La philosophie moderne plus particulièrement celle de Kant est une philosophie du sujet dont la base est tout d’abord une critique de la faculté de connaissance. Quelle est la compréhension que Kant a du sujet ? Selon lui, il y’a le «moi empirique » que nous percevons dans notre vie sensible quotidienne est le moi nouménal (purement inintelligible), qui ne peut être perceptible comme tel, mais qui est ce qui rend notre subjectivité possible.
L’homme se trouve donc être partagé en deux formes du moi qui appartiennent à deux mondes opposés : le monde du déterminisme universel (celui des phénomènes) et le monde transcendant (celui des choses en soi). Kant le précise en ces termes : « en effet dans le phénomène, les objets et la manière d’être que nous leur attribuons sont toujours considérés comme quelque chose de réellement donnée; seulement en tant que cette manière d’être ne dépend que du mode d’intuition du sujet, dans son rapport à l’objet donné, cet objet est distinct comme phénomène de ce qu’il est comme objet en soi » . L’homme ne se définit pas comme il est, mais comme il parait être. La conscience empirique qui accompagne différentes représentations est en soi dispersée et sans relation avec l’identité du sujet. « J’ai conscience de moi – même dans la synthèse transcendantale du divers des représentations en général, par conséquent dans l’unité synthétique originaire de l’aperception non pas tel que je m’apparais ni tel que je suis en moi -même, mais seulement conscience que je suis. Cette représentation est une pensée, non une intuition (…) je n’ai donc aucune connaissance de moi, tel que je suis, mais je me connais seulement tel que je m’apparais à moi -même » .
Le concept de sujet chez Kant signifie l’homme rationnel conscient de son existence. La représentation que l’homme peut se faire de lui – même avant toute pensée, Kant l’appelle l’intuition. Il est difficile à l’être humain de se connaitre soi-même, car se saisir dans sa nudité, son être profond est impossible dans la mesure où il évolue. Il se présente sous une infinité d’aspects. Se demander ce qu’est l’homme, c’est s’interroger sur ce qu’il peut savoir, doit faire, peut espérer, mais aussi ce vers quoi il tend, ce dont il a besoin.
Le concept de sujet chez KANT
Le sujet de la connaissance
Dans l’antiquité, toute connaissance sur l’homme ou sur le monde se référait au mythe, à la magie ou à la religion. Il convient de préciser que ces éléments ne peuvent pas sous-tendre une connaissance scientifique dans la mesure où l’homme reste étranger à l’explication. Au dix- huitième siècle correspondant au siècle des lumières avec l’éclosion de la raison une nouvelle vision a été enclenchée pour savoir l’origine de la connaissance de la part de l’homme sachant que toute connaissance part de lui et revient à lui. De ce fait, le sujet va tenter d’élaborer une théorie de la connaissance s’appuyant ainsi sur la doctrine empiriste, mot qui vient du grec « emperia » qui signifie « expérience ». Et l’empirisme est le nom donné à la doctrine selon laquelle l’expérience est la seule source de connaissance. L’empirisme est de ce fait un courant qui analyse les choses telles quelles nous sont données par nos sensations. Et du coup, il rejette tout rationalisme de même que toute conception consistant à dire que l’esprit humain porterait de façon innée les prémisses de la connaissance et de toute chose qui existe.
Sous ce rapport, n’est-il pas permis de considérer l’esprit humain comme fini et la connaissance infinie ? Faut-il alors renoncer à tout connaître ? L’humain peut-il prétendre limiter le champ entier du connaissable, ou n’y a-t- il pas illusion à poursuivre un tel but ? La question est donc de savoir si les limites d’un tel projet sont en nous ou hors de nous. Et dire que nous ne pourrons jamais tout connaître à cause de la nature même de notre entendement, c’est ce qu’a fait Kant au dix- huitième siècle. Tout comme Copernic a changé le centre de l’univers en mettant le soleil à la place de la terre, Kant va poser le problème de la connaissance sous une autre dimension. La question n’est plus ce que je sais ou ce que je peux savoir, mais quelles sont les limites inhérentes à la nature même de mon esprit. Ainsi à partir du moment où je saurai ce que l’entendement est capable de penser, je pourrais du même coup écarter tout ce qui le dépasse et fixer clairement une borne aux prétentions de l’esprit. Chez Kant l’entendement désigne « le pouvoir de produire soi- même des représentations, autrement dit, la spontanéité de notre connaissance ».
Il va ainsi entreprendre de rechercher les conditions a priori de la connaissance : que suis-je capable de connaître de par la forme même de mon esprit, avant même que quoique ce soit me soit donné dans l’expérience ? L’idée de Kant est que tout ce que nous connaissons passe tout d’abord par deux canaux : le temps et l’espace. C’est dans ce cadre que se déroule tout ce que nous recevons dans l’expérience (avec nos sens).
