La prévalence de l’utilisation de l’isolement en psychiatrie hospitalière

La prévalence de l’utilisation de l’isolement en psychiatrie hospitalière

La prévalence varie d’un pays à l’autre. Ces chiffres que nous exposons ici sont à prendre avec prudence car l’isolement est malheureusement peu recensé dans les pays occidentaux avec des critères communs. Un certain nombre de facteurs influencent l’épidémiologie tels que la législation, les protocoles d’utilisation, l’architecture du service, le nombre de personnes spécialisés en psychiatrie ou non ainsi que la culture de l’établissement (Palazzolo, 2002). Les pourcentages varient également selon les troubles psychiatriques. Toutefois, dans toute institution, la contention est utilisée. Une étude réalisée en 2004 dans 10 hôpitaux psychiatriques allemands démontre que 9.5% des 36’690 personnes hospitalisées cette année-là ont été exposés à des mesures d’isolement. [Traduction libre] (Steinert & al., 2006, p.144) Certaines pathologies semblent plus associées à l’usage de contraintes et d’isolement, notamment les troubles de la personnalité, un retard mental, la schizophrénie et la consommation de substances. Vingt-huit pour cent des patients mis en CSI ont été diagnostiqués d’un trouble mental organique. Des études finlandaise et allemande vont dans le même sens et démontrent que les patients atteints de schizophrénie sont plus susceptibles d’être mis en isolement ou d’user de mesures de contrainte. [Traduction libre] (Keski-Valkama et al, 2009 ; Martin, Bernhardsgrütter, Goebel et Steinert 2008) Selon une étude grecque, les patients admis volontairement ont un risque moins élevé d’être placés en isolement. [Traduction libre] (Bilanakis, Kalampokis, Christou & Peritogiannis, 2010, p.407)

Le décalage entre le vécu des patients et celui des soignants Force est de constater qu’il y a un important décalage entre le vécu des patients et celui des soignants. Dans une étude australienne regroupant 29 participants et 60 infirmières, un seul patient contre 36 infirmières croient que l’isolement est bénéfique. Concernant le sentiment qu’éprouvent les infirmières lorsqu’elles doivent mettre un patient en isolement, une sur deux réfute le sentiment de pouvoir sur le patient. De plus, 44 infirmières disent ne pas éprouver un sentiment de satisfaction ou de culpabilité. Cependant, 25 patients perçoivent un sentiment de pouvoir et de satisfaction chez les infirmières. [Traduction libre] (Meehan, Bergen & Fjeldsoe, 2004, p.36) Le vécu des patients. La majorité des patients vivent le placement en CSI comme traumatisant. Ils décrivent une expérience négative en termes d’anxiété et de sentiment de punition. [Traduction libre] (Meehan & al., 2004, p.34) Ce vécu négatif aurait également une incidence sur la durée d’hospitalisation et notamment sur une augmentation marquée du séjour (Cano & al., 2011, p.5). De plus, les mesures de contrainte vont parfois à l’encontre des droits du patient. L’étude française de Cano et al. (2011), auprès de 30 patients, démontre bien ce phénomène.

En effet, 22 patients expriment avoir eu peu d’informations et ne pas avoir pu en bénéficier lors de leur placement en isolement. Ils estiment que le motif de la mise en CSI n’était pas clair lors de leur prise en charge : « rien, je ne comprends pas », « pas d’explication claire » et « à l’hôpital, on fait ce qu’on veut de vous » (p.7). Le confort des chambres d’isolement semble également rudimentaire. Un quart des patients ont décrit la chambre d’isolement en termes de « non vivable ». Un état de « saleté » et de « dégradation » a été relevé permettant d’associer la CSI à un « cachot » ou une « prison ». Le manque d’accès au lavabo et aux toilettes a également été mentionné (p.7). Finalement, dans son étude, Drozdek (2012) a évalué le vécu subjectif des patients en termes de pénibilité lors de la mise CSI. Les facteurs les plus significatifs sont la contrainte appliquée, l’humiliation et la séparation avec les soignants (p.58). Le vécu des soignants. Les soignants, quant à eux, voient le placement en CSI comme un objectif thérapeutique permettant de contrôler et réduire les stimulations, un objectif sécuritaire et non punitif (Bardet Blochet, 2009, p.6).

Les infirmières s’accordent à dire que la CSI permet au patient d’échapper à la tension présente dans le service et donc de bénéficier de calme et de sécurité. [Traduction libre] (Meehan & al, 2004, p.36) Quant à la question du manque de personnel soignant, peu d’études font état de cette problématique alors que la mise en CSI nécessite une évaluation infirmière rigoureuse, une surveillance rapprochée et de nombreux soins (Bardet Blochet, 2009, p.9). Un ratio soignant/soigné de 1/1 semble donc inévitable pour de telles situations. De plus, l’alliance thérapeutique est le moteur de la relation en psychiatrie. Celle-ci peut être mise à mal lors du placement en CSI (Bardet Blochet, 2009 ; Friard, 1998).

La législation Actuellement, il existe une loi fédérale régissant les mesures de contrainte en Suisse. Selon l’art. 383 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (= CC ; RS 220) concernant l’utilisation des mesures de contrainte dans les établissements médico-sociaux, il est stipulé que : L’institution peut restreindre la liberté de mouvement d’une personne incapable de discernement que si des mesures moins rigoureuses ont échoué ou apparaissent a priori insuffisantes et que cette restriction vise à prévenir un grave danger menaçant la vie ou l’intégrité corporelle de la personne concernée ou d’un tiers ou à faire cesser une grave perturbation de la vie communautaire (p.109). De plus, la personne concernée a le droit d’être informée « de la nature de la mesure, de ses raisons, de sa durée probable ainsi que du nom de la personne qui prendra soin d’elle durant cette période » (art. 383 CC, p.109). Cette décision est protocolée (art. 384 CC, p.110). De plus, le code civil suisse (art. 435) fait référence aux cas d’urgence en stipulant que : « les soins médicaux indispensables peuvent être administrés immédiatement si la protection de la personne concernée ou celle d’autrui l’exige.

Lorsque l’institution sait comment la personne entend être traitée, elle prend en considération sa volonté » (p.123). Ceci sous-tend l’anticipation de la rédaction de directives anticipées. Plus spécifiquement pour le canton de Fribourg, l’art. 53 de la loi sur la santé du 16 novembre 1999 (= Lsan ; RS 821.0.1) mentionne les mêmes données que le code civil suisse en rajoutant que « par principe, toute mesure de contrainte est interdite, sauf à titre exceptionnel » (p.16). De plus, le droit des patients est un élément important à prendre en compte lors d’applications de mesures de contrainte. Malgré les textes de loi en vigueur et les protocoles institutionnels, le ressenti du personnel soignant, tel que la peur ou la colère, influence grandement la prise de décision en matière d’isolement en psychiatrie (Bardet Blochet, 2009 ; Holmes, Perron & Guimond, 2007).

Les principes médico-éthiques Les mesures de contrainte se retrouvent parfois en conflits avec les principes médico-éthiques. En effet, elles sont jugées comme une entrave majeure à la liberté car les droits du patient ne sont pas toujours respectés. Cependant, les mesures de contrainte sont utilisées afin de porter assistance ou protection au patient (Bardet Blochet, 2009, p.5). Il n’est pas toujours évident de concilier bienfaisance avec autonomie et consentement libre et éclairé du patient (ASSM, 2005 ; Bardet Blochet, 2009). Le principe de bienfaisance n’est parfois pas respecté, notamment lorsque le soignant place le patient en CSI pour sa protection alors que ce dernier vit cela comme traumatisant. De plus, dans l’étude de Cano et al. (2011), la majorité des soignants étaient présents physiquement lors de l’isolement.

Cependant, certains « ne venaient qu’au repas », « ne restaient pas longtemps » ou « ne venaient pas quand le patient les appelait » (p.7). Selon Larue, Dumais, Ahern, Bernheim et Mailhot (2009), une explication concernant le fait de ne pas entrer dans la CSI serait « la surcharge de travail, le comportement du patient, la diminution des stimuli et ne pas vouloir déranger la sécurité aux demi-heures pour une évaluation » (p.19). Dans l’étude de Cano et al. (2011), le principe de non malfaisance n’est pas toujours respecté. Dix d’entre eux ont mentionné la violence et dix-huit ont relaté « un vécu de dévalorisation », « d’abus de pouvoir » et « d’une privation de liberté » (p.8).

