Définition et épidémiologie du TDAH
Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDHA) est un trouble neurologique du développement caractérisé par des difficultés d’attention (ou plus communément de concentration) qui peuvent s’accompagner ou non d’une hyperactivité et d’une impulsivité. Il existe des formes mixtes où les difficultés d’attention sont prédominantes et d’autres où l’hyperactivité et l’impulsivité sont les symptômes les plus apparents. D’après une méta-analyse de Polanczyk et ses collaborateurs (2007), la prévalence mondiale du TDAH est estimée à 5,29 % chez les enfants et les adolescents avec un intervalle de confiance à 95 %, de 5,01 à 5,56. Le taux est plus élevé chez les garçons que chez les filles avec une proportion de 2 garçons atteints pour 1 fille. Ce chiffre est une estimation à partir des données obtenues sur 303 articles scientifiques sur le TDAH et inclut 171 756 sujets de toutes les régions du monde. En France, une étude de Lecendreux et coll, (2011) a permis d’établir la prévalence du TDAH chez les enfants français, en se basant sur 1012 foyers. Cette prévalence est similaire à celle du TDAH dans d’autres pays. Les résultats de cette étude montrent que le TDAH touche entre 3,5% et 5,6% des enfants de moins de 12 ans avec une répartition selon les différents types cliniques : 46,5 % de type inattentif, 40 % de type hyperactif-impulsif et 13,5 % de type mixte.
Le trouble anxieux
D’après le DSMV, les troubles anxieux constituent un ensemble de troubles psychologiques dont les symptômes sont notamment une anxiété excessive, un sentiment de peur, des inquiétudes et des comportements d’évitement. Il existe plusieurs formes de troubles anxieux décrits dans le DSM-V mais ils ont tous des éléments communs :
• Le message cognitif commence toujours par les mots “qu’est qui se passerait si … “ qui est le reflet d’une tendance à anticiper le pire.
• Une tendance à s’accrocher à des croyances, des pensées et des émotions négatives avec généralement une difficulté au “laisser aller”.
• Le comportement anxieux conduit à une altération de la qualité de vie.
• Les personnes ayant un trouble anxieux manifestent des symptômes cognitifs, physiques et comportementaux d’angoisse qui sont intenses, fréquents, persistants et graves, et pour qui l’angoisse provoque une détresse qui nuit à leurs capacités sur différents plans comme la vie sociale, la vie affective, et la vie professionnelle. Une revue de Reimherr et coll, (2017) intégrant 1189 patients, a permis de déterminer que 25% des patients atteints de TDAH sont atteints de troubles anxieux. D’après les recommandations de 2018 de la Canadian ADHD Resource Alliance (CADDRA), être atteint d’un TDAH expose également l’individu à des situations qui provoquent l’anxiété. Chez les patients atteints de TDAH, il y a une intériorisation des symptômes, c’est à dire que le patient essaye lui-même d’éviter les symptômes de sa maladie en se contrôlant de façon excessive. Ce contrôle excessif a, pour conséquence, l’émergence d’une anxiété. Cette dernière peut alors être considérée comme une extension naturelle du TDAH. L’anxiété a plusieurs conséquences : en général, l’attention est gravement touchée chez le patient TDAH anxieux. De plus, l’anxiété entraîne une diminution de l’estime de soi et une diminution des performances académiques. Cette comorbidité peut rendre le diagnostic plus complexe à poser, car chez les patients présentant un trouble anxieux primaire, il y a aussi des problèmes de concentration et d’agitation. Ces troubles anxieux primaires sont donc à distinguer d’un TDAH (Houghton et coll, 2017). Enfin cette comorbidité aura une influence sur le traitement car selon les recommandations du CADRRA, en cas d’anxiété associée au TDAH, il faut traiter le TDAH en premier.
Les tics et le syndrome de Gilles de la Tourette
Les tics sont des mouvements compulsifs, surprenants par leur caractère brusque et inapproprié à la situation. Un tic présente les caractères suivants :
• Le déclenchement du tic dépend du degré d’émotivité et de l’attention du sujet.
• Le tic est involontaire.
• Le tic est suppressible temporairement.
• Le tic répond à un besoin d’être réalisé.
On distingue 2 types de tics : les tics moteurs et les tics vocaux. Le syndrome de Gilles de la Tourette est une maladie neurologique à composante génétique caractérisée par des tics involontaires, soudains, brefs et intermittents, se traduisant par des tics moteurs ou des tics vocaux. D’après une étude de Rizzo et ses collaborateurs (2014), entre 4 et 12% des enfants d’âge scolaire sont atteints de tics transitoires, 3 à 4% sont atteints de tics persistants et 0.5% présentent un syndrome de Gilles de la Tourette. De plus, les patients atteints de tics chroniques répondent également aux critères de diagnostic du TDAH dans 50% des cas et 60% à 80% des sujets atteints du syndrome de Gilles de la Tourette présentent un TDAH.
