Introduction
[Etre une patiente responsable. Dans ma relation au cancer, il m’appartenait d’assumer ma responsabilité personnelle. Je veux être une patiente responsable. Pour cela, il faut bien s’informer. C’est essentiel. J’appelle cela « La connaissance contre la peur ». Cela apporte un soulagement de s’immiscer dans le traitement et de participer à la prise de décision. Ce n’est pas toujours facile. Il y a des décisions que l’on doit prendre tout seul. A un moment de mon traitement, je me suis décidée contre une chimiothérapie. Cela a été la décision la plus difficile de ma vie. On ne devrait pas entamer un traitement sous la pression. Je trouve qu’il est également important de recourir à un deuxième avis avant toute opération ou tout traitement décisif. (Damaris)] (Ligue suisse contre le cancer, 2009). Lors de l’annonce du diagnostic de cancer, les patients débutent un long chemin sur lequel ils vont être entraînés malgré eux. Lors de cette période, les patients doivent prendre des décisions quant aux traitements et cela peut représenter une difficulté. C’est pourquoi, nous nous interrogeons sur l’accompagnement spécifique de ces patients.
Dans le témoignage ci-dessus, la patiente parle de sa relation au cancer et exprime le fait qu’il peut être salutaire d’être responsable, de s’engager et de participer à la prise de décision concernant le traitement. Dans ce travail, nous commencerons par décrire notre problématique et expliciter la question de recherche qui en découle. Dans un deuxième temps, nous définirons les concepts de ce travail qui sont le cancer et la prise de décision, sous l’angle des concepts de la théorie de la Transition d’Afaf Meleis. Nous allons ensuite décrire notre stratégie de recherche d’articles et faire une synthèse des résultats de ceux-ci, selon les concepts de la théorie de la Transition, avant de les discuter. Une réponse à la question de recherche ainsi que des recommandations pour la pratique et pour la recherche seront finalement apportées avant la conclusion de ce travail.
Les conditions de transition : facilitantes ou entravantes
Les conditions d’une transition ont un rôle dans l’évolution de celle-ci. Elles peuvent faciliter ou entraver le processus vers la réalisation d’une transition en santé (Schumacher & Meleis, 1994). Les conditions d’une transition comportent des facteurs personnels, communautaires et sociétaux (Im, 2010, p.421). Les conditions personnelles sont le sens donné aux événements précipitant la transition, les croyances et les attitudes culturelles, le statut socio-économique, la préparation et la connaissance (Im, 2010, p.422). Une préparation au préalable ou au contraire un manque de motivation pourrait faciliter ou inhiber l’expérience de la transition chez les patients (Im, 2010, p.422). La préparation permettra une certaine gestion de l’incertitude et un investissement de la part de l’individu dans sa période de transition. Ainsi, il ressentira le besoin d’acquérir de nouvelles connaissances et de développer des habiletés. C’est un élément central de la théorie intermédiaire de la transition.
La personne vademander à recevoir plus que des encouragements de la part de l’infirmière. Elle aura le désir de connaître précisément les points reliés à sa maladie. concernant sa situation va être un obstacle pour la prise de décision dans un moment de difficulté tel que l’annonce d’une mauvaise nouvelle (Schumacher & Meleis, 1994). Les facteurs communautaires sont les ressources provenant de la famille, des amis ou des professionnels de la santé. Le soutien social provenant de la communauté peut être une richesse pour la personne et une aide primordiale pour maintenir le bien-être (Schumacher & Meleis, 1994).
Cependant, lorsqu’il n’y a pas de soutien ou que la communication avec les soignants est moindre, les individus disent ressentir un sentiment d’impuissance, de confusion, de frustration et de conflits pendant la période de transition (Johnson, Morton & Knox, 1992). En soins infirmiers, les patients qui expérimentent une transition dans leur environnement propre, auront une vision de leur situation de santé et donneront un sens à leur pathologie (Aubin & Dallaire, 2008). La manière dont la personne interprète ces événements influence la qualité de la transition.
