La pomme de terre et ses maladies
La pomme de terre est une angiosperme, appartenant à la famille des solanacées (Solanaceae). Elle a été nommée Solanum tuberosum en 1595 par Gaspar Bauhin, naturaliste suisse (1560-1624).
Les solanacées
Les espèces de la famille Solanacées sont extrêmement diverses : selon leur biologie – des herbes annuelles aux arbres pérennes, leur habitat – du désert aux forêts tropicales humides, ou leur morphologie – des fleurs et des fruits (Knapp, 2002). Les Solanacées sont originaires pour leur majorité d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale (D’Arcy, 1991). La famille comprend une centaine de genres et de l’ordre de 2500 espèces (Olmstead et al., 2008), dont une moitié appartient au genre Solanum (Weese et Bohs, 2007). Depuis l’avènement des marqueurs moléculaires révélateurs du polymorphisme de l’ADN, la classification des membres de la famille des Solanacées a été réorientée dans une logique phylogénétique et a été assez fortement remaniée (Olmstead et al., 2008). Par exemple le passage des genres Lycopersicon et Cyphomandra dans le genre Solanum. Le genre Solanum regroupe environ 1300 espèces dont plus de 200 sont tubéreuses (Hawkes, 1990). Ces dernières sont regroupées dans la section Petota. L’ensemble de ces espèces forme un groupe ayant un nombre chromosomique de base égal à 12 et allant du niveau diploïde au niveau hexaploïde. Considérée comme l’une des plus importantes pour l’alimentation humaine, la famille des solanacées représente le troisième taxon d’importance économique. Le genre Solanum inclut des plantes alimentaires , telles que la tomate (Solanum lycopersicum L.), l’aubergine (S. melongena L.), la pomme de terre (S. tuberosum L.), le piment (Capsicum sp.) et d’autres espèces moins connues comme le pépino (S. muricatum Ait.), la narangille (S. quitoense Lam) et le cocona (S. sessiliflorum Dunal). La famille Solanaceae comprend aussi le tabac (Nicotiana tabacum L.), ainsi que de nombreuses espèces utilisées à des fins pharmaceutiques ou ornementales (Olmstead et al., 2008).
Botanique et cycle végétatif de la pomme de terre
La pomme de terre est une plante vivace à multiplication végétative, c’est-à-dire une reproduction à partir des tubercules, mais est également capable de se reproduire par la voie sexuée (floraison et fructification). Elle présente deux types de tiges : des tiges aériennes qui portent les feuilles puis les fleurs et les fruits, et les tiges souterraines, rhizomes ou stolons, sur lesquelles apparaissent les tubercules à leur extrémité .
Le système aérien
Le système aérien de la pomme de terre comporte de deux à dix tiges, plus ou moins dressées et à section irrégulière, d’un mètre de long au maximum . Les tiges aériennes naissent à partir du tubercule germé lorsqu’il est utilisé comme semence (tubercule mère). Normalement de couleur verte, elles peuvent exceptionnellement présenter une coloration rouge pourpre. Les feuilles sont insérées sur la tige selon une phyllotaxie spiralée. Elles sont imparipennées et comptent de 7 à 9 folioles de forme lancéolée et de tailles hétérogènes. De plus petites folioles s’intercalent par paires entre les plus grandes. La floraison donne naissance à des inflorescences cymeuses. On compte généralement 7 à 15 fleurs, au maximum une trentaine. Les fleurs sont généralement autogames mais souvent stériles. Les fruits sont des baies sphériques de 1 à 3 cm de diamètre, contenant de nombreuses petites graines albuminées dont l’intérêt est nul en culture habituelle, mais essentiel en sélection variétale (Sidikou, 2002).
Les aspects et colorations des feuilles ainsi que le nombre d’inflorescences, le nombre de fleurs par inflorescence ainsi que la couleur des fleurs (blanche, mauve, bleutée, rouge violacé) caractérisent les différentes variétés de pomme de terre.
L’appareil souterrain
A partir du tubercule mère naissent les rhizomes ou stolons, tiges souterraines dont les extrémités renflées constitueront les nouveaux tubercules. Le système racinaire se développe à partir des stolons. Il se compose de racines fasciculées, nombreuses et fines pouvant pénétrer profondément les sols meubles, jusqu’à 80 cm sous le tubercule mère.
