Dès mon enfance, les métiers de la santé m’attiraient, notamment ceux en lien avec la rééducation. L’ergothérapie m’intéresse tout particulièrement pour sa prise en soin globale du patient et ses divers domaines d’exercice. Depuis le début de mes études en ergothérapie, j’ai découvert de nombreuses pathologies. Dès le départ, j’ai suscité un certain intérêt pour les pathologies neurologiques et traumatiques telles que les lésions de la moelle épinière. J’ai pu rencontrer lors de mes différents stages des personnes atteintes de lésions médullaires. Je me suis rapidement rendu compte que la prise en soin de ces personnes n’est pas simple. Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte dont l’acceptation du handicap, de ce nouveau mode de vie après le traumatisme. Il en découle donc mon point de rupture et ma problématique professionnelle pour ce travail de recherche.
Enjeux et utilités
Question socialement vive :
Selon l’OMS 2013 : « Chaque année dans le monde, entre 250 000 et 500 000 personnes souffrent de lésions de la moelle épinière. (…) Nous ne disposons pas d’estimations fiables de la prévalence mondiale, mais nous évaluons que l’incidence annuelle mondiale va de 40 à 80 cas par million d’habitants. Jusqu’à 90% de ces cas sont dus à des causes traumatiques, bien que la proportion des lésions d’origine non traumatique semble croitre. (…) Les hommes sont le plus exposés au risque au début de l’âge adulte et pendant la vieillesse (1). ».
Selon l’HAS 2007 : « En France, l’incidence des lésions médullaires traumatique est de l’ordre de 1200 nouveaux cas, leur prévalence se situant autour de 50 000.
À titre de comparaison, les données disponibles pour l’Europe indiquent une incidence de lésions médullaires toutes causes confondues allant de 10,4 à 29,7 par million d’habitants. Aux États-Unis, elle est estimée à̀40 pour un million d’habitants (11 000 nouveaux cas par an) (6). » Il y a donc un enjeu de santé publique dans ce travail.
Selon l’HAS 2007 : « Ce type d’affections nécessite une prise en charge dont le poids économique et social est sans commune mesure avec leur fréquence (6). » «Les données existantes ne permettent pas de faire une estimation mondiale des coûts liés aux lésions de la moelle épinière, mais il en ressort tout de même un tableau général de la situation:
• Le niveau où se situe la lésion et sa gravité ont une influence importante sur les coûts : plus elle est haut placée sur la moelle épinière (entraînant par exemple une tétraplégie au lieu d’une paraplégie), plus elle entraîne des coûts élevés.
• Les coûts directs sont les plus élevés au cours de la première année après la survenue de la lésion, puis ils diminuent sensiblement ensuite.
• Les coûts indirects, en particulier la perte de revenus, dépassent souvent les coûts directs.
• Les coûts sont en grande partie à la charge des personnes atteintes.
• Les coûts des lésions médullaires sont plus élevés que ceux d’affections comparables, comme la démence, la sclérose en plaques ou l’infirmité motrice cérébrale (1). ».
Beaucoup d’études portent sur l’aspect moteur tel que remarcher grâce à un ECG2 (par la pensée), l’exosquelette, les nouvelles technologies, les greffes (7,8). Cependant, il est également important de s’intéresser à l’aspect psychologique de la personne lors de sa rééducation. La posture de l’équipe de rééducateur, qui doit aller dans le même sens, lors de la prise en soin de ces personnes est primordiale pour l’acceptation du handicap et ensuite une récupération optimale. Ce travail soulève alors des enjeux psychologiques, concernant la compréhension du deuil vécu par le patient, et éthique concernant la posture des rééducateurs.
Utilité :
Une lésion médullaire génère des troubles physiques. Ces conséquences sont importantes dans le quotidien des personnes et c’est pour cela qu’elles sont prises en soin rapidement par l’ensemble des soignants et des rééducateurs. Cependant plusieurs études montrent que l’impact psychologique suite à une blessure médullaire est tout aussi important mais il est rarement pris en considération par l’équipe médicale. Ces études ont aussi prouvé que la prise en compte de l’aspect psychologique améliore la qualité de vie. En effet, « Il en ressort de l’étude des psychologues Malandain, Beuret-Blanquart et Chambellan de l’Unité de formation et de recherche de Mont Saint Aignan : que la perte de la marche n’est pas le plus gros problème à affronter. Car si les atteintes physiques sont diagnostiquées, expliquées, évaluées, la fracture intérieure occasionne des blessures invisibles, souvent non formulées » (8). De plus, l’identité de la personne est modifiée d’un point de vue physique comme psychologique ou psychoaffectif tout au long de son chemin vers l’acceptation du handicap. « La période de rééducation est révélatrice d’une nouvelle réalité corporelle formée de dysfonctionnements majeurs qui ont un impact psychologique sur l’identité physique, psychoaffective et sociale du blessé médullaire» (9).
Cette dimension psychologique doit être prise en compte même lors de la mise en place d’aides techniques. Si la personne n’est pas considérée telle quelle, ceci peut donc aboutir à un refus de cette aide technique (10). L’ergothérapeute et l’équipe soignante au complet doivent prendre en compte cet aspect lors de leurs différentes prises en soin.
