Les fractures de la diaphyse humérale représentent 8% de l’ensemble des fractures, et environ 27% d’entre elles concernent la diaphyse. Le traitement orthopédique semble plus pourvoyeur de pseudarthroses que le traitement chirurgical, mais tous traitements confondus, le taux de pseudarthrose varie entre 8 et 23% selon les séries. Cette complication est définie par l’absence de consolidation de la fracture après 6 mois. Il s’agit d’une pathologie particulièrement invalidante, occasionnant douleurs et impotence fonctionnelle. Les radiographies peuvent mettre en évidence l’absence de cal osseux, ou au contraire un cal hypertrophique, selon la classification établie par Cech & Weber. Plusieurs facteurs de risque de pseudarthrose ont été identifiés, certains liés à la fracture comme un trait transversal ou oblique court, une fracture ouverte ou associée à des lésions vasculaires ; d’autres liés au patient comme le tabagisme, l’éthylisme chronique, l’obésité ou la prise d’AINS.
Le traitement chirurgical des pseudarthroses de l’humérus est grevé de 2 à 30% d’échecs et 8 à 20% de complications, notamment la paralysie radiale qui survient dans 6% des cas. Les traitements médicaux décrits tels que l’utilisation d’ultrasons ou l’injection de facteurs de croissance semblent peu efficaces. Le meilleur traitement à ce jour reste la reprise chirurgicale, avec le débridement du foyer de pseudarthrose, l’ostéosynthèse par un montage fiable, associée éventuellement à une greffe d’os spongieux. La séquence chirurgicale, le moyen d’ostéosynthèse et l’utilisation de greffe autologue ou d’autres substituts font pourtant toujours débat .
Stratégie chirurgicale et technique opératoire
Pour les patients pour lesquels un traitement orthopédique de la fracture de la diaphyse humérale avait été indiqué, nous réalisions une ostéosynthèse par plaque accompagnée d’une autogreffe d’os spongieux. La greffe était prélevée aux dépens de la crête iliaque. Dans le cas où le patient présentait un faible risque de pseudarthrose, définit par un score NUSS inférieur à 25, une prise en charge par ostéosynthèse seule pouvait être réalisée. Dans ce cas, il s’agissait d’une ostéosynthèse par plaque après débridement du foyer de pseudarthrose, ou par clou après alésage du fût diaphysaire. En cas d’ostéosynthèse par plaque, nous utilisions une plaque en acier LCP 4.5mm avec des vis corticales. La voie d’abord était latérale et une neurolyse du radial était réalisée. Si la tenue osseuse des vis n’était pas satisfaisante, par exemple en cas d’ostéoporose, nous utilisions des vis verrouillées. En cas d’ostéosynthèse par enclouage centromédullaire, nous utilisions un clou en titane AequalisTM long , inséré par une voie d’abord supéro‐externe, avec un verrouillage proximal et distal. L’alésage était réalisé taille pour taille jusqu’au diamètre du clou (7 ou 8mm).
Les principes du traitement des pseudarthroses sont symbolisés par le diamond concept introduit par Giannoudis et al., qui associe la stabilité mécanique de l’ostéosynthèse, l’apport d’une matrice ostéoconductive, de cellules ostéogéniques et de médiateurs ostéoinducteurs, à travers une vascularisation efficace. Sur le plan chirurgical, ces principes se traduisent par un abord du foyer de pseudarthrose, un débridement, une ostéosynthèse et un apport de cellules ostéogéniques et de leur substrat par une greffe. Cependant, plusieurs auteurs ont publié des travaux sur des prises en charge sans greffe osseuse ou changement d’ostéosynthèse .
