LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
Généralités
Définition
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie systémique auto-immune caractérisée par une atteinte articulaire à prédominance périphérique, bilatérale, symétrique, érosive et des manifestations extra-articulaires dont l’atteinte buccodentaire .
Aspects épidémiologiques :
L’atteinte bucco-dentaire au cours de la PR concerne la muqueuse buccale, la langue et le parodonte ou tissu de soutien de la dent (la gencive, les ligaments alvéolo-dentaires). Les parodontopathies sont les manifestations les plus étudiées.
– 75 % de la population adulte souffre à des degrés divers de parodontite.
– Les patients atteints de PR ont deux fois plus de risque de développer une parodontite [6]. La majorités des études ont été réalisées en occident. Certaines études sont retrouvées en Afrique du nord. En Afrique sub-saharienne, peu d’études portent sur le sujet.
Physiopathogénie
La physiopathologie de la PR reste encore mal connue.
De façon schématique, nous distinguons :
– la phase de déclenchement de la maladie, avec les différents facteurs responsables de l’initiation de la PR,
– la phase d’inflammation de la membrane synoviale dont la pathogénie est mieux connue et
– la phase de destruction articulaire [30].
Phase de déclenchement de la maladie
Facteurs hormonaux
La plus grande incidence de la PR chez la femme, avec un sex-ratio d’un homme pour quatre femmes, suggère une implication des hormones dans le déclenchement de la PR. Pendant la grossesse, le risque de développer une PR est faible, tandis que dans l’année qui suit le post-partum ce risque est nettement plus élevé. L’allaitement a été incriminé comme étant un facteur de risque, responsable de l’incidence plus élevée dans le post-partum L’implication