La procédure CAN : deux types de conflit, cognitif et épithymique 

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Hypothèses sur la multiplicité des causes
Justification. Multiplicité et pluralité des causes
Le constat des nombreuses conceptions et propriétés de la causalité, ainsi que de la coexistence de l’aspect authentiquement causal et de l’aspect argumentatif, la question suivante devient cruciale : la cause est-elle toujours liée à l’argumentation ?
L’inventaire succint qui est fait plus haut et rassemblé en sections I.2 et I.5.3) nous montre qu’il y a des approches diverses et des différences de nature dans la représenta-tion causale. Nous en prenons acte et considérons que cet ensemble constitue une base hétérogène de paramètres avec lesquels la langue peut permettre de réaliser le discours argumentatif.

Nécessité d’un référentiel

Entre la cause et l’effet il est parfois difficile de dire de quel côté on a basculé : beaucoup de causes sont mêlées à leurs effets, objectivement, et linguistiquement (cas d’ambiguïté par exemple). Le phénomène de débordement accentue cette difficulté. Il y a surtout un phénomène paradoxal : il est nécessaire que les partenaires de l’échange soient d’accord sur la cause ! Sinon, on ne peut savoir s’il y a iconicité ou non-iconicité. Il faut en effet fixer les choses, si nous voulons faire une description correcte de l’usage de la causalité en argumentation (partie IV) après avoir établi les relations qu’entretiennent ces propriétés causales avec celles de la rhétorique.
Nous voulons tenir compte des définitions humiennes exposées plus haut, mais nous voudrions également, pour compléter notre concept d’une cause discursive argumen-tative, reprendre une donnée essentielle de la conception kantienne de la cause : il est pour nous fondamental de garder cette idée d’une cause en tant que catégorie de l’entendement, telle qu’elle est pensée chez Kant. Cette catégorie stipule avec Hume, qu’une association de l’esprit a lieu, mais aussi, elle s’inscrit dans la science newtonienne d’une physique spatio-temporelle disons classique, qui nous oblige à envisager la cause et l’effet sur l’axe temporel. Il y a ainsi un concept de base de la cause : celui qu’un paramètre temps permet de définir en tant que cause réelle, cette cause que nous pour-rons également appeler cause de re. Donnons un exemple d’énoncé qui nous permettra de continuer notre argumentation sur ce référentiel.
L’énoncé : est causal dans le sens où, nous le disions, il s’agit d’une cause objective, réelle, une relation qu’on a appelée authentique. Elle est authentique dans le sens où elle parle de 1°) l’antériorité temporelle, 2°) de la régularité implicite, 3°) de la continguïté, ces trois propriétés humiennes essentielles qui en font une entité contingente.
Mais lorsque nous décrivons les deux situations,  170  l’une dans laquelle nous ne savons pas quelle est la cause, l’autre dans laquelle nous ne savons pas quel est l’effet (ou plutôt si il y a eu l’effet que je suppose (i.e. la conjecture est dans la première sur la cause, dans la seconde sur l’effet), je dois avoir un point de repère par rapport auquel je nomme la cause et l’effet dans un « absolu », qui n’est nullement un absolu en physique classique (galiléo-newtonienne) 171 nous devons nous repérer à ce point relativiste par rapport auquel la cause se définit comme réelle, sur un axe temporel. Ce point relève d’un postulat admis entre les interlocuteurs.
Ce problème de paradoxe inhérent à la non-iconicité, comme critère syntaxique fondamental, doit être affronté : Étudions les exemples 65 et 66 172 suivants où l’on sent toute la différence entre l’ordre iconique (l’ordre syntaxique qui suit l’orde causal (antériorité de la cause), et l’ordre non iconique, qui exprime la cause : dans l’exemple 65, l’ordre est iconique seulement si l’on considère que c’est réellement l’abstention qui est cause de la montée du FN. Dans l’exemple 66 ce serait la victoire du FN la cause de l’abstention. Dans le cas syntaxique inverse, la cause et l’effet sont aussi inversés. Le problème est que cet ordre iconique, non-iconique ne vaut que pour autant que l’on a préalablement un accord sur la relation causale.
Exemple 15. L’abstention est proche de 50% pour ce premier tour des élections régio-nales. Le Front national arrive en tête dans six régions. En PACA, la guerre fait rage entre Christian Estrosi et Marion Maréchal Le Pen.