De ce fait, la compréhension des conditions personnelles, communautaires et sociétales du patient traversant une transition sont une aide pour évaluer les conditions facilitantes ou entravantes (Aubin & Dallaire, 2008).En plus de ces conditions, des moyens permettent de vérifier l’évolution de la personne au sein de sa transition. Ces moyens se nomment modèles de réponses, constitués d’indicateurs de processus et d’indicateurs de résultats (Aubin & Dallaire, 2008).
Les interventions infirmières
Les interventions infirmières ou thérapeutiques en soins infirmiers de Schumacher et Meleis (1994) contiennent trois mesures à appliquer durant les transitions. Dans un premiers temps, elles ont proposé qu’une évaluation de niveau de préparation soit intégrée à la thérapeutique des soins infirmiers en multidisciplinarité. Elle est complète car elle nécessite uneévaluation de chacune des conditions de transition de manière à en ressortir un profil individuel du niveau de préparation du patient (Im, 2010, p.422).
Dans un second temps, la préparation à une transition est perçue comme une intervention qui comporte de l’éducation. Il s’agit d’un point central à mettre en place pour une transition optimale (Im, 2010,p.422).Un troisième élément est également identifié comme thérapeutique de soins : le rôle de soutien et de suppléance inhérent aux professionnels de la santé.
Critères d’inclusion et d’exclusion
Ci-dessous sont présentés les critères d’inclusion et d’exclusion qui ont été appliqués tout au long de la recherche sur les bases de données. Ces critères nous ont permis d’affiner notre recherche et de s’assurer que les articles retenus pour ce travail répondaient à notre question de recherche.
Critères d’inclusion
– Langue : français et anglais
– Année : articles datés publiés il y a moins de 10 ans
Critères d’exclusion
– Articles qui n’impliquent pas les infirmières
– Articles n’impliquant pas les patients adultes ayant un cancer
CINHAL
Au total, deux articles ont été trouvés grâce à l’association de descripteurs sur cette base de données. L’équation de recherche « Cancer patients AND treatment AND self decision OR Participation OR Empowerment AND Decision making » a donné 12’469 résultats après avoir fait le tri des articles qui ne parlaient pas des adultes en sélectionnant « all adult » sur la base de données. Nous avons alors obtenu cet article :
Ramfelt, E., & Lützen, K. (2005). Patients with cancer: their approaches to participation in treatment plan decisions. Nursing Ethics, 12 (2), 143-156. A partir de l’équation « Cancer AND treatment AND self decision » qui a donné 156 résultats, nous avons pu retenir un article : Hacking, B., Wallace, L., Scott, S., Kosmala-Anderson, J., Belkora, J., & McNeill. A. (2012). Testing the feasibility, acceptability and effectiveness of a « decision navigation » intervention for early stage prostate cancer patients in Scotland – a randomised controlled trial. Psycho-Oncology, 22, 1017- 1024.
Conditions personnelles
Sens donné à la transition durant le processus .Dans une étude contrôlée randomisée ayant pour but d’évaluer l’influence d’un outil d’aide à la décision sur les facteurs antécédents, et les médiateurs associés à l’empowerment des patients avant la prise de décision concernant le traitement (n=452), les résultats ont montré que la compréhension du cancer et la confiance dans la participation ont une influence positive sur l’attitude face au cancer (Alden, 2014). Ainsi ces éléments amènent le patient à donner un sens à la transition qu’il vit par sa maladie.
Préparation et connaissances Plusieurs études relèvent que la préparation et les connaissances jouent un rôle important dans le processus de prise de décision concernant le traitement médical. Elles font partie des conditions personnelles pouvant faciliter ou entraver la transition. Une partie de la préparation fait référence aux connaissances des patients, elle relève donc de l’information donnée. Dans l’étude de Stacey et al. (2010), les patients ont révélé non seulement vouloir de l’information mais aussi être aidés à la comprendre et que les professionnels de santé soient à l’écoute. Dans cette étude, les patients à qui on a offert le choix du traitement ont été plus actifs dans la prise de décision (Stacey et al., 2010). Cette donnée est en lien avec la préparation nécessaire pour un processus de prise de décision en santé. Dans l’étude d’Ernst et al. (2013), le besoin d’informations et le besoin d’augmenter ses connaissances ont été démontrés par ce que les patients relèvent. Ils ont dit être dépassés par la complexité de la maladie qu’est le cancer du sang et par la complexité de la thérapie.
