L’adolescence
L’adolescence, particularités et spécificités
Définition
Historiquement, l’adolescence est devenue une préoccupation scientifique qu’à partir de la révolution industrielle. Il apparaît de façon claire dans la littérature relative à cette période de la vie,que les définitions données varient; il est donc très difficile de figer cette définition dans la mesure où celle-ci varie en fonction de la perspective dans laquelle on la considère.
Dans ce mémoire où le champ de la psychologie est mis en avant, je pourrais reprendre la définition de Store et Church selon laquelle l’adolescence serait « un état d’esprit, une manière d’être qui débute à peu près à la puberté et se termine lorsque l’individu a acquis son indépendance d’action. C’est à dire lorsqu’il est socialement et émotionnellement mûr et qu’il possède l’expérience et la motivation nécessaire à la réalisation du rôle d’adulte ».
Plus généralement, Bee nous dira que l’adolescence est une « période de transition durant laquelle, l’enfant change physiquement, mentalement et cognitivement pour devenir adulte ».
Cette période est donc caractérisée par l’idée de transition entre l’enfance et l’âge adulte et elle est souvent considérée comme l’âge de tous les dangers, comme période de crise, mais aussi comme l’époque des ruptures.
Durant cette période de nombreux changements s’opèrent. Sont à noter dans un premier temps des changements physiques, notamment du à des modifications hormonales (puberté…). Sur le plan cognitif l’adolescent est dans une période d’intellectualisation. Il recherche différentes réponses aux questions qu’il peut se poser : « Qui suis-je ? » « Quel est ce monde qui m’entoure ? »
Sur le plan sociocognitif, l’adolescent doit se rendre autonome par rapport aux figures parentales, il revoit donc l’attache et le lien qui l’unit à ses parents. Il développe alors des relations en dehors du milieu familial.
Au niveau de la personnalité, il va devoir intégrer tous ces changements et s’engager dans des choix sociaux et sexuels.
Tous ces changements sont imposés à l’adolescent; il doit faire avec et composer avec ce qui lui arrive. Parfois, ces derniers peuvent amener à des conflits tant internes qu’externes.
La période de l’adolescence est donc caractérisée par la vulnérabilité, l’adolescent se sent sans défense et protection, il craint de ne plus savoir comment se comporter…
« Qui suis-je ? », l’enjeu identitaire à l’adolescence
Comme je l’ai soulevé précédemment, au cours de l’adolescence,l’individu est soumis à des changements et bouleversements tant internes qu’externes modifiant son schéma corporel et la perception qu’il a de son propre corps. La question du « Qui sui-je ? » à l’adolescence témoigne de la sensation d’étrangeté qui règne à cet âge de la vie et du sentiment d’être étranger à son corps éprouvé par le sujet.
A l’adolescence, l’individu doit faire de « deuil » de son corps d’enfant pour accepter son corps d’adulte. Le sentiment d’identité est alors douloureusement questionné. Dans « le complexe du homard », Françoise Dolto nous dévoile la fragilité qui règne à l’adolescence : « L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même ».
A l’adolescence, l’identité personnelle c’est-à-dire l’ensemble des croyances, des sentiments et des projets rapportés à soi, subit une évolution importante. C’est une période au cours de laquelle l’individu cherche à se construire et à se définir en tant que personne. Comme le souligne Erikson, l’adolescent est véritablement en quête d’une définition de soi. Lors de l’adolescence, beaucoup ont recours à des identités provisoires; autant d’étapes jalonnant la longue définition de leur identité personnelle.
Aussi, dans cette quête d’identité, à l’âge de l’adolescence, beaucoup vont chercher à marquer leur peau. C’est-ce que David Le Breton soulève dans on ouvrage « Signes d’identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles ». En effet, il explique que le tatouage et le piercing par exemple sont autant de marques qui prouvent que l’adolescent cherche à sedifférencier des autres.
Souvent fait à l’encontre du bon vouloir des parents, la caution est donnée par le groupe de pair et non par l’adulte. L’adolescent va donc envisager ces marques, ces dessins sur la peau comme des moyens potentiels de se créer, de se forger une identité.
On peut citer l’auteur : « La marque contemporaine est individualisante » : le corps devient un instrument de séparation : la signification d’un piercing, d’un tatouage va permettre à celui qui le porte de se créer une identité aux yeux des autres.
