Caractéristiques des patients
Entre Juin 2015 et Juin 2017, 311 patients atteints de PB ont été screenés. Huit patients ont refusé de donner leur consentement. Les autres causes de non inclusion étaient : comorbidités contre-indiquant les corticoïdes oraux (36 patients), mauvais état général (29 patients), sévérité insuffisante de la PB (15 patients) ou au contraire trop sévère (6 patients), traitement préalable par corticothérapie orale ou locale (6 patients), inclusion dans un autre protocole (2 patients) et un suivi aléatoire (2 patients). Ainsi 111 patients éligibles (soit environ 1/3 des patients screenés) n’ont pas été inclus. Uniquement les 100 premiers patients ayant accompli leur année de suivi sur les 200 inclus ont pu être analysés dans cette étude intermédiaire. Les caractéristiques des patients inclus et non inclus figurent dans le tableau I. Les patients non inclus avaient un indice de Karnofsky plus bas (p<0.01), et un âge légèrement plus élevé (p=0,07) que les patients inclus alors que la sévérité initiale étaient comparables entre les deux groupes (Tableau I) (après exclusion des PB localisées). Sur les 111 patients non inclus, 82 ont été traités par clobétasol seul, 6 par prednisone + clobétasol, 1 par prednisone à la dose de 1 mg/kg/j, 1 par prednisone + azathioprine, 2 par dapsone et 1 par méthotrexate. Le traitement de substitution n’était pas mentionné dans 14 cas. Les scores de sévérité BPDAI de l’ensemble des patients (de 2 à 145 points) étaient répartis sur les premiers 40% de l’échelle sur 360. Onze patients avaient une composante muqueuse. Celle-ci était mineure puisque le score maximal muqueux enregistré parmi eux était de 6/120. Le score BPDAI moyen des PB pauci-bulleuses était 35 ± 22 et celui des PB multi-bulleuses de 65 ± 30 (p<0.0001). Afin de déterminer les seuils de sévérité en vue de définir 3 catégories de sévérité : légère, modérée ou sévère ; nous avons choisi les valeurs seuils des 1er et 3ème interquartiles qui étaient 23 et 53 points respectivement. Vingt-sept PB étaient ainsi classées comme légères, 43 comme modérées et 30 comme sévères. Les scores BPBAI médians de ces 3 catégories étaient respectivement 17 [2-22], 37 [23-52] et 67 [53- 145] (p<0.0001). Les scores BPDAI médians des PB pauci-bulleuses et multi bulleuses étaient 31 [2-145] et 61.5 [20-138], indiquant que le sous-groupe des PB multi bulleuses (PDAI médian=61.5) correspond approximativement aux PB sévères (PDAI médian=67), et le groupe des PB pauci bulleuses (PDAI médian=31) aux 2 sous-groupes de PB légères et modérées (PDAI médian= 28). La répartition des sous-groupes de sévérité au sein des PB pauci-bulleuses et multi-bulleuses était comparée par le test Chi-scare ; les résultats figurent dans le tableau II. Nous avons donc, dans la suite de ce travail, évalué l’efficacité du schéma thérapeutique proposé en fonction des 2 sous-groupes de PB pauci- et multi-bulleuses dont les scores de sévérité BPDAI correspondent respectivement aux formes légères à modérées d’une part et aux formes sévères d’autre part.
Survie à 1 an
Après un an de suivi, 18 des 100 patients sont décédés et 6 ont été perdus de vue. La cause du décès était déterminée dans 6 cas : 3 patients sont décédés de la progression d’un cancer, 2 patients d’un AVC et 1 patient d’un infarctus du myocarde. Le taux de décès était de 9/69 chez les patients ayant une PB pauci-bulleuse et 9/31 chez ceux ayant une PB multi-bulleuse. Le taux de survie à un an de Kaplan-Meier était de 87% vs 68% entre PB pauci- et multibulleuse (p<0.05) (Figure 2).