Le tubercule
Le tubercule , organe de conservation et de multiplication végétative, est formé près de la surface du sol. Il assure la fonction d’organe de stockage des substances de réserve produites par la photosynthèse, et la redistribution des réserves nécessaires au développement et à la croissance du jeune plant (Vanderhofstadt et Jouan, 2009). Leur nombre (20 au maximum) dépend de la variété, de l’humidité du sol et de sa teneur en éléments nutritifs. Les tubercules sont de forme et de calibre variables et leur poids moyen ne dépasse pas 300 g (FAO, 2008). Le talon désigne la partie du tubercule du côté du stolon. L’extrémité apicale est à l’extrémité opposée au talon. Les bourgeons se développent à partir des yeux et deviendront un germe, puis un stolon ou une tige. Les lenticelles sont des pores assurant les échanges gazeux, répartis dans l’épiderme du tubercule. Sa structure (forme, couleur, peau, chair, germes) est différente selon les variétés cultivées.
Le cycle végétatif
Du cycle végétatif découlent les différents stades de développement .
La phase de croissance : A partir d’un tubercule planté, les germes émergent et se développent en tiges aériennes et en tiges souterraines munies de racines fasciculées. Pendant cette phase de croissance qui dure 30 à 40 jours, la plante vit pratiquement sur les réserves du tubercule mère. Les racines permettent l’apport en eau et en éléments nutritifs exogènes. Les besoins en eau de la plante augmentent avec la croissance foliaire et la tubérisation.
La tubérisation ou formation des tubercules : Après la phase de croissance, la tubérisation commence par un arrêt de l’élongation des stolons. Elle se poursuit pendant la floraison et la fructification, puis s’arrête au cours de la sénescence des feuilles (maturation des tubercules).
Repos végétatif et germination : Dès sa formation, le tubercule de pomme de terre entre en repos végétatif (ou dormance vraie). Il est incapable de germer, même s’il est placé dans des conditions favorables. La durée du repos végétatif est très variable (de 17 à 40 semaines) et dépend principalement de la variété, ou de la température.
La germination peut être provoquée par une blessure ou une meurtrissure, ou par une incubation à 10/15°C ou par la lumière. Les tubercules deviennent alors capables de germer, bouclant ainsi le cycle végétatif (Sidikou, 2002).
La pomme de terre en France
Depuis au moins 7000 ans, la pomme de terre est domestiquée, d’abord près du lac Titicaca dans la cordillère des Andes, puis en Europe vers la fin du XVIème siècle à la suite de la découverte de l’Amérique (FAO, 2008). Aujourd’hui elle est cultivée dans plus de 150 pays. En France, le pharmacien Parmentier (1737-1813) comprit le premier la nécessité de faire connaître et développer l’ensemble de la « filière pomme de terre », de la production à la consommation, après la famine de 1769-1770. De nos jours, la production pour la consommation oscille entre 4,5 et 5 millions de tonnes par an. La France se situe ainsi au second rang de l’Europe de l’Ouest, derrière l’Allemagne (7 millions de tonnes) et depuis peu devant le Royaume-Uni (4,6 millions de tonnes). Les surfaces cultivées ont nettement diminué dans les années 2000 pour se stabiliser aujourd’hui autour de 115 000 hectares. Dans le même temps, les rendements se sont améliorés, permettant de maintenir le niveau de récolte. La filière pomme de terre française est principalement gérée par la Fédération Nationale des Producteurs de Plants de Pomme de Terre (FN3PT). Créée en 1932, la FN3PT regroupe depuis l’origine les syndicats de producteurs de plants de pommes de terre, et depuis 1994, le Comité Nord, Bretagne Plants, et le Comité Centre & Sud .
Ces différentes organisations ont pour missions :
– le contrôle et la certification des plants par délégation du Ministère de l’Agriculture
– la production de plants (boutures in vitro, mini tubercules)
– l’amélioration des techniques de production et l’appui technique aux producteurs de plants
– l’organisation économique du secteur
– la création variétale et la promotion de la filière aux niveaux national et international.
La sélection variétale est réalisée par 4 stations : Comité Nord, Bretagne Plants, GROCEP et GERMICOPA (structure privée). Ces stations collaborent avec de nombreux partenaires (producteurs, coopératives, négociants). Elles s’appuient sur un important réseau d’essais en Europe pour évaluer le comportement agronomique des nouvelles variétés, choisies pour leurs qualités culinaires, ainsi que pour leur résistance aux maladies. Ainsi, chaque année sont créées de nouvelles variétés dans tous les créneaux d’utilisation : consommation en frais (primeur, chair ferme…), conservation, exportation, transformation (chips, frites, fécule…).
