Les sentiers de la dépendance
Le concept de sentier de dépendance est utilisé en sciences politique et économique pour décrire un phénomène de persistance de représentations et de mécanismes de fonctionnement à travers le temps, notamment en termes de politiques publiques : « Le sentier de la dépendance signifie (…) qu’une fois qu’un pays ou une région s’engage dans une voie, les coûts de changement sont très élevés. » . Le choix d’une option particulière se répercute à long terme parce qu’elle implique en premier lieu le rejet temporaire d’autres alternatives, dont l’utilité potentielle se voit de plus en plus minorée avec le temps, dans la mesure où les stratégies de l’option retenue sont mises en place alors que celles des alternatives restent à développer. L’économiste William Brian Arthur 150 a décrit la rentabilité exponentielle du maintien de l’engagement dans une voie précédemment choisie : les coûts d’investissement de départ pour la mise en place d’une innovation ,(technologique ou institutionnelle) sont rentabilisés à moyen terme, et les alternatives apparaissent alors coûteuses à mettre en place parce qu’elles exigent un nouvel effort financier ou institutionnel ; l’engagement dans un processus particulier crée des effets d’apprentissage en termes de savoirs et de savoir‐faire qui permettent une plus grande rentabilité et encouragent à innover dans le processus choisi plutôt qu’en s’en éloignant. C’est également en réussissant à convaincre un maximum d’acteurs d’utiliser les innovations promues qu’elles peuvent devenir rentables : or plus une innovation est répandue, plus elle contraint les usagers alternatifs à s’y conformer, par souci de compatibilité. Ces phénomènes d’adaptation peuvent aussi se produire par anticipation, poussant les entreprises à miser sur une option consensuelle plutôt que de risquer une innovation radicale. C’est ainsi que « Les politiques publiques passées et les institutions structurent les incitations et les ressources présentes. »
Ces théories du sentier de la dépendance ont été majoritairement utilisées en analyse des politiques publiques et en science économique. Elles soulignent l’incidence de choix passés sur les politiques du présent, du fait de la rentabilité du maintien d’une option choisie et des coûts inhérents à l’innovation. La dépendance au passé peut pourtant se révéler contre‐productive, comme le montre l’exemple célèbre du clavier QWERTY, conçu pour ralentir le rythme de sténographie et éviter l’enrayement des machines à écrire, et conservé à l’ère des ordinateurs, malgré la disparition de ce risque de blocage.
Le domaine médical se situe à la croisée des politiques publiques et des logiques économiques du secteur privé, car il est sous l’influence du service public, tout comme des innovations pharmaceutiques. Le concept de sentier de la dépendance apparaît comme un outil pertinent pour analyser les conséquences concrètes de la focalisation sur la gynécologie au XIXe siècle sur le développement ultérieur des pratiques médicales. En effet, l’institutionnalisation accrue de cette discipline médicale a facilité les recherches sur les hormones féminines à partir des années 1920, et ce aux dépens du versant masculin de l’endocrinologie. Ces recherches ont débouché sur l’élaboration de la pilule contraceptive hormonale, ce qui a contribué à renforcer les pratiques gynécologiques du fait du suivi régulier impliqué par la prise de ce médicament.
Cette institutionnalisation a également induit un développement d’habitudes sanitaires dans la population féminine alors que les hommes ont été exclus de cette socialisation à la santé sexuelle. C’est ainsi que les représentations qui sous‐tendaient le développement de la gynécologie ont eu un impact en termes de contraception disponible, aujourd’hui presque exclusivement féminine, et en ce qui concerne le développement d’un espace strictement féminin de socialisation et d’expression autour de la sexualité et de la reproduction.
Les hormones : une histoire de femmes ?
Plusieurs des praticiens interrogés au cours de notre enquête ont attribué l’absence d’andrologie institutionnalisée à l’absence de contraception masculine nécessitant un suivi médical. Mais une étude plus approfondie de l’histoire de l’endocrinologie montre que l’existence d’un réseau structuré de gynécologues et d’une patientèle établie a été déterminante pour l’orientation des recherches, tant en termes de connaissances et de possibilités d’observation, qu’en ce qui concerne le marché prévisionnel perçu par les investisseurs pharmaceutiques.
L’absence d’andrologie semble donc avoir contribué à la reconduction de la focalisation médicale sur les femmes dans un domaine essentiel de la santé sexuelle et reproductive.
