A l’expression utilisée par Mars Di Bartolomeo au sujet du domaine de la santé au GrandDuché « la santé n’a pas de prix, la santé a un coût », aujourd’hui, nous pourrions rajouter que «la santé est désormais un prix ». En effet, le renouveau des dispositions légales relatives au secteur de la santé mérite que nous nous penchions sur ce sujet ainsi que sur ses implications.
Les mutations récentes au sein de l’hôpital public français risquent-elles de transformer profondément cette organisation dans les misions qui lui sont dévolues et dans son positionnement sur le marché des soins ? Ce sujet donne lieu à de nombreux questionnements chez les personnels de santé travaillant à l’hôpital public et se traduisant, le plus souvent, par des manifestations et des revendications au cours de l’année 2009. Toutefois, malgré les inquiétudes exprimées par ces acteurs, de nouvelles réformes entreprennent la restructuration organisationnelle et financière de l’hôpital public français.
En se calquant sur les transformations réalisées dans les pays anglo-saxons et dans certains pays de l’Union Européenne (comme la Finlande, les Pays-Bas ou encore l’Angleterre), la France oriente le pilotage de l’institution hospitalière publique vers plus de performance, d’efficience et de résultat. Ces réformes poursuivent une logique qui vise, depuis déjà quelques décennies, à réduire les déficits publics et plus précisément ceux de la Sécurité Sociale. La recherche des gains de productivité et le souhait de faire des économies budgétaires engendrent une volonté de rationalisation des dépenses dans le secteur public en général et, de ce fait, dans le secteur hospitalier public en particulier. En effet, des études menées (Rodwin et al. 1992) montrent que l’expansion du marché des soins ainsi que l’organisation du marché de la santé est un motif de changement des modes financements et de réorganisations des structures de soins.
Ces logiques d’économies et de restructurations apparaissent, dès les années 1980, avec la mise en œuvre aux Etats-Unis des Diagnosis Related Groups (DRG). Ce système de financement a pour objectif de procéder aux remboursements des soins dispensés en fonction de l’activité générée par l’organisation hospitalière. Cette rationalisation des dépenses de santé va s’accompagner, au cours de la décennie 90, de suppressions de lits dans les hôpitaux. Selon un rapport de l’OCDE (2005), cette politique est motivée par la volonté de maitriser les coûts associés à l’hospitalisation, qui demeurent le poste principal de dépenses de santé. On peut alors observer de nouvelles stratégies menées par les établissements de santé, dans les pays Anglo-Saxons, comme la fermeture d’hôpitaux en Grande Bretagne (245 établissements entre 1990 et 1995), ou aux Etats-Unis (949 établissements entre 1980 et 1993), ce qui engendre une baisse de 11% du nombre d’admission (Annandale, 1996).
Le marché de la santé tend alors à proposer une offre plus restreinte par rapport aux besoins croissants de la population. Sur ce point, certains travaux (Taylor et Field, 1997) suggèrent que l’augmentation des maladies chroniques, le vieillissement de la population, l’évolution des techniques scientifiques et les transformations de la structure familiale traduisent des changements de consommation, de population, de maladies et de techniques. Aussi, face à ce fort accroissement de la demande de soins, l’offre de protection sociale tend à diminuer (Tanti-Hardouin, 1994).
Cependant, en France, la généralisation de la protection sociale s’associe à une consommation plus importante de soins et des services médicaux (Sansaulieu, 2007). Pour faire face à cette inflation de soins (Bonnici, 2007), la France s’oriente vers une réduction des gaspillages. En mettant en œuvre en 1983, un budget global, elle s’engage vers une amélioration du fonctionnement de l’hôpital. Cette première pierre étant posée, elle suit l’exemple des pays Anglo-Saxons dans la rationalisation des dépenses de santé puisqu’entre 1992 et 2003, 83 000 lits d’hospitalisation complète sont fermés. Les réformes se poursuivent, notamment sous les contraintes budgétaires imposées par l’Union Européenne. A partir de 2003, la France introduit plusieurs lois qui orientent l’hôpital public français vers de nouvelles logiques économiques et stratégiques.
L’HOPITAL, UN ACTEUR EN MUTATION DANS SES ROLES ET FONCTIONNEMENTS
Centre organisé où sont dispensés des soins, l’hôpital est un acteur majeur de la société. Selon un rapport de la DRESS de 2009, le secteur de la santé regroupe près de 9% de la population en activité, il est un des plus grands secteurs en termes d’emplois. En suivant les mutations de la société, il est parfois décrit comme un endroit obscur (Foucault, 1975), ou comme une organisation bureaucratique totalitaire (Goffman, 1962). Aujourd’hui l’hôpital est un centre mêlant soins et recherches, lieu de prise en charge collective (Sainsaulieu, 2007) devant faire face à de nouvelles contraintes économiques, technologiques et sociales.
EVOLUTION DU ROLE DE L’HOPITAL, PILIER DE LA CITE
Initialement développé en Grèce, dès le VIème siècle avant J.C, l’hôpital est un lieu exclusivement dédié aux divinités guérisseuses (Le Guen Pollet, 1991). Progressivement, les facteurs politiques et économiques vont favoriser son expansion géographique et enrichir son rôle social. En effet, cette organisation est tout d’abord une structure d’accueil, puis devient un outil de stabilisation pour le pouvoir et, enfin, assure une mission de service public.
L’hôpital : une structure d’accueil
L’apparition de structures d’accueil et de traitement des malades ou des pauvres s’est faite dans des pays où la religion est très présente mais également dans un contexte de prospérité économique et de développement de règles.
