LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
Dรฉfinitions de la douleur
La douleur est dรฉfinie comme une expรฉrience sensorielle et รฉmotionnelle dรฉsagrรฉable qui peut รชtre associรฉe ou non ร un dommage de tissus rรฉel ou potentiel (Merskey & Bogduk, 1994). Elle peut รชtre divisรฉe en aiguรซ et en chronique. La douleur aiguรซ est moins ambiguรซ. Elle est gรฉnรฉralement causรฉe par une blessure physique ou une maladie qui disparaรฎt avec un traitement ou avec le passage du temps (Melzack, de Wall & Ty, 1982). Tandis que la douleur chronique est celle qui peut dรฉbuter par un รฉpisode aigu. Elle peut survenir aussi suite ร une blessure ou ร certaines maladies provoquant la nociception. Elle est trรจs ambiguรซ. La douleur chronique ne disparaรฎt pas avec un traitement ni avec le passage du temps (Apkarian, Baliki & Geha, 2009). Elle a รฉtรฉ dรฉfinie initialement comme celle qui persiste au-delร du temps normal de la guรฉrison, mais en 1990 Bonica la considรจre comme de la douleur qui persiste un mois aprรจs lโรฉvolution habituelle dโune maladie aiguรซ.
En 1986, lโAssociation Internationale pour lโรฉtude de la douleur (AIED/ IASP) dรฉfinit la douleur chronique comme une expรฉrience neurologique et physiologique qui dure au moins trois mois (IASP, 1986). La douleur chronique peut รชtre, pour dโautres (Apkarian et al. 2009) celle qui persiste au-delร dโune pรฉriode de trois ou six mois. En 2011, Goldberg et MC Gee ont soulignรฉ que la douleur chronique peut affecter tous les groupes dans une population, indรฉpendamment de lโรขge, du sexe, du revenu, de la race ou de lโethnie. En gรฉnรฉral, la douleur sous sa forme aiguรซ ou chronique est une expรฉrience complexe et subjective qui reprรฉsente un handicap majeur souvent ร lโorigine de lโincapacitรฉ (Merskey & Bogduk, 1994). Elle peut diminuer la qualitรฉ de vie dโune personne et lโempรชcher de fonctionner de faรงon autonome. Dโaprรจs les enquรชtes menรฉes sur la douleur par Yates et al. (1998), il y a 46 ร 91 % des personnes hospitalisรฉes ร travers le monde qui souffrent dโune douleur chronique. De faรงon rรฉcente, lโAssociation Internationale pour lโรtude de la Douleur (AIED) ou International Association for the Study for Pain (IASP) et la Fรฉdรฉration Europรฉenne des sections locales de lโAIED dรฉclarent une (1) personne sur cinq (5) souffre de la douleur chronique forte ou modรฉrรฉe.
Selon cette mรชme organisation mondiale, une (1) personne sur trois (3) souffrant de la douleur est incapable, ou mรจne difficilement une vie indรฉpendante (IASP, 2013). Au Canada, la douleur chronique affecte plus de 20 % de la population et dans une confรฉrence de la Sociรฉtรฉ canadienne pour la douleur (DAY, 2008), Choiniรจre a fait mention de lโexistence dโun (1) Canadien sur cinq (5) qui souffre dโune douleur chronique. Selon la derniรจre enquรชte menรฉe par Statistiques Canada (2012) sur la santรฉ de la population canadienne รขgรฉe de 12 ans et plus, il y a 4118085 de personnes au Canada qui souffrent dโune douleur dโintensitรฉ modรฉrรฉe ร sรฉvรจre et 4316271 dโautres souffrent dโune douleur causant un malaise empรชchant la rรฉalisation de leurs activitรฉs (Statistiques Canada-Tableau CANSIM 105-0502, 2011-2012). Un peu partout dans le monde, la douleur est considรฉrรฉe comme un problรจme de santรฉ publique important (Merskey et al. 1994). La douleur physique ou la douleur dโorigine physique sous une forme ou sous une autre est nรฉfaste pour lโorganisme humain. Lโensemble des consรฉquences de la douleur fait dโelle un sujet dโintรฉrรชt.