Dans la première partie de la Critique de la raison pure, l’Esthétique transcendantale, Kant fait l’exposition métaphysique de ces concepts (temps et espace). Pour qu’il y ait connaissance il faut l’intervention de la sensibilité et de l’entendement. A ce propos, Kant dit : « par l’intermédiaire du sens externe, (une propriété de notre esprit), nous nous représentons des objets comme extérieurs à nous, et nous nous les représentons tous dans l’espace ». Quant au temps, « il est une représentation nécessaire qui joue le rôle de fondement pour toutes les intuitions ». Donc, nous pouvons dire que toute chose perçue par les sens se place dans l’espace et s’ordonne dans le temps et alors nous percevons toute chose en eux. Cela ne signifie pas qu’elle est elle-même dans l’espace et dans le temps mais que nous ne pouvons pas ne pas la percevoir ainsi. La nécessité et l’universalité de l’espace et du temps, du moins pour nous hommes, en rendent possible la science. La mathématique de l’espace est la géométrie, celle du temps est l’arithmétique.
Mais il faut préciser cependant que nous n’avons pas pour autant la connaissance des choses telles qu’elles sont, mais telles qu’elles nous apparaissent seulement, sans qu’on puisse dire si c’est ainsi qu’elles sont en elles- mêmes. La chose en soi demeure inconnue, elle se distingue du phénomène c’est-à-dire qui se tient là, telle que je la vois ; le phénomène ne se réduit pas non plus à une apparence puisqu’il est connu en vérité.
Le sujet moral
Après avoir critiqué la raison pure dans la théorie de la connaissance, Kant se penche sur le domaine moral, appelé aussi «pratique », c’est-à-dire à partir de son étymologie grecque, « qui concerne l’action », ce qui est proprement la morale, puisqu’il s’agit d’une connaissance destinée à orienter l’action. Dans la Critique de la raison pratique, Kant affirme : « l’objet de la Critique de la raison pratique est seulement de montrer qu’il ya une raison pure, et c’est dans ce but qu’il critique toute la puissance pratique de la raison ».
La question que se pose Kant dans le domaine moral est du même ordre que celle qui guide la recherche de la Critique de la raison pure. De même que dans ce dernier ouvrage, le rôle de la raison pure dans la connaissance était mis à la question, de même dans les ouvrages consacrés à la morale (Critique de la raison pratique, Métaphysique des mœurs, Fondements de la métaphysique des mœurs), l’interrogation porte sur le rôle de la raison pure dans la pratique : ya t-il une raison pure pratique et quels sont ses principes a priori ? Qu’est-ce qu’une action morale ? Selon l’opinion la plus répandue, c’est une action accomplie avec bonne volonté. Cela veut dire que l’intention de l’acte détermine sa valeur. Mais qu’est-ce que cette volonté bonne ?
Kant s’oppose totalement aux philosophes qui soutiennent des théories morales qui ne seraient pas recoupées par l’opinion populaire. Or, celle-ci ne détermine pas un objet de la volonté : ainsi elle ne dit jamais qu’il faut accomplir telle ou telle action déterminée avec bonne volonté .Elle s’en tient à un énoncé qui ne désigne aucun objet. L’homme, pour être moral, doit accomplir des actions indéterminées avec une bonne volonté. Pour Kant, la seule chose qui est bonne absolument, qui possède une valeur absolue, c’est la bonne volonté. Ainsi, il le précise en ces termes : « de tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’ya qu’une seule chose qu’on puisse tenir pour bonne sans restriction, c’est une bonne volonté » .Donc, la bonne volonté ne tire pas sa bonté de ses effets ou de ses résultats, moins non plus de son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, mais seulement du vouloir, c’est-à-dire d’elle-même. Par conséquent nous pouvons dire à la suite de ces propos que la bonne volonté tire sa bonté de son seul vouloir intérieur. Et même rendue impuissante, elle garderait sa valeur absolue. En clair, la bonne volonté désigne la volonté pure bonne en elle-même, l’authentique vouloir intérieur. C’est la bonne intention qu’il ne faut nullement confondre avec la velléité. A travers le vocable « bonne volonté », Kant met l’accent sur l’intériorité de toute vie morale. En d’autres termes, c’est la seule orientation intérieure de la volonté qui détermine la valeur d’une action et le degré de savoir de l’homme n’a aucune importance : tout sujet, que ce soit le savant ou le paysan, est parfaitement apte à la moralité.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Le concept de sujet chez KANT
1. Le sujet de la connaissance
2. Le sujet moral
3. Le sujet esthétique
Chapitre II : La spécificité de la nature humaine
1. Les bases de l’humanisme kantien
2. La vérité et le mensonge dans l’éthique kantienne
3. La valeur du jugement
Chapitre III : Les fins de l’existence humaine
1. Le sujet : autonomie et liberté
2. La théorie du droit juridique
3. La critique des désirs et des passions dans la théorie kantienne de la connaissance
Conclusion
Bibliographie
Table des matières