De plus, dans certains cas, il est difficile d’honorer le principe d’autonomie notamment lorsque le patient est incapable de discernement. Selon Larue et al. (2009), les infirmières s’accordent à dire qu’elles respectent le consentement du patient lors de l’isolement et que ce dernier a consenti lorsqu’il a collaboré ou que son attitude s’est révélée passive (p.17). Seul le principe de justice semble être respecté lorsqu’on l’associe au principe de proportionnalité (ASSM, 2005, p.7). Finalement, selon le droit des patients, des directives anticipées peuvent être rédigées et un représentant thérapeutique peut être nommé. Lorsque le patient est incapable de discernement, il maintient ainsi son autonomie dans une période de crise. Dans la pratique et la littérature, cet agissement est encore peu représenté.

En effet, dans la loi, le médecin n’est pas obligé de respecter les directives anticipées. Cependant, pour les patients, elles constituent une preuve qu’ils seront pris en soins avec dignité. De plus, les directives anticipées permettent de diminuer le taux de réhospitalisation, d’où l’importance de les effectuer en fin d’hospitalisation ou dans les structures secondaires à l’hôpital (Maître & al., 2013, p.244). Pour conclure ce chapitre, il n’existe actuellement pas de preuve probante sur l’efficacité de l’isolement. [Traduction libre] (Sailas & Fenton, 2000, p.7) Selon Meehan et al. (2004), six patients sur vingt-neuf et une seule infirmière seraient en faveur de l’abolition de l’isolement. [Traduction libre] (p.36) Cependant, les patients ne semblent pas percevoir la CSI comme étant un endroit de soins. Au contraire, ils pensent que d’autres alternatives à l’isolement seraient plus efficaces (Bardet Blochet, 2009, p.9).

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Table des matières

INTRODUCTION
Problématique
Les mesures de contrainte
La chambre de soins intensifs
La prévalence de l’utilisation de l’isolement en psychiatrie hospitalière
Le décalage entre le vécu des patients et celui des soignants
Le vécu des patients
Le vécu des soignants
La législation
Les principes médico-éthiques
Question de recherche
Objectifs
CADRE THÉORIQUE
Théorie / Aspects théoriques
L’interactionnisme
Le contexte
La co-construction du sens
Le contrat communicationnel
Les quatre canaux de communication
Les principes de communication
Les attitudes rogériennes
Concepts
La crise
Les phases de la crise
Les types de crise
Interventions en situation de crise
L’immédiateté de l’intervention
La brièveté de l’intervention
La directivité de l’intervention
La position active du clinicien
Les étapes et stratégies d’intervention
Le stress
Les stratégies d’adaptation au stress
Le coping
L’advocacy
MÉTHODE
Argumentation du devis
Description des étapes
Critères d’inclusion des écrits empiriques
Critères d’exclusion des écrits empiriques
Mots-clés et termes MESH
Articles retenus
Flow-chart
Moteurs de recherche
Grilles d’analyse
RÉSULTATS
Les alternatives infirmières à l’utilisation de l’isolement
Les compétences des équipes infirmières
L’empathie
Les différents protocoles
Le time out
Le cadre décisionnel
Le premier protocole
Le deuxième protocole
La médication involontaire
L’environnement
La chambre sensorielle
Les espoirs et préoccupations des soignants
L’accent mis sur les auto-soins du patient
La chambre comme sanctuaire
L’environnement architectural
Suggestions d’alternatives proposées par les patients
DISCUSSION
Regard critique sur le travail de Bachelor
Discussion des résultats
Les alternatives infirmières à l’utilisation de l’isolement
Les compétences des équipes infirmières.
L’empathie
Les différents protocoles.
Le time out
Le cadre décisionnel
La médication involontaire
L’environnement
La chambre sensorielle
L’environnement architectural
Suggestions d’alternatives proposées par les patients
Réponse à la question de recherche
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
Déclaration d’authentification
Appendices A
Les grilles d’analyses
Appendice B
Le cadre décisionnel

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