Ce que Le Breton soulève dans ses propos nous aide à comprendre certains des mécanismes adolescents par rapport à leur corps : dans quelles mesures ce corps peut se transformer en moyen d’expression ou en support permettant de faire passer des messages.
Ces marques (tatouages, piercings…) restent des choix esthétiques et elles n’entraînent pas de souffrances répétées. Elles sont, le plus souvent, réalisées dans de bonnes conditions d’hygiène et en accord avec la loi. Ainsi, ces marques n’ont pas lieu d’être une source d’inquiétude outre mesure.
La prise de risque durant la période de l’adolescence
« Mise en danger » et « prise de risque »
Le risque est inhérent à la vie. Dans une certaine mesure, il fait donc partie de la normalité et il est même encouragé par la société si l’on reprend des expressions couramment utilisées comme « Qui ne risque rien, n’a rien » ou encore « ce sont les risques du métier ».
Ce mémoire entrant pleinement dans le champ de la problématique des conduites à risque, il me semble pertinent et important de faire un petit rappel sur les notions de danger, de risque, de mise en danger et de prise de risque et notamment en ce qui concerne les adolescents.
En ancien français « estre en dangier » signifie « être à la merci de quelqu’un, être soumis à son pouvoir ». Cette définition introduit la notion du rapport à l’autre, avec l’idée de soumission qui renvoie à une certaine forme de passivité : le danger est subi et non choisi.
Le risque quand à lui peut être définit comme un « danger plus ou moins prévisible », en d’autres termes, cela signifie qu’il demeure le fruit d’un choix délibéré.
On en conclut donc que la différence qui existe entre « mise en danger » et « prise de risque » réside dans l’idée que le danger est subi, ce qui sous entend une certaine forme de passivité alors que le risque aussi dangereux soit-il existe uniquement si l’on s’y expose; de cette façon, le sujet se révèle actif dans la volonté de s’exposer à un danger à travers une prise de risque.
Le risque est spécifiquement humain, l’homme est capable d’opter pour des comportements risqués alors que la situation ne l’exige pas. Autrement dit, l’homme peut choisir de se mettre délibérément en danger alors qu’aucun événement ne lui impose.
D’un point de vue psychologique, on ne peut dire d’une conduite qu’elle est risquée si le sujet n’a pas idée du risque qu’il prend en se comportant ainsi.
Si la prise de risque comme comportement humain existe c’est parce que l’homme a conscience de la mort et peut par conséquent choisir de prendre le risque de la mort pour des raisons autres qu’extérieures.
La question qui se pose alors est la suivante : A partir de quand peut-on parler de comportements ou de conduites « à risque » ? Autrement dit, dans quelles mesures la notion de risque est-elle envisagée comme entrainant des comportements menaçants, inquiétants ou encore déviants ?
Les conduites à risque chez l’adolescent
Les conduites à risque sont souvent associées à la jeunesse, elles sont traduites par le fait qu’elles correspondent à des besoins précis de l’adolescence : Recherche de son identité, volonté de tester ses limites, de rechercher de nouvelles sensations ou encore de défier l’autorité.
Définition de la conduite à risque
La conduite à risque est un phénomène complexe aux vues des nombreuses interprétations dont elle peut faire l’objet.
La société dans laquelle nous vivons actuellement implique une nouvelle vision de la liberté; chacun est libre de son devenir et l’idée d’une soumission aux contraintes qui donnaient autrefois une goût à la vie ne prévôt plus.
Les conduites à risque telles qu’elles sont envisagées dans le cadre de ce mémoire de recherche, sont étroitement, si ce n’est nécessairement, liées à l’univers des adolescents dans la mesure où elle contribuent à la construction de leur identité, de leur personnalité.
Ces conduites à risque sont des comportements délibérément choisis en fonction des effets dangereux tant pour soi-même que pour les autres, qu’elles sont susceptibles de produire.
D’une manière générale, elles se situent à la frontière du connu et de l’inconnu, du permis et de l’interdit ou encore du licite et de l’illicite; elles s’opposent fréquemment aux normes et transgressent les règles établies.
Comportements adolescents et conduites à risque : au cœur de la problématique
L’adolescence a toujours été une période difficile tant les bouleversements sont importants à cette période de la vie. Il ne serait pas de trop de dire qu’aujourd’hui, elle l’est encore plus avec la perte des repères, l’éclatement des familles et l’angoisse devant un avenir qui paraît de plus en plus incertain pour certains jeunes.