Suivi des recommandations
Le traitement initial par prednisone a été changé en cours d’étude chez 54 patients de leur vivant. Les causes de ces modifications thérapeutiques sont mentionnées dans le tableau IV. L’efficacité insuffisante du traitement était le motif le plus fréquent d’arrêt des recommandations (37 des 54 patients). Dans la majorité des cas, la corticothérapie orale était soit complétée par une corticothérapie locale par clobétasol (21 patients sur 37), soit remplacée par une corticothérapie locale seule (9 patients sur 37). Aucun investigateur n’a augmenté la dose au-delà de 0.5 mg/kg/j en cas d’inefficacité. Cinq patients ont arrêté le schéma thérapeutique pour effet secondaire, 5 pour décès, 5 ont retiré leur consentement et 5 ont été perdus de vue
DISCUSSION
La corticothérapie locale à fortes doses par clobétasol (30 à 40g/j) a fait la démonstration de sa supériorité par rapport à la corticothérapie orale à 1mg/kg/j dans le traitement de la PB depuis une quinzaine d’années. Malheureusement, sa bonne réalisation est souvent compliquée, sous la dépendance d’une aide infirmière chez des personnes âgées en perte d’autonomie. Dans cette étude, nous avons évalué la proposition d’un comité d’experts européens d’utiliser une corticothérapie orale à 0.5mg/kg/j en traitement alternatif à la corticothérapie locale de référence pour toute PB (sauf forme localisée) dans les cas où l’aide infirmière n’est pas accessible. Plus d’un tiers des patients screenés n’ont pas été inclus dans l’étude principalement du fait de comorbidités ou d’un état général jugé trop précaire par les investigateurs pour recevoir une corticothérapie orale. Dans 80% des cas, le clobétasol utilisé seul ou en association à un autre traitement était l’alternative choisie par les investigateurs. Les PB non incluses n’étaient pas plus sévères que les PB incluses. En revanche, les patients inclus étaient plus jeunes et en meilleur état général. De plus, le nombre de patients non inclus est probablement sous-estimé car nous pensons que beaucoup ne nous ont pas été rapportés. D’abord, ce travail est une première approche permettant la définition des seuils de sévérité caractérisant une PB légère, modérée ou sévère en utilisant le BPDAI. Cet outil permet une évaluation précise et reproductible de la sévérité de la PB. Ainsi, dans notre étude, un score BPDAI inférieur à 23 correspond à une PB légère ; un score entre 23 et 56 à une PB modérée et un score supérieur à 56 une PB sévère. La détermination de ces seuils est d’un intérêt majeur en pratique clinique puisqu’elle permet d’orienter la prise en charge du patient au diagnostic en fonction de la sévérité. Jusqu’à présent, le nombre de nouvelles bulles par jour était utilisé. Cette méthode comportait plusieurs défauts puisqu’elle ne prenait pas en considération les lésions eczématiformes ou urticariennes ainsi que les lésions muqueuses. D’autre part, cette méthode n’était pas homogène selon les études réalisées puisque certaines utilisaient deux seuils (inférieur ou supérieur à 10 nouvelles bulles par jour) définissant les PB modérées ou sévères ; ou trois seuils (inférieur ou supérieur à 10 bulles et inférieur ou supérieur à 30 nouvelles bulles par jour) définissant les PB légères, modérées et sévère. De cette façon, une PB avec moins de 10 nouvelles bulles par jour pouvait être considérée comme légère dans une étude et modérée dans une autre ; et une PB ayant entre 10 et 30 nouvelles bulles pouvait être considérée comme modérée ou sévère selon les études. La comparaison des médianes des scores de sévérité BPDAI en fonction : soit du nombre de bulles (PB pauci- ou multi-bulleuses), soit des cut-offs des 25e et 75e percentiles (déterminant les PB légères, modérées et sévères) montre que les scores des PB pauci-bulleuses sont comparables aux scores des PB légères et modérées (avec un BPDAI allant de 0 à 52) alors que les scores BPDAI des PB multi-bulleuses sont proches de ceux des PB sévères (avec un BPDAI supérieur à 52). Notre travail montre un taux de contrôle de la maladie relativement bon à J21, à 73%. Cependant, ce taux de contrôle est plus élevé chez les patients ayant une PB pauci-bulleuse (84%) que chez ceux ayant une PB multi-bulleuse (48%). De plus, ces résultats sont inférieurs à ceux de la corticothérapie locale de référence (40g/j de clobétasol), à 100% et 99% respectivement (7) ; mais également à la corticothérapie locale à plus faibles doses (20g/j pour les PB pauci- et 30g/j pour les PB multi-bulleuses), à 99% et 98% respectivement (24). Trente-et-un des 80 patients contrôlés ont rechuté (39%). Parmi eux, seulement 11 ont poursuivi la corticothérapie orale mais sans augmenter la dose comme recommandé. Ce taux de rechute est comparable à ceux observés avec le traitement local standard (35% chez les PB pauci-bulleuses et 37% chez les PB multi-bulleuses) et un peu moindre que celui observé en cas de corticothérapie locale à doses réduites (40%) (7,24). Cependant, le délai moyen avant rechute semble plus court avec la corticothérapie orale à 0.5mg/kg/j par rapport à l’essai de Joly et al. : 134 vs 178 jours pour les PB pauci-bulleuses et 63 vs 187 jours pour les PB multibulleuses, respectivement (7). Après un an de suivi, 33 patients (33%) étaient en rémission complète dont 24 (24%) étaient en rémission complète sous traitement minimal et seulement 9 (9%) en rémission complète sans traitement. Ces résultats ne sont pas comparables à la littérature mais semblent inférieurs à ceux observés en pratique clinique que ça soit avec la corticothérapie locale standard à fortes doses ou à doses réduites du fait d’un taux de rémission complète moindre et d’un taux de rechute comparable. Globalement, nos résultats suggèrent que la prednisone à une dose de 0.5 mg/kg/j n’est pas adaptée pour le traitement des patients ayant une PB multi-bulleuse puisque : seulement un malade sur deux est contrôlé par cette dose, 2/3 des malades ont changé de traitement pendant leur suivi et que très peu sont en rémission complète sous traitement minimal (4 sur 31) ou sevrée de la corticothérapie (2 sur 31) à la fin du suivi. Par ailleurs, l’efficacité initiale de la prednisone 0.5 mg/kg/j semble bonne chez les malades ayant une PB pauci-bulleuse (84%) mais un malade sur deux a dû changer ce schéma thérapeutique pendant la première année et peu de patients ont obtenu une rémission complète sous traitement minimal (20 sur 69) ou sevrée de corticoïdes (7 sur 69) même chez ces patients ayant une PB peu sévère. Le taux de survie globale à 1 an était de 82% avec un taux de survie supérieur chez les PB pauci-bulleuses par rapport aux multi-bulleuses (87% vs 68%, p<0.05). Dans notre étude, alors que le taux de survie des PB multi-bulleuses est comparable à celui observé chez les patients traités par corticothérapie locale à fortes doses dans l’étude de Joly et al. (68% vs 68%), le taux de survie des PB pauci-bulleuses est supérieur à celui observé dans cette même étude (86% vs 70%). Or, les effets systémiques induits par la corticothérapie locale à fortes doses sont estimés équivalents à ceux d’une corticothérapie orale à 0.5mg/kg/j. Ces écarts peuvent être expliqués de différentes façons. D’une part, un tiers des malades screenés n’ont pas été inclus, correspondant souvent aux malades les plus fragiles souvent à cause de comorbidités contre-indiquant la corticothérapie orale. Les patients inclus dans notre étude étaient donc plus jeunes et en meilleur état général que les patients non inclus par les investigateurs. D’autre part, seulement 41 patients sur 100 ont suivi les recommandations durant l’année prévue, 59% des patients ont donc eu une durée d’exposition aux corticoïdes soit modifiée (pas d’augmentation de doses en cas d’absence de contrôle ou de rechute), soit raccourcie. Le taux d’effets indésirables graves observé (30%) était comparable aux précédentes études utilisant la corticothérapie locale à fortes doses (7). Cependant, on sait que la corticothérapie locale à doses réduites utilisable pour les PB pauci-bulleuses permet une réduction du nombre d’effets indésirables graves rattachés au passage systémique des corticoïdes locaux (24) tels que le diabète ou les pathologies cardio-vasculaires qui sont dans notre étude, les deux classes d’effets indésirables les plus fréquemment retrouvées. Aussi, il faut rappeler que les patients inclus étaient en meilleur état général que les patients non inclus et donc à risque moindre de réaliser un effet indésirable sévère. Ce travail révèle que la corticothérapie orale en monothérapie recommandée par l’EADV est rarement poursuivie par les investigateurs. En effet seulement 41 des 100 patients ont bénéficié du schéma thérapeutique proposé durant toute l’année de suivi prévue. Le traitement était plus souvent poursuivi chez les patients atteints de PB pauci-bulleuse par rapport aux PB multi-bulleuses (46% vs 29%, p<0.05). L’âge et l’indice de Karnofsky n’étaient pas significativement différents entre les patients sortis ou non des recommandations. L’efficacité insuffisante (absence de contrôle ou rechute) du traitement était le motif de sortie des recommandations chez 37 des 59 patients (63%). Il est intéressant de souligner que 33 de ces 37 patients ont finalement reçu du clobétasol seul ou en association. Ainsi, plutôt que d’augmenter les doses de prednisone orale comme préconisé, les investigateurs ont préféré ajouter ou relayer par du clobétasol alors même que la justification de ce dernier traitement est de permettre de ne pas utiliser de corticothérapie locale dont la réalisation n’est pas toujours aisée. Cette étude observationnelle sur l’utilisation de la corticothérapie orale par prednisone à une dose initiale de 0.5 mg/kg/j en traitement de première intention de la PB apporte plusieurs informations majeures. Elle permet une efficacité à court terme raisonnable pour les PB pauci-bulleuses avec un taux de contrôle de la maladie à J21 restant en deçà de la corticothérapie locale de référence alors que son efficacité est très modeste sur les PB multibulleuses. La tolérance de la corticothérapie orale à 0.5 mg/kg/j est bonne avec un taux de de survenue d’effets indésirables graves comparable à la corticothérapie locale à fortes doses pour les PB multi-bulleuses mais supérieur à la corticothérapie locale à doses réduites utilisables pour les PB pauci-bulleuses, alors même qu’un tiers des malades screenés n’ont pas été inclus du fait de comorbidités. Aussi, cette étude souligne la nécessité d’utilisation d’autres traitements adjuvants dans plus de 60% des cas dans la première année de suivi. Ainsi, d’après les choix des investigateurs de cette étude, le schéma proposé par l’EADV semble s’appliquer davantage à des patients atteints de PB pauci-bulleuses et en bon état général. Cependant, la corticothérapie locale par clobétasol à doses réduites, si elle est possible, reste toutefois plus efficace et mieux tolérée pour les PB pauci-bulleuses.
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Table des matières
Introduction
Objectifs
Matériel et méthodes
Résultats
Caractéristiques des patients
Efficacité
Tolérance
Suivi des recommandations
Discussion
Références
Résumé
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