LA POSTURE BIOMEDICALE DU MEDECIN
Le déroulement des séances
Les Focus groups ont eu lieu dans une salle de réunion de la Faculté de Médecine d’Angers les vendredi 11 et 25 avril 2014 de 13h à 14h30. Les participants ont été accueillis par le Docteur Cécile Masson-Bellanger et moi-même. La salle où se sont déroulées les séances a été équipée avec une caméra et 2 micros d’enregistrements afin de visionner les débats et d’en exploiter les résultats. Le matériel a été prêté et mis en place par un membre du département informatique de la Faculté de Médecine d’Angers. Des boissons chaudes et des gâteaux ont été mis à la disposition des participants. Les tables ont été positionnées en rectangle afin que chacun puisse se voir. Chaque médecin était invité à s’installer à la place de son choix. J’ai d’abord pris la parole afin d’expliquer le sujet et le but de mon travail de recherche ainsi que pour remercier chacun d’avoir bien voulu participer. Je me suis ensuite placée en retrait des discussions dans le rôle d’observateur. Le modérateur a ensuite expliqué les principes de la méthode du Focus group ainsi que le respect de l’anonymat et la confidentialité des propos recueillis. Un tour de table a été réalisé afin de permettre à chacun de se présenter puis la discussion a commencé. Le modérateur a entamé par la première question du guide d’entretien puis les participants ont pris la parole chacun leur tour s’ils le souhaitaient. Le modérateur a pu faire préciser certains points de la discussion et passait à la question suivante après s’être assuré que personne ne souhaitait ajouter quelque chose. Le deuxième Focus group s’est déroulé selon les mêmes modalités.
De l’accueil du symptôme à l’examen clinique
Devant des douleurs abdominales récurrentes chez l’enfant, les médecins éliminent assez rapidement une cause organique « a priori c’est pas organique », « moi mon idée dans ma pratique c’est que les douleurs répétées de l’enfant ça témoigne plus de quelque chose qui n’est pas organique du tout ». De ce fait, ce motif de consultation ne génère pas d’inquiétude « moi a priori, je suis pas inquiet ». Cependant, ils font dans le même temps du lien entre les douleurs exprimées par l’enfant et une raison extérieure à son organisme « c’est plutôt le symptôme d’un dysfonctionnement qui n’est pas dans son corps quoi … c’est un symptôme d’autre chose ».
L’examen clinique est une partie importante de la consultation « notre premier rôle c’est quand même de vérifier les choses, donc d’examiner ». La majorité des médecins a pour habitude de systématiquement examiner l’enfant même après plusieurs consultations pour le même motif « tu l’examines quand même […] tu touches quand même le ventre », avec le besoin ressenti de toucher « oui je vais mettre la main sur le ventre ». C’est également une façon de montrer au parent que la plainte physique est prise en compte « c’est quand même aussi montrer que je pars pas forcément : a priori c’est dans la tête ». L’examen clinique vient valider l’attitude médicale ultérieure auprès du parent « même si j’en attends pas forcément grand chose mais si j’examine pas je pense que j’ai pas tout à fait fait mon boulot », et de commencer à amener l’idée qu’ils ne sont pas inquiets «bah voilà, notre rôle de soignant c’est aussi de faire des diagnostics donc … si je dis que je suis pas inquiet et que je l’ai pas examiné, je suis pas forcément très crédible », « Moi aussi je suis comme toi, j’examine toujours les patients, complètement, pour rassurer déjà. Après, je dis souvent que je ne suis pas inquiète, je prends position. ». Un médecin exprime l’idée que l’examen physique, le contact avec l’enfant, peut être un geste qui soulage « l’examen médical c’est un acte médical qui en soit est thérapeutique, à mon avis. ».
Pour d’autres c’est aussi l’occasion de déceler des causes bénignes telles que la constipation «ça permet aussi de voir souvent des cordes coliques et on peut éliminer une constipation quand même » qui apparaît comme une des causes fréquemment retrouvées « j’suis quand même frappée et ça me met en difficulté, le nombre de fois où il y a un lien entre ces douleurs abdominales et constipation » L’examen est également pour beaucoup des participants un moment privilégié auprès de l’enfant « On est vraiment à part, on est vraiment séparé de la maman, donc on peut vraiment parler avec l’enfant, moi je trouve que c’est une manière aussi de parler avec l’enfant, d’être en contact avec lui, d’avoir un lien » qui permet de lui redonner sa place au coeur de la consultation et de faciliter les échanges entre le médecin et l’enfant « moi ça me permet l’examen clinique d’avoir un lien avec l’enfant, de le reprendre au centre », « Moi je trouve que ça me met en lien quand j’examine, je me sens plus proche ».