Exemple 16. Le Front national arrive en tête dans six régions. L’abstention est proche de 50% pour ce premier tour des élections régionales. En PACA, la guerre fait rage entre Christian Estrosi et Marion Maréchal Le Pen.
Ceci est un paradoxe en cas de discussion argumentative sur la vraie cause entre l’un de l’autre faits. L’idée qu’il faut un repère sur lequel on s’entend sur la cause : si l’un et l’autre des interlocuteurs n’ont pas la même pensée d’arrière-plan sur la vraie relation causale, (est-ce A qui cause réellement B ou B qui cause A ?), il ne peut y avoir un deuxième accord, venant résoudre le conflit argumentatif qui a lieu sur la cause et l’effet). La métaphore de la physique permet de comprendre qu’on ne peut fixer les choses que de manière « relativiste » : cependant cette analogie doit être soutenue par l’idée kantienne qu’il y a une catégorie causale dans l’entendement qui permet de fixer
La symétrie qu’évoque cette image est de mise puisque l’énoncé causal est dans sa forme non-iconique : il y a réellement, temporellement cause-effet et il y a discursivement effet-cause.
Pour ce sujet nous parlerons de factivité dans la partie IV.
C’est un référentiel relativiste, dit inertiel, où tout mouvement est mesuré en terme de vitesse relative par rapport à un mouvement englobant et donc donne cette vitesse comme partant de zéro : dans le train qui se déplace sur les rails à cent km/h, si une personne se déplace à quatre km/h, elle ira du point de vue d’un observateur sur le quai à cent-quatre km/h, mais bien sûr, pour elle, elle va quatre km/h.
Cf. l’article de L’express en ligne http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/ en-direct-regionales-2015-suivez-les-resultats-des-elections_1742715.html une flèche du temps, sur laquelle s’inscrit la cause et l’effet. La notion d’iconicité prend sens dans cette hypothèse d’un repère « objectif », conceptuel, partagé.

Propriétés argumentatives

Plusieurs points de la cause semblent indissociables de l’argumentation. Relevons ce qui appert d’une approche conceptuelle :
– usage de la cause débordante (cause représentable par les différentes relations ensemblistes : union, intersection, complément à l’unité, etc), crée par des attributs conceptuels d’espace, de temps, de valeurs. Les valeurs sont pratiques car elles sont d‘une nature conceptuelle susceptible d’intensité, représentable quantitativement, et (donc) par les ensembles.
– cause référentielle, référant à une vraie cause (cause référentielle elle-même), ou bien référant à une inférence, i.e. un raisonnement (déduction, abduction) ; sa formali-sation pourrait être respectivement eP Qréfréf créf, et eP Qréfinf I , avec créf = cause référentielle (un objet 173), et I une proposition désignant une inférence (un raisonnement, i.e. du type I = p � q).
– cause inférentielle, qui fait passer d’une cause (référentielle ou inférentielle) dont la forme pourrait être pP Qinfréf q (ou aussi p �réf  q).
– plusieurs types d’ambiguïté, produite consciemment ou non, en intervertissant des notions et qu’il convient de ne pas confondre : référence-inférence, cause-effet, prémisse-conclusion,. . .
– possibilité de passer de l’antériorité (temps) à la représentation visuelle (spatiale, de type ensembliste par exemple) permet de jouer sur l’ambiguïté de l’inversion de la cause et de l’effet (à ne pas confondre avec l’ambiguïté référence-inférence).
– possibilité de représenter par l’inclusion ensembliste les contextes, et ainsi de passer de la compositionnalité à la contextualité.
– propritété de « débordement » de la cause et de l’effet, l’un sur l’autre peut per-mettre l’inversion : la cause peut alors être utilisée en tant que cause inférentielle (La misère est mère de tous les vices ⇔ les vices engendrent la misère est possible.
– concomitance, corrélation, correspondances diverses entre les points spatio-temporels de deux faits, incitant à créer une cause et un effet.
– notion de choix, décision
– détournement de l’attention : 1) d’une cause à une autre cause (occultation de certaines cause), 2) d’un effet à une cause : on peut ainsi minimiser l’effet (« C’est toi qui as rentré le chat ? – mais il faut bien qu’il mange ? » ; ici on a un détournement de l’attention vers un fait causal (le chat a faim, pour répondre à une question qui n’est pas du tout sur la cause avoir faim-satisfaire sa faim)
Au sens d’entité objective.
