LA PRISON ET LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES
DEFINITIONS
Nous proposons ici quelques définitions de concepts juridiques tirés du dictionnaire Le Larousse.
● Prison : lieu où l’on détient les personnes condamnées ou en instance de jugement, lieu ou situation où l’on se sent séquestré ou privé de liberté
● Crime : peut se définir comme une action très blâmable, la plus grave des infractions, un homicide volontaire
● Délit : infraction passible de peine correctionnelle
● Contravention : infraction sanctionnée par une amende
● Dangerosité : état, situation ou action dans lesquels une personne ou un groupe de personnes font courir, à autrui ou aux biens, un risque important de violence, de dommage ou de destruction.
QUELQUES ELEMENTS D’HISTORIQUE
Dans l’Antiquité, au IVe siècle avant J-C, en Grèce, apparaît pour lapremière fois dans les problèmes de crimes, la notion d’élément intentionnel, et l’on distingua l’homicide et la légitime défense [4]. Par ailleurs, quelques siècles en arrière, la société civile et les institutions considéraient la folie comme un mystère divin, et étaient pénétrées de croyances aux forces surnaturelles. L’homme était indemne de toute accusation, les prêtres se référaient aux divinités et au cosmos. L’infraction se sanctionnait d’une amende que devait payer l’accusé et la victime l’acceptait.
Avec l’élargissement et le développement des cultures, le délit passait de la responsabilité du clan à la responsabilité individuelle. Les Romains à l’époque classaient les malades mentaux en trois catégories :
● Le mente captus était le malade dont les troubles ne connaissaient pas de rémission.
● Le dément, représentait l’homme naguère normal, désormais privé de liberté.
● Le fatus serait l’arriéré profond.
● Le mot furor était, quant à lui, un terme valable pour tous les troubles mentaux.
A cette époque, après avoir gracié les personnes atteintes de troubles mentaux, les juristes exigeaient des familles de malades ou de l’autorité, de les surveiller de près, et à défaut, de les garder en prison [17]. Ici, on voit nettement que le détenu malade mental était incarcéré pour protéger l’ordre public et non pas dans un but correctionnel. Aujourd’hui, si la famille se sent incapable pour cette tâche ou que l’autorité manque d’infrastructures, le milieu carcéral apparait comme seul moyen pour mettre à l’abri le peuple du danger que représentent ces malades mentaux. Le garçon jusqu’à 10 ans et demi était considéré comme proche de sa première enfance et incapable d’une pensée criminelle. Ce privilège ne s’étendait pour la fille que jusqu’à l’âge de 9 ans et demi. Le manque de discernement pouvait être évoqué jusqu’à 12 ou 14 ans mais on ne pouvait raisonner autrement, car la cause de l’acte était plus intéressante à identifier que l’acte lui-même, ce qui permettait de déterminer l’étiopathogénie et les mesures à prendre.
Mais toutes ces distinctions n’étaient pas utilisées en matière pénale, tant celle-ci était restreinte. Car au début, il n’y avait à Rome comme crime public, donc relevable d’un jugement, que la trahison et le meurtre d’un citoyen romain. Le parricide était impensable [15] alors que le vol et les coups gardaient le caractère de litiges entre particuliers. La dimension médico-légale de la clinique psychiatrique a effectivement été travaillée par tous les aliénistes qui ont toujours démontré que la prise en compte de la dimension médico-légale et criminelle de la maladie mentale est l’un des éléments fondateurs de la clinique psychiatrique [32]. A. Pinel attirait l’attention à la fin du XVIIIe siècle sur les aliénés criminels, trop négligés par la médecine et la psychiatrie. « Ces aliénés, loin d’être des coupables qu’il faut punir, sont des malades, dont l’état pénible mérite tous les égards dus à l’humanité… Les aliénés, qui jusqu’alors ont été traités plus en ennemis de la sécurité publique qu’en créatures déchues dignes de pitié, doivent être soignés dans des asiles spéciaux » [21]. Au Sénégal, les premières écoles pénitentiaires se sont installées vers 1880, suite à l’abolition de l’esclavage en 1848 [4]. Dès ce moment, l’enfermement carcéral devient un outil de contrôle des marges urbaines. Il fut fréquemment envisagé et souvent mis en application, des solutions de type carcéral contre les mendiants, les vagabonds, les marchands ambulants, les prostituées et les malades mentaux (groupes considérés suivant la conjoncture comme individus déstabilisateurs de l’ordre public). Parmi ces groupes, on voit nettement que les personnes atteintes de troubles mentaux ne devaient pas y avoir leur place car elles relevaient d’une problématique de santé.
En moins d’un demi-siècle, le pouvoir implanta et généralisa l’usage de la prison comme instrument pénal de contrôle des individus et des groupes à soumettre à sa logique d’exploitation. Au-delà du maintien de l’ordre, il chercha, avec l’institution carcérale à se procurer, à moindre frais et en qualité suffisante, la force de travail nécessaire à son entreprise. Il peut également faire recours à l’incarcération dans la gestion autoritaire des populations dont les comportements violaient les normes estimées conformes à la sauvegarde de l’ordre dans les agglomérations urbaines. La variété des actes et abstentions réprimés par la « justice » coloniale et l’imprécision de leur délimitation laissèrent libre cours au règne de l’arbitraire dans la distribution des peines privatives de liberté sans aboutir aux résultats escomptés.
