La charte « maternité sans tabac »
Des mesures supplémentaires ont été mises en œuvre concernant la lutte contre le tabagisme pendant la grossesse. Dans un premier temps, le Plan Cancer de mars 2003 a inscrit la lutte contre le tabagisme des femmes enceintes dans sa mesure 10. Cette mesure met l’accent sur l’information dans les maternités, sur la sensibilisation du personnel soignant et sur l’accès aux consultations de sevrage. La France regroupe 392 hôpitaux ayant adhéré à la charte du réseau « Maternités Sans Tabac ». Ce réseau a pour but de mettre chaque adhérent en conformité avec la législation en vigueur (loi Évin) pour prévenir le tabagisme passif dans les lieux collectifs et à informer les femmes enceintes, les couples, les visiteurs et les personnels sur les dangers du tabagisme actif et/ou passif et sur les moyens de s’en protéger.[19] On cherche à atteindre l’exemplarité des professionnels (aide à l’arrêt du tabagisme) et à améliorer la prise en charge des femmes enceintes fumeuses. Chaque maternité adhérente se doit de devenir un espace strictement non fumeur et doit mettre à disposition soins, prévention, information et éducation pour les parents de passage dans les différents services en lien avec la grossesse. [19] Ces objectifs et leur réussite reposent sur 8 facteurs :
– le respect et l’application des 10 points de la charte « Maternités Sans Tabac », (Annexe II)
– la pratique des recommandations de la conférence de consensus d’octobre 2004,
– l’implication du personnel hospitalier de la maternité
– la recherche continue de l’amélioration du service de gynécologieobstétrique afin de répondre à un objectif national,
– l’optimisation des soins et du suivi de grossesse,
– le bon suivi des indicateurs périnataux,
– définir des indicateurs internes et externes avec partage des données entre les différents acteurs de sante,
– mettre en évidence la qualité du suivi dans les maternités par la hausse du taux d’arrêt. [20] La création du réseau « Maternités Sans Tabac » repose sur des référentiels. Ces derniers servent à évaluer de façon continue l’amélioration des soins délivrés aux patientes fumeuses (en matière de sécurité et de qualité) ainsi que la prévention contre le tabagisme actif et passif. Les référentiels sont au nombre de cinq et concernent respectivement la gestion de la qualité des soins et la prévention du risque tabac en maternité, la prise en charge du tabagisme chez la femme enceinte, la gestion des compétences humaines, du système de communication et de la logistique. Ils doivent nécessairement respecter les recommandations de la conférence de consensus d’octobre 2004 ainsi que celles de l’AFSSAPS (annexe III). Ils sont structurés afin de décrire des objectifs à atteindre. Tout ce qui concerne la prévention et la prise en charge du tabac repose sur la mesure du CO dans l’air expiré ainsi que sur la diffusion de signalétiques donnant une information claire sur les risques du tabagisme pendant et en dehors de la grossesse. Le référentiel basé sur la communication a pour objectif d’informer les patients, le personnel ainsi que les visiteurs du caractère obligatoire de l’application de la loi Évin. Enfin, la gestion de la logistique et des compétences humaines est organisée autour de la formation spécifique des personnels soignants et non soignants. Cette organisation a pour but d’améliorer la prise en charge et la prévention du tabagisme pendant la grossesse en maintenant de façon permanente un nombre suffisant et significatif de personnels formés afin d’assurer la continuité des soins.[2][11][19]. Différentes méthodes permettent de voir si les objectifs de ces référentiels sont atteints ou d’apprécier à quel niveau la maternité adhérente respecte les points de la charte « Maternités Sans Tabac ». Afin de juger si les objectifs décrits ont été atteints il existe un suivi d’indicateurs, tout d’abord un indicateur externe, qui est la mesure du monoxyde de carbone dans l’air expiré, associé à des indicateurs internes (santé périnatale, maternelle, et système de soin) qui seront catégorisés en fonction du risque « tabagisme » pendant la grossesse. De plus, l’évaluation des pratiques professionnelles et les enquêtes d’opinion interne permettent de juger ces objectifs sont atteints.
Le droit de prescription des sages-femmes
L’arrêté du 23 février 2004 modifié par l’arrêté du 12 octobre 2005 permet à toutes les sages-femmes en exercice de prescrire, en toute légalité, un substitut nicotinique à toute femme rencontrée dans leur domaine de compétence. [21][22] [23] Par ailleurs, les sages-femmes possèdent une place toute particulière concernant la prise en charge du sevrage tabagique chez la femme enceinte fumeuse. En effet, elles sont les principales intervenantes au cours de la grossesse et bénéficient, de ce fait, de multiples occasions pour initier un sevrage (consultations pré et post natales, préparation à la naissance, accouchement…) ainsi que l’avantage d’avoir une relation de confiance privilégiée avec la patiente. De plus, il existe la possibilité aux sages-femmes de renforcer leurs connaissances et leurs capacités à prendre en charge les femmes enceintes fumeuses par le biais d’un Diplôme InterUniversitaire de tabacologie. Les principales formes de substitutions nicotiniques prescriptibles par les sages-femmes et indiquées au cours de la grossesse sont les timbres transdermiques, les gommes, les pastilles, les patchs ou encore les inhaleurs. Les sprays nasaux sont prohibés en France.
Les grossesses extra-utérines
La consommation de tabac serait responsable de 35% de grossesse extrautérines (GEU), on y retrouve cependant un effet dose dépendant. La migration anormale de l’œuf peut être expliquée par une réduction des battements ciliaires, une altération de la contractilité tubaire ou encore une anomalie dans l’adhésion de l’ovocyte au pavillon tubaire tous provoqués par le tabagisme. Cela affecterait donc le temps de passage au niveau de la trompe de Fallope ce qui entrainerait une nidation anormale au sein de cette dernière.[24] Le risque relatif de faire une GEU pour une fumeuse, au moment de la conception, est multiplie par 1,5 pour une consommation inférieure à 10 cigarettes, par 3 pour 20 cigarettes environ fumées par jour et enfin par 5 pour plus de 30 cigarettes.
Les hématomes rétro-placentaires
Les Hématomes Retro-Placentaires (HRP), sont retrouvés en plus grand nombre chez les fumeuses. [12] Environ 25 % des HRP pourraient être attribués à la cigarette. Le mécanisme de vasoconstriction lié au tabagisme actif et surtout à la nicotine, entraine une fragilité des vaisseaux, des nécroses et des ischémies. Cette vulnérabilité peut aboutir à la rupture d’une artère utéro placentaire créant l’hématome. Cela peut se produire au niveau de la bordure du placenta à l’origine de décollements marginaux ou encore au sein même de la masse placentaire (HRP vrais). Par ailleurs, le risque de HRP est augmenté en fonction du taux d’ HbCO, de l’âge et de la parité. Cependant, dès l’arrêt de l’intoxication tabagique, tous ces effets délétères seraient diminués par deux.
Mortalité fœtale et décès inattendu du nouveau né
En dernier lieu, il est inévitable d’aborder ce qui se rapporte aux morts fœtales in utéro (MFIU). Le tabagisme est responsable d’environ 7,5 à 11% des morts in utero et double le taux d’enfants mort-nés. On retrouve la encore un effet dose dépendant et une augmentation des risques en fonction de l’âge et de la multiparité. En général, les MFIU surviennent au troisième trimestre et sont le plus souvent dues aux retards de croissance et aux anomalies placentaires. Malgré une baisse considérable du nombre de morts inattendues observées chez les nouveau-nés depuis l’instauration du couchage sur le dos obligatoire, des taux avoisinant les 30% sont encore retrouvés en cas de tabagisme maternel anté et postnatal. Celui ci multiplierait le nombre de mort inattendue par 2 et comme toujours le facteur de risque est dose-dépendant. Ainsi, le risque est majoré si on ajoute plus de l’exposition anténatale une exposition passive au nouveau-né après sa naissance. La cause retrouvée et portée responsable de ces morts inopinées serait une sur-activation des récepteurs nicotiniques. En effet, ces derniers peuvent être situés dans une zone du cerveau qui contrôle la respiration et l’éveil pendant le sommeil. A certains moments, l’organisme va manquer d’oxygène pendant le sommeil et il se produit des « microéveils » reflexes vitaux commandés par le cerveau afin d’éviter l’hypoxie voire l’anoxie. La stimulation permanente de ces récepteurs nicotiniques au cours de la grossesse diminue la réactivité des nouveau-nés de mères fumeuses à ces hypoxies et augmente la longueur des apnées obstructives