L’intensité de cette transition adolescente en fait structurellement une période à risque. Les conduites à risque sont fortement liées à l’univers des jeunes contribuant même à la construction de leur personnalité. Les adolescents ont besoin d’expériences nouvelles et intenses de sensations fortes et singulières.
Conception de soi et « estime de soi »
L’adolescent ressent le besoin de se sentir reconnu pour lui-même comme individu afin de se construire mais aussi d’exister aux yeux des autres; deux processus notamment interviennent : la conception de soi et l’estime de soi.
La conception de soi est définie par les croyances qu’a une personne sur elle-même (ses qualités, ses défauts…). L’estime de soi correspond à ce que la personne pense d’elle-même.
L’estime de soi peut évoluer, soit positivement, soit négativement. Chez l’adolescent, la baisse de l’estime de soi, liée à ce que perçoit l’adolescent de lui-même et ce qu’il est réellement, peut l’amener à adopter des comportements à risque. Lorsque l’adolescent a des difficultés « d’affirmation de soi ou un sentiment de non-reconnaissance » ou « des failles narcissiques », le jeune peut être amené à consommer. Les conduites à risques peuvent être alors apparentées à des pratiques paradoxales « d’affirmation de soi ». En d’autres termes, l’individu par la recherche de limites veut accéder à une certaine reconnaissance, « reprendre possession de son existence pour accéder enfin à soi ». Pour chaque adolescent, il est important pour sa maturation et son développement qu’il ait des relations stables avec ses figures d’attachement (la famille notamment…). Pour certains jeunes qui n’ont pas cette qualité de relation, celle-ci peut procurer chez ces derniers un sentiment de mésestimation.
La notion de l’« agir » au cœur des comportements adolescents
Au cœur des comportements adolescents dans les conduites à risque, nous retrouvons cette notion de l’« agir ». Quelque soit la prise de risque, le sujet n’est pas une victime sans ressources, il devient l’acteur, celui qui contrôle les conditions de cette prise de risque et de ses limites.
Agir en signe de souffrance
A l’adolescence, « l’agir » est parfois l’un des modes de communication privilégiés. Les conduites agies qui se manifestent dans la vie quotidienne, vont être alors un moyen d’expression des émotions et notamment des angoisses ressenties.
Ce passage à l’acte se manifeste quand la personne n’arrive plus à verbaliser son état ou encore quand elle veut faire abstraction de choses douloureuses par exemple.
Agir pour interagir
Ces différents passages à l’acte vont avoir plusieurs significations, notamment celle d’être une stratégie interactive : le but étant d’attirer l’attention d’autrui sur un état de souffrance, de mettre au défi les valeurs de la société, de la famille. « L’agir » a également comme signification de réaliser ce qui est autorisé chez l’adulte et interdit chez l’adolescent ou encore pour appartenir à un groupe. « L’agir » paraît alors être un moyen de provoquer la relation, d’attirer l’attention.
Les conduites à risque adoptées par les adolescents nous rappellent combien le rapport à l’autre est au cœur de la problématique adolescente et combien la réorganisation de ce lien à l’autre est difficile.
Le groupe de pairs, un facteur influant sur la prise de risque à l’adolescence
Le jeune adolescent, dans une quête identitaire, va s’identifier au groupe dans lequel il est inscrit. Cette identification va lui permettre de se définir en tant qu’individu et lui conférer l’estime de soi et la conception de soi souhaitée. En effet, l’adolescent cherche d’une part à être indépendant, autonome, mais ressent le besoin constant de se rassurer au travers du regard des autres.
L’adolescent s’initie alors à de nouvelles expériences (à risque notamment) et teste ainsi sa place dans la société, dans laquelle il ne se reconnait pas encore.
Notons tout de même que selon l’individu, l’inscription au groupe s’opère différemment soit selon trois modèles*:
– Par complaisance : Il s’agit de se conformer au groupe sans être influencé par les pensées de ce dernier.
– Par identification : L’individu se conforme au groupe, il s’identifie et recherche à plaire aux membres de ce même groupe. Dans cette modalité on retrouve une notion important et un enjeu primordial pour l’individu : « l’acceptabilité sociale ».
– Par intériorisation : L’individu adhère aux idées et à la pensée du groupe. Pour lui, il ne se conforme pas, les idées du groupe sont les siennes.
