LA PRÉVALENCE DE LA BABESIOSE CANINE EN FRANCE
Biologie et cycle évolutif
Le cycle évolutif de B. canis et B. vogeli fait intervenir plusieurs hôtes : un mammifère et une tique vectrice (Dermacentor reticulatus ou Rhipicephalus sanguineus en France), hôte définitif du parasite car permettant la reproduction du parasite. Les sources de parasites sont les tiques infectées. Les tiques s’infectent sur des chiens cliniques ou asymptomatiques présentant une parasitémie. Wlosniewsli et al. (1997) ont montré l’existence de porteurs asymptomatiques de B. canis en zone d’enzootie. Ces chiens constituent donc un réservoir de parasite.
Chez le chien a lieu la phase de mérogonie. Les Parasites sont introduits dans le sang par différents modes de transmission qui seront détaillés plus bas. Les sporozoïtes pénètrent ensuite directement dans les hématies grâce à des récepteurs spécifiques, sans phase préérythrocytaire. Une fois à l’intérieur de l’hématie le parasite devient un trophozoïte en phase de croissance. Un processus de schizogonie se met ensuite en place par division binaire donnant lieu à des formes bigéminées ou multiples si plusieurs divisions successives ont lieu. Les mérozoïtes ainsi obtenus quittent l’hématie parasitées avec ou sans lyse afin d’envahir une nouvelle hématie après une courte période de vie libre. Cette phase de mérogonie, multiplication asexuée, se poursuit tant que le système immunitaire du chien ne se met pas en place pour contrôler le développement du parasite (de quelques mois à deux ans). On peut alors observer d’autres formes : annulaires, amiboïdes ou ovalaires (équivalent des gamétocytes ou gamontes).
Chez la tique ont lieu les phases de gamogonie et sporogonie. La tique ingère les parasites au cours d’un repas sanguin sur un chien présentant une parasitémie. Seuls les gamontes ne sont pas détruits et forment des corps en étoile de forme variable constitués de 5 à 7 protrusions de 8 μm ainsi que d’une structure terminale effilée. La fécondation a lieu deux à quatre jours suivant la fin du repas sanguin et donne naissance à un zygote qui se transforme en ookinète. La division des ookinètes au sein des cellules digestives donne des kinètes secondaires qui envahissent les hématies, les fibres musculaires, les tubes de Malpighi et les ovocytes. Cette prolifération a lieu jusqu’à la mort ou la mue de la tique. Lors de transmission transovarienne (ou trans-générationnelle), le parasite demeure quiescent dans l’oeuf et la larve. La sporogonie ne reprend que 24h après le début du repas sanguin par l’invasion des cellules des glandes salivaires. On observe alors la formation de sporontes polymorphes contenant des milliers de sporozoïtes. On retrouve des sporontes dans divers tissus. Néanmoins seuls ceux présents dans les glandes salivaires sont infectants après une maturation de cinq jours à partir du début de gorgement de la tique, d’où l’importance de retirer les tiques rapidement afin de prévenir l’infestation. En effet le changement de température lié à la présence d’un repas sanguin semble être un facteur activant de la maturation des sporozoïtes (Solano-Gallego et Baneth, 2011).
Bio-écologie des tiques
Les tiques de la famille des Ixodidés, encore appelées tiques dures, sont des ectoparasites hématophages stricts avec un lien trophique étroit avec leurs hôtes. Elles ne font qu’un seul repas sur chaque hôte mais de longue durée (4 à 6 jours). Leur survie dépend donc de la disponibilité des hôtes. Dermacentor reticulatus est ditrope, elle a une gamme d’hôtes variés, tandis que Rhipicephalus sanguineus est monotrope avec comme hôte unique le chien. Pour cette dernière espèce, la présence d’une population canine est indispensable à sa survie (Gilot et Perez-Eid, 1998). De plus, les tiques étant des animaux à sang froid, leur température interne et donc leur survie dépendent de la température extérieure (Genchi et al., 2009). Ainsi, leur répartition géographique ainsi que leur période d’activité vont dépendre des conditions climatiques (température, humidité et précipitations) et environnementales tel que la nature et la densité du couvert végétal. En effet une cartographie par la végétation peut être envisagée pour les tiques exophiles dans des secteurs suffisamment diversifiés d’un point de vue écologique, avec des unités de végétation bien individualisées. Un type de végétation donné est souvent synonyme d’une niche écologique spécifique à un type de tique. Néanmoins, un modèle de répartition uniquement lié à la végétation n’est envisageable que pour les espèces exophiles strictes. Dermacentor reticulatus, majoritairement exophile, colonise une large gamme de biotopes, des milieux ouverts à l’intérieur de groupements végétaux aux milieux périurbains dégradés. La niche écologique de D. reticulatus est donc constituée de prairies pâturées, de haies, de terrains cultivés, de collines mais aussi en milieu suburbain de terrains vagues ou espaces verts.