Propriétés linguistiques
Pour arriver à ses fins, lorsqu’il met une cause dans la portée d’un argument, l’ora-teur use des propriétés causales et argumentatives, mais il élabore également un dis-cours, qui se construit linguistiquement. Car la cause est économe lexicalement (cf. Gross G., Nazarenko A. (2004)). Notre hypothèse est qu’elle est paradoxalement liée à l’unicité et la multiplicité (elle est défaisable parce qu’elle est susceptible d’être trouvée en tant qu’unique, d’où sa recherche et sa mise en question (ramification bi-naire vers la seule cause possible chez J-L. Dessalles). Il y a un nombre et diversité importants de marqueurs 174. La propriété de non-iconicité de la cause (Moeschler) est fondamentale pour démontrer qu’une forme du type p,q peut se représenter en p PQ q, c’est à dire dire qu’elle véhicule une signification causale. L’analyse peut alors se poursuivre en posant la question de savoir « en quel sens est-elle causale ? ». Est-ce en un sens d’une propriété ou d’une conception, telles que posées plus haut (sections I.4.3, I.5.3) ? Il cependant est possible de relativiser l’aspect irréversible de la non-iconicité (cf. Gross G., Nazarenko A. (2004)). L’argumentation en est un corrélat évident. L’ordre de présentation des propositions varie d’une construction à l’autre. Ce qui diffère, c’est le point de vue selon lequel est présentée la relation de cause à effet. Une construction causale part des effets pour remonter aux causes ; une construction consécutive suit le chemin inverse. Les deux constructions entrent de ce fait dans des structures argumentatives différentes : la construction consécutive suit l’ordre logique ou temporel d’apparition des phénomènes présentés et s’intègre donc bien dans le récit alors que la construction causale relève davantage de l’explication. En réalité, dans les constructions causales, l’ordre des propositions est plus libre : la subordonnée est géné-ralement placée après la principale, mais elle peut aussi être antéposée et cette dernière position, qui est plus rare, est une position marquée.
Notons qu’on peut mettre la subordonnée causale en relief avec la tournure c’est… que alors que c’est impossible pour la consécutive (énoncés 17 à 19). Dans une construc-tion causale, le lien de cause à effet est posé (il fait l’objet d’une assertion). La structure consécutive met l’accent sur les faits eux-mêmes plus que sur le lien d’enchaînement.
Premières définitions, visions négatives, visions posi-tives
La définition des sophistes
Avec les sophistes commence la rhétorique. Ce sont des professionnels de la parole, et de la défense des intérêts privés, vers le Ve s avant JC. Ils croient à la force de persua-sion de la parole, publique. Ils deviennent des spécialistes du discours, de la langue, de la manipulation du langage. La rhétorique s’est construite ainsi par l’idée que la parole pouvait tout, par ses propriétés adaptatives, contextuelles, relativistes et convention-nelles. Puisque toute construction humaine est conventionnelle, il est possible de tout dire, de tout défendre, une chose et son contraire. Ce sont des spécialistes de la répar-tie. L’homme est la mesure de toute chose (les choses sont telles qu’elles apparaissent à chaque homme). Quelques noms : deux Siciliens : Tisias, Corax (défenseurs des petits propriétaires lésés par les Tyrans de Sicile) ; deux Grecs : Gorgias, Protagoras (L’homme est la mesure de toutes choses).
L. Jerphagnon provoque quelque peu son lecteur en disant que « sur le fond, la rhétorique n’a rien à dire » 4.
La rhétorique est un « jeu » dialectique chez les Anciens : [. . .] par un jeu rigoureux de questions réponses, on apprenait à s’élever des faits isolés à une vision des ensembles, et jusqu’au principe qui commande au tout. On s’exerçait ensuite à redescendre du principe à ses applications multiformes, jusqu’au détail. Cette démarche ascendante et descendante qui consiste à cheminer de la multiplicité à l’unité qui la gouverne, et à rattacher l’unité les éléments de la multiplicité s’appelle la dialectique chez Platon. (cf. Jerphagnon L. (2009), pp. 119-129.)
