La polyneuropathie amyloïde familiale
Epidémiologie
La prévalence moyenne mondiale des amyloses à TTR est estimée à 1/10⁶ habitants. Cependant elle peut être plus importante dans certaines régions considérées comme endémiques notamment au Portugal, au Japon et en Suède avec un début des symptômes vers l’âge de 30 ans et un diagnostic reposant essentiellement sur l’histoire familiale. En France, il s’agit d’une pathologie rare où il existe des cas familiaux et sporadiques à début souvent plus tardif (après 50 ans) et une évolution plus sévère. En l’absence de thérapie, la progression est rapide et aboutit au décès en une dizaine d’années(3).
Présentation clinique
La distribution aléatoire des dépôts amyloïdes au niveau du système nerveux périphérique peut être responsable de leur accumulation locale au niveau d’un tronc ou d’un plexus et est susceptible d’entrainer une compression nerveuse focale. Pour cette raison, le syndrome du canal carpien est une manifestation fréquente et précoce mais aspécifique de la polyneuropathie amyloïde familiale, compte tenu de sa prévalence élevée la population générale. L’atteinte neurologique correspond classiquement à une polyneuropathie axonale sensitivo-motrice longueur dépendante d’évolution chronique(4). Les premiers symptômes débutant au niveau des pieds, comprennent généralement des paresthésies douloureuses et un déficit sensitif prédominant sur le mode thermo-algique. Une neuropathie autonome est fréquemment retrouvée avec la présence de signes gastro-intestinaux (alternance diarrhée-constipation, gastroparésie), génito-urinaire (dysfonction érectile, dysurie, urgenturie) ou une hypotension orthostatique. Ces premières manifestations sont en lien avec une dégénérescence initiale des fibres de petits calibres faiblement ou non myélinisées. L’atteinte progressive des fibres nerveuses de plus gros calibres est ensuite responsable d’un déficit moteur ainsi que de la sensibilité profonde et épicritique associée à une aréflexie tendineuse, d’évolution ascendante des membres inférieurs vers les membres supérieurs. L’âge du début de la maladie, sa présentation et son évolution clinique sont très variables et dépendent notamment du type de variant du gène de la TTR et de l’origine ethnique. A ce jour, plus de 100 mutations de la TTR ont été décrites, pouvant être responsables de phénotypes clinques différents. La mutation Val30Met (substitution d’une valine par une méthionine au codon 30) est la plus fréquemment retrouvée, notamment dans les régions considérées comme « endémique » et s’associe à la présentation clinique «classique », précédemment décrite. Néanmoins dans les régions « non – endémiques », il existe une expression génétique plus variée responsable de différents phénotypes clinique, rendant le diagnostic de la maladie difficile(4).
Diagnostic
Deux situations peuvent conduire au diagnostic d’amylose à TTR : dans le cadre d’un dépistage familial chez des individus asymptomatiques, soit dans le cadre du bilan étiologique d’une neuropathie périphérique. A ce jour le diagnostic de certitude repose sur l’étude génétique attestant d’une mutation du gène codant pour la TTR(5). La réalisation d’une biopsie nerveuse à la recherche de dépôt amyloïde dans le cas du bilan étiologique d’une neuropathie avérée peut être utilisée. Cependant sa sensibilité est limitée en raison du caractère focale et aléatoire des dépôts(6), de plus celle-ci ne dispense pas de l’analyse génétique qui permet de confirmer le diagnostic et de préciser le type de mutation causale.
Suivi
Outils disponibles
Sur le plan clinique, des scores d’incapacité fonctionnelle comme l’Overall Neuropathy Limitations Scale (ONLS) ou le Rasch-Built Overall Disability Scale (RODS), correspondant à des auto-questionnaires (pour le RODS) ou des hétéroévaluations (pour l’ONLS), permettent d’évaluer la limitation fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne des patients. Ils sont importants pour évaluer l’impact de la prise en charge thérapeutique mais ne sont pas spécifique d’une atteinte neurologique. L’utilisation concomitante de scores d’invalidité comme le Neuropathy Impairment Score (NIS), réalisé par le praticien, prend en compte la présence de signes neurologique déficitaires et permet donc une mesure plus directe et plus objective du dysfonctionnement nerveux(7). Sur la base de ces différents scores clinique, des systèmes de classification ont été proposés tel que le Peripheral Neurpapathy Disability score (PND, du stade I correspondant à des signes sensitifs isolés au stade IV correspondant à une perte de la marche)(8). Sur le plan paraclinique, l’évaluation du dysfonctionnement nerveux comprend la recherche d’une atteinte du système nerveux autonome (réponse cutanée sympathique, variation de l’intervalle R-R en respiration profonde, mesure des conductances cutanée) et la mesure de la conduction des fibres nerveuses de gros calibres par l’électroneuromyogramme (ENMG).
Recommandations de suivi
Après la confirmation génétique d’une amylose à TTR, deux situations sont possibles: celle des porteurs de la mutation mais asymptomatiques sur le plan clinique et éléctrophysiologique et celle des patients présentant une neuropathie amyloïde avérée. Dans les deux cas, la sommation de ces différentes mesures clinique et électrophysiologique est utilisée pour évaluer le degré d’atteinte neurologique et conditionne la prise en charge thérapeutique(9). Ces différents tests permettent également de déterminer le passage d’une forme asymptomatique vers une forme symptomatique et donc de déterminer l’initiation d’un traitement. Néanmoins, les données disponibles sont insuffisantes pour permettre une définition de ce qui représente la preuve minimale d’une atteinte neurologique chez les porteurs asymptomatiques. Malgré l’absence de directives claires, la plupart des études recommandent de considérer comme symptomatiques les patients présentant au moins un signe clinique en rapport avec la maladie et un examen paraclinique anormal .