En effet, les premiers centres d’hébergements de pauvres et voyageurs apparaissent en Inde et à Ceylan (IIIème siècle avant J.C) avec la création de monastères bouddhiques. Par la suite, sous l’impulsion du concile de Nicée (325 après J.C), ou encore de Justinien Ier (525-565), les fondations se multiplient. Ainsi, deux types d’organisations de soins et d’accueil cohabitent : l’une destinée aux pèlerins étrangers, l’autre aux malades pauvres. Financés par une « contribution sur le revenu et constitution de main morte », un système d’assistance évolué émerge dans le monde Byzantin. Ainsi, chaque ville dispose d’un centre social comprenant mosquée, hôpital, bains publics et bibliothèque. Parallèlement, dans l’Orient Bouddhique, de telles structures voient le jour avec des missions identiques : organiser des soins et accueillir les malades indigents ou souffrants d’infirmité chronique (Siary et Behamou, 1994).
Grâce à des influences politiques et religieuses exercées dans les régions conquises, le développement de telles institutions se poursuit et ce, plus particulièrement, dans l’occident chrétien où un devoir d’hospitalité caractérise les premiers hôpitaux des époques Mérovingienne et Carolingienne.
L’hôpital : un outil politique
Les contraintes démographiques et économiques donnent une nouvelle dimension à l’hôpital. A partir des XIIème et XIIIème siècle, l’accroissement du nombre de fondations hospitalières est possible suite aux nombreuses donations provenant des bourgeois et nobles. Si ces dons semblent se justifier par des motivations morales et spirituelles, le contexte économique n’est pas étranger à ce développement. L’augmentation du nombre d’indigents est croissant, source d’insécurité et d’instabilité politique. Par conséquent, afin d’atténuer la mendicité, le vagabondage et le paupérisme, l’hôpital tente de s’organiser en centre d’assistance et de soins pour contribuer au maintien d’une certaine stabilité politique et d’un équilibre social.
Dans la lignée, la loi du 7 août 1851, prévoit que lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune. De même, des modalités de remboursement par les collectivités se font en fonctions des catégories de malades soignés (Lois du 15 juillet 1893 et du 14 juillet 1905) : l’Etat prend en charge les soins des militaires malades, le département les enfants abandonnés et les municipalités, leurs ressortissants. Aussi, peu à peu, on peut constater un élargissement de la prise en charge par l’hôpital des personnes démunies, suggérant les prémisses d’une activité d’intérêt général. Les besoins sanitaires étant croissants, les établissements publics ne peuvent plus, seuls, répondre à la demande. Ainsi, on assiste à la création d’établissements privés, grâce aux dons, permettant d’augmenter la capacité d’accueil. La concurrence entre établissements privés et public prend racine à cette époque (Bonnici, 2007).
Par ailleurs, progressivement, le contrôle de l’organisation hospitalière va échapper à l’église et aux ordres pour passer aux mains des autorités municipales et laïques. En effet, au cours du XVIème siècle, la mise en place de l’échevinage dans l’organisation et le fonctionnement de l’hôpital réduit le pouvoir de l’église dans sa gestion et introduit un contrepouvoir.
La laïcisation des hôpitaux s’accélère et se confirme suite aux politiques de François 1er et Louis XIV, par la création au sein de chaque cité d’un Hôtel Dieu-centre d’accueil et d’un hospice pour recevoir les pauvres, les vagabonds, les vieillards et les orphelins. Par la suite, les réformes vont accentuer le caractère laïc de la gestion de l’hôpital en adoptant, par exemple, le 7 octobre 1796, un principe de responsabilité communale. Ce principe prévoit que les administrations municipales auront la surveillance immédiate des hospices établis dans leur arrondissement. C’est pourquoi, sous l’Empire, le maire est nommé par le gouvernement comme membre de l’administration hospitalière. Par conséquent, on peut s’apercevoir, d’une part, que l’hôpital joue un rôle de stabilisateur social en assurant accueil et soin pour les plus démunis et, d’autre part, que son contrôle se modernise en séparant le pouvoir de tutelle et d’exécution.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 : PRESENTATION DU CADRE CONCEPTUEL
CHAPITRE 1:LE CONTEXTE DE L’ETUDE : L’HOPITAL PUBLIC, VERS DE NOUVEAUX ENJEUX
SECTION 1. L’HOPITAL, UN ACTEUR EN MUTATION DANS SES ROLES ET FONCTIONNEMENTS
SECTION 2. L’HOPITAL : VERS DE NOUVELLES LOGIQUES DE FINANCEMENT
CHAPITRE 2: VERS UN CADRE CONCEPTUEL POUR COMPRENDRE LA PRESSION FINANCIERE
SECTION 1. LES MODES DE CONTROLES ORGANISATIONNELS A L’HOPITAL
SECTION 2. LES EFFETS DU CONTROLE DES RESULTATS : LE RAPM
PARTIE 2 : LES ETUDES EMPIRIQUES SUR LA PRESSION FINANCIERE INTERNE A L’ HOPITAL PUBLIC
CHAPITRE 3: L’ETUDE EXPLORATOIRE SUR LE CONCEPT DE PRESSION FINANCIERE INTERNE
SECTION 1 : LA METHODOLOGIE DE L’ETUDE
SECTION 2. LES RESULTATS DE L’ETUDE : UNE COMPREHENSION PLUS APPROFONDIE DU RAPM ET DE SES EFFETS
CHAPITRE 4: L’ ETUDE CONFIRMATOIRE SUR LE CONCEPT DE PRESSION FINANCIERE INTERNE
SECTION 1. LE MODELE DE LA RECHERCHE
SECTION 2. LES METHODES DES TRAITEMENTS STATISTIQUES DE DONNEES ET RECUEIL DES DONNEES
SECTION 3. LES TESTS DES ECHELLES UTILISEES
SECTION 4 : TEST DES HYPOTHESES ET DISCUSSIONS
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE