La problématique de l’origine de l’empire et des peuples Mossi: légende ou mythe

« L’Afrique doit suivre un chemin étroit sur la voie de sa croissance et de son développement : d’une part, elle doit exploiter une force, une sagesse et un sens de la stabilité qui lui ont été légués par le passé, et de l’autre, elle doit veiller à ne pas s’immobiliser ou s’emprisonner dans un respect exagéré des traditions de son passé. » .

QUAISON-SACKEY, cité par Skinner, E.P. dans : LES MOSSI DE LA HAUTE-VOLTA. Paris, NOUVEAUX HORIZONS, 1972, p.19.

En son sens général, la notion de pouvoir renvoie à la capacité d’agir, à la puissance de faire ou d’exercer une force sur une quelconque matière. En ce sens il désigne un rapport de domination entre deux ou plusieurs corps de force différente. Au plan politique et social, le pouvoir recouvre une dimension plus anthropologique en ce sens qu’il concerne les rapports interactionnistes qui régissent l’existence humaine aussi bien au niveau individuel, communautaire, régional que national. Il s’assimile de ce fait aux concepts d’autorité, de droit, de soumission, notions qui, du reste, ont toujours fait partie intégrante des rapports humains. Par conséquent, il constitue le socle des différents types d’organisation politique des sociétés humaines.

Cependant sa gestion a, de tout temps et en toute circonstance, constitué un souci majeur. Des systèmes politiques traditionnels aux principes étatiques modernes, sa démocratisation a été au cœur des préoccupations dans l’édification des sociétés mais aussi et surtout des organisations politiques ou étatiques dont la vocation est de garantir une vie commune stable, harmonieuse et progressive de l’ensemble des partis contractants. Qu’il soit excessif ou modéré, autonome ou participatif, le pouvoir a, à chaque fois, fait l’objet d’un contrôle, d’une limitation, d’un partage afin d’éviter qu’il ne devienne tyrannique, arbitraire voire anarchique. Ainsi il a toujours représenté un enjeu de société tant pour la stabilité sociopolitique que pour la légalité et la légitimité des institutions physiques et morales.

C’est justement à partir de cette conception du pouvoir que nous tentons d’étudier la corrélation, le rapport susceptible de s’opérer entre la parenté et la gouvernance, entre le privé et le public. Il s’agit ici pour nous de voir les impacts de cette relation dans la gestion du pouvoir mais aussi et surtout la manière des sociétés traditionnelles africaines d’harmoniser ce contact entre deux concepts apparemment contradictoires au sein d’une même organisation politique. En effet, les notions de privé et de public revêtent un sens particulier dans toute élaboration d’une pensée relative à la théorisation du politique. Elles sont relatives pour l’un à la famille, au pouvoir domestique et pour l’autre à la gestion de la cité, au peuple, à l’Etat. Leur nécessaire corrélation dans la gestion du pouvoir relève d’une exigence pour la stabilité du corps politique.

DEVELOPPEMENT ET ARGUMENTATION

Au- delà de ses contradictions à la fois internes et externes relatives à sa définition, le pouvoir a toujours fait partie de la nature des sociétés humaines. De la tradition à la modernité, sa gestion a toujours fait l’objet d’une préoccupation majeure : sa légitimité et sa nécessité ont à chaque fois été associés au souci de l’endiguer, de le contrôler, de le limiter afin de le mettre dans l’impossibilité de devenir anarchique, tyrannique voire arbitraire. Qu’il soit légitime ou non, associé ou non au droit, il a toujours constitué un enjeu de société. L’ambigüité qu’il convient de lever ici, ce n’est pas l’existence ou non du pouvoir dans l’histoire des sociétés, aussi bien dans l’espace que dans le temps, mais plutôt son caractère coercitif ou pas. Étant consubstantiel au fait social, ce qui a de tout temps existé, ce sont des sociétés à pouvoir contraignant et à pouvoir non coercitif.

Les sociétés négro-africaines précoloniales en général et celles Mossi en particulier notamment ceux de Ouagadougou qui constituent l’objet de notre étude ont été toujours régies par des lois et des règles, fussent elles coutumières, et des mécanismes politico-juridiques et administratives dans l’acquisition, la gestion concertée et la transmission du pouvoir. Le consensus, véritable facteur de régulation et d’harmonisation, constitue l’épicentre sur lequel se fonde toute la gestion du pouvoir. Les questions et décisions relatives au maintien de la vie en commun ainsi qu’à la sécurité et à la stabilité socio-économique et politique se règlent et s’appliquent à travers un long processus de concertation. Cette méthode traditionnelle constitue le recours obligatoire sur lequel la force publique qui incarne la puissance légitime s’appuie pour statuer des questions à la fois internes et externes.

Dans cette société Mossi à régime monarchique tout comme dans la plupart des sociétés traditionnelles africaines, le pouvoir paternel provenant des ancêtres jouit d’une légalité et d’une légitimité juridiques aux yeux de la communauté. En ce sens, VAN EETVELDE, faisant de la paternité le fondement de la société et du droit, dira : « le père tient son autorité de ses ancêtres, dont il poursuit la tâche. Il est un chaînon qui relie les vivants au monde des aïeux décédés. Lorsqu’il parle, il exprime des volontés ancestrales ». Cette conception de l’autorité du père est quasi générale en Afrique et fonde l’ensemble des réalités sociopolitiques dans la gestion du pouvoir tout comme dans la société traditionnelle Mossi où le rapport entre parenté et pouvoir est fortement visible dans l’architecture étatique et politique.

