La préparation de médicaments anticancéreux en établissements de santé

Depuis le début du XXIème siècle, le domaine de la cancérologie est en pleine expansion. En effet, le cancer est la 2ème cause de décès dans le monde en 2018(1). D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), près d’un décès sur six est dû au cancer. Il a été responsable de 9,6 millions de morts en 2018(2). Au niveau mondial, les taux de mortalité standardisés sont de 123,8 pour 100 000 hommes et 72,2 pour 100 000 femmes, tandis que les taux d’incidence standardisés sont de 330,2 pour 100 000 hommes et 274 pour 100 000 femmes. A l’échelle de la planète, cela représente environ 15 millions de nouveaux cas par an. En France, l’Institut National du CAncer (INCA) recense 157 400 décès par cancer en 2018(3). Cette même année, le nombre estimé de nouveaux cas était de 382 000 en métropole (54% d’hommes et 46% de femmes). D’après les dernières données (2018) du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), du fait notamment du vieillissement de la population, un homme sur cinq et une femme sur six dans le monde vont développer un cancer au cours de leur vie. Un homme sur huit et une femme sur onze en meurent(4).

Dans le même temps, on a pu observer une intensification de la recherche. Face à l’augmentation du nombre de cancers, le panel thérapeutique s’est diversifié. Outre la chirurgie, la radiothérapie ou encore la chimiothérapie conventionnelle, de nouveaux traitements sont apparus, comme les anticorps monoclonaux, l’immunothérapie ou encore plus récemment les Médicaments de Thérapie Innovante (MTI) et les Médicaments de Thérapie Innovante Préparés Ponctuellement (MTI-PP). Ces traitements sont, dans la grande majorité des cas, dispensés et/ou administrés en milieu spécialisé, c’est-à-dire en établissement de santé public ou privé. Les raisons sont multiples. D’une part, ces traitements (souvent lourds et toxiques) nécessitent l’expertise de professionnels de santé spécialisés en oncologie (oncologues, radiothérapeutes, chirurgiens, pharmaciens hospitaliers, etc…) exerçant la plupart du temps en établissements de santé. D’autre part, ces traitements nécessitent également des équipements adaptés soit pour la production, soit pour l’administration (la plupart du temps par voie injectable), soit pour l’acte de traitement en lui-même (bloc opératoire et matériel chirurgical en cas de chirurgie, appareils de radiothérapie, etc.).

Pharmacotechnie hospitalière

La pharmacotechnie 

La pharmacotechnie est un domaine de la pharmacie « qui traite de l’extraction, de la synthèse et de la purification des médicaments » d’après le dictionnaire Larousse(14). Cette science des préparations pharmaceutiques est en fait apparue il y a très longtemps, dès l’utilisation de plantes médicinales (sous forme de décoction, de tisane, etc.). L’acte d’extraction de la substance active à partir d’une plante est un acte de pharmacotechnie. Aujourd’hui, il s’agit plus largement d’une science pharmaceutique s’intéressant à la technique de fabrication des médicaments(15). Cette préparation peut être réalisée à grande échelle, c’està-dire industriellement. C’est le cas de toutes les spécialités pharmaceutiques commercialisées sur le marché par les laboratoires pharmaceutiques. Mais cette préparation peut également être effectuée de manière plus confidentielle, en petits lots voire même en exemplaire unique destiné à un patient en particulier. Dans ce cas, elle est réalisée en officine ou à l’hôpital. Les préparations de médicaments sont sous la responsabilité pharmaceutique, en officine comme dans les PUI(16). Ces dernières ont pour mission « d’assurer la gestion, l’approvisionnement, la vérification des dispositifs de sécurité, la préparation, le contrôle, la détention, l’évaluation et la dispensation des médicaments… et d’en assurer la qualité ». Les activités de pharmacotechnie ont considérablement évolué depuis le début du XXIème siècle. Limitées dans un premier temps à la préparation de médicaments non stériles (gélules, pommades, suppositoires, etc.), elles se sont progressivement diversifiées avec la préparation de médicaments stériles (collyres, cytotoxiques, anticorps, etc.). Cela est dû entre autre à l’augmentation des cancers et la nécessité de préparer les traitements anticancéreux. Ce domaine de la pharmacie va nécessairement continuer à se développer dans le futur, avec la préparation de produits de plus en plus standardisés dont la qualité sera encore renforcée, notamment dans le domaine des anticancéreux.