Par son inscription dans un groupe, l’adolescent peut être influencé. Afin de pouvoir faire partie de celui-ci, le jeune aura tendance à se normaliser c’est-à-dire adapter ses conduites à celles du groupe afin d’être davantage accepté. Si le groupe influence l’individu, il est important de rappeler que cette influence est réciproque. En d’autres termes, le jeune influence également le groupe auquel il appartient. Cette influence s’exerce dans différents champs : les styles vestimentaires, musicaux… Mais on y retrouve également l‘adoption de comportements à risque.
L’influence des groupes de pairs est prépondérante chez l’adolescent puisqu’il a la volonté, durant cette période, de se dégager de l’emprise familiale : à savoir être autonome et indépendant.
La fréquentation du groupe de pairs peut également motiver l’adolescent à poursuivre certaines conduites risquées, notamment si ces dernières sont valorisantes, car bien vue dans les représentations que les membres du groupe ont des conduites en question. Ainsi, l’exemple de la consommation d’alcool illustre bien ce propos. David Le Breton explique que « l’alcool bénéficie l’aura des choses valorisées, mais encore défendues ou limitées. En consommer entre copains procure le sentiment délicieux de la transgression et accentue la complicité.[…] Avec lui, on « s’éclate », on « délire ». Il a l’avantage de dissiper l’anxiété et le mal vivre».
La consommation d’alcool
Comme nous l’indique l’enquête ESCAPAD publiée par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies en 2011, plus de 58 % des adolescents de 17 ans ont déclaré avoir déjà été ivre au moins une fois au cours de leur vie et 10,5% de consommer de l’alcool au moins dix fois au cours d’un mois.
Au cours des dernières années, de nouveaux termes sont apparus en ce qui concerne la consommation d’alcool à l’adolescence. Ainsi, nous entendons et de plus en plus, le terme de « binge drinking » qui est une pratique consistant à consommer une quantité d’alcool excessive n’ayant pas d’autres buts que celui d’être ivre.
En France, à 16 ans, 3 % des jeunes ont été ivres au moins trois fois durant les trente derniers jours contre 26 % au Danemark ou 23 % au Royaume-Uni (études européennes : ESPAD2 pour les élèves de 16 ans, HBSC pour les élèves de 11, 13, 15 ans). Si la France est un des pays européens les moins touchés en matière d’ivresses régulières adolescentes, cette pratiquea de plus en plus le vent en poupe chez les jeunes et notamment lors des sorties, des week-end ou des fêtes d’anniversaire par exemple. Ces épisodes d’ivresses aigues chez les adolescents comportent de réels risques. Coma éthylique, risque accidentel sur la route ou non, les jeunes lorsqu’ils sont alcoolisés perdent bien souvent le contrôle et peuvent se retrouver en situation de danger.
La consommation de cannabis
L’Observatoire Européen des Drogues et de la Toxicomanie (OEDT) dévoile une étude montrant que la France est le pays d’Europe ayant le plus grand nombre de fumeurs de cannabis âgés de 16 ans.
Un adolescent sur sept, a pris une drogue illicite au moins une fois dans sa vie (Choquet et Ledoux, 1994).
En conclusion, si la prise de produits psycho actifs est souvent initialisée en groupe, ces pratiques ont tendance à devenir aussi, des pratiques solitaires, susceptibles de se répéter et de se transformer en besoin.
Pour la consommation de cannabis, de tabac ou d’alcool, la dépendance est en effet une conséquence non négligeable. Celle-ci se traduit par une réelle incapacité à s’abstenir de consommer ou de contrôler son usage malgré les conséquences négatives sur la santé mais également sur les relations sociales.
Les conduites à risque particulières et minoritaires, le cas de la pratique de la scarification
« Couper court à la détresse »; Cette expression est utilisée par l’anthropologue David Le Breton pour parler des scarifications et des souffrances qu’un ou qu’une jeune adolescent(e) s’inflige au niveau du corps. Entrant dans des périodes de souffrance insupportables, certains jeunes cherchent à s’apaiser en se scarifiant, seul moyen pour eux de mesurer l’existence de leur corps et par là même, seul de moyen de mesurer leur propre existence. Le contrôle de la souffrance entre alors en scène : contrôler une souffrance physique pour tuer momentanément une souffrance intérieure, psychique beaucoup plus grande.
Définition et état des lieux de la pratique de la scarification, conduite à risque minoritaire mais réelle
La scarification est un terme désignant des blessures auto infligées de façon répétée; elles interviennent le plus souvent au cours de la croissance pubertaire, c’est-à dire pendant la période de l’adolescence.
Plus qu’une conduite à risque, certains parlent même de « conduite de rupture » que l’on peut rapprocher de la boulimie ou de l’ivresse alcoolique. Certains auteurs comme Xavier Pommereau (auteur et pédopsychiatre) expliquent que quelques années auparavant, ces conduites de rupture se traduisaient davantage par des fugues, des comportements entrainant un mauvais relationnel, une mauvaise relation avec autrui. Il semblerait que la société actuelle et la place de plus en plus grande qu’elle accorde à l’apparence, à la marque ait augmenté la pertinence pour les jeunes de laisser des traces « visibles » de leur mal-être ou souffrance et notamment sur leur corps.
Souvent, ce phénomène est désigné par le terme d’« auto mutilation » alors que la scarification n’est pas une auto mutilation à proprement dite puisqu’elle n’entraîne pas systématiquement la privation irréversible d’un membre ou d’un organe de la personne se l’infligeant.
Le plus souvent ces scarifications sont visibles sous la forme de coupures ou de brûlures situées majoritairement sur les avant bras, la face dorsale des mains ou encore l’intérieur des cuisses.
Certaines personnes étant dans l’incapacité de s’exprimer (par des larmes, des mots…), de réaliser un partage social de leurs émotions, vont parfois se situer dans ce passage à l’acte vis àvis d’eux-mêmes.
L’auto-agression qu’est la scarification se traduit par cette blessure volontaire, auto-infligée, où la personne a conscience de son acte et des blessures corporelles qu’elle s‘inflige. Les sévices n’ont alors pas pour but la mort, mais plutôt la fonction de se faire souffrir, de se punir de quelque chose dont on se sent coupable consciemment ou inconsciemment, au sens proprecomme au sens figuré.
Des conduites comme celles de la scarification, ne sont susceptibles de constituer des atteintes à autrui qu’indirectement. Elles font parties du registre du ressenti et de l’éprouvé et sont centrées sur le corps de l’individu : d’une part elles questionnent le rapport de l’adolescent à son existence, à sa propre image; d’autre part, à la manière dont il envisage la notion de plaisir(bénéfices secondaires).
Les scarifications sont en nette augmentation depuis une dizaine d’années (Le Breton, Pommereau, Choquet).
Aussi, les résultats de l’enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) effectuée en 2001 par Marie Choquet et Xavier Pommereau auprès des jeunes de 11 à 19 ans qui consultaient les infirmières scolaires donnent quelques indications. A la question « Vous est-il arrivé de vous faire mal (couper, brûler) volontairement ? », 26,7% des filles et 20,6 % des garçons appartenant à ces élèves fréquentant régulièrement l’infirmerie de leur établissement reconnaissent l’avoir fait une ou plusieurs fois au cours de leur vie et respectivement 18,4 % et 15,4% au cours des douze derniers mois.
Ces pourcentages ne sont pas révélateurs de la population générale des adolescents, car les jeunes qui viennent consulter à l’infirmerie sont plus souvent en situation de mal -être, mais ilssont néanmoins préoccupants.
Ce que l’on trouve sur les forums
Durant mes travaux de recherche, je n’ai pas fait de démarche vers des adolescents ou adolescentes se scarifiant et ce pour plusieurs raisons :
Tout d’abord et comme je l’ai évoqué précédemment, j’ai choisi d’orienter mon propos sur les points de vue des personnels éducatifs, j’ai donc privilégié la prise de contact avec différents personnels éducatifs pour étayer ce mémoire.
Aussi, il m’a semblé très difficile en si peu de temps de trouver des jeunes pratiquant la scarification et voulant en parler car il n’est toujours facile pour ces adolescents en situation de souffrance de s’exprimer librement.
Néanmoins, le ressenti du jeune par rapport à cette pratique est à mon sens important, c’est pourquoi il était nécessaire d’en parler.
Si les « pseudos » et « avatars » sur Internet peuvent permettre aux personnes de se cacher, ils peuvent également permettre à ces personnes de parler peut être plus « librement » de leurs soucis. Je me suis donc rendue sur des forums où des adolescents s’expriment à leur manière sur leur comportement risqué de scarification.