Ici le souverain sort héréditairement de la famille royale qui a jeté les bases du royaume ; les différentes fonctions administratives sont affectées à ses membres et à ceux des familles apparentées. À ce propos SKINNER affirmera que : « les liens de parenté entre tous les chefs Mossi importants étaient symbolisés par l’appartenance au clan du lion (gegema) et aux clans affiliés ou (boodoo) fondés par les anciens membres des familles dirigeantes ». Ceci fait montre de l’aspect héréditaire dont se caractérise le système politique voltaïque.

En effet les différents démembrements dont se compose la nation : principautés, cantons, villages ont à leurs têtes des représentants de la famille royale ou de celle des autochtones. Cette représentation parentale au niveau de tous les segments de l’Etat constitue une résultante de la conception Mossi du souverain.

Le chef ou encore le roi, symbole primitif du pouvoir, est préposé à prendre en charge et à assumer le destin de la communauté, la volonté sociale mais également à apparaitre comme une totalité une c’est-à-dire à travailler à l’effort concerté et délibéré de la cité. Autrement dit il parle et agit au nom de la société lorsque les circonstances et les événements le mettent en relation avec d’autres sociétés. Cette particularité de la gestion du pouvoir des sociétés négro-africaines fait montre de l’impossibilité de distinguer le chef ou le roi du reste de la communauté. Ce chef politico-religieux, véritable roi, incarne l’être-force et fait partie intégrante de la communauté. De par sa force mystique, il est la médiation entre les vivants, les morts et les forces naturelles. Il est d’essence divine en ce sens qu’il concentre en son sein l’ensemble des forces magiques et représente les ancêtres, le passé de la tribu et sa gloire.

En pays Mossi, celui-ci possède le Nam c’est-à-dire cette puissance des archipatriarches que les Mossi décrivent comme « la force divine qui permet à un homme d’en dominer un autre ». En ce sens le pouvoir relève du surnaturel et le détenteur est conçu comme une divinité. Il est le chef, le père de toute la communauté. Son âge et sa proximité généalogique par rapport aux ancêtres lui confèrent une légitimité et un respect inconditionnels. Son autorité s’exerce à tous les niveaux et tout le monde se soumet à lui. À cet effet, VAN EETVELDE dira : « l’âge en soi suscite le respect, en raison de la sagesse qui l’accompagne » et qu’il « aide l’homme à s’adapter et à se conformer aux réalités temporelles et spirituelles, à trouver des solutions acceptables, sinon idéales, aux multiples problèmes que pose le groupe social ».

Cette appréhension du pouvoir est très répandue dans l’univers négro-africain et son rapport à la parenté très étroit. Dans la société Mossi, la plupart des chefs était des descendants de la lignée d’Ouédraogo et d’Oubri : les Morho Nanamsé, les Dimdamba, les Kombemba et les Tense Nanamsé occupaient respectivement les royaumes, les principautés, les cantons, et les villages. Cela fait que le pouvoir reste toujours entre les mains de la lignée royale et des familles apparentées ; ce qui faisait dire à Skinner que la parenté constituait la base de la classe dirigeante.

Toutefois il ne faudrait pas, au regard de ce qui précède, établir hâtivement une liaison intrinsèque et irréversible entre pouvoir et parenté. Une tentative réductionniste empêcherait la compréhension de l’architecture politique Mossi et des enjeux philosophiques qu’elle implique. La distinction faite entre parenté et souveraineté dans la manière de gouverner se manifeste même au niveau de la répartition des fonctions administratives. Tous les dirigeants n’étaient pas forcément des membres du clan royal. On trouve à la tête des cantons des chefs descendants des ministres chargés des provinces qui, selon la structuration hiérarchique, ne devaient pas aspirer à la succession de leur parent. Il ya aussi les indigènes, les chefs de groupes étrangers, des refugiés mais aussi ceux qui régnaient sur les esclaves et les serfs de même que ceux officiels dont le pouvoir n’était que rituel et non politique. Ils étaient les maitres de la terre et étaient désignés sous le nom de Tengsoba. En dépit de leur catégorie sociale et de leur origine, tous ces dignitaires avaient le droit au titre de Naba.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: GENESE ET FORMATION DE L’ETAT
Chapitre A: La problématique de l’origine de l’empire et des peuples Mossi: légende ou mythe
1. Théories de la légende
2. De l’intérêt philosophique du mythe
Chapitre B: Du processus de formation de l’empire: de la guerre
1. De l’interprétation philosophique de la guerre
2. Des mécanismes traditionnels de prévention et de résolution de la guerre
DEUXIEME PARTIE : DES RAPPORTS ENTRE PARENTE ET POUVOIR
Chapitre A: La question de la parenté dans le système politique Mossi
1. Approche définitionnelle
2. La politique de la parenté
Chapitre B : Enjeux philosophiques du rapport parenté/pouvoir
1. De la centralisation du pouvoir: force de l’empire
2. De la décentralisation du pouvoir: puissance sociale
TROISIEME PARTIE: DE LA « PHILOSOPHIE MOSSI »DE LA GOUVERNANCE
Chapitre A: De l’effectivité de l’Etat aux principes de liberté et d’égalité
1. De l’agencement du corps politique
2. De la structuration du corps étatique
Chapitre B: Des principes d’organisation sociale et politique
1. Du principe de liberté
2. Du principe d’égalité
CONCLUSION

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