La production d’énergies bas carbone

Problème du réchauffement climatique

            Le réchauffement climatique est un phénomène d’augmentation de la température moyenne des océans et de l’atmosphère, mesuré à l’échelle mondiale. Ce réchauffement est en grande partie dû à un phénomène couramment appelé « effet de serre ». Ce dernier est causé par la présence de différents « gaz à effet de serre », et la concentration de ces derniers a tendance à augmenter de manière très nette depuis maintenant plus de 70 ans [1]. Le dioxyde de carbone est de loin le plus connu des gaz à effet de serre mais il en existe d’autres, tels que le méthane, les oxydes d’azote et même la vapeur d’eau. Les gaz à effet de serre sont en partie le produit d’activités humaines (industrie, transport, agriculture…) mais aussi de certains phénomènes naturels (volcans, soleil, pergélisol, …). Depuis maintenant plusieurs décennies, le réchauffement climatique s’accentue et a, d’ores et déjà, de très nombreuses conséquences sur notre environnement (élévations des températures, phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus violents, incendies, fontes des glaces…)[2] et donc sur nos sociétés (migrations, coûts des catastrophes naturelles, dégradations des conditions de vie …) [3]. Pour les États et les citoyens, la lutte contre le réchauffement climatique représente l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Notamment, l’un des principaux défis est de réussir la transition entre l’utilisation des énergies fossiles génératrices de gaz à effet de serre vers d’autres sources d’énergies renouvelables plus respectueuses de l’environnement.

Le platine, le meilleur catalyseur

            Comme les processus d’adsorption et de désorption des substrats à la surface d’un catalyseur affectent directement ses propriétés catalytiques, la corrélation entre la densité de courant d’échange de la réaction d’oxydation de l’hydrogène (HOR) avec l’enthalpie de l’adsorption de H est souvent représentée sous la forme d’un volcano plot (Figure 2). Si cette enthalpie est trop faible, il en résulte une cinétique d’adsorption lente qui limite la vitesse de la réaction globale. Si l’enthalpie est trop élevée, l’étape de désorption de H devient l’étape déterminante et limitante de la vitesse de la réaction globale. Une valeur intermédiaire de l’enthalpie d’adsorption de l’hydrogène sur un catalyseur est donc nécessaire pour que celui-ci présente une forte activité. Comme le montre la Figure 2, les métaux tels que le platine ont des valeurs intermédiaires d’adsorption de l’hydrogène [16]

Réduction de la quantité de platine

              Une première approche consiste à diminuer la quantité de Pt au sein du matériau catalytique. Le Department Of Energy (DOE) préconise, entre autres, de passer de 0,16 g kW−1 en 2015 à 0,125 g kW−1 en 2020 pour permettre à cette technologie de devenir rentable [19]. Des technologies d’ultra low loading sont donc développées afin de pouvoir atteindre le seuil demandé par le DOE [20], [21]. Néanmoins cette stratégie est encore plus sensible à l’empoisonnement au monoxyde de carbone du fait du moindre nombre de sites actifs à inhiber.