Troubles du comportement alimentaire
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) désignent des perturbations graves du comportement alimentaire. Ce comportement a des répercussions négatives sur la santé physique et mentale de l’individu. Le DSM-V distingue différents troubles :
• L’anorexie mentale (de type restrictif ou associée à une hyperphagie).
• La boulimie.
• L’hyperphagie.
• L’alimentation sélective.
• Le pica qui correspond à l’ingestion de substances non comestibles.
• Le mérycisme qui correspond à un phénomène de « rumination », c’est-à-dire de régurgitation et de remastication.
Une revue de Ziobrowski et de ses collègues (2018) portant sur 20 études a montré que le TDAH était associé à des TCA tels que l’anorexie mentale et la boulimie. Une étude de Yao et ses collaborateurs (2019) a quantifié le risque chez les patients atteints de TDAH de développer un TCA. D’après les chercheurs, un patient atteint du TDAH a un risque 4 fois plus élevé de développer un TCA par rapport à la population générale. Pour l’anorexie le risque est multiplié par 2 mais le CADDRA rappelle aux cliniciens qu’ils doivent être vigilants. En effet, des patients souffrant d’anorexie et d’un TDAH utilisent le traitement pour le TDAH dans le but de perdre du poids, car les psychostimulants peuvent diminuer la sensation de faim. Quant à la boulimie, le risque est multiplié par 5, et une étude récente (Ben Amor et coll, 2019) a démontré qu’iI existe une forte association entre la boulimie, le surpoids, l’obésité et les symptômes du TDAH chez les enfants, les adolescents et les adultes. D’après les auteurs, le comportement d’inattention et le comportement impulsif qui caractérisent le TDAH, pourraient contribuer à la suralimentation. Les patients atteints de TDAH utiliseraient la nourriture comme une forme d’automédication voire de toxicomanie. Cette hypothèse peut être étayée par le fait que la toxicomanie est nettement plus élevée chez les personnes souffrant d’un TDAH que dans la population générale, comme nous le verrons dans le prochain chapitre.
Maltraitance et TDAH
D’après l’OMS : “La maltraitance à l’encontre d’un enfant désigne les violences et la négligence envers toute personne de moins de 18 ans. Elle s’entend de toutes les formes de mauvais traitement physique et/ou affectif, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. Parfois, on considère aussi comme une forme de maltraitance le fait d’exposer l’enfant au spectacle de violences entre partenaires intimes.” D’après une revue de Prayez et ses collaborateurs (2012), il existe une corrélation positive entre maltraitance et TDAH. En effet, un enfant TDAH présente 4 fois plus de risque d’être maltraité. Or les enfants présentant un handicap ont 3,5 fois plus de risque d’être victimes d’une forme de maltraitance. Des taux de 40 % de négligence, de 30 % de maltraitance physique et de 5 % d’abus sexuels se retrouvent chez les enfants TDAH. Le TDAH chez l’enfant constitue vraisemblablement un facteur de risque important de maltraitance, puisqu’on sait que ce risque est en général augmenté en cas de trouble du comportement ou de trouble psychologique. Prayez et ses collaborateurs (2012) pensent que ce risque accru de maltraitance est lié au fait que même si la triade symptomatique est bien connue des parents, ces derniers ont parfois des difficultés à admettre ou à intégrer le fait que la sévérité des symptômes dépend des circonstances et des sollicitations faites à l’enfant. De nombreux parents ne conçoivent pas que les symptômes de leur enfant soient plus sévères en public qu’à la maison, lors du travail scolaire plutôt que lors des jeux, alors que cette variabilité est explicable au travers des caractéristiques de la triade symptomatique. En outre, les changements de symptômes au cours du temps créent des incompréhensions majeures dans l’esprit des parents. Ainsi, certains parents considèrent l’enfant atteint du TDAH comme “ paresseux ” ou comme “ n’en faisant qu’à sa tête ”. Si l’évolution des symptômes n’est pas expliquée aux parents, cela peut provoquer des tensions dans la sphère familiale et des réactions inadaptées envers l’enfant et augmente le risque de maltraitance. Toujours selon les mêmes auteurs, un autre élément qui explique ce risque de maltraitance est le “Burn out” parental. Les parents d’enfants atteints d’un TDAH sont particulièrement soumis au stress et donc au risque de “ burn-out ” et de dépression. Non seulement l’enfant est plus agité, plus bruyant, respecte moins les consignes, n’écoute pas lorsqu’on lui parle, mais il nécessite une supervision quasi constante. Les parents sont extrêmement sollicités au niveau de la prise en charge. Ce facteur de stress est important, les parents de l’enfant TDAH rapportent leur crainte de parler du trouble de leur enfant et de s’entendre répondre qu’ils devraient être “ plus sévères ”, qu’ils “ manquent d’autorité ” ou devraient administrer une correction physique à l’enfant. Si cette “ pression sociale ” pousse certains parents à se montrer plus attentifs aux besoins de leur enfant, elle risque de faire basculer certains parents vers la violence physique. Une étude de Sanderud et ses collaborateurs (2016) s’est notamment intéressée à cette violence physique. L’étude porte sur 4718 sujets et est basée sur des entretiens concernant la maltraitance. Dans cette étude, 20 questions ont été posées aux participants dans trois domaines de la maltraitance dans l’enfance :
• La violence psychologique : « les parents ou les tuteurs ont-ils déjà adressé des paroles humiliantes à l’enfant, en lui disant, par exemple, qu’il est paresseux, stupide ou inutile ?».