Notre travail présente plusieurs limites : il s’agit d’une cohorte rétrospective, non comparative. Les profils des patients et les techniques chirurgicales sont hétérogènes, ce qui a pour conséquence des sous‐groupes de faible effectif, cela ne permettant pas la réalisation de statistiques fiables pour identifier des facteurs de risque d’un échec de prise en charge. Cette étude présente néanmoins des points forts : notre pratique est celle d’un trauma center de niveau 1, exposé à un grand nombre de fractures de la diaphyse de l’humérus et donc de pseudarthroses. A notre connaissance, il s’agit d’une des plus grandes séries parmi la littérature publiée, avec un recul important. Le nombre de perdus de vue est faible, et nous avions peu de données manquantes.
Le gold standard semble être la réalisation d’une décortication du foyer de pseudarthrose puis l’ostéosynthèse rigide associée à un apport de greffe osseuse autologue. Cette technique montre de bons résultats sur le plan de la consolidation. La greffe est majoritairement prélevée au niveau de la crête iliaque mais des techniques comme le RIATM ont fait la preuve de leur efficacité dans d’autres localisations. Le score NUSS peut être une aide à la décision, surtout pour les patients avec un score faible, ce qui correspond aux patients non comorbides traités de façon orthopédique. En revanche, un grand nombre de patients de notre cohorte ont un score moyen, ce qui n’apporte aucune aide à la stratégie chirurgicale.
Le choix du moyen d’ostéosynthèse reste un débat non résolu, et notre travail a montré une consolidation acquise avec des méthodes d’ostéosynthèse différentes. L’utilisation de plaques semble supérieure pour certains auteurs, mais Foster et al. ont publié une série avec un taux de consolidation supérieur (100% versus 80%) avec l’utilisation de 2 plaques plutôt qu’une. Murray et al. ont depuis longtemps démontré la stabilité mécanique d’un montage avec deux plaques en compression placées à 90°, et Karakasli a publié un travail biomécanique démontrant la supériorité d’un montage à 2 plaques sur un montage à une seule plaque dans les contraintes en flexion et en torsion, qui sont prédominantes à l’humérus. Dans ce travail, une plaque LCP 8 trous était associée à des plaques LCP 4, 6 et 8 trous. Ce dernier montage présentait une rigidité axiale supérieure aux autres, mais ceci peut compromettre la consolidation et aboutir à un stress‐shielding et une faillite du matériel. L’utilisation de vis verrouillées peut être un atout pour l’ostéosynthèse chez les patients ostéoporotiques, mais O’Toole et al. n’ont pas montré de différence biomécanique entre les plaques LCP et DCP sur des fractures humérales. Par ailleurs, d’autres auteurs ont mis en évidence qu’un montage verrouillé offre une rigidité supérieure en compression axiale mais pas en torsion .
Le nombre de vis est un paramètre important de la stabilité de la plaque sur l’os et du montage en général. Walker et al. recommandent 4 vis bicorticales de part et d’autres du foyer de fracture. Les travaux de Stoffel et al. montrent qu’au‐delà, ajouter des vis n’augmente guère la stabilité . En revanche, écarter d’un trou la première vis la plus proche du foyer double la flexibilité en torsion du montage .
Dans le cas d’un enclouage centromédullaire, Hoffman et al. ont montré que la stabilité et la rigidité du montage augmentent avec le nombre de vis de verrouillage et l’écart entre celles‐ ci. L’utilisation de vis dans des plans différents n’a pas d’effet sur la rigidité mais neutralise les mouvements de rotation. L’écart inter‐fragmentaire doit être réduit au maximum, Drosos et al. ayant montré que dans le cas d’un enclouage tibial, un écart de plus de 3mm augmente significativement le délai de consolidation .
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Table des matières
ABRÉVIATIONS
PRÉAMBULE
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Population étudiée
Recueil de données
Stratégie chirurgicale et technique opératoire
Méthodologie
Critères de jugement
RÉSULTATS
Description de la population
Facteurs de risque
Fracture initiale
Technique de cure de la pseudarthrose
Résultat du traitement de la pseudarthrose
Choix des méthodes d’ostéosynthèse
Résultats des prélèvements bactériologiques
Exemples de cas
DISCUSSION
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
RÉSUMÉ
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