La douleur ร soi et ses composantes
La faรงon dont la douleur est perรงue par un individu est influencรฉe par une combinaison de facteurs entre autres sensoriel (quand la personne se sent mal quelque part), affectif (cโest le dรฉsagrรฉment causรฉ par la douleur) et mรชme un facteur cognitif (le sens donnรฉ ร la douleur dans un contexte dรฉterminรฉ ou lโรฉvaluation de la douleur sur le plan cognitif) (Melzack & Casey, 1968; Price, 2000; Treede, Kenshalo, Gracely & Jones, 1999). Pourtant, dans la vision traditionnelle, lโaspect sensoriel prรฉdomine. De nos jours, on accorde de plus en plus dโimportance aux aspects affectifs et cognitifs dans les dรฉbats sur la douleur. La discrimination sensorimotrice permet de dรฉterminer lโendroit et le niveau de lโintensitรฉ de la douleur dans le corps (Price, 2000). La composante affectivo-motivationnelle fait rรฉfรฉrence ร lโaspect dรฉsagrรฉable et au comportement de lutte ou de fuite adoptรฉ face ร la douleur. Tandis que la composante cognitivo-รฉvaluative implique un traitement d’ordre supรฉrieur et influence lโexpรฉrience de la douleur (Price, 2000). Il faut souligner que lโattention, les attentes et la capacitรฉ de rรฉรฉvaluation sont des รฉlรฉments de la composante cognitivo-รฉvaluative pouvant influencer lโexpรฉrience et la faรงon dont la douleur est interprรฉtรฉe (Wiech, Ploner & Tracey, 2008). Lโรฉtat รฉmotionnel fait rรฉfรฉrence ร la composante affective de la douleur (moins prรฉcise, beaucoup plus รฉvasive).
Dans lโรtat physiologique les sensations souvent prรฉcises et localisรฉes dans une partie du corps de la personne en souffrance. Il nโest pas toujours facile faire une nette distinction entre les รฉtats รฉmotionnel et physiologique de la douleur par le fait quโils sont fortement corrรฉlรฉs (Price, Harkins & Baker, 1987). La rรฉaction de lโhumain face ร la douleur est influencรฉe par โensemble de ces composantes. Par ailleurs, il semble quโil existe une structure connue sous le vocable de matrice de la douleur (en anglais ยซ Pain Matrix ou Pain Neuromatrix ยป ร la base de tout ce mรฉcanisme Cette structure intervient ร la fois dans les dimensions sensorielles et affectives de la douleur (Rainville, 2002; Apkarian, Bushnell, Treede & Zubieta, 2005). Du point de vue neuroanatomique cette structure comprendrait le thalamus, le cortex somatosensoriel controlatรฉral primaire (S1), le cortex somatosensoriel secondaire (S2), le cortex insulaire (CI), le cortex cingulaire antรฉrieur (CCA) et les aires prรฉfrontales (Apkarian et al. 2005; Peyron, Laurent & Garcรญa-Larrea, 2000; Treede et al. 1999). Alors que certaines de ces diffรฉrentes rรฉgions (par exemple, le CCA et lโinsula antรฉrieure) sont impliquรฉes dans le traitement de la composante affective de la douleur (Peyron et al. 2000; Rainville, 2002), d’autres (comme par exemple le cortex somato-sensoriel) peuvent รชtre beaucoup plus engagรฉes dans le traitement de la composante sensorielle de la douleur (Bushnell et al. 1999; Hofbauer, Rainville, Duncan & Bushnell, 2001; Ingvar, 1999; Porro, Cettolo, Francescato & Baraldi,1998).