Les catalyseurs bio-inspirés

               Les catalyseurs bio-inspirés reprennent certains éléments structuraux clefs des enzymes redox dont ils s’inspirent. L’objectif est ici de reproduire les propriétés des enzymes redox (macromolécules complexes, fragiles et difficilement modifiables) mais avec des structures moléculaires synthétiques plus robustes, structurellement modulables et peu couteuses. Grâce à leur poids moléculaire plus faible, ces catalyseurs permettent une optimisation de la densité de surface en centres catalytiques [39]. Les H2ases sont particulièrement performantes grâce à la présence au sein de leur sphère externe de coordination de relais de protons, discutés plus haut. En 2006, le groupe de Dubois a synthétisé une nouvelle série de complexes mononucléaires de nickel-bis-diphosphine [Ni(PR2NR’2)2]2+ [40]. Ces catalyseurs forment une classe unique d’électrocatalyseurs bi-directionels capables de promouvoir la réduction des protons ou l’oxydation d’hydrogène. Ils contiennent un ligand 1,5-diaza-3,7-diphosphacyclooctane (P2N2), imitant le pont 2-azapropanedithiolate trouvé sur le site actif des H2ases [FeFe]. Ces ligands bis-diphosphine fournissent au centre métallique à base de nickel un environnement riche en électrons via les ligands phosphine, tandis que les amines cycliques dites « pendantes » agissent comme des relais de protons [40]. Le protocole de synthèse de ces catalyseurs est désormais bien établi. Dans une 1ère étape, la réaction d’une phosphine libre avec du formaldéhyde permet d’obtenir l’intermédiaire bis-hydroxyméthyle correspondant. La réaction de ce dernier avec une amine en quantité stœchiométrique permet la formation du ligand macrocyclique P2N2 correspondant. Ces deux étapes peuvent aussi être réalisées en one pot. Ce ligand est enfin mis en présence d’un sel de nickel pour former le catalyseur final (Figure 5). La structure du ligand de ces catalyseurs est assez facilement modulable. L’équipe de Dubois a notamment pu incorporer différents types de substituants sur le phosphore et l’azote. Par exemple, un catalyseur peut porter des groupements phényles sur le phosphore et l’azote alors qu’un autre peut porter des cyclohexyles sur le phoshore et des benzyles sur l’azote (Figure 5). Ces modifications structurales permettent d’influer sur les propriétés du catalyseur pour l’oxydation ou la production d’H2, ce qui est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit de contrôler l’activité du centre catalytique. Toutes ces modifications, simples à l’échelle moléculaire, ne sont pas aisément réalisables directement sur des centres catalytiques enzymatiques. Depuis, de nombreuses études ont décrit la préparation et l’utilisation de dérivés de cette famille de catalyseurs afin de tenter de moduler leurs performances électrocatalytiques [41]. Ces études ont permis de développer de nouveaux catalyseurs performants pour la réduction des protons (R = R’ = Ph) mais aussi pour l’oxydation d’H2 (R = tBu, R’ = Cy) [42]. Dans la continuité de ces travaux, l’équipe de Wendy Shaw a décrit la synthèse de catalyseurs dérivés contenant des résidus acides aminés et aminoesters afin de mimer l’environnement protéique du centre actif au sein des enzymes [43]. Cette nouvelle génération de catalyseurs, contenant ce qui peut être assimiler à une sphère « externe » de coordination peptidique, permet d’obtenir une meilleure mise à disposition des protons [43]. Plus récemment, ce même groupe a développé des catalyseurs porteurs d’acides aminés directement sur le ligand cyclique [44]. En particulier, un des dérivés, porteur d’une fonction arginine s’est avéré très actif pour l’oxydation d’H2 [45]. Ce composé, portant un cyclohexyle sur le phosphore et un résidu arginine sur l’amine (NiArg), est particulièrement intéressant puisqu’à ce jour il est le seul exemple de catalyseur moléculaire réversible en solution, ce qui signifie que la surtension entre les vagues catalytiques de réduction et d’oxydation est proche de zéro. Ce point est essentiel dans l’optique du développement d’un dispositif  pour la conversion d’énergie. En effet, plus la surtension à appliquer pour la catalyse est importante, plus les puissances délivrées par la pile finale, et donc les rendements énergétiques, seront faibles. En plus d’être réversible, ce catalyseur est stable dans des conditions d’utilisation proches de celles utilisées en piles (345 K, pH = 1) [44], [46]. De plus les TOF (Turn Over Frequency) de ce catalyseur sont de l’ordre de 210 s−1 en solution aqueuse et sous 1 bar d’H2 à 273 K et à pH = 1 et peuvent être augmentés jusqu’à 106 s−1 à pH = 1, 345 K, sous 100 bar d’H2 et dans l’eau [46]. En comparaison, les TOF des enzymes en solution aqueuse sont de 103 s−1 sous 1 bar d’H2 [33], [34], [47] ce qui rend ces catalyseurs compétitifs dans certaines conditions face aux enzymes.

État de l’art concernant l’intégration de catalyseurs moléculaires à des surfaces pour l’HOR

                Depuis plusieurs années, les recherches sur les PEMFC portent principalement sur la diminution de leur coût. Pour rappel, le DOE préconise pour cette année 2020 des objectifs en termes de masse de Pt de 0,125 mg cm− ² au total dans une pile à combustible [19]. Le platine est un des composants les plus limitants des piles à combustible, il représente près de 15 % du coût total [18]. Certains travaux se focalisent sur la réduction de la masse de platine (dit ultra lowloading)[3],[4] d’autres sur sa substitution par des métaux ou matériaux non nobles [80]. Les matériaux de substitution proposés doivent cependant présenter un ensemble de propriétés pour être compétitifs face au platine, notamment en termes de performances catalytiques. Le platine peut être substitué aussi bien à l’anode qu’à la cathode, sachant que la masse utilisée à la cathode est souvent 4 fois supérieure à celle utilisée à l’anode. Ainsi, il existe une vaste littérature concernant le développement de matériaux pour l’ORR (Oxygen Reduction Reaction) [95],[96], réaction qui a lieu à la cathode des piles à combustibles, alors qu’il existe encore assez peu d’alternatives au Pt à l’anode des PEMFC [80]. Parmi ces dernières, les carbures présentent des propriétés intéressantes pour l’HOR. Bien que leurs activités soient faibles par rapport au Pt, ces matériaux présentent une bonne résistance à l’empoisonnement au CO [22][24]–[26]. Les hydrogénases, catalyseurs naturels, ne contiennent pas de métaux nobles et présentent des activités catalytiques particulièrement importantes. Cependant, leur fragilité limite leur application directe en PEMFC [30],[11]. Les catalyseurs bio-inspirés [Ni(P2 RN’2R)2]2+ initialement décris par l’équipe de Dubois sont des candidats intéressants pour des applications en piles puisqu’ils reprennent les points forts des trois grandes familles de catalyseurs : matériaux inorganiques, matériaux organiques et bio-molécules [40]. Plus particulièrement, un récent exemple décrit par le groupe de Wendy Shaw intégrant des substituts arginine, [NiII(P2CyN2Arg)2](BF4)2 (ci-après noté NiArg), a permis d’obtenir une réversibilité complète ainsi que des performances plus importantes pour HOR (Figure 7) [45]. Ce catalyseur présente donc des propriétés particulièrement intéressantes pour remplacer le platine à l’anode de PEMFC. Comme souligné en introduction, avec l’objectif de développer des dispositifs, il est impératif d’intégrer ces motifs moléculaires à des matériaux d’électrode [14]–[16]. Dans cette optique, plusieurs stratégies ont été développées au laboratoire au cours des dix dernières années afin d’immobiliser des motifs catalytiques de type [Ni(P2N2)] à la surface d’électrodes. Des résultats pionniers ont été décrits par Le Goff et al. en 2009 [83] . Dans cette première étude, un motif [Ni(P2N2)] était greffé de façon covalente sur des MWCNT préalablement fonctionnalisés via réduction d’un sel de diazonium porteur d’une fonction amine. Ces fonctions amines de surface permettent la formation d’un lien covalent amide après réaction avec un motif [Ni(P2 RN2ester)] porteur d’une fonction ester activé (Figure 8). Ces nouveaux assemblages ont été caractérisés en HOR et ont permis d’obtenir, pour la première fois avec un catalyseur moléculaire, des courants anodiques de l’ordre de 2 mA cm−² à 500 mV de surtension. De plus, en appliquant une surtension plus faible de 300 mV, des courants stables ont pu être mesurés pendant 10 h, correspondant à des TON (Turn Over number) de 20 000 (± 30 %) au bout d’une heure pour une quantité estimée de catalyseur de 1,5 ± 0,5 10−9 mol cm−². Les courants obtenus avec ces assemblages étaient alors comparables à ceux obtenus avec des bioélectrodes d’hydrogénases immobilisées sur des MWCNT [84]. Cette méthode de fonctionnalisation présente néanmoins certaines limitations, à commencer par le faible taux de greffage du catalyseur sur les MWCNT. En effet, le taux de fonctionnalisation des MWCNT par réduction des sels de diazonium n’est que d’environ 10 % en masse [85]. De plus, ces modifications covalentes de la surface des tubes peuvent endommager les parois de ces derniers et même en utilisant des MWCNT multi-parois, la conductivité peut s’en trouver impactée. La réaction de couplage peptidique sur surface peut également être limitante en termes de rendement et ne permet donc pas de maximiser la concentration de surface finale en catalyseur. Enfin, le lien covalent entre le catalyseur et les MWCNT peut potentiellement restreindre le nombre de conformations possibles du catalyseur. Le schéma Erreur ! Source du renvoi introuvable. représente un seul lien covalent par centre catalytique mais il se peut que celui-ci soit immobilisé via plusieurs points d’ancrage. Or, il a été proposé pour ce type de centres catalytiques que la flexibilité d’organisation du ligand est essentielle à la catalyse [86]. Dans le but de ne plus être limité par les faibles rendements de la stratégie de greffage covalent, Tran et al. ont assemblé en 2011, de manière non covalente, un catalyseur portant un motif pyrène sur l’azote via des interactions π avec la paroi de MWCNT [87]. Cet assemblage (Figure 9) permet d’obtenir des courants en HOR de l’ordre de 2 mA cm−². Cependant même si les courants sont similaires à un assemblage covalent on remarque que l’on dépose beaucoup plus de catalyseur par unité de surface à savoir 1,1 ± 1 10−8 mol cm−². Cette méthode s’avère donc particulièrement intéressante afin de contrôler mais aussi de maximiser la concentration de catalyseur à l’électrode en modulant la concentration du catalyseur dans la solution de modification des MWCNT utilisée au départ.

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Table des matières

Abréviations
Chapitre 1 – Introduction générale
1. Contexte global
a. Problème du réchauffement climatique
b. Les énergies renouvelables
2. L’hydrogène comme vecteur d’énergie
a. Production d’hydrogène
b. Quelques mots sur les différentes piles à combustible H2/O2
3. Mécanisme d’oxydation de l’hydrogène
4. Le platine, le meilleur catalyseur
5. Différentes stratégies pour limiter l’utilisation du platine
a. Réduction de la quantité de platine
b. Les carbures de métaux non nobles
c. Les hydrogénases : catalyseurs biologiques pour l’HOR
d. Les catalyseurs bio-inspirés
6. Intégration du catalyseur sur surface
a. Structure et propriétés des nanotubes de carbone
b. Modification de la surface des nanotubes de carbone
Chapitre 2 – Immobilisation des catalyseurs sur nanotubes par interactions π
1. État de l’art concernant l’intégration de catalyseurs moléculaires à des surfaces pour l’HOR
2. Présentation de l’architecture
3. Préparation et caractérisation de l’assemblage supramoléculaire
4. Caractérisation de la fonctionnalisation des MWCNT avec PyCO2H par spectroscopie UVvis
5. Préparation de l’électrode
6. Caractérisation et quantification de l’immobilisation du catalyseur à la surface des MWCNT
7. Caractérisation des performances électrocatalytiques de l’assemblage
8. Perspectives : synthèse de nouvelles phosphines pour la préparation de catalyseurs Ni(P2N2)2 fonctionnalisés sur le phosphore
9. Conclusions et perspectives
Chapitre 3 – Immobilisation des catalyseurs sur nanotubes par fonctionnalisation micellaire
1. Utilisation de la molécule de DANTA pour fonctionnaliser les MWCNT et ses applications en électrochimie
2. Immobilisation du catalyseur [Ni(P2cyN2Arg)2] 8+ sur MWCNT fonctionnalisés par assemblage supramoléculaire du DANTA
3. Caractérisation éléctrochimique de l’assemblage NiArg/DANTA@MWCNT/GDL
4. Caractérisation éléctrocatalytique de l’assemblage NiArg/DANTA@MWCNT/GDL
5. Synthèse de nouveaux amphiphiles diacétyléniques portant des complexes Ni(P2N2)2 en vue de leur assemblage sur MWCNT
6. Conclusions et perspectives
Chapitre 4 -Intégration de l’anode moléculaire à un dispositif de pile en électrolyte liquide
1. Catalyseurs moléculaires et piles à combustible H2-O2
2. Fabrication de la cathode à base de cobalt
3. Construction de pile à électrolyte
a. Pile avec cathode CoNC
b. Pile avec cathode Pt/C
4. Conclusions et perspectives
Conclusions et perspectives
Partie expérimentale
Matériel et réactifs
Électrochimie
Auto-assemblage et polymérisation du DANTA sur MWCNT
Préparation de l’électrode avec DANTA
Dépôt du catalyseur avec DANTA
Préparation des MWCNT modifiés avec du PyCO2H
Caractérisation par UV-vis de la fonctionnalisation des MWCNT avec du PyCO2H
Dépôt du catalyseur lors de l’utilisation de PyCO2H
Préparation de l’encre catalytique pour la mise en dispositif avec éléctrolyte
Électrochimie RDE et RRDE
Préparation de l’anode
Préparation de la cathode CoNC
Préparation de la cathode Pt/C
Mise en dispositif de pile avec électrolyte
Synthèse du 4-(1-pyrenyl)butyl méthanesulfonate (1)
Synthèse du thioacétate de S-(4-(pyren-1-yl)butyl) (2)
Synthèse de PySH
Synthèse de l’ester 4-phénol-1-phosphonique (3)
Synthèse du (4-(allyloxy)phényl)phosphonate de diéthyle (4)
Synthèse du (4-(prop-2-yn-1-yloxy)phényl)phosphonate de diéthyle (5)
Protocole de synthèse des phosphines libres
Synthèse du 2,5-dioxopyrrolidin-1-yl pentacosa-10,12-diynoate (6)
Synthèse du N-(2-aminoethyl)pentacosa-10,12-diynamide (DANH2)
Synthèse du ligand P2PhN2PhCH2CH2COOH (7)
Synthèse du ligand P2PhN2PhCH2CH2COOPht (8)
Synthèse du catalyseur [Ni(P2PhN2PhCH2CH2COOPht)2](BF4)2(2(BF4)2) (9).

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