Pour Platon, c’est la vérité qui compte 5, pas celle de chacun, mais celle des Idées, qui dépasse les situations particulières, les exemples. Elle est la recherche de ce qui est, au-delà de ce qui nous apparaît. La méthode de Platon est celle de Socrate, qui, par la maïeutique, la réminiscence, pose des questions et fait naître le doute, puis la confusion au sein des certitudes de ses interlocuteurs. Le juste, la beauté, le bien, etc, doivent être définis comme en mathématique le cercle : il se retrouve dans chaque objet rond, mais reste un idéal, une idée.
Aristote aura une définition plus positive :
Aristote définit la rhétorique comme « l’art d’extraire de tout sujet le de-gré de persuasion qu’il comporte », ou comme « la faculté de découvrir spéculativement ce qui dans chaque cas peut être propre à persuader 6.
Tout sujet peut nécessiter de défendre une thèse et demande un discours qui serve à le mettre en valeur par des notions communes (les endoxa. Il n’y alors ni vrai, ni faux, Aristote réserve la rhétorique aux affaires publiques et humaines ; il construit une véritable théorie de la rhétorique : le système rhétorique, mais restreint l’argumentation aux matières que les hommes peuvent contrôler : les choses humaines, les normes et les valeurs, tout ce qui fonde la vie politique. L’argumentation est donc un outil commun qu’ont tous les hommes pour délibérer sur la place publique.
Il y a cependant d’autres visions négatives. Reboul cite Descartes, Pascal et Locke 7, dont l’opinion, pour des raisons qui ne sont pas les mêmes, est peu favorable à la rhétorique : opposition de la vérité (issue soit des évidences mathématiques, soit des espériences sensorielles) avec le langage qui induit en erreur : c’est « un écran artificiel entre l’esprit et le vrai » 8. On rejoint ici l’opinion de Platon. Pour ces philosophes, l’évidence et la vérité parlent d’elles-mêmes, il n’y a pas besoin de les travestir par les astuces de langage. Leur devise pourrait être la phrase de Boileau : ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.
Définitions, premier aperçu.
Ch. Perelman, M. Meyer, O. Reboul
Nous présentons plus loin Ch. Perelman, M. Meyer, et S. Toulmin. Esquissons tou-tefois quelques traits de leur vision dans cette brève revue d’ensemble. Contrairement à la rhétorique ancienne qui se cantonne à des genres particuliers comme la politique ou le judiciaire, Perelman insiste sur une rationalité du discours adaptée à toute situation, et adressée à toutes sortes de destinataires. La rationalité ne peut, selon lui, se réduire au calculable de la logique et des mathématiques, de la vérité cartésienne. C’est l’ensemble des procédés discursifs qui visent à convaincre et persuader. La rhétorique est l’activité par laquelle deux parties (individus, collectivités, un locuteur et son (ses) interlocuteur(s), tentent de s’entendre, à partir d’un différend, d’une question, qui en fait naître d’autres.
Dans Carrilho M. (2012), pp. 90-91, M. Meyer donne une très bonne définition, synthétique, de l’art rhétorique, appuyée sur la tripartition ethos-logos-pathos : « Mais qu’est-ce que la rhétorique, et en quoi se différencie-t-elle de l’argumentation ? C’est l’art de bien parler, disait Quintilien. De plaire, de convaincre, d’en imposer par la parole. Mais aussi de raisonner, avec des arguments, des opinions, des lieux communs, des prémisses implicites. Sans oublier les passions, les émotions, les croyances de l’auditoire, qu’il faut savoir mobiliser quand il faut et comme il faut. » (Carrilho M. (2012) pp. 90-91).
Pour lui, les théories rhétoriques depuis Aristote, jusqu’à Toulmin et Perelman, sont propositionnalistes (cf. Carrilho M. (2012) p. 92) : « Depuis Aristote, toutefois, la dimension du logos a été prépondérante dans l’esprit de ceux qui accordaient du crédit à la rhétorique. Car il y avait, à disposition, une théorie du logos avec laquelle on pouvait travailler : c’était la logique. À côté du raisonnement probable propre à la rhétorique. Le modèle implicite aux deux est le modèle propositionnaliste : débattre, c’est agencer, relier des propositions, vraies ou jugées telles. »
O. Reboul, pour sa part insiste sur la construction du discours, en vue de faire adhérer l’auditoire : c’est un art de persuader par le discours 9 10. La rhétorique ne s’applique donc pas à tous les discours, mais seulement à ceux qui visent à persuader :
– Les discours à visée persuasive : la plaidoirie, la harangue politique, le sermon, le tract, le placard publicitaire, le pamphlet, la fable, la lettre de demande, l’essai, le traité de philosophie, de théologie ou de sciences humaines. On peut y ajouter le drame ou le roman, lorsqu’ils sont à thèse, et le poème satirique ou élogieux.
– Les discours à visée non-persuasive : le poème lyrique, la tragédie, le mélodrame, la comédie, le roman, les contes populaires, les histoires drôles.
Définition ; R. Barthes, Ch. Plantin, E. Danblon
R. Barthes voit la rhétorique comme un méta-langage, un discours sur le discours travers six « pratiques » : une technique, un enseignement, une science, une morale, une pratique sociale, une pratique ludique. Ch. Plantin donne une définition assez large orientée sur l’argumentation rhétorique :
Toute mise en oeuvre stratégique d’un système signifiant peut être légitime-ment considérée comme une rhétorique 11.
Cette définition donne une condition pour considérer la discussion quotidienne comme relevant de la rhétorique (Plantin en parle 12). Il définit également l’argumentation dia-lectique 13 : elle utilise comme argument le syllogisme dialectique (l’enthymème), qui se sert des endoxa comme prémisses.
E. Danblon insiste sur l’origine aristotélicienne de l’affectation de l’activité de rai-sonnement aux choses proprement humaines : politiques, juridiques, épidictiques. 14. Une chose est importante à signaler dans sa théorie pour l’enjeu de notre sujet : la rhétorique a à voir avec l’ensemble des constructions humaines : les institutions, les va-leurs, les principes, les normes. Ce sont avant tout des questions relevant de l’arbitraire, du conventionnel. C’est essentiellement dans les démocraties ouvertes (où la critique peut se développer par la conscience des caractéristiques révisables, argumentables des notions et des lois). La rhétorique est une activité, une science, un art qui permet de faire avancer le débat sur les conventions. Pour elle, il faut bien distinguer les faits et les lois, ce qui relève de la nature qui est calculable, non discutable et ce qui relève de l’humain, qui est révisable, critiquable, qu’on peut mettre en débat. Il y a donc d’une part une distinction à faire entre : les faits, ce qui est factuel, la nature, et le droit, ce qui est de droit, conventionnel, arbitraire. D’autre part, il faut distinguer le conventionnel et l’arbitraire. En appui sur cette double caractéristique, on peut qualifier la recherche d’un accord entre deux opinions divergentes.
Dans L’homme rhétorique, E. Danblon signale l’opposition, mais aussi la complé-mentarité, de deux sortes de rhétoriques : la rhétorique de l’oral des origines, que regret-taient Vico et Nietzsche, et la rhétorique de l’écrit, rhétorique technique, qui a contribué au miracle grec de l’avénement de la raison et de l’autonomie du raisonnement abstrait. Elle rappelle la carctéristique essentielle de la rhétorique orale tournée vers les signes de la nature, soumise au paradigme indiciaire qui faisait de l’homme intuitif un lecteur des causes et des effets des phénomènes, au contact des paysages, de la mouvance des nuages, des traces et des signes de la nature. Là encore, nous revenons sur ce point dans la partie III.
Ethos, pathos, logos
La rhétorique est avant tout une science 15 qui oppose deux parties sur un questio-nement. Elle consiste, nous dit M. Meyer, à résoudre une question, avec comme horizon le pour et le contre, sans que ce soit forcément aussi tranché ou conflictuel. Il faut partir de réponses non problématiques, c’est à dire de réponses qui s’imposent comme telles et vraies aux yeux de l’auditoire. Où l’orateur puise-t-il le contenu de ces réponses, où va-t-il pouvoir trouver des lieux qui sont communs, à lui et à son auditoire ? Dans l’ethos, le pathos, le logos. (Cf. Meyer M. (2008), p. 152.)
L’ethos et le pathos constituent la part affective de la persuasion Le logos constitue l’élément proprement dialectique de la rhétorique 16. L’ethos c’est le caractère que doit prendre l’orateur pour inspirer confiance à son auditoire 17. On peut assimiler l’ethos à l’ensemble des représentations, des facettes, des images, que l’orateur se donne à lui-même et qu’il veut donner aux autres de lui-même. C’est l’aspect identitaire qui « passe » dans le discours. Le pathos est l’ensemble des émotions, passions et sentiments que l’ora-teur doit susciter dans l’auditoire grâce à son discours 18. Cest l’identité de l’auditoire auquel s’adresse l’orateur, c’est à dire tout ce qui définit l’auditoire dans l’esprit de l’orateur et de l’auditoire lui-même. C’est pourquoi une argumentation persuasive ne peut se faire sans la part importante, et active de l’auditoire, c’est la dimension du pathos.
Pour M. Meyer, chacune de ces trois dimensions est liée à la négociation de la dis-tance : c’est l’identité qui est négociée, identité de l’orateur, de l’auditoire, et qui est en lien étroit avec le système des valeurs que se donne une société 19. Le logos, c’est l’ar-gumentation proprement dite du discours (cf. Reboul O. (2011) p. 60). C’est tout ce qui reste : le réel, le langage, le raisonnement, le discours, les procédés techniques inhérents à l’utilisation de la langue. Le logos, qui est proprement le lieu du raisonne-ment, est aussi le moyen de construire la rationalité. Il est ce qui constitue aujourd’hui l’argumentation.
Les trois dimensions prennent tout leur sens dans le système rhétorique classique : l’ethos est étroitement associé à l’exorde, dans la partie dispositio. Le logos est intime-ment associé à la narratio (diegesis). Ce sont trois moyens de la persuasion, qui sont aussi étroitement associés aux trois genres de discours rhétoriques : respectivement, le judiciaire, le délibératif, et l’épidictique 20. Meyer explique comment les trois dimensions sont les trois mots-clés de la rhétorique selon Aristote.
L’ethos, c’est le jeu de l’orateur, ce qu’il est, ce qu’il prône, ce qu’il veut. Le logos, ce sont les moyens qu’il met en œuvre pour convaincre ou séduire : des raisonnements, du langage, avec ou sans marques argumentatives, comme mais (ce qui oppose pour réorienter), ou donc (qui pousse à conclure, même quand ce n’est ni évident, ni assuré). Enfin, il y a le pathos ou les réactions de l’auditoire, qui sont fonction de ce qu’il ressent et de ce qu’il croit, ou veut croire. (Cf. Meyer M. (2008)).

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Table des matières

Introduction générale
I Le concept causal, son histoire 
I.1 Histoire et conceptualisation
I.2 Pluralité des conceptions causales
I.2.1 La conception positiviste de Russell
I.2.2 Conception classique : le principe de causalité : Hume et Kant
I.2.3 Conceptions méthodologiques. La construction du fait : Cl. Bernard, G. Bachelard, K. Popper
I.2.4 Conception moderne ; questionnement épistémologique et multiplicité des causes
I.2.5 La cause par ses effets
I.2.6 Complexité et pluralisme de la cause, une « réalité polymorphe »
I.3 Les cadres rationnels de la cause
I.3.1 Une logique dans la cause ?
I.3.2 Liens avec la logique
I.3.3 Cause et vérité
I.4 Synthèse des propriétés, questions, critères
I.4.1 Constat de multiplicité (plusieurs propriétés) ou de pluralité (plusieurs conceptions) de la cause
I.4.2 Les conceptions causales : récapitulatif
I.4.3 Propriétés causales, des hypothèses
I.4.4 Formalismes, symbolismes et raisonnements
I.5 Hypothèses sur la multiplicité des causes
I.5.1 Justification. Multiplicité et pluralité des causes
I.5.2 Nécessité d’un référentiel
I.5.3 Propriétés argumentatives
I.5.4 Propriétés linguistiques
I.5.5 Un modèle en question
II Rhétorique, argumentation : concepts 
II.1 Rapprochement théorique
II.1.1 Présentation
II.1.2 Premières définitions, visions négatives, visions positives
II.1.3 Définitions, premier aperçu. Ch. Perelman, M. Meyer, O. Reboul
II.1.4 Définition ; R. Barthes, Ch. Plantin, E. Danblon
II.2 Ethos, pathos, logos
II.2.1 Ad rem, ad hominem
II.2.2 Les fonctions de la rhétorique
II.2.3 Persuader et convaincre, une dualité irrésolue ?
II.2.4 Opinions, croyances, connaissances, valeurs, désirs
II.2.5 Les lieux (topoï )
II.2.6 Les notions communes
II.2.7 Le principe de Pascal (principe P)
II.3 Les valeurs
II.3.1 De la difficulté de persuader
II.3.2 La cause et les valeurs
II.3.3 Valeurs : un tableau, une typologie (Meyer) ; entrelacements
II.3.4 Passions et causalité
II.3.5 Morale, rhétorique et valeurs
II.3.6 Loi établie, dite, et loi non établie, à dire
II.4 Des auteurs, des théories
II.4.1 Perelman, une nouvelle rhétorique
II.4.2 Toulmin, un modèle très adéquat pour la cause
II.4.3 La loi d’unité du champ rhétorico-argumentatif
II.4.4 Rappels et hypothèse
II.4.5 Marion Carel, la Théorie des Blocs Sémantiques (TBS)
II.4.6 Jacques Moeschler : rapports entre cause et argumentation
II.4.7 Jean-Louis Dessalles, un modèle fondé sur la cause abductive
II.4.8 L’argumentation, rhétorique modernisée, diversité des approches
II.4.9 Les arguments types : la typologie de Perelman
II.4.10 Les arguments types : la typologie de Breton
II.5 Types de raisonnement contemporains
II.5.1 Le raisonnement inductif
II.5.2 Le raisonnement déductif
II.5.3 Le raisonnement analogique
II.5.4 Le raisonnement abductif
II.6 Conclusion de la partie II
III Analyses et commentaires 
III.1 Causalité et argumentation : confrontation
III.1.1 Présentation de la partie III
III.1.2 Le matériau linguistique, organisation de cette partie
III.2 Analyse du matériau linguistique
III.2.1 Contextes causaux, « situations causales »
III.2.2 Exemples de contextes causaux : commentaires
III.2.3 Exemples d’énoncés causaux attestés
III.3 Synthèse des valeurs causales
III.4 Discours causal-argumentatif, une synthèse
III.4.1 Place de l’argument causal : différentes conceptions
III.4.2 Autre approche de la causalité dans l’argumentation
III.4.3 La conviction, la persuasion et la causalité
III.4.4 Causalité et degré de croyance
III.4.5 La cause et la raison
III.4.6 La phrase causale : sur quoi porte la cause invoquée ?
III.4.7 La cause, la raison, la probabilité dans le discours argumentatif 243
III.4.8 L’inversibilité de la relation causale en argumentation
III.5 Explication et justification
III.5.1 Argumenter, démontrer, justifier, expliquer
III.5.2 Argumenter en expliquant
III.5.3 Argumenter en justifiant
III.5.4 Inférence et justification ; raison
III.5.5 Niveaux d’autoréférence et de réflexivité
III.6 Enchevêtrement des discours
IV Problématique : langue et cognition 
IV.1 Rappel introductif
IV.1.1 Intentions
IV.1.2 Trois grands axes
IV.1.3 Non-équivalence entre la causalité et son expression
IV.1.4 Faits naturels ; faits culturels, créations humaines
IV.1.5 Complexité de l’organisation de la problématique
IV.1.6 La notion de thèse
IV.1.7 Convaincre, persuader, causer des croyances
IV.1.8 Des niveaux de causalité
IV.2 L’entrelacs argumentatif-causal
IV.2.1 Circularité sophistique : la pétition de principe causale
IV.2.2 La distance cause-effet influence la distance orateur-auditoire
IV.3 Approches rhétoriques des causes
IV.3.1 Cause et raisonnement, problème introducteur
IV.3.2 Raisonnement, langage et rhétorique
IV.3.3 La procédure CAN : deux types de conflit, cognitif et épithymique
IV.3.4 L’enthymème et le schéma causal
IV.3.5 Cause et analogie
IV.3.6 La mise en cause et la remise en question
IV.4 Enjeux des propriétés causales
IV.4.1 Conceptions, définitions ; cause, temporalité rhétorique
IV.4.2 La cause : expression heuristique et rhétorique
IV.4.3 Causalité et recherche scientifique
IV.4.4 Causalité en tant que valeur
IV.5 Les exemples : énoncés et discours
IV.5.1 Les ingrédients d’une polémique
IV.5.2 Chaîne causale vs réseau de causes
IV.6 Causalité psycho-linguistique
IV.6.1 Pertinence, référence et inférence.
IV.6.2 Cause, causalité, des termes à distinguer
IV.6.3 Cause et implicite
IV.6.4 Loi, norme, règle : une question d’habitude
IV.6.5 La référence au type de causalité
IV.6.6 Les domaines de la persuasion
IV.6.7 Causalité et rhétorique
IV.6.8 Cause grammaticale : phrase ou texte ?
IV.7 Discours argumentatif et causal
IV.7.1 La contradiction, l’incompatibilité, le contraste
IV.7.2 Argumentation, cause et vérité
IV.7.3 La non-substituabilité des arguments ?
IV.7.4 Des outils de représentation dans l’argumentation et la causalité
IV.7.5 L’incompatibilité
IV.8 Causalité, connexion et objets connectés
IV.8.1 Introduction
IV.8.2 L’efficience de la cause et débordement
IV.8.3 Non-iconicité et efficience causale
IV.8.4 Des références en linguistique
IV.8.5 Les espaces mentaux de Fauconnier
IV.8.6 Parler le même langage
IV.8.7 Le problème de l’implicite
IV.9 L’usage des théories causales
IV.9.1 Changements de plans performatifs et usages de dicto
IV.9.2 L’ouverture des espaces mentaux
IV.9.3 L’usage de la cause dans la représentation discursive
IV.9.4 La conjonction de deux énoncés n’est pas contradictoire
IV.9.5 Du double aspect au jeu sur les deux tableaux
IV.9.6 L’ensemble des conditions
IV.9.7 Raisonnements fallacieux
IV.9.8 Causalité et pensée préscientifique ou la pensée superstitieuse
IV.9.9 L’argumentation causale : acte qui s’appuie sur les effets
V La « causalité argumentative » 
V.1 Propositions
V.1.1 Présentation
V.1.2 Position du problème
V.1.3 Agentivité, prise en charge
V.2 Propriétés de because (J. Blochowiak)
V.2.1 Des propriétés formelles
V.2.2 Quelques commentaires sur les propriétés
V.3 Analyse de l’énoncé causal performatif
V.3.1 Un schéma de construction causale
V.3.2 La cause rhétorique : U. Eco, la construction du lecteur
V.3.3 Les propositions comme faits, actes de parole, événements
V.4 Proposition : l’idéal de persuasion
V.4.1 L’idéal argumentatif
V.5 La parole « magique », autoréalisatrice
V.5.1 Linguistique=non-iconique et iconique=non-linguistique ?
V.5.2 Une analyse à partir des critères linguistiques
V.5.3 Le vécu, le conçu, l’énoncé
V.6 Propositions : cause inférentielle déductive
V.6.1 La cause en tant que prémisse, et en tant que conclusion
V.6.2 Proposition : formulation de la circularité linguistique. Lecture causale-inférentielle abductive de la circularité
V.6.3 Proposition formelle
V.6.4 Explication de la disposition formelle
V.6.5 Le double statut d’une cause : hypothèse et conclusion
V.6.6 L’inférentiel, l’épistémique ; Sweetser, Sanders
V.6.7 Proposition : un « énoncé circulaire » ?
V.6.8 La « symétrisation » de la cause
V.6.9 Proposition : en quel sens l’énoncé « p PQ q » est-il un effet ?
V.6.10 Une représentation du « basculement »
V.6.11 Retombée argumentative du modèle symbolique
V.6.12 Applications
Conclusion générale 
Propriétés observées ; constats
L’entrelacs des causes et des valeurs
Le « basculement » de la cause dans l’argumentation
Propositions pour un modèle intégratif
Un projet en didactique ?
ANNEXES 
ANNEXE A : CONTEXTES CAUSAUX
Domaines scientifiques : sciences de la nature, sciences humaines et sociales476
Politique économique, loi du travail ; comparaison n’est pas raison, corrélation n’est pas cause
Situations fictives, littéraires
Situations de l’expérience ordinaire, du vécu quotidien
ANNEXE B : ÉNONCÉS CAUSAUX
ANNEXE C : MARQUES LINGUISTIQUES

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