LA PROCEDURALISATION DES LICENCIEMENTS DANS LE GROUPE
Il convient de rechercher si le droit du travail protège l’emploi des salariés faisant partie d’un groupe. De plus en plus de groupes de sociétés ont recours à des plans de restructuration, et nombreux sont les salariés qui perdent leurs emploi, parfois sans que la nécessité économique soit justifiée. Les groupes de sociétés n’hésitent pas à se séparer de leurs salariés pour ne pas prendre de risques financiers. Dans ce contexte, il sera intéressant d’appréhender la prévention du licenciement par la notion de contrainte. Cette contrainte est caractérisée par « la procéduralisation » selon le terme de Louis FAVOREU. François GAUDU, lui aussi soulevait « cette tendance à la procéduralisation », notamment dans la des licenciements économique. Une contrainte devrait dissuader les groupes de recourir à des licenciements stratégiques. Cet effet dissuasif est au service de la protection de l’emploi. Ces caractères contraignants et dissuasifs pour l’employeur qui projette de licencier des salariés sont autant de démonstrations élaborées par le législateur pour prévenir les licenciements économiques, et par là même, protéger l’emploi.
LA PROCEDURALISATION APPLICABLE AU GROUPE
Par accord syndical du 20 octobre 1986, repris par la loi du 30 décembre 1986, les syndicats ont négocié avec succès l’instauration d’une procédure longue et lourde. Cet accord avait été prévu en remplacement de la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, qui depuis la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a été réinstaurée . Le législateur n’a pas prévu de procédure de licenciement spécifique au groupe de sociétés, mais ce droit existe à travers l’application de cette procédure de licenciement telle qu’elle existe, au groupe. La procédure de licenciement économique est stricte et orientée vers la protection de l’emploi. Elle s’applique communément que l’entreprise fasse ou non partie d’un groupe, car elle adaptable au groupes de sociétés.
Il convient ici de mettre en exergue la prévention des licenciements économiques par une procédure contraignante pour l’employeur, nécessaire pour prévenir ou éluder le nombre de licenciement. Il convient également de comparer les dispositifs de protection de l’emploi en l’existence d’un projet de licenciement individuel, ou collectif. L’employeur qui doit appliquer la procédure de licenciement individuel se heurte moins à une procéduralisation marquée, à l’aune de celle des licenciements collectif. Par exemple, dans le cadre d’une procédure de licenciement individuel, la consultation du comité d’entreprise n’est que facultative, et la procédure d’entretien préalable ne représente qu’une « obligation de convocation » ; il n’en reste pas moins que cette contrainte est de mise lorsqu’il s’agit pour l’employeur de licencier un salarié, car le motif du licenciement doit être dicté par le motif invoqué .
En somme, la procédure de licenciement individuel et collectif est orientée vers la protection de l’emploi . Cependant le licenciement collectif se distingue par l’existence d’un renforcement du processus de consultation et de protection de l’emploi .
Le licenciement individuel et collectif : une procédure orientée vers la protection de l’emploi
La procédure de licenciement économique individuel est presque identique à celle du licenciement pour motif personnel. Mais il demeure des spécificités attachées à la procédure du licenciement individuel pour motif économique. Ces spécificités sont mises en exergue par l’application de l’ordre des licenciements (§3), représentant une mesure de prévention à l’arbitraire de l’employeur et donc préservant l’égalité de traitement des salariés. Cette contrainte est également notable par la procédure de notification car elle nécessite l’indication par l’employeur de mesures accompagnatrices dans l’emploi (§4). Lors d’un licenciement individuel, l’entretien préalable est une obligation de forme (§2), et la consultation du comité d’entreprise n’est que facultative (§1).
Le caractère facultatif de consultation préalable à un licenciement individuel
Le droit du travail fait état du caractère facultatif de consultation du comité d’entreprise, ou des représentants du personnel le cas échéant, dans le cadre de la procédure du licenciement individuel. Il semble que cela est dû à la rédaction du Code du travail qui prévoit la consultation uniquement dans le cadre d’un licenciement collectif. En effet, l’article L. 2323-6 du Code du travail dispose que « le comité d’entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ». L’article L. 1233-8 du Code du travail issu de la loi du 22 mars 2012 dispose que « l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d’entreprise dans les entreprises «d’au moins cinquante salariés », les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés, dans les conditions prévues par la présente sous-section ».