La gynécologie comme partenaire de l’endocrinologie
En amont de la découverte des hormones, les propriétés des gonades étaient sinon connues, du moins observées. Dans le cadre de l’agriculture, les conséquences de la castration sur la morphologie, le comportement des animaux et les caractéristiques de leur chair étaient connues depuis longtemps . Dans les laboratoires, les scientifiques se livrent dès la seconde moitié du XIXe siècle à des expériences de castration puis de réimplantation des testicules ou des ovaires à des endroits divers du corps des animaux ; ces expériences démontrent la capacité des glandes sexuelles à agir grâce au transport sanguin et sont à l’origine du développement de l’organothérapie. Les organes glandulaires de différents animaux sont prélevés, réduits en poudre et administrés dans un but thérapeutique et compensatoire. En ce qui concerne les préparations à base de gonades, elles sont recommandées différemment selon les sexes : pour obtenir un regain de vitalité masculine chez les hommes vieillissants et pour soigner les troubles féminins attribués à des dysfonctions ovariennes, c’est à dire au tournant du XXe siècle, à peu près toutes les maladies des femmes. En effet, l’obsession précédemment évoquée des médecins pour l’utérus, analysé comme cause principale de tous les problèmes de santé féminins, se mue progressivement en une focalisation sur les ovaires, notamment à partir du constat de l’apathie provoquée par les ovariectomies alors pratiquées en grand nombre . Les gynécologues sont donc aux premières loges pour observer les conséquences de l’ablation des ovaires sur la santé et le comportement de leurs patientes. Ils deviennent également indispensables aux scientifiques travaillant en laboratoires, qui souhaitent poursuivre leurs expérimentations avec des organes humains et dépendent entièrement de la filière gynécologique pour cet approvisionnement.
Le marché de l’organothérapie rencontre un grand succès grâce aux promesses de vitalité et de fertilité qu’il véhicule ; les industries pharmaceutiques se développent grâce à cet engouement et passent des contrats avec les abattoirs dès les années 1900 afin d’acquérir le monopole de la récupération des organes sexuels d’animaux. Ces découvertes passionnent les physiologistes, dont les recherches ont pour objet le fonctionnement du corps humain. C’est un physiologiste britannique, Ernest H. Starling, qui reformule la théorie des secrétions internes et les rebaptise « hormones » au début du XXe siècle. Le travail en laboratoires se focalise progressivement sur la chimie au cours des années 1920 et 1930 et sur les processus d’extraction et de purification des hormones à partir des organes animaux. Les biochimistes ne se concentrent pas spécifiquement sur les femmes, car leur objet de recherche est la compréhension de l’impact des hormones sur le développement corporel humain général, et plus spécifiquement sur la différenciation sexuelle des deux sexes. Les hormones sont en effet divisées en deux catégories selon leur provenance : hormones sexuelles mâles si elles sont extraites de gonades masculines et hormones sexuelles femelles si elles proviennent d’ovaires. Les découvertes ultérieures sur la présence de ces deux types d’hormones chez tous les individus ne modifiera en rien la terminologie choisie alors . A partir des années 1920, les biochimistes s’arrogent la légitimité du conditionnement des hormones grâce aux techniques de laboratoires et aux tests des scientifiques américains Edward Doisy et Edgar Allen . Malgré cette perte de légitimité des gynécologues focalisés sur leurs patientes au profit de biochimistes apriori intéressés par les deux sexes, la recherche se consacre aux hormones féminines du fait d’une série d’effets de contexte.
La question de l’approvisionnement intervient en premier lieu. Si la récupération d’organes génitaux animaux suffisait pour les premières expériences sur les effets des gonades sur le corps, l’extraction chimique des hormones requiert de plus grandes quantités d’organes, dans la mesure où une grande partie des tissus ne contient pas d’hormones. La filière des abattoirs étant saturée par les industries pharmaceutiques, les laboratoires scientifiques établissent des partenariats avec elles. Mais les organes animaux coutent trop cher dans le cadre d’une exploitation à grande échelle et à visée de commercialisation et d’autres sources d’approvisionnement sont recherchées. C’est une fois de plus par le biais de l’activité gynécologique qu’une solution est apportée : en 1926, les gynécologues berlinois Ascheim et Zondek, dans le cadre d’une étude portant sur les désordres de la menstruation et de la fertilité féminine, exécutent des analyses sanguines et urinaires et découvrent la forte teneur en hormones des urines de femmes enceintes. Cette découverte replace les gynécologues au centre des processus d’approvisionnement car ils sont les seuls à pouvoir mettre à disposition l’urine de leurs patientes. Par la suite, l’urine de jument remplace l’urine de femmes enceintes, parce qu’elle contient elle aussi de grande quantité d’hormones. L’équivalent du côté masculin n’existe pas : il n’y a pas de réseau médical susceptible de rassembler des hommes en bonne santé, et les urines des hommes malades dans les hôpitaux se révèlent faibles en hormones. Aucun équivalent chez les animaux ne peut être trouvé. Les scientifiques et les industries pharmaceutiques se tournent alors vers les prisons et les casernes mais rencontrent de grandes difficultés à obtenir les autorisations nécessaires dans des lieux où le recueil d’urines est tout à fait inhabituel.
