patrimoine foncier portuaire : la loi de réforme de 2008 et son appropriation par les grands ports maritimes
3.3.1. La loi de réforme : un changement de stratégie commerciale
3.3.2. Les objectifs de la stratégie domaniale portuaire
3.3.3. Le choix du modèle locatif ou la sécurisation d’une rente foncière
3.3.4. Les trois leviers de valorisation du domaine portuaire
4. La valorisation du foncier portuaire sur les marchés industriels et logistiques
4.1. Foncier industriel et logistique et transport maritime : les deux faces du marché des infrastructures portuaires
4.2. La délicate révision de la structure tarifaire portuaire
4.2.1. Le renversement de la structure tarifaire : un principe séduisant
4.2.2. La rémunération par les flux contre la rémunération par le patrimoine
4.2.3. Une révision incrémentale du fonctionnement tarifaire
4.3. La promotion de l’offre foncière portuaire : principes et outils d’une stratégie commerciale naissante
5. Les stratégies de diversification ou la valorisation du patrimoine portuaire sur les marchés fonciers urbains
5.1. La tertiarisation des sites infrastructurels urbains : des processus tantôt subis, tantôt maîtrisés
5.2. Les évolutions du positionnement des autorités portuaires vis-à-vis de la reconversion des sites portuaires anciens
5.3. La diversification des activités de gestion foncière : des pratiques hétérogènes
5.3.1. Grands projets urbains : le port contributeur foncier
5.3.2. Grands projets urbains : le port opportuniste. L’exemple des bassins à flots de Bordeaux
5.3.3. La valorisation des interstices. L’exemple des Terrasses du port à Marseille
5.3.4. La valorisation par défaut des espaces en marge : les zones d’activités généralistes
5.3.5. Des choix de valorisation au cas par cas
6. Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
1. Rappel de la démarche
2. Synthèse des résultats
2.1. L’intervention de l’État dans l’espace portuaire : une trajectoire non linéaire et kaléidoscopique
2.2. Les espaces portuaires entre singularité et banalisation
2.3. Portée et limites de la notion d’aménagement infrastructurel
2.4. Réponse à la problématique
3. Choix de recherche : apports et limites
3.1. Retour méthodologique : la démarche inductive
3.2. Choix théoriques : l’aménagement portuaire comme catégorie générale d’analyse de l’action étatique
3.3. L’évaluation en filigrane du modèle du port-aménageur
4. Perspectives de recherche
4.1. L’aménagement infrastructurel : poursuite du travail de comparaison
4.2. Les interventions aménagistes de l’État en dehors des territoires métropolitains
LISTE DES ENTRETIENS
BIBLIOGRAPHIE

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