Il convient, à la lecture de ces articles, de réitérer les propos avancés précédemment. Autrement dit, le caractère facultatif de cette consultation « peut » être inféré, et bien entendu, ces dispositions s’appliquent à l’entreprise faisant partie d’un groupe de sociétés. Pourtant, rien ne s’oppose à ce que l’on interprète l’article L. 2323-6 du Code du travail en ce que la consultation pourrait être obligatoire compte tenu de l’information relative au volume et à la structure des effectifs de l’entreprise ou du groupe.
La Chambre criminelle opte pour une consultation facultative en cas de licenciement individuel. En effet, elle décide dans un arrêt du 13 janvier 1998 que « l’incrimination prévue par l’article L. 432-1 du Code du travail (L. 2323-6 nouveau) n’est ni obscure ni imprécise. En effet, l’obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise, prévue par l’alinéa 1 er de ce même texte, s’entend des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle, dès lors que lesdites mesures sont importantes et ne revêtent pas un caractère ponctuel ou individuel » . Il apparait alors évident que l’article en question doit être interprété de manière à rendre cette consultation facultative dans le cadre d’un licenciement individuel pour motif économique, et cela au regard de l’absence d’ambiguïté relevée par la chambre criminelle .
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I – LA PREVENTION DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE DANS LE GROUPE DE SOCIETES
TITRE I – LA PROCEDURALISATION DES LICENCIEMENTS DANS LE GROUPE
CHAPITRE I – LA PROCEDURALISATION APPLICABLE AU GROUPE
Section I – Le licenciement individuel et collectif : une procédure orientée vers la protection de l’emploi
Section II – Le licenciement collectif : une procédure renforçant le processus de consultation et de protection de l’emploi
CHAPITRE II – L’OBLIGATION DE RECLASSEMENT SPECIFIQUE AU GROUPE
Section I – Le périmètre de l’obligation étendu au groupe de sociétés national
Section II – Le périmètre de l’obligation étendu au groupe de sociétés transnational
TITRE II – L’ANTICIPATION DES LICENCIEMENTS DANS LE GROUPE
CHAPITRE I – L’ANTICIPATION PAR LA NEGOCIATION DANS LE GROUPE
Section I – L’incitation au maintien négocié de l’emploi
Section II – L’incitation à la rupture négociée du contrat de travail
Section III – L’incitation à la cession de l’entreprise
CHAPITRE II – L’ANTICIPATION DANS LE CADRE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE
Section I – La procédure de licenciement économique confrontée au droit des procédures collectives
Section II – La prise en compte insuffisante des entreprises en difficulté par le droit du travail
PARTIE II – LA MISE EN OEUVRE DU LICENCIEMENT ECONOMIQUE DANS LE GROUPE DE SOCIETES
TITRE I – LA CONTESTATION DU LICENCIEMENT DANS LE GROUPE
CHAPITRE I – LES CONDITIONS D’UN RECOURS
Section I – Les sources nationales applicables au groupe national
Section II – Les sources internationales applicables au groupe transnational.
CHAPITRE II – LA CAUSE REELLE ET SERIEUSE SPECIFIQUE AU GROUPE
Section I- Une procédure de licenciement dictée par le motif invoqué
Section II- Une procédure de délégation de pouvoir respectée
TITRE II – LA PRISE EN COMPTE DE LA SPECIFICITE DU GROUPE PAR LE JUGE
CHAPITRE I.- DES RESPONSABILITES A RECHERCHER DANS LE GROUPE
Section I – La recherche des motifs réels du licenciement par le juge
Section II – La recherche des auteurs réels du licenciement par le juge
CHAPITRE II – DES SANCTIONS ADAPTEES AU GROUPE
Section I – L’allocation de dommages et intérêts fondée sur l’absence de cause économique du licenciement
Section II – La nullité fondée sur l’insuffisance ou l’absence du plan de sauvegarde de l’emploi
Section III – Confusion avec l’admission d’une reconnaissance de la personnalité morale du groupe ?
CONCLUSION
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