La pharmacie hospitalière et ses missions

La Pharmacie Hospitalière est apparue il y a un peu plus de cinq siècles, en 1495, date de l’ouverture de la première pharmacie hospitalière, ou plutôt « apothicairerie » hospitalière à l’Hôtel-Dieu à Paris(17). Jusque-là, les médicaments étaient gérés et dispensés par des religieuses dans les Établissements de Santé (ES). Au fil des années, le nombre de pharmacies dans les hôpitaux a augmenté. Au départ réservées aux grands hôpitaux, elles apparaissent au fur et à mesure dans des ES plus petits. Avec la multiplication de ces pharmacies, la nécessité de regroupement apparaît. En 1795, l’apothicairerie générale des Hôpitaux de Paris est créée(18). Elle est chargée de fournir les médicaments à la vingtaine d’ES de la capitale. Petit à petit, la filière hospitalière s’organise. La loi du 21 germinal de l’an XI (loi de 1803) encadre l’enseignement et les études, et réglemente la profession (aussi bien en officine qu’à l’hôpital)(19). Une filière « internat », à l’instar de ce qui est fait en médecine, voit le jour en 1814 dans les études de pharmacie(18). Au fil du temps et à travers des lois, le statut des pharmacies des hôpitaux s’est précisé et consolidé. Il apparait notamment dans le CSP (article R5126-23) sous le nom de PUI(20). Quant aux missions, elles aussi se sont étoffées avec le temps. D’abord gestionnaire des médicaments, les pharmaciens hospitaliers ont ensuite développé des activités de dispensation (avec analyse pharmaceutique), de production, de contrôle, … ainsi que de recherche (en partenariat avec les facultés)(21). Le décret n°2000- 1316 du 26 décembre 2000 apporte de profondes modifications dans la réglementation des PUI. Il précise les missions obligatoires : gestion, approvisionnement et dispensation des médicaments et des DM, réalisation de préparations magistrales à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques, divisions de produits officinaux. Il définit aussi des missions nécessitant une autorisation spéciale, et sous réserve de locaux adéquats et de personnel formé : réalisation de préparations hospitalières à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques, réalisation de préparations rendues nécessaires par les expérimentations ou essais des médicaments, délivrance de certains aliments diététiques, stérilisation des DM et préparations des médicaments radiopharmaceutiques(22). Aujourd’hui, les activités sont donc très diverses et comprennent notamment la réalisation de préparations magistrales ou hospitalières (pour un usage pédiatrique, la recherche biomédicale ou les anticancéreux notamment).

Les différents types de préparations pharmaceutiques

Il existe trois catégories de préparations(23)(24) :
– les préparations officinales : ce sont des médicaments préparés en officine comme leur nom l’indique. Elles sont inscrites à la Pharmacopée Française (ou au Formulaire National) et sont dispensées directement aux patients de l’officine.
– les préparations magistrales : il s’agit d’un médicament préparé spécifiquement pour un patient à partir d’une prescription médicale, en l’absence de spécialité pharmaceutique disponible.
– les préparations hospitalières : il s’agit d’un médicament préparé à l’avance et en petites séries par une PUI d’un ES, en l’absence de spécialité pharmaceutique disponible. Ce médicament n’est pas destiné à un patient en particulier. La préparation peut être dispensée à plusieurs patients sur prescription médicale. Les préparations hospitalières doivent être déclarées à l’ANSM au préalable.

Les préparations réalisées peuvent être stériles ou non stériles. Les préparations non stériles sont destinées à la voie orale et à la voie cutanée. Bien qu’encadrée, la réglementation pour ce type de préparation est plus souple. Les locaux et les équipements sont également soumis à des règles moins contraignantes que les préparations stériles en terme d’accès, d’habillage, de contrôle de l’atmosphère, etc. Les préparations stériles, destinées aux voies injectables et ophtalmiques, sont en revanche très encadrées, du fait de la nécessité du maintien de la stérilité de la préparation. Les médicaments dangereux ou présentant un risque pour la santé et destinés à l’usage parentéral doivent être reconstitués ou préparés dans une « zone de la pharmacie à environnement contrôlé » et « sous la complète responsabilité d’un pharmacien » comme le rappelle le Conseil de l’Europe dans sa résolution 2016 sur les bonnes pratiques en matière de reconstitution dans les ES(25).  Les PUI peuvent ainsi réaliser des préparations magistrales et des préparations hospitalières, mais après en avoir obtenu l’autorisation auprès de l’Agence Régionale de Santé (ARS). En effet, le décret n°2019-489 du 21 Mai 2019 relatif aux PUI précise dans l’article R. 5126-9.-I que la PUI est tenue de disposer d’une autorisation mentionnant expressément l’activité de préparation, qu’elle soit magistrale, hospitalière, à partir de spécialités ayant une AMM ou de médicaments expérimentaux. D’après l’article R.5126-33 de ce même décret, une autorisation supplémentaire (délivrée pour une durée renouvelable de 5 ans) est même nécessaire pour les préparations stériles et celles préparées à partir de matières premières ou de spécialités pharmaceutiques contenant des substances dangereuses pour le personnel et l’environnement, comme les cytotoxiques .

Unités de reconstitution des anticancéreux 

Organisation des soins en cancérologie

Avec l’augmentation du nombre de patients atteints de cancer, le domaine de la cancérologie s’est structuré à la fin du XXème siècle en France. La circulaire DGS/DH/AFS n°98-213 du 24 mars 1998 a posé les principes de l’organisation des soins en cancérologie dans les ES publics et privés(28). Celle-ci doit permettre aux patients d’avoir une prise en charge multidisciplinaire concertée et égalitaire en tout point du territoire. L’accès à des soins de qualité et de proximité est une priorité. Concernant le plateau technique nécessaire aux ES autorisés à exercer une activité d’oncologie, il est précisé que la pharmacie doit assurer la fourniture et la préparation centralisée des médicaments anticancéreux. Le premier Plan Cancer voit le jour en 2003, afin d’organiser les soins en cancérologie sur l’ensemble du territoire. Le 22 février 2005, la circulaire DHOS/SDO n°2005-101 vient compléter les dispositions de la précédente circulaire, en prenant en compte l’ensemble des mesures du Plan Cancer 2003-2007 en ce qui concerne les soins et la prise en charge des patients(29). Elle précise notamment que « la préparation et la reconstitution des cytotoxiques doivent être réalisées dans une unité spécifique avec isolateur ou hotte à flux laminaire sous la responsabilité d’un pharmacien ». A cette date, seuls 38% des ES préparant des chimiothérapies répondaient à ce critère. Mais depuis 2009, les ES prenant en charge les personnes atteintes de cancer doivent disposer d’une autorisation spécifique délivrée par leur ARS. Cette autorisation est délivrée sous réserve du respect de critères d’agrément par pratique thérapeutique, publiés par l’INCA. Parmi les quinze critères, trois concernent particulièrement les PUI de ces ES. Le premier critère est qu’elles doivent préparer les anticancéreux dans des locaux dédiés sous isolateur ou sous hotte à flux laminaire vertical avec évacuation vers l’extérieur. Cette préparation doit être effectuée sous la responsabilité d’un pharmacien. L’existence d’une procédure écrite permettant de réaliser une chimiothérapie en urgence est également une condition d’attribution de l’agrément. Enfin, les différentes étapes de la vie d’une préparation (préparation, dispensation et transport jusqu’aux services de soins) doivent être tracées à la pharmacie .