CONCEPTS DE PSYCHIATRIE LEGALE
En France
En 1994, la prise en charge sanitaire des détenus est transférée de l’administration pénitentiaire au service public hospitalier. Cette réforme répond à la volonté d’améliorer l’accès aux soins des détenus et de mettre en place une politique de santé publique en milieu carcéral. La loi du 18 Janvier 1994 (relative à la santé publique et à la protection sociale) a profondément modifié l’organisation des soins. Il décrit très précisément les modalités pratiques de mise en œuvre de la réforme, notamment l’organisation et le fonctionnement du nouveau dispositif de soin, ainsi que l’articulation entre le service publique pénitentiaire et le service publique hospitalier. Il prévoit notamment que les soins en milieu carcéral seront dispensés par les unités fonctionnelles du service publique hospitalier dénommées unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA qui ont vu le jour grâce à la loi n° 95 43 du 18 Janvier 1994), et que celles-ci auront également la charge d’organiser le recours à l’hôpital chaque fois que cela s’avère nécessaire, qu’il s’agisse d’hospitalisations ou de consultations et d’examens spécialisés. S’agissant des soins psychiatriques, un dispositif mixte est instauré, il prévoit que les actions de prévention et les soins psychiatriques courants sont assurés par les secteurs de psychiatrie générale locaux au sein des UCSA, et les soins plus spécialisés y compris l’hospitalisation en milieu pénitentiaire par les services médico psychologiques régionaux(SMPR). Les SMPR ont été créés par le décret du 14 Mars 1986, leur mission est d’accueillir des détenus provenant des établissements pénitentiaires et de voir systématiquement tout arrivant au sein de ce dernier. Lorsqu’une personne détenue présente des troubles mentaux rendant compliqué son maintien en milieu carcéral, on applique l’article D 398 du Code de Procédure Pénale, qui dispose que « Les détenus atteints de troubles mentaux ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire. Au vu d’un certificat médical circonstancié et conformément à la législation en vigueur, il appartient à l’autorité préfectorale de faire procéder dans les meilleurs délais à leur hospitalisations d’office dans un établissement de santé habilité ». L’existence de telles structures est importante au moment où elles permettent de détecter les pathologies psychiatriques préexistantes à la détention, l’aggravation de ces troubles du fait des contraintes liées conditions d’incarcération et les besoins de soutien psychologique à une telle population.
Au Sénégal
Au Sénégal la psychiatrie a été impulsée après les indépendances avec la mise en place de la loi 75-80 du 9 Juillet 1975 (relative au traitement des malades mentaux et au régime d’internement de certaine catégorie d’aliénés). Le Code Pénal sénégalais possède l’article 50 qui reproduit fidèlement l’article 64 du Code Pénal français [5, 8]: « Il n’y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au moment de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ». A cet effet l’hôpital psychiatrique de Thiaroye avait été désigné comme la seule structure psychiatrique où pouvait se faire les internements. Il était qualifié alors de structure psychiatrique de type fermé et reste à nos jours le seul lieu au Sénégal où se font officiellement les internements. Par ailleurs, la création du pavillon spécial de l’hôpital Aristide le Dantec en 1986, conformément au décret n° 66-1081 du 31 décembre 1966 portant sur l’organisation et le régime des établissements pénitentiaires (modifié et complété par les décrets n° 86-1466 du 28 novembre 1986). Le pavillon spécial de l’hôpital Aristide le Dantec est conçu pour accueillir les malades détenus, et dispose de 10 chambres. Mais on constate nettement que cette structure n’est pas spécifique à uniquement des détenus présentant des troubles mentaux. Toutes les pathologies sont confondues, et ceci ne contribue pas à une bonne prise en charge psychiatrique. Malgré ces textes, il faut tout de même savoir que les services psychiatriques ne sont pas en mesure d’assurer un service fermé faute de moyens de surveillance et d’infrastructures.
Il faut reconnaître que les prisons ne servent que de « dépotoirs » pour contrôler ces patients malades mentaux qui n’auront sûrement pas de véritables soins à ce niveau. Dans des travaux publiés aux USA [15, 16], 65% des détenus présentaient des troubles psychiatriques, et l’unique cause semblait être un manque d’application des lois pénales, et ce chiffre accroîtrait si un véritable consensus ne s’effectuait pas dans les années à venir. De ces textes établis par la loi, on dira, selon notre perception, qu’il y a un manque de prise en charge, au niveau de l’administration pénitentiaire, de ce groupe d’individus au sein de notre société [5]. Cependant, il va de soi qu’ils méritent une plus grande attention de par les autorités et de par la politique de santé.
|
Table des matières
Introduction
Première partie : Revue de la littérature
I. LA PRISON ET LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES
I.1. DEFINITIONS
I.2. QUELQUES ELEMENTS D’HISTORIQUE
I.3. CONCEPTS DE PSYCHIATRIE LEGALE
I.3.1.En France
I.3.2.Au Sénégal
II. TROUBLES DU COMPORTEMENT
II.1. APPROCHE NEURO-ANATOMO-BIOLOGIQUE
II.2. APPROCHE PSYCHANALYTIQUE
II.3. APPROCHE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE
II.4. APPROCHE SOCIALE
2ème partie : Etudepersonnelle
I. OBJECTIF GENERAL
II. OBJECTIFS SPECIFIQUES
III. METHODOLOGIE
III.1.CADRE DE L’ETUDE
III.1.a. Le Centre Hospitalier National (CHN) de Fann
III.1. b. Le service de Psychiatrie
III.1. c. Les structures
III.2. TYPE D’ETUDE
III.3. COLLECTE DES DONNEES
III.4. POPULATION D’ETUDE
III.5.DIFFICULTES RENCONTREES
IV. RESULTATS
IV.1.Age
IV. 2.Sexe
IV.3.Les motifs de consultations
IV.4.Les pathologies
IV.5.Evolution des nombres de consultations par an
IV.6.Fréquence de rendez-vous
V. DISCUSSION
VI. PROPOSITIONS ET PERSPECTIVES
Conclusion