L’exception allemande
L’exemple de l’Allemagne nazie est particulièrement intéressant à étudier dans ce contexte de recherche, parce que contrairement à la plupart des pays occidentaux dans les années 1930, les recherches et productions liées aux hormones ne se sont pas focalisées sur les hormones féminines. L’usage exponentiel des hormones sexuelles pour traiter différents types de maladies s’est répandue en égale mesure en médecine masculine : ainsi l’analyse des plaquettes d’informations des laboratoires allemands à destination des médecins montre une nombre équivalent d’indications pour le traitement par hormones chez les hommes et chez les femmes . Les hormones masculines sont ainsi susceptibles de traiter l’hermaphrodisme anatomique, la fatigue, l’impuissance, la dépression ou encore la mauvaise qualité ou la trop faible quantité de sperme.
Les usages des hormones ainsi que la recherche liée à leurs effets thérapeutiques ne se caractérisent donc pas par une différence entre les sexes. Le laboratoire Schering a par exemple produit des quantités équivalentes d’estrogènes et de testostérone dans les années 1930 et 1940 163. Selon Jean‐Paul Gaudillière, ces usages spécifiques sont liés aux angoisses sociétales croissantes en Allemagne autour de la stérilité masculine. Ces inquiétudes émanent de la peur de la dégénérescence induite par la défaite de 1918, et l’émergence de nouveaux comportements sexuels et sociaux, qui font craindre une féminisation excessive des hommes : « Le spectre de la dégénérescence biologique associé de longue date au discours eugéniste fut de la sorte rajeuni. (…) Une des causes de la crise permanente que traversait le pays était, dans cette perspective, une maladie des glandes ayant pour origine l’affaiblissement des mécanismes de sélection garants du progrès évolutif : l’amollissement des comportements fut de la sorte traduit en crise hormonale. »
Ces inquiétudes pour la virilité se manifestent dans le cadre strictement médical par la prescription par les gynécologues d’examens du sperme du conjoint avant d’intervenir sur leurs patientes qui ne parviennent pas à concevoir. Ces examens permettant de détecter des stérilités effectivement masculines, le mythe de la dégénérescence est renforcé. Cette interrogation des capacités masculines ne pouvait avoir lieu que dans un contexte de profonde inquiétude sociale, car les peurs de dégénérescence en France n’ont par exemple pas donné lieu à une acceptation de la part masculine de l’infertilité de couple.
Les orientations idéologiques du régime nazi contribuent grandement à l’aménagement du tabou autour de la fertilité masculine : les lois raciales ont en effet pour conséquence une systématisation des examens prénuptiaux, avec vérification des capacités reproductives, et dans le cas de défaillances, leurs traitements. Les interventions sur les hommes par le biais des hormones se multiplient donc, malgré l’absence de réseau andrologique comparable au réseau gynécologique, du fait d’un contexte politique extrêmement soucieux de la reproduction.
Les modèles de masculinité valorisés par le régime nazi consistent en une exacerbation des qualités viriles traditionnelles : courage, puissance physique, honneur et maitrise de soi. Le «nouvel homme » que les national‐socialistes veulent instituer a des qualités bellicistes accentuées : il doit être dévoué au parti et à sa patrie, et entretenir des liens de camaraderie masculine très forts avec ses coéquipiers. Cette image de la virilité semble entrer en contradiction avec l’investigation des capacités fertiles des hommes si l’on s’en tient au silence qui a traditionnellement entouré cette question en Occident. Mais certaines particularités du régime nazi permettent de minorer ce tabou. Son caractère très fortement nataliste a pour conséquences un renforcement de la répression contre les techniques contraceptives et abortives et la récompense officielle des mères de famille nombreuses. C’est également un régime de l’exclusion : la glorification de la race aryenne et de la patrie se fait aux dépends de contre‐ modèles, dénoncés, affublés des pires défauts et assimilés à un danger pour la race et le pays. Les lois raciales marquent des frontières infranchissables entre les exclus et les aryens. Juifs, gitans, handicapés, communistes doivent être écartés de la bonne société avec les conséquences que l’on connaît. La stigmatisation de l’impuissance observable en Occident n’a plus autant de force face à la pléthore de parias désignés ; sa prise en compte et son traitement ne sont plus aussi risqués sur le plan identitaire, car ils s’inscrivent dans une amélioration des capacités aryennes dont la masculinité est par ailleurs valorisée par rapport à des exclus stigmatisés par le régime.