• Les abus sexuels : « l’enfant a t’il été forcé à avoir des rapports ? ».
• La catégorie « autres violences » inclut la violence physique : « L’enfant a t’il été battu avec un objet, comme un fouet ? » et la négligence « L’enfant a t’il déjà été affamé par manque de nourriture ou parce que personne n’était disponible pour préparer le repas ?».
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Table des matières
Introduction
Partie I Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité
I.1. Définition et épidémiologie du TDAH
I.2 Symptômes et critères diagnostiques du TDAH
1. La triade de Symptômes du TDAH
2. Les critères diagnostiques du TDAH dans le DSM-V
I.3. Les Comorbidités du TDAH
1. Le trouble anxieux
2. La dépression majeure
3. Trouble de la régulation émotionnelle
4. Le trouble bipolaire
5. Les tics et le syndrome de Gilles de la Tourette
6. Troubles du sommeil
7. Troubles des apprentissages spécifiques
8. Troubles du comportement alimentaire
I.4 Conséquences et évolution du patient
1. Dans l’enfance
2. A l’adolescence
3. A l’âge adulte
I.5.Facteurs de risque du TDAH
1. Le sexe masculin
2. La Prématurité et le faible poids de naissance
3. Le tabagisme prénatal et la consommation d’alcool lors de la grossesse
4. Maltraitance et TDAH
5. Les Régimes alimentaires et les carences nutritionnelles
I.6. Physiopathologie du TDAH
1. Les anomalies structurelles du cerveau
2. Les prédispositions génétiques du TDAH
3. Les hypothèses étiologiques du TDAH
I.7.Prise en charge non médicamenteuse du TDAH
1. La thérapie cognitive comportementale (TCC)
2. La remédiation cognitive
3. La thérapie interpersonnelle
4. La psychothérapie de soutien
5. Le neurofeedback
I.8.Prise en charge Médicamenteuse du TDAH
1. Le Méthylphénidate
2. Les sels d’amphétamines
3. L’atomoxétine
4. La guanfacine
5. La Clonidine
6. Autres traitements
Partie II Le Méthylphénidate
II.1. Le Mécanisme d’action du méthylphénidate
1. Structure et cibles pharmacologiques du méthylphénidate
2. Différences entre le méthylphénidate et les amphétamines
II.2. Indication et prescription du méthylphénidate en France
II.3. Les formes disponibles à l’officine en France
II.4. Pharmacocinétique du méthylphénidate
1. Pharmacocinétique de la forme comprimée à libération immédiate
2. Pharmacocinétique des formes à Libération modifiée
II.5. Condition d’administration du méthylphénidate
II.6. Effets indésirables du méthylphénidate
1. Effets indésirables neuropsychiatriques
2. Risque d’abus et de dépendance
3. Effets indésirables cardiovasculaires et cérébro-vasculaires
4. Effets indésirables sur la croissance et le poids
II.7. Modalité de délivrance
Partie III Prise en Charge à l’officine
III.1. Dépistage, aide au diagnostic, orientation des patients
III.2. Aider les patients à trouver des informations sur le TDAH
1. L’association HyperSupers TDAH
2. Le site TDAH.CA
3. La méthode Barkley
III.3. La prise en charge des parents d’enfant atteint de TDAH
1. Les situations familiales qui influencent le devenir des enfants atteints d’un TDAH
2. Les thérapies familiales
III.4. Conseils du pharmacien à l’officine lors de la délivrance du méthylphénidate
1. Conseils du Pharmacien concernant l’alimentation de l’enfant sous méthylphénidate
2. Conseil du Pharmacien en micronutrition
3. Prise en charge des céphalées de enfants sous méthylphénidate
4. Prise en charge du risque de dépendance des patients atteints de TDAH
5. Prise en charge de l’anxiété causée par le méthylphénidate
6. Prise en charge des troubles du sommeil
Conclusion
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