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Table des matières

INTRODUCTION
LA PRÉPARATION DE MÉDICAMENTS ANTICANCÉREUX EN ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
I Pharmacotechnie hospitalière
1) La pharmacotechnie
2) La pharmacie hospitalière et ses missions
3) Les différents types de préparations pharmaceutiques
II Unités de reconstitution des anticancéreux
1) Organisation des soins en cancérologie
2) Protection du personnel et de l’environnement
3) Qualité des préparations
4) Création des Unités de Reconstitution des Anticancéreux et objectifs
a. Création de locaux spécifiques
b. Objectifs principaux
III Assurance qualité
1) Qualité pharmaceutique
2) Généralités sur les audits
IV Référentiels de Bonnes Pratiques
1) Bonnes Pratiques de Fabrication
2) Bonnes Pratiques de Pharmacie Hospitalière
3) Les Bonnes Pratiques de Préparation
V Application des BPP aux URC : de la version de 2007 à celle de 2019
1) Généralités et organisation des deux guides
a. Les BPP de 2007
b. Les BPP de 2019
2) Management du Système Qualité Pharmaceutique
3) Personnel
4) Locaux et Matériels
5) Documentation
6) Opérations conduisant à la réalisation d’une préparation
7) Contrôle de la qualité pharmaceutique
8) Activités externalisées : activités de sous-traitance
9) Réclamations et Rappels de préparations
10) Auto-inspection
11) Annexes
12) Ligne directrice 1 : préparation de médicaments stériles
13) Ligne directrice 2 : préparation de médicaments contenant des substances pouvant présenter un risque pour la santé et l’environnement
ÉLABORATION D’UNE GRILLE D’AUDIT À PARTIR DES BPP 2019
I Matériel et méthode
II Grille d’audit
AUDIT DE DEUX CENTRES DE RECONSTITUTION DES ANTICANCÉREUX
I Réalisation des audits
II Résultats
1) Résultats globaux
2) Partie Documentation
a. Procédures générales (dont l’analyse de risques)
b. Dossier de préparation
c. Dossier de lot
d. Archivage
e. Synthèse, partie Documentation
3) Partie Personnel
a. Postes et Effectifs (dont la fiche de poste pharmacien)
b. Formation
c. Hygiène
d. Suivi et protection
e. Synthèse, partie Personnel
4) Partie Locaux et Équipements
a. Maîtrise des risques
b. Nombre et taille des pièces
c. La ZAC
d. Les équipements
e. Qualification
f. Nettoyage / Désinfection des locaux
g. Synthèse, partie Locaux et Équipements
5) Préparation
a. Maîtrise des risques
b. Réalisation de la préparation
c. Préparation aseptique
d. Réattribution des préparations terminées
e. Synthèse, Partie Préparation
6) Contrôles
a. Contrôle des produits à réception
b. Surveillance des contaminations
c. Surveillance fonctionnelle de la ZAC
d. Contrôles en cours de préparation
e. Libération pharmaceutique
f. Synthèse, Partie Contrôles
7) Sous-traitance, Réclamations et rappels, Auto-inspection
a. Sous-traitance
b. Réclamations et rappels
c. Auto-inspection
III Analyse des résultats et axes d’amélioration
1) Analyse globale
2) Analyse détaillée
a. Analyse des risques
b. Réattribution des préparations terminées
c. Suivi des contaminations chimiques et biologiques
d. Auto-inspection
e. Locaux et équipements adaptés à une URC
f. Qualifications et Maintenances
g. Formation du personnel
h. Documentation exhaustive et adaptée
DISCUSSION
CONCLUSION

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