Un des participants tempère en expliquant que l’examen n’est pas forcément répété à chaque consultation et que c’est une façon de consacrer du temps à d’autres moyens diagnostiques « je l’examine pas complètement à chaque fois et quand c’est vraiment récurrent … une fois que je l’ai vraiment examiné complètement une fois ou deux, bon … », « je le réexamine pas complètement à chaque fois parce que ça me donne du temps en fait pour faire autre chose ». Ne pas répéter l’examen clinique peut également permettre au médecin de signifier à l’enfant et sa famille que la cause organique a été écartée « je dis « bah non je le réexamine pas parce qu’on a déjà fait une démarche diagnostique, y’a pas de maladie du ventre, du corps, et donc on va essayer de chercher une autre raison » », « Donc c’est là qu’effectivement je vais pas forcément réexaminer l’enfant, pas forcément repartir sur la physiologie tout ça mais je vais dire stop il faut qu’on passe à autre chose. »
La posture biomédicale du médecin Deux médecins ne prescrivent pas d’examens complémentaires ou de traitement à l’issue de la première consultation « Moi c’est pas rare du tout qu’après une première consultation ils repartent sans rien, du tout. Ni ordonnance, ni rien … » « Non c’est jamais sur la première, les examens complémentaires et tout c’est jamais sur la première ». Un des médecins précise même que dans le cadre de douleurs fonctionnelles il préfère « éviter d’aller dans des examens [qu’il] juge inutiles voire agressifs ». La majorité des médecins s’accordent pour dire que la prescription éventuelle d’examens complémentaires intervient en fonction de la demande parentale dans un but de réassurance : « Ca m’arrive de temps en temps de faire un abdomen sans préparation pour tranquilliser tout le monde. », « Ca m’arrive exceptionnellement de faire une échographie quand il y a une inquiétude parentale majeure ».
Un des participants précise également que dans ce type de plainte, ils n’ont pas de doute quant à la normalité des examens complémentaires éventuellement prescrits « quand je vais le revoir une deuxième fois je vais assez facilement demander quand même une num’, […] j’en attends quand même vraiment rien du tout j’crois qu’il faut être clair … Mais du côté du parent, pour renforcer l’idée : bon l’examen est normal, vous voyez vraiment y’a aucune conséquence non plus ».
La prescription d’un examen complémentaire est parfois envisagée comme le seul moyen permettant d’aborder des causes non organiques avec le patient « j’ai demandé une num/CRP mais vraiment moi dans l’idée de me dire comme ça on va pouvoir passer à autre chose » sans pour autant qu’elle permette évidemment de clore le problème « malgré qu’on ait fait des examens complémentaires, le symptôme perdure et l’inquiétude perdure ». Un des médecins questionne le raisonnement médical à l’issue duquel le médecin décide de prescrire ou non des examens « quelle démarche intellectuelle on fait pour éviter éventuellement de faire des examens complémentaires pour dire que c’est pas grave », et évoque la possibilité d’avoir un arbre décisionnel « y’a bien une sémiologie gériatrique entre guillemets mais est-ce que justement y’a pas une sémiologie pédiatrique qui pourrait dans le chapitre douleurs abdominales nous dire bah voilà, comme un arbre décisionnel ». Il se sent manquer de repères sur les critères diagnostiques dans ce genre de plainte « A quel moment on déclenche des examens, quand est-ce qu’on les déclenche, est-ce qu’on les fait, est-ce qu’on a des moyens sémiologiques ? ».
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
MÉTHODES
1 PRINCIPE
2 DEROULEMENT DU FOCUS GROUPS
3 NOTRE FOCUS GROUPS
3.1 Le guide d’entretien
3.2 Les acteurs
3.3 Le déroulement des séances
RÉSULTATS
1 DE L’ACCUEIL DU SYMPTOME A L’EXAMEN CLINIQUE
2 LA POSTURE BIOMEDICALE DU MEDECIN
3 LE MEDECIN FACE A LUI-MEME
4 DE QUOI ÇA PARLE DU COTE DE L’ENFANT ET DE SA FAMILLE
5 LE MEDECIN A L’ECOUTE DE L’ENFANT ET DE SES PARENTS
6 LA MALTRAITANCE
DISCUSSION ET CONCLUSION
1 DISCUSSION DE LA METHODE
1.1 Intérêts
1.2 Limites
DISCUSSION DES RESULTATS
1.3 Etre médecin généraliste et psychothérapeute d’enfant
1.4 L’appel à la mère et la question de la parentalité
1.5 La confiance accordée à la parole de l’enfant
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
1 GUIDE D’ENTRETIEN DES FOCUS GROUPS
2 MAIL ADRESSE AUX MEDECINS GENERALISTES MSU
3 MAIL ENVOYE AUX MEDECINS PARTICIPANTS AUX FOCUS GROUPS
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