Communication non-verbale de la douleur
La personne en douleur essaie gรฉnรฉralement de communiquer sa souffrance ร autrui par le biais des moyens verbaux (les mots) et non-verbaux (la qualitรฉ de la voix, la posture, les mouvements, l’expression du visage, les pleurs, les gรฉmissements, les rรฉflexes de protection et dโactions โฆ) (Blyth, Macfarlane & Nicolas, 2007; Craig, Versloot, Goubert, Vervoort & Crombez, 2010; Labus, Keefe & Jensen, 2003; Von Baeyer & Spagrud, 2007). Dans la communication non-verbale il est possible dโรฉvaluer le niveau de douleur perรงu chez quelquโun sous simple prรฉsentation dโune partie de son corps. Les moyens de communication non-verbaux sont des indices importants dans lโรฉvaluation de la douleur dโautrui et, plus prรฉcisรฉment chez les jeunes enfants et toute personne prรฉsentant certaines difficultรฉs cognitives et langagiรจres (Craig et al. 2010).Voilร pourquoi lโAssociation Internationale pour lโรฉtude de la douleur a prรฉcisรฉ que lโabsence de communication verbale ne symbolise pas lโabsence de douleur (Craig et al. 2010). Cependant, pour un mรชme stimulus de douleur, les signaux non-verbaux sont susceptibles dโรชtre interprรฉtรฉs diffรฉremment. Car, les caractรฉristiques personnelles de celui qui observe la douleur dโautrui peuvent influencer grandement la faรงon dโinterprรฉter les signaux non-verbaux (Craig et al. 2010). En vue de trouver une solution, face ร cette difficultรฉ, Fagerhaugh et Strauss (1977) encouragent les intervenants ร dรฉvelopper une certaine capacitรฉ de comprรฉhension de la douleur dโautrui et en plus, ils les invitent au respect de chaque forme de communication de douleur utilisรฉe par la personne en souffrance.
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Table des matiรจres
CHAPITRE I: INTRODUCTION GรNรRALE
1.1 DรFINITIONS DE LA DOULEUR
1.1.1 La douleur ร soi et ses composantes
1.1.2 Communication non-verbale de la douleur
1.1.3 Observation de la douleur et ses bases neuronales
1.2 LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
1.3 LES FACTEURS INFLUENรANT LโรVALUATION DE LA DOULEUR DโAUTRUI
1.3.1 Empathie
1.3.2 Facteur ethnique
1.3.3 Facteur genre
1.4 OBJECTIFS ET HYPOTHรSES
1.4.1 Objectif 1
1.4.2 Hypothรจse 1
1.4.3 Objectif 2
1.4.4 Hypothรจse 2
CHAPITRE II: MรTHODE
2.1 PARTICIPANTS
2.2 MATรRIEL
2.2.1 La tรขche comportementale et ses composantes
2.2.2 Index de rรฉactivitรฉ interpersonnelle et ses composantes
2.2.3 Lโรฉchelle visuelle analogue (EVA)
2.2.4 Le questionnaire post-expรฉrimental
2.3 PROCรDURE
2.4 ANALYSES
2.4.1 Les variables
2.4.2 Le plan dโanalyse
2.4.3 Conditions de rรฉalisation des analyses pour lโobjectif 1 et lโhypothรจse 1
2.4.4 Les analyses corrรฉlationnelles
2.4.4.1 Les variables des analyses corrรฉlationnelles
2.4.4.2 Plan dโanalyse corrรฉlationnelle
CHAPITRE III: RรSULTATS
3.1 DONNรES DE LโANALYSE DE LโHYPOTHรSE 1
3.2 DONNรES DE LโANALYSE DE LโHYPOTHรSE 2
3.2.1 Donnรฉes de lโanalyse corrรฉlationnelle entre cote de douleur en gรฉnรฉral et scores de rรฉponse ร la sous-รฉchelle prise de perspective
3.2.2 Donnรฉes de lโanalyse corrรฉlationnelle entre cote de douleur en gรฉnรฉral et les scores de rรฉponse ร la sous-รฉchelle prรฉoccupation empathique
3.3 DONNรES DE LโANALYSE DU QUESTIONNAIRE POST–EXPรRIMENTAL
CHAPITRE IV: DISCUSSION ET CONCLUSIONS GรNรRALES
4.1 DISCUSSION
4.2 CONCLUSIONS GรNรRALES
RรFรRENCES
ANNEXES
ANNEXE A : INDEX DE RรACTIVITร INTERPERSONNELLE (IRI) (DAVIS, 1983)
ANNEXE B: FORMULAIRE DโINFORMATIONS SUR LE PARTICIPANT ET VรRIFICATION DES CRITรRES DโINCLUSION ET DโEXCLUSION
ANNEXE C: รCHELLE VISUELLE ANALOGUE
ANNEXE D: MATRICE DE LA DOULEUR
ANNEXE E : STIMULI DOULOUREUX ET NON DOULOUREUX
ANNEXE F: RรSULTATS DโAUTRES ANALYSES
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