Les bénéfices de l’arrêt du tabac
Les bénéfices du sevrage tabagique sont immédiats. En effet, au bout de 20 minutes, la pression artérielle et la fréquence cardiaque se normalisent. Apres 8 heures d’arrêt, les concentrations de carboxyhémoglobine (HbCO) et de monoxyde de carbone (CO) diminuent. On observe également une augmentation de l’oxygène sanguin. Dans les 24 à 48 heures, la nicotine et le CO contenus dans l’organisme sont totalement éliminés. Il y a, de plus, une amélioration du gout et de l’odorat. Chez les femmes enceintes, on note une nette décroissance des risques d’infarctus, d’hématome retro-placentaire et des métrorragies. La croissance fœtale redevient normale. Dès 72 heures d’arrêt, la respiration devient plus aisée. Les risques de prématurité, de RPM et de MFIU chutent considérablement. Apres deux à trois semaines, il y a amélioration de la circulation sanguine et de la fonction respiratoire. Au bout de 9 semaines, les complications broncho-pulmonaires et les infections oto-rhynolaryngées (ORL) sont quasiment nulles. Enfin, 5 à 10 ans après la fin de l’intoxication tabagique, on affirme que la fréquence des crises cardiaques est identique à celle des non-fumeurs et que le risque de développer un cancer du poumon est deux fois moindre qu’avant l’arrêt du tabac.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : Tabagisme et grossesse
1. GENERALITES SUR LE TABAC
1.1. Quelques chiffres
1.2. La femme fumeuse
1.3. Composition de la fumée de tabac
1.3.1 Le monoxyde de carbone
1.3.2 La nicotine
1.3.3 Les goudrons
1.3.4 Les substances irritantes
1.4 Législation
1.4.1 Les différentes lois
1.4.2 La charte « maternité sans tabac »
1.4.3 Le droit de prescription des sages-femmes
2. TABAGISME ET GROSSESSE
2.1. La dépendance
2.2. Le déroulement de la grossesse
2.2.1. Les grossesses extra-utérines
2.2.2. Les fausses couches
2.2.3. Les hématomes rétro-placentaires
2.2.4 La rupture prématurée des membranes
2.3. Conséquences sur le fœtus
2.3.1. Le retard de croissance intra utérin
2.3.2. L’hypoxie fœtale
2.3.3. Les malformations
2.3.4. Mortalité fœtale et décès inattendu du nouveau né
2.4. Les bénéfices de l’arrêt du tabac
3. PRISE EN CHARGE DES FEMMES FUMEUSES
3.1. L’initiation au sevrage tabagique
3.1.1. Le conseil minimal
3.1.2. L’intervention brève
3.1.3. L’entretien motivationnel
3.1.4. La mesure du monoxyde de carbone
3.2. Le bilan initial
3.2.1. La dépendance physique
3.2.2. La dépendance psychologique
3.3. La prise en charge pharmacologique
3.4. Les différentes formes de traitement
3.4.1. Le patch (voie transdermique )
3.4.2. Les gommes à mâcher
3.4.3. Les tablettes (microtabs)
3.4.4. Les comprimés à sucer
3.4.5. L’inhaleur
3.4.6. Posologie d’un traitement nicotinique de substitution
3.4.7. Acupuncture et homéopathie
PARTIE 2 : L’étude
1. PRESENTATION DE L’ETUDE
1.3 Description de la méthode
1.3.2 Outil de recherche
1.3.3 Dates et lieu de réalisation
1.3.4 Difficultés rencontrées
2. PRESENTATION DES RESULTATS
PARTIE 3 : Discussion
1. DISCUSSION
1.1 La prise en charge initiale
1.2 La formation des sages-femmes au sevrage tabagique
1.3 L’information délivrée aux patientes
1.4 L’accompagnement de la femme fumeuse
1.5 Le droit de prescription
1.6 Les outils diagnostiques
2. Propositions
2.1 Formation des sages femmes
2.2 Information des patientes
2.3 Organisation du service
Conclusion
Bibliographie
Annexe I
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