La prise en soin d’un patient ayant une lésion médullaire
Les conséquences et complications d’une lésion médullaire La prise en soin des personnes ayant une lésion de la moelle épinière est complexe de par les lourdes et nombreuses conséquences qu’entraine cette pathologie. Le patient doit alors se réapproprier son corps de manière à compenser ses pertes d’une nouvelle manière. L’étude de C. Malandain et al. (13) distingue les pertes en deux registres : l’intégrité physique et l’image de soi. Premièrement, dans l’intégrité physique nous retrouvons la perte de la station verticale qui est celle qui renforce les premières souffrances à la suite de l’annonce du handicap. En découle ensuite la perte d’autonomie. Il y a aussi la perte de la sensibilité qui vient compléter ces pertes motrices. En second lieu ces pertes sont accompagnées de complications. Différentes études se corroborent sur les différentes complications engendrées par la lésion médullaire : une atteinte respiratoire, des problèmes cardiovasculaires, des troubles digestifs, des problèmes cutanés avec l’apparition d’escarres, des complications neuro-orthopédiques, des complications génitosexuels et vésico-sphinctériens, des complications urologiques et néphrologiques (7,14,18,19). Les dernières conséquences relevées dans ces articles sont des blessures concernant leur image et leur estime d’eux-mêmes. Les résultats des études (13,20) se corroborent sur le fait que l’identité du patient soit aussi changée. Une souffrance narcissique est présente. Tous les rapports à l’image de soi, aux relations avec les autres, à la séduction, aux messages non verbaux seront en crise. Ainsi, lors de la prise en soin des blessés médullaire, le rétablissement d’une identité positive et personnelle est un des grands objectifs (20).
Peu d’articles énoncent les aspects psychologiques qu’engendre la lésion médullaire. Sont-ils autant pris en compte dans la prise en soins des patients blessés médullaire dans les centres de rééducation en France que les conséquences motrices ? Un suivi psychologique est-il prescrit systématiquement ? Que peut apporter l’ergothérapeute avec des entretiens de soutien aux patients ne souhaitant pas encore rencontrer de psychologues ou ayant en parallèle un suivi psychologique?
Le processus de deuil Afin que l’équipe de rééducateurs ait une prise en soin adaptée des patients ayant une lésion médullaire il est nécessaire de comprendre ce que vivent ces personnes.
La lésion médullaire induisant la paralysie des membres est ressentie comme une perte. Toute perte appelle à un processus de deuil. Ce processus est décrit par Élisabeth Kübler-Ross. Ce modèle théorique permet au personnel soignant de mieux comprendre les réactions du patient. Les étapes présentes dans le processus de deuil sont le choc, le déni, la révolte, le marchandage, la tristesse et l’acceptation. Ils doivent être respectés par tous pour permettre un processus plus fluide du patient (4). Les articles (13,18,19) se complètent sur ce résultat des étapes du processus de deuil. Il n’y a pas d’évolution linéaire dans ce processus de deuil « mouvement de balancier » où la personne hésite entre plusieurs attitudes possibles face au handicap. La dernière étape du processus de deuil est l’acceptation. Cette étape commence quand la personne s’accepte telle qu’elle est suite à des évènements d’une reconstruction identitaire.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Contexte
1.2 Thème
1.3 Enjeux et utilités
1.4 Revue de littérature
1.4.1 L’annonce du handicap
1.4.2 La prise en soin d’un patient ayant une lésion médullaire
1.5 Enquête exploratoire
1.5.1 Les objectifs de l’enquête
1.5.2 La population cible et les sites d’exploration
1.5.3 L’outil de recueil de données
1.5.4 Les biais et stratégies de contrôle
1.5.5 La construction de l’outil de recueil de données
1.5.6 Les résultats de l’enquête exploratoire
1.6 Le cadre conceptuel
1.6.1 Le deuil
1.6.2 L’accompagnement
1.6.3 Deuil et accompagnement
1.7 La problématisation théorique
2. Matériel et méthode
2.1 Objectif de la recherche
2.2 Choix de la méthode
2.3 Identification des variables
2.4 Formulation et opérationnalisation des hypothèses de la recherche
2.5 Population cible
2.6 Construction de l’outil de recueil de données
2.6.1 Choix de l’outil de recueil de données
2.6.2 Anticipation des biais et stratégies d’atténuation
2.6.3 Méthode d’échantillonnage
2.6.4 Présentation du questionnaire
2.6.5 Choix des outils de traitement des données
2.6.6 Test de faisabilité et de validité du dispositif
2.6.7 Sites d’explorations
3. Résultats
3.1 Présentation des résultats issus d’une analyse statistique descriptive
3.2 Présentation des résultats issus d’une analyse inférentielle
3.2.1 Résultats pour l’hypothèse 1
3.2.2 Résultats pour l’hypothèse 2
3.2.3 Résultats pour l’hypothèse 3
4. Discussion
4.1 Interprétation des résultats.
4.2 Discussion des résultats et critiques du dispositif
4.3 Intérêt, apport et limite des résultats pour la pratique professionnelle
4.4 Transférabilité pour la pratique professionnelle
4.5 Les perspectives de recherche
Bibliographie
Annexes