J’ai passé beaucoup de temps sur différents forums pour lire les témoignages et commentaires d’adolescents pratiquant la scarification et ayant décidé d’en parler sur ces forums. Beaucoup d’adolescents avouent qu’effectivement ils ont plus de facilités à parler de leurs difficultés par le biais de ces forums qui permettent de cacher leur identité réelle. Ainsi, dans nombre de témoignages, les adolescents s’expriment ainsi : « Je profite que ce soit un site anonyme pour poster ici. » Certains adolescents expriment clairement que l’entrée au collège ou au lycée, ces périodes charnières de la scolarité obligatoire, peuvent être à l’origine d’une forte perte de confiance en soi. L’adolescent se retrouve dans un nouveau cadre de scolaire avec un fonctionnement différent du précédent. Il est parfois difficile pour ces adolescents de faire face à ces changements. Un jeune homme de 16 ans témoigne .
La scarification et le risque suicidaire
Dans l’enquête réalisée en milieu scolaire par Marie Choquet et Xavier Pommereau en 2001, parmi les élèves déclarant avoir déjà effectué une tentative de suicide, près des trois quarts signalaient des antécédents de coupure ou de brûlure cutanée volontaire, contre 16 % chez les autres. Les chiffres fournis par cette enquête nous amènent donc à penser que si ces blessures auto infligées ne sont pas considérées comme suicidaires par la plupart de leurs auteurs, elles restent néanmoins fortement corrélées à ce risque et ne doivent pas être négligées quand on évoque les indicateurs en termes de risques suicidaires.
Aussi, les données suivantes viennent étayer ces propos; elles ne sont pas liées à la pratique de la scarification mais nous donnent de précieuses indications sur les tranches d’âge et le sexe des personnes les plus sujettes à attenter à leur vie.
Approche comparative de la scarification
La scarification, bien qu’elle ne soit pas fréquemment évoquée reste une conduite à risque au même titre que d’autres consommations ou comportements plus répandus et plus massifs chez les adolescents.
Afin de mettre en avant et en lumière la nécessité de caractériser les pratiques de scarifications comme de réelles conduites à risque, je vous présenterai ci-après une comparaison.
L’intérêt de cette comparaison réside dans la volonté de mettre en évidence le fait que la scarification malgré ses particularités peut être apparentée à une autre conduite à risque tant les motivations et les raisons qui poussent un adolescent à la pratiquer peuvent être similaires.
J’ai choisi de comparer la pratique de la scarification avec la consommation de produits psycho actifs.
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Table des matières
Introduction
Partie I : Méthode et dispositif de recueil de données
Partie II : Eléments généraux relatifs à la recherche et analyse diagnostique
Chapitre 1: L’adolescence
1. L’adolescence, particularité et spécificités
1.1 Définition
1.2 « Qui suis-je ? » L’enjeu identitaire à l’adolescence
2. La prise de risque durant la période de l’adolescence
2.1. « Prise de risque » et « mise en danger »
Chapitre 2: Les conduites à risque chez l’adolescent
1. Définition de la conduite à risque
2. Comportements adolescents et conduites à risque : au cœur de la problématique
2.1 Conception de soi et « estime de soi »
2.2 La notion de l’« agir » au cœur des comportements adolescents
2.3 Le groupe de pairs, un facteur influant sur la prise de risque à l’adolescence
3. Les conduites à risques les plus fréquemment repérées à l’adolescence, le cas de la consommation de produits psycho actifs
3.1 La consommation de tabac
3.2 La consommation d’alcool
3.3 La consommation de cannabis
4. Les conduites à risque minoritaires : le cas de la scarification
4.1 Définition et état des lieux de la scarification, conduite à risque minoritaire mais réelle
4.2 La scarification et le risque suicidaire
4.3 Approche comparative de la scarification
Partie III : Etude empirique et discussion générale
Chapitre 3: Milieu scolaire et conduites à risque adolescentes
1. Le point de vue des personnels éducatifs sur l’incidence des conduites à risque sur la scolarité des élèves
1.1 La démotivation
1.2 Le décrochage scolaire
2. L’intérêt du développement de dispositifs de lutte contre les conduites à risque et notamment en milieu scolaire
3. Une prévention à l’Ecole mais pour quelles conduites à risque ?
Chapitre 4: Les résistances et les obstacles potentiels en milieu scolaire aux vues de la pratique de la scarification chez les adolescents ?
1. Une problématique encore mal appréhendée
1.1 Les représentations de la scarification dans l’imaginaire collectif : vers un diagnostic empirique en milieu scolaire
2. Quelles pistes d’action en milieu scolaire pour prévenir les pratiques de scarification
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Glossaire
Annexes