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Table des matières
CHAPITRE I. Introduction
I.1. La pomme de terre et ses maladies
I.1.1. Les solanacées
I.1.2. Botanique et cycle végétatif de la pomme de terre
I.1.2.1. Le système aérien
I.1.2.2. L’appareil souterrain
I.1.2.3. Le tubercule
I.1.2.4. Le cycle végétatif
I.1.3. La pomme de terre en France
I.1.4. Les pathogènes de la pomme de terre
I.1.4.1. Phytophthora infestans
I.1.4.2. Ralstonia solanacearum
I.1.4.3. Pectobacterium
I.2. Interaction plantes-pathogènes
I.2.1. Détection du pathogène
I.2.2. Le système immunitaire des plantes
I.2.2.1. L’immunité induite par les pathogènes (PTI)
I.2.2.2. Immunité induite par les effecteurs (ETI)
I.3. La paroi végétale : Ligne de défense N°1
I.3.1. Les polysaccharides de la paroi
I.3.1.1. La cellulose
I.3.1.2. Les hémicelluloses
I.3.1.3. Les Pectines
I.3.2. Les protéines riches en hydroxyproline (HRGPs)
I.3.2.1. Les protéines riches en proline (PRPs)
I.3.2.2. Les Extensines
I.3.2.3. Les Arabinogalactane-protéines (AGP)
I.4. Identification in silico des HRGPS
I.5. La racine : ligne de défense cachée
I.5.1. Les cellules bordantes (BC)
I.5.1.1. Origine et production des cellules bordantes (BC)
I.5.1.2. Fonction des BC dans la protection racinaire
I.5.2. Les exsudats racinaires
I.5.2.1. Les exsudats racinaires impliqués dans la défense
I.5.2.2. Les ADN extracellulaires
I.6. Le Root Extracellular Trap (RET)
I.7. Objectifs du projet de thèse
CHAPITRE II. Matériels et Méthodes
II.1. Matériel végétal
II.2. Culture in vitro de « semence vraie » de pomme de terre
II.3. Culture végétative d’explants de pomme de terre
II.4. Mise en évidence des dépôts de callose
II.5. Mise en évidence des espèces réactives d’oxygènes (ROS)
II.6. Mise en évidence des ADN extracellulaires (ADNex)
II.7. Mise en évidence du chimiotactisme
II.8. Effet des exsudats racinaires sur la croissance de P. atrosepticum
CHAPITRE III. Résultats
III.1. Caractérisation des Cellules Bordantes de pomme de terre
III.1.1. Culture in vitro de pomme de terre
III.1.1.1. Plantules issues de graines ou « semences vraies »
III.1.1.2. Culture in vitro d’explants de pomme de terre
III.1.2. Etude des BC de plantules issues de graines ou de vitroplants
III.1.2.1. Mise en évidence des cellules bordantes (BC)
III.1.2.2. Viabilité des cellules bordantes (BC)
III.1.2.3. Analyse des polysaccharides pariétaux des BC
III.2. Implication du système racinaire dans la défense de la pomme de terre
III.2.1. Production des espèces réactives d’oxygènes (ROS)
III.2.2. Présence d’ADN extracellulaire dans les sécrétions racinaires
III.2.3. Chimiotactisme des exsudats racinaires de pomme de terre vis-à-vis de P. atrosepticum
III.3. Caractérisation du mucilage de la racine de pomme de terre et effet sur la croissance de Pectobacterium atrosepticum
III.3.1. Article 1, soumis à Journal of Experimental Botany
III.3.2. Données supplémentaires
III.3.3. J. Exp. Botany : Decision letter
III.3.4. Commentaires des reviewers et réponses apportées
III.4. Analyse bioinformatique : identification des séquences des HRGPs
III.4.1. Elaboration des scripts en langage R
III.4.1.1. Script AGP (Annexe 1)
III.4.1.2. Script EXT (Annexe 1)
III.4.1.3. Script PRPs (Annexe 1)
III.4.2. Validation des Scripts
III.4.2.1. Application des scripts sur les séquences protéiques d’A. thaliana
III.4.2.2. Analyse comparée des séquences identifiées
III.4.3. Impact du glycomodule sur la recherche des HRGPs
III.4.4. Application à Solanum tuberosum
CHAPITRE IV. Discussion
CHAPITRE V. Conclusion