Ils ont relevé un manque de soutien notamment de matériel d’autosoin, d’informations données et de groupes de soutien. Toujours selon Ernst et al. (2013), ceci pourrait conduire à un faible degré d’Empowerment, qui peut être vu comme un indicateur de processus plutôt négatif relié à un manque de préparation et de connaissances.Les patients ont dit ne pas vouloir être submergés par les informations mais recevoir juste le nécessaire (Ernst et al., 2013). Il convient donc de doser l’information à donner. Dans une étude randomisée clinique portant sur l’évaluation de l’impact d’un outil d’aide à la décision chez des patients atteints de cancer et évaluant la relation entre cet outil et l’utilisation de mécanismes de coping par les patients (n=122), les résultats ont montré que les patients vivent une transition en santé (Chabrera, Zabalegui, Bonet, Caro, Areal, Gonzalez et al., 2014).
En effet, une partie de l’outil comprenait des informations sur la prostate, le cancer de la prostate, les options de traitement ainsi que les bénéfices et risques de chacune des options. L’amélioration des connaissances des patients a montré alors des résultats positifs en termes de prise de décision (Chabrera et al., 2014). Ces indicateurs de résultats sont présentés sous le concept de « modèles de réponses » selon la théorie intérmédiaire de la Transition. Ce besoin d’informations et donc de connaissances a également été relevé par une deuxième étude. En effet, selon Alden (2014), le désir d’information médicale des patients a une influence positive sur le self-empowerment.
Le self-empowerment qui en résulte fait partie des indicateurs de processusdémontrant le parcours vers une transition en santé. L’outil d’aide à la décision testé par cette étude a augmenté le désir d’informations des patients. Autrement dit, l’utilisation de cet outil d’aide à la décision a valorisé le désir d’informations des patients qui en verraient leur Empowerment augmenter. Cet outil était informatisé et contenait des informations de base sur le cancer et ses traitements (Alden,2014).La préparation des patients peut être liée à d’autres notions que ce qui a trait aux connaissances. Dans l’étude d’Ernst et al. (2013), il est apparu qu’un manque de préparation des patients pourrait se traduire par un sentiment de détresse lié à la période qui suit l’annonce du diagnostic. Ce sentiment de détresse a été démontré comme étant un facteur limitant l’habileté à prendre des décisions partagées, représentant ainsi une condition personnelle entravant le processus de transition.
Croyances et attitudes culturelles
Les croyances ainsi que les attitudes culturelles des patients influencent également le processus de prise de décision. Différents auteurs ont relevé des données qui peuvent être classées sous ce concept. Dans l’étude de McConigley et al. (2011), menée en milieu rural, les données ont montré que différentes croyances et attitudes culturelles influencent l’implication dans le processus de transition et donc la prise de décision. Certains patients dédramatisent les signes et symptômes avant coureur du cancer et consultent tardivement, ils attendent de manière prolongée jusqu’à ce que les symptômes soient insupportables et aigus. Ces patients ont présenté également un manque de compliance quant au traitement (McConigley et al., 2011).
Ces données ont démontré qu’un faible niveau d’implication vis– à-vis de leur maladie peut être mis en lien avec des croyances et attitudes culturelles. La transition peut en être entravée. Certains patients de cette étude ont laissé le spécialiste choisir pour faciliter la prise de décision. Une confiance implicite quant à leur prise en charge et une confiance dans le système de santé a été signalée (McConigley et al., 2011). Il s’agit d’éléments également liés aux aspects culturels. Cette préférence de laisser le médecin prendre la décision, pouvant être liée à des aspects culturels, a également été relevée par l’étude d’Ernst et al. (2013). En effet, certains patients ont préféré laisser le médecin choisir pour ne pas assumer de responsabilités médicales et cette composante fait partie des croyances et attitudes culturelles susceptibles d’influencer l’implication des patients et donc le processus de transition en santé. Dans cette même étude, les patients ont évoqué avoir des attentes paternalistes envers les médecins, ce qui pourrait être un élément culturel. Les patients ont mis également en lien ces attentes avec le sentiment de détresse qu’ils ont ressenti à l’annonce du diagnostic, ressorti plus haut comme étant lié à un manque de préparation dans les conditions entravantes.
Développement de la confiance, du coping et interaction
Le développement du coping est un indicateur de processus dans le sens où il montre que le patient a des stratégies pour entreprendre et réussir la prise de décision concernant le traitement médical du cancer. En effet, Ramfelt et Lützen (2005) ont montré que la participation des patients est une manière saine de promouvoir le coping. En revanche, les patients qui ont eu des difficultés avec la prise de décision ou qui n’ont pas participé, ont présenté des caractéristiques comme l’incertitude, l’humeur dépressive, le fait d’être submergés par les décisions à prendre et de ne pas avoir le temps, pouvant justement être mises en lien avec un manque de développement du coping (Ramfelt & Lützen, 2005). Les patients ont présenté des stratégies d’adaptation et également de la confiance notamment lorsqu’ils ont eu des interactions facilitantes durant leur processus. Un sentiment de confiance en soi et de compétences personnelles ont facilité les interactions avec le médecin et ainsi la participation à la prise de décision (Ramfelt & Lützen, 2005). Le manque d’interaction entre le patient et le médecin ainsi que la monopolisation de la décision par ce dernier ont déjà été soulevés comme étant des facteurs communautaires entravants (Ernst et al., 2013). Dans l’étude contrôlée randomisée qui avait pour but d’évaluer la faisabilité, l’efficacité et l’acceptabilité d’une intervention de Navigateur de décision pour des patients atteints de cancer de la prostate (n=123), il a été montré que l’intervention a permis une transition en santé pour les patients, mise en évidence par des résultats positifs liés à la prise de décision (Hacking, Wallace, Scott, Kosmala-Anderson, Belkora, McNeill, 2012).
L’intervention a consisté en l’implication d’un navigateur de décision, c’est-à-dire d’un assistant de recherche, qui rencontre le patient avant sa consultation avec le médecin afin de l’aider à identifier ses questions clés ainsi que ses préoccupations et enfin l’accompagner à la consultation (Hacking et al., 2012). Une diminution des conflits décisionnels, une augmentation de l’efficacité personnelle ainsi qu’une diminution des regrets associés aux décisions prises ont été observées. Il s’agit également d’indicateurs de résultats liés au développement de la confiance et du coping. Ernst et al. (2013) ont présenté encore d’autres stratégies liées au coping que mettent en place les patients.
Ces derniers nomment effectivement leurs besoins, notamment un besoin de soutien émotionnel (Ernst et al., 2013). Dans l’étude de Chabrera et al. (2014), la brochure d’aide à la décision qu’ils ont testée a permis une transition en santé chez les patients prouvée par une diminution des conflits décisionnels ; en accord avec les résultats de l’étude de Hacking et al. (2012), mais a aussi permis une augmentation de la satisfaction ainsi qu’une augmentation de l’utilisation des mécanismes de coping. Des indicateurs de processus sont également relevés par Alden (2014) en faisant référence à l’Empowerment des patients .
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Table des matières
1. Introduction
2. Problématique
3. Cadre théorique
Le cancer
Prise de décision
4. Stratégie de recherche documentaire
4.1 Critères d’inclusion et d’exclusion
4.2 CINHAL
4.3 Medline
4.4 Critique de la stratégie de recherche
5. Résultats
5.1 Tableaux de présentation des résultats
5.2 Synthèse des résultats
5.2.1 Nature des transitions
5.2.2 Conditions de transition facilitantes et entravantes
5.2.3 Modèles de réponses
5.2.4 Interventions
6. Discussion
6.1 Validité et limites par étude
6.2 Résumé et confrontation des principaux résultats
6.2.1 Propriétés
6.2.2 Conditions de transition facilitantes et entravantes
6.2.3 Modèles de réponses
6.2.4 Interventions
6.3 Généralisation des résultats
6.4 Réponse à la question de recherche et recommandations pour la pratique
6.5 Mise en perspective avec la littérature récente
6.6 Recommandations pour la recherche
7. Conclusion
8. Liste de références bibliographiques
9. Bibliographie
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