C’est dans ce contexte de délimitation franche entre hommes sains et malsains que se développe la recherche sur les hormones masculines, car les caractéristiques exigées d’un citoyen respectable sont la force physique et la fertilité, la testostérone permettant d’augmenter ces capacités. L’homme stérile, s’il est aryen, doit être sauvé, pour être utile à la société. Suivant ses préoccupations de fertilité, le régime nazi fait concorder les permissions de ses officiers avec les périodes de fécondité de leurs femmes et leur fait administrer avant leur départ des injections de testostérone, censées augmenter leurs capacités reproductives.
Les préparations hormonales sont aussi utilisées pour guérir l’infertilité, l’homosexualité et l’andropause ou ménopause masculine. Il s’agit d’augmenter les capacités viriles ou d’en pallier les déficits, une démarche qui s’appuie sur une idéologie de la masculinité puissante et qui ignore la pudeur masculine traditionnelle dans un contexte de stigmatisation extrême : les ennemis intérieurs sont autres, reconnaissables physiquement, l’infertilité est une maladie qui doit être soignée chez les aryens sous peine de limiter les capacités de croissance de la race.
Cette exception allemande montre que dans un contexte politique « favorable », qui propose une autre perception de l’infertilité masculine, les recherches et pratiques autour de la santé sexuelle et reproductive masculine peuvent se développer, malgré l’absence d’un réseau d’andrologues. Mais les orientations idéologiques de ces recherches les ont condamnées à l’oubli dans l’après‐guerre.
Il est intéressant de noter que les recherches sur la ménopause, également initiées par les biochimistes et endocrinologues allemands de l’entre‐deux‐ guerres, ne furent pas abandonnées. La conceptualisation du phénomène de la ménopause en pathologie s’inscrivait en effet dans la continuité d’un modèle féminin qui n’a été bouleversé ni par le régime nazi, ni par sa chute. A l’inverse, sans les contre‐parties de valorisation masculine offertes par l’idéologie nazie, l’investigation des dysfonctionnements sexuels et reproductifs masculins a été abandonnée jusqu’aux années 1960.
La pilule contraceptive, enfant des féministes et des gynécologues
Les recherches sur les hormones sexuelles se sont donc globalement concentrées sur leurs actions thérapeutiques pour les femmes. D’un usage extrêmement large au départ, puisque les hormones étaient préconisées pour les troubles comportementaux, dermatologiques, sexuels et reproductifs, leur prescription s’est progressivement concentrée sur la fertilité, les troubles de la menstruation et la ménopause. Si les biochimistes allemands, et dans une moindre mesure certaines industries pharmaceutiques européennes, comme Organon aux Pays‐Bas se sont penchés sur le problème de l’andropause, l’effondrement du régime nazi d’une part, et l’absence de marché induit par une pratique clinique masculine très réduite ont mis un terme à ces recherches qui n’ont été reprises que récemment.
Les « gardiennes du temple de la santé sexuelle et reproductive »
Un autre processus a joué un rôle important dans la répartition des responsabilités procréatives et la délimitation des champs médicaux autour de la sexualité : il s’agit du développement d’un mouvement politico‐médical qui s’est structuré essentiellement autour des femmes, le mouvement pour la planification familiale. Ce mouvement se caractérise par la conjonction de mouvements féministes politiques militant pour une plus grande autonomie juridique, sociale et culturelle des femmes, et de médecins et gynécologues alertés par l’impact sanitaire et social des grossesses multiples. Il n’est donc pas uniquement issu de l’institutionnalisation des pratiques gynécologiques évoquée jusqu’à présent. Mais l’absence de mobilisations masculines, ainsi que le développement réduit d’une médecine sexuelle masculine ont induit une reproduction des inégalités de traitement entre hommes et femmes en matière médico‐sexuelle. La focalisation des centres de planification familiale sur les femmes s’est révélée difficilement aménageable lorsque l’intégration des hommes dans ces programmes a été évoquée et tentée. Par ailleurs, cet espace essentiellement féminin a renforcé la responsabilisation et l’implication des femmes dans la gestion de la sexualité et de la reproduction, tandis que le rapport des hommes à la sexualité médicalisée est demeuré caractérisé par un vide institutionnel.
La planification familiale : inquiétudes médicales et féminismes
Les origines des mobilisations pour la planification des naissances sont de deux sortes ; la revendication du droit des femmes à maitriser leur fécondité s’ancre tout d’abord dans les mouvements féministes qui se développent à partir de la fin du XIXe siècle et s’inscrit alors dans une ambition large d’amélioration des conditions de vie des femmes et de leur statut social. En France, des figures comme Nelly Roussel et Madeleine Pelletier se sont engagées tout au long de leur vie pour la liberté d’accès aux techniques anticonceptionnelles et cette dernière a notamment pratiqué des avortements. Mais dans l’ensemble des revendications féministes, celle du droit à maitriser sa fécondité disparaît souvent au profit des mobilisations pour les conditions de travail ou le statut civique des femmes, considérées comme plus urgentes . Après la seconde guerre mondiale, la question reproductive rejoint les préoccupations de médecins et gynécologues qui constatent d’une part, les grandes difficultés sanitaires, psychiques et sociales auxquelles sont confrontées les femmes qui subissent des grossesses multiples et trop rapprochées, et d’autre part, les conséquences sanitaires des avortements clandestins. Cet intérêt des médecins se révèle décisif puisque c’est un médecin, Marie‐Andrée Lagroua Weil‐Hallé, qui après avoir observé la cruauté avec laquelle les avortées étaient traitées dans les hôpitaux, crée l’association la Maternité heureuse, en 1956. Elle se fonde sur les expériences de cliniques de Birth Control qu’elle a pu observer à New York . Les objectifs de cette association sont le rassemblement et la diffusion d’informations sur le vécu des couples en ce qui concerne la reproduction et sur les techniques anticonceptionnelles qui peuvent permettre de choisir au mieux le moment de la grossesse et d’éviter les avortements dangereux. L’association devient le Mouvement Français pour le Planning Familial en 1960, après avoir rejoint en 1958 la Fédération Internationale de la Parentalité Planifiée (International Planned Parenthood Federation –IPPF) rassemblant des organisations de birth control du monde entier. Elle entreprend des actions d’information et de sensibilisation sur tout le territoire français. En 1961, un gynécologue membre de l’association, Henri Fabre, décide d’ouvrir un centre d’information et de distribution à Grenoble, contre l’avis de sa hiérarchie, qui craint d’entrer dans l’illégalité par cette démarche. En effet, depuis 1920, la diffusion d’information sur l’avortement et les techniques contraceptives est interdite. Les difficultés juridiques sont partiellement contournées grâce au statut associatif et, face au succès rencontré auprès de la population, l’expérience de Grenoble est rapidement imitée à Paris, puis partout en Province. Le rôle des médecins y est essentiel puisque ce sont eux qui examinent et écoutent les patientes, les forment à l’utilisation des techniques contraceptives, voire produisent des crèmes spermicides dans le cas de Grenoble.
|
Table des matières
Sommaire
Introduction
Première partie : La neutralité de la science à l’épreuve des rapports sociaux de sexes
Chapitre I : La gynécologie : naissance d’une science de la différence
A. Du modèle unisexe à la différence incommensurable
B. Le féminin sexuel et le masculin neutre
Chapitre II : Culture, savoirs et pratiques dans la médecine
A. L’ancrage culturel de la production de savoirs scientifiques
B. L’acteur médical
Chapitre III : Les sentiers de la dépendance
A. Les hormones : une histoire de femmes ?
B. Les « gardiennes du temple de la santé sexuelle et reproductive »
Deuxième partie : Genre et santé sexuelle : les réalités de l’inégalité
Chapitre IV : Genre et contrôle reproductif : le monopole contraceptif
A. La contraception comme responsabilité féminine
B. Les hommes virils mais démunis
Chapitre V : La procréation médicalement assistée : quelle place pour les stérilités masculines ?
A. Les techniques d’Assistance Médicale à la Procréation
B. Hommes et femmes dans les dispositifs d’AMP
Chapitre VI : La santé sexuelle au quotidien : le gynécologue… et tous les autres
A. Des corps différents
B. Socialisation médicale et recours aux soins
Conclusion
Bibliographie indicative
Table des matières
Annexes
Télécharger le rapport complet