Dermacentor reticulatus est présente sur la quasi-totalité du territoire. Néanmoins cette espèce reste rare sur le pourtour méditerranéen (sauf des petites populations isolées en Provence et Roussillon) et dans le Nord, tandis que le Sud-Ouest et la région Rhône-Alpes sont des zones où la population de D. reticulatus semble très dense. Son activité est annuelle avec 2 pics de densité de population et d’activité au printemps et en automne, celui de l’automne étant plus marqué. Les figures 6, 7, 8 et 9 correspondent aux cartes extraites du modèle Fleatickrisk (dont nous expliquons le principe dans la deuxième partie de cette thèse) qui estiment l’activité des tiques sur une semaine printanière et une semaine automnale ainsi que la densité cumulée supposée de D. reticulatus sur 12 semaines au printemps et à l’automne. Ces cartes montrent qu’au printemps 2010 la plus forte probabilité de rencontrer des tiques se situe dans la région centre et Ouest de la France. En ce qui concerne l’automne 2010, tout le quart ouest de France semble être propice au développement de D. reticulatus.
Clinique
La babésiose canine est une maladie infectieuse avec des manifestations très variées. De la forme classique au portage asymptomatique en passant par la forme suraiguë et la forme chronique. L’incubation est généralement courte, de 4 à 6 jours, mais peut varier en fonction des formes : un à deux jours dans la forme suraiguë qu’on retrouve surtout chez les chiens de chasse et deux à trois semaines dans les formes tardives. Au cours de cette période d’incubation les parasites se multiplient localement ou dans les organes profonds sans qu’une parasitémie ne soit observée. Pour comprendre les signes cliniques présents dans les différentes formes, il faut comprendre les mécanismes pathologiques de la babésiose à Babesia canis. Les Babesia ont une action mécanique, toxique et antigénique.
L’action mécanique est liée à la fragilisation de la membrane due à la multiplication des parasites et à leurs mouvements de sortie ayant pour conséquence majeure une hémolyse intra vasculaire.
L’action antigénique est complexe, elle donne naissance à des anticorps anti-Babesia, anti-globule rouge parasité ou sain. Il est possible qu’elle fasse aussi intervenir des anticorps anti-nucléaire. Les conséquences sont : une hémolyse intravasculaire par activation du complément, une hémolyse extravasculaire avec phagocytose au niveau de la rate et du foie et une formation de complexes immuns pouvant se fixer sur les hématies ou les reins. Ceci ayant pour conséquence une réaction inflammatoire importante.
L’action toxique est due à la libération d’estérases parasitaires, après rupture de l’hématie parasitée. Ceci contribue à la lyse des hématies, à l’activation du facteur VII de la coagulation à l’origine de trouble de la coagulation et à l’activation du système des kinines.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
Babesia canis et Babesia vogeli
Eléments de classification
Morphologie
Biologie et cycle évolutif
Chez le chien
Chez le vecteur
Tiques vectrices de Babesia canis et B. vogeli
Eléments de classification
Morphologie
Biologie et cycle évolutif
Epidémiologie des babésioses canines
Répartition géographique
Résultats des enquêtes précédentes
Bio-écologie des tiques
Evolution possible
Changements climatiques
Modification du paysage
Transports
Disponibilité des hôtes
Modes de transmission
Réceptivité et sensibilité
Age
Sexe
Statut immunitaire
Race
Mode de vi
Clinique
Forme classique / aiguë
Forme suraiguë
Forme chronique
Autres formes
Diagnostic
Diagnostic épidémiologique
Diagnostic clinique
Diagnostic expérimental
Diagnostic thérapeutique
Méthodes de lutte
Traitement
Prévention
DEUXIEME PARTIE : ENQUETE EPIDEMIOLOGIQUE SUR LA BABESIOSE CANINE EN FRANCE EN 2010
Introduction
Matériel et méthodes
Objectifs de l’étude
Elaboration du questionnaire
Méthode d’échantillonnage
Méthode de calcul du taux d’incidence de la babésiose canine en France métropolitaine en 2010
Données de référence
Formule de calcul du taux d’incidence
Résultats
Taux de participation à l’enquête
Résultats bruts : nombre de cas de cas de babésiose par clinique
Taux d’incidence par département
Carte du taux d’incidence de la babésiose canine en France métropolitaine en 2010
Établissement de la carte du taux d’incidence de la babésiose canine en France métropolitaine en 2010
Carte géo-localisée du taux d’incidence de la babésiose canine en France métropolitaine en 2010
Commentaires des vétérinaires praticiens sur la babésiose canine en France métropolitaine
Discussion
Méthodologie
Autres études de répartition de maladies vectorielles du chien
Répartition par rapport aux enquêtes épidémiologiques précédentes Perspectives et améliorations
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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