Traitement
La transplantation hépatique, premier traitement utilisé dans la polyneuropathie amyloïde familiale, permet de supprimer la première source de TTR mutée. Cependant, malgré le ralentissement de la progression de la maladie, cette option thérapeutique est lourde et l’efficacité de ce traitement dépend de certaines caractéristiques du patient comme l’âge, la gravité de l’atteinte clinique initiale et le type de mutation de la TTR, rendant son utilisation limitée. Depuis 2013, le Tafamidis, une molécule stabilisatrice de la TTR et permettant une diminution de la formation des dépôts amyloïdes, est reconnu comme efficace au stade précoce de la maladie(12). Récemment des études de phase III ont démontré l’efficacité contre placébo de l’Inotersen et du Patisiran à un stade précoce de l’atteinte neurologique avec un arrêt de la progression de la maladie voire une amélioration des scores cliniques en ce qui concerne le Patisiran(13) (14). Ces thérapies innovantes permettent une diminution du taux de la protéine TTR mutée et sauvage de plus de 80% dans le sang et les tissus en ciblant son ARN messager et limitant la traduction de la protéine. Néanmoins, des études complémentaires doivent encore être réalisées notamment sur la tolérance et l’efficacité clinique à long terme. Plusieurs autres molécules sont actuellement à l’étude et apparaissent prometteuses, telles que l’épigallocatechin-3-gallate (EGCG) ou l’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés sélectivement contre la forme mutée de la protéine TTR .
Place de l’IRM dans les pathologies neuromusculaires
En pathologie neuromusculaire, l’IRM est utilisée depuis plusieurs années pour aider au diagnostic par la mise en évidence d’un pattern d’atteinte musculaire qui peut non seulement orienter vers un type de maladie mais également guider une éventuelle biopsie musculaire(17). D’un point de vu physiopathologique, la dégénérescence musculaire consécutive à une neuropathie entraine une inflammation musculaire ainsi qu’une perte en fibre responsable d’une atrophie et du remplacement chronique du muscle par du tissu adipeux. Ces différents processus sont facilement identifiables par IRM à partir de séquences anatomiques pondérées en T1, T2 ou STIR. Cette approche descriptive est semi-quantitative, en effet elle ne permet pas une quantification exacte des anomalies. Le signal visible dans chaque voxel ne dépend pas de l’intensité de l’atteinte, il s’agit d’une réponse binaire « présence » ou « absence » d’anomalie. Par exemple, en pondération T1, un voxel comprenant de la graisse apparaitra en hypersignal indépendamment que cette infiltration soit de 10% ou de 100%. Ces séquences permettent donc une analyse visuelle et spatiale de l’atteinte musculaire, utile à des fins diagnostiques mais insuffisantes pour suivre la progression des lésions dégénératives(18).
Récemment des approches quantitatives des anomalies musculaires visibles sur l’IRM ont fait l’objet de plusieurs études(19) (20) (21). L’avènement de l’IRM musculaire quantitative, utilisant des techniques de post traitement des images, permet d’évaluer plus finement l’atteinte neuromusculaire. Ces approches reposent sur des séquences d’écho de spin rapide qui permettent d’obtenir plusieurs images avec un contraste différent sur la même coupe. En fonction du contraste il est possible d’estimer la densité des protons de l’eau et des protons de la graisse. La fraction graisseuse peut alors être calculée pour chaque voxel comme le rapport entre la densité de protons de la graisse et la somme des densités de protons de l’eau et de la graisse(22). Une autre approche quantitative intéressante consiste à déterminer le ratio du transfert d’aimantation (MTR) d’un tissu. Le contraste des images IRM lié au transfert d’aimantation est basé sur la saturation par une onde de radiofréquence des protons liés aux macromolécules. Par un processus de transfert magnétique, le MTR reflète alors les échanges entre les protons de l’eau et des macromolécules et permet donc de renseigner sur la composition biochimique d’un tissu(23). En effet le tissu musculaire squelettique sain est une structure riche en protéines et macromolécules. En cas de dégénérescence on observe une perte de fibre et donc une diminution du contenu macromoléculaire, ayant pour conséquence la diminution des échanges entre les protons de l’eau libre et ceux liées aux macromolécules.
Ces différentes techniques de post traitement des images d’IRM permettent une quantification plus précise des anomalies musculaire en fournissant des valeurs nominales à chaque voxel qui traduiront l’intensité de l’atteinte.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. La polyneuropathie amyloïde familiale
1. Epidémiologie
2. Présentation clinique
3. Diagnostic
4. Suivi
5. Traitement
II. Place de l’IRM dans les pathologies neuromusculaires
PROBLEMATIQUE
Article version anglaise
Abstract
Introduction
Patients and Methods
Clinical assessment
MRI protocol
Segmentation protocol
Statistical analysis
Results
Fat infiltration
MTR
Correlations
Discussion
Figures and tables
Article version française
Résumé
Introduction
Patients et méthodes
Évaluation clinique
Protocole d’IRM
Protocole de segmentation
Analyse statistique
Résultats
Infiltration graisseuse
MTR
Corrélations
Discussion
Figures et tableaux
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE