Le mémoire: le passage de la morale à l’éthique dans une praxis éducative
C’est alors que j’ai décidé de poursuivre mon cheminement dans le cadre d’une maîtrise en éducation, avec pour horizon d’approfondir les fondements et les pratiques de l’éducation et de l’enseignement afin de proposer les changements que je croyais pertinents! Je souhaitais élaborer une réflexion sur les conditions de développement de la compétence éthique chez les futurs enseignants afin que ces derniers favorisent ce développement chez leurs futurs élèves.
À ce moment, j’avais la conviction que je savais ce qui devait changer « pour le bien» et qu ‘ il me fallait étudier pour apprendre ou trouver comment faire pour changer les choses et les autres. J’étais donc, à mon entrée aux études de 2e cycle, en quête de savoirs et de compétences, c’est-à-dire en quête de moyens pour réaliser un idéal. Les savoirs universitaires, les programmes et les formateurs chargés de leur enseignement constituaient d’abord et avant tout pour moi à ce moment un réservoir de moyens.
Le réinvestissement de la quête en formation et en recherche en formation initiale à l’enseignement
C’est suite à cette démarche de recherche et de formation « en éthique» et « en éducation », que j’ai réinscrit mon questionnement dans le champ de la recherche et de la formation initiale à l’enseignement. La démarche de recherche-formation réalisée au cours de ma maîtrise avait définitivement été éducative sur le plan éthique. Je souhaitais voir comment elle pourrait inspirer une pratique de formation initiale à l’enseignement préoccupée des dimensions éthiques inhérentes à l’éducation et à l’ enseignement.
À partir de la problématique rédigée dans le cadre de mon mémoire de maîtrise, à laquelle j’ai articulé le contexte plus spécifique de la formation initiale à l’enseignement, je souhaitais réaliser une recherche-intervention au cours de laquelle je mettrais en place une pratique des histoires de vie en formation avec un petit groupe d’étudiants pour ensuite en décrire et en interpréter les effets selon une approche phénoménologico-herméneutique.
Le contexte de la formation initiale à l’enseignement
La formation à l’enseignement a toujours été considérée comme la clé de voûte des systèmes éducatifs . Ainsi la nature et la qualité de la formation initiale auront évidemment des impacts majeurs sur la nature et la qualité de l’enseignement scolaire dispensé par les enseignants ayant reçu cette formation. Comme on le sait, cette dernière est aujourd’hui dispensée par les institutions universitaires dans le cadre de programmes de baccalauréat. Mais même en contexte universitaire, la formation initiale à l’enseignement est largement influencée par l’ évolution du contexte scolaire, qui est lui-même influencé par les contextes social, politique, économique et culturel. Ainsi l’évolution de ces différents contextes s’interfécondent mutuellement. Cependant, on verra comment plusieurs en arrivent aujourd’hui à se questionner sur l’ équilibre des rapports de forces en jeu et sur l’autonomie institutionnelle et la liberté académique en matière d ‘ enseignement et de recherche universitaire. Face aux pouvoirs politique et économique exercés par le biais du financement des activités universitaires, la marge de manœuvre des administrateurs et des chercheurs-formateurs se rétrécit graduellement. En matière de formation à l’enseignement (dans la recherche, les programmes, les fondements et les pratiques) cette pression s’actualise notamment par leadership pédagogique exercé par le ministère de l’Éducation.
Quand la question du sens et de la sensibilité désertent l’espace éducatif et celui de la formation initiale à l’enseignement
Pour résumer, je pose ici que la question éthique en éducation, en enseignement et dans la formation en enseignement implique, au-delà (ou en amont) d’ un agir citoyen ou professionnel, la question du sens de cet agir dans la relation à l’Autre (Gohier, 1997; Meirieu, 1991).
Si le sens se construit à partir d’ une interrogation sur les finalités de ses actes, et dans le dialogue entre les sphères de la rationalité et de la sensibilité des acteurs, je crois cependant que cette dernière dimension est négligée, sinon absente des fondements et des pratiques éducatives scolaires tout autant que de la formation à l’enseignement. Cette absence de la question du sens, ou tout au moins, le silence qui règne à son égard, m’ apparaît problématique puisqu’elle ne favorise pas la construction du sens [de sa vie; de son projet d’éduquer, de son agir éducatif], ce sens comprenant les acceptions d’orientation, de valeur, de signification et de sensibilité (de ce qui se sent) et de son rapport à l’Autre. Bref, de tout ce qui est de l’ ordre des fondements et donc des finalités de l’ acte éducatif dans une perspective éthique.
Quelle que soit notre conception et les contextes particuliers de l’ éducation, de la formation à l’enseignement et de la profession enseignante, on s’entendra sur le fait que l’ enseignant est cet acteur de première ligne qui, dans un face à face quotidien et intense avec autrui (et qui le renvoie à lui-même), se voit pourvu d’immenses pouvoirs et responsabilités avec des enfants.
La praxis en tant qu’acte intégrateur de recherche et de formation dans une perspective éthique et éducative: «penser et agir en solidarité»
Cette proposition de Schlanger (1983) selon laquelle la nouveauté surgit des déplacements de point de vue et des emprunts de langage permettant le passage d’un cercle du sens à un autre et leur éclairage réciproque est le propre de l’herméneutique. Le cercle du sens/ sensé éclaire le cercle du sens/senti et inversement. Ces éclairages réciproques permettent une élaboration conceptuelle et un approfondissement expérientiel dans des cercles de sens formant des spirales. La spirale du sens/sensé s’élargissant de plus en plus vers le haut dans la culture et le rationnel et celle du sens/senti se concentrant de plus en plus vers le bas dans l’ expérience et le symbolique pour constituer une praxis, en tant « qu ‘acte de se comporter et agir en solidarité» (Gadamer, 1990). Ce rapport particulier entre théorie et pratique étant constitué d’une multitude de déplacements de point de vue et de relais (Deleuze et Foucault, 1972), inscrits dans des langages propres aux positions occupées, permettent la création de concepts novateurs, mais davantage évocateurs que totalisants. Une telle conception des rapports théorie-pratique et sa portée éthique et politique l’inscrivent dans une praxis.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : MISE EN LUMIÈRE D’UN PROBLÈME SUR LE TERRITOIRE PARTAGÉ DE L’ÉTHIQUE ET DE L’ÉDUCATION EN CONTEXTE DE FORMATION INITIALE À L’ENSEIGNEMENT
1.1 Première partie: la praxis éducative comme cadre interprétatif
1.1.1 La quête et le parcours
1 .1.2 Le mémoire: le passage de la morale à l’éthique dans une praxis éducative
1 .1.3 Le réinvestissement de la quête en formation et en recherche en formation initiale à l’enseignement
1.2 Deuxième partie: interprétation d’un contexte
1.2.1 Le contexte québécois contemporain
1.2.2 Le contexte scolaire et de la formation initiale à l’enseignement
1.2.3 Le contexte de la recherche sur le territoire de l’ éthique, de l’éducation et de
la formation à l’enseignement
1.3 Troisième partie: formulation d’ un problème
1.3.1 Quand la question du sens et de la sensibilité désertent l’ espace éducatif et celui de la formation initiale à l’enseignement
1.3.2 Le problème de recherche
1 .3.3 La question de recherche
1 .3.4 Les objectifs de recherche
CHAPITRE II : ÉPISTÉMOLOGIE ET MÉTHODOLOGIE D’UNE RECHERCHE THÉORIQUE ENGAGÉE SUR LE TERRITOIRE PARTAGÉ DE L’ÉTHIQUE ET DE L’ÉDUCATION
2.1 Première partie: une approche, une intentionnalité et une épistémologie
2.1.1 Une approche globale et interdisciplinaire
2.1.2 Une recherche fondamentale et théorique
2.1.3 Une épistémologie interprétative
2.2 Deuxième partie: une méthodologie
2.2.1 La praxis en tant qu’acte intégrateur de recherche et de formation dans une perspective éthique et éducative: « penser et agir en solidarité »
2.2.2 Une pratique de lecture/écriture/réécriture
2.2.3 Les critères. de rigueur
CHAPITRE III : LA PRAXIS ÉDUCATIVE POUR UNE ÉDUCATION ÉTHIQUE EN FORMATION INITIALE À L’ENSEIGNEMENT
3.1 Éducation et formation
3.1.1 Éduquer ou former?
3.1.2 Éduquer: educare ou educere?
3.1.3 Un tryptique dans le projet d’éduquer: instruire, socialiser et faire advenir l’ humanité dans l’Homme
3.1.4 Quelques difficultés dans le passage d’un projet de socialisation à un projet d’émancipation
3.2 La praxis : un concept et une théorie à revisiter sur le territoire partagé de l’éthique et de l’éducation
3.2.1 La praxis: un rapport théorie-pratique
3.2.2 La praxis éducative: une éducation éthique qui interpelle la sensibilité
CHAPITRE IV : L’ÉDUCATION À LA SENSIBILITÉ ÉTHIQUE AU SEIN D’UN PROJET PERSONNEL DE FORMATION EN FORMATION INITIALE À L’ENSEIGNEMENT
4.1 De la sensibilité éthique
4.1.1 De la sensibilité
4.1.2 Une conception de la sensibilité éthique
4.2 De l’éducabilité du sujet à la sensibilité éthique
4.3 De la pertinence et de la nécessité de l’éducation à la sensibilité éthique en formation initiale à l’enseignement
4.3.1 Pertinence conceptuelle
4.3 .2 Pertinence contextuelle
4.4 De l’éducation à la sensibilité éthique au sein d’ un projet personnel de formation (PPF) en formation initiale à l’enseignement
4.4.1 Le PPF en formation initiale à l’ enseignement
4.4.2 Le PPF et la praxis
4.4.3 Le PPF et l’éducation à la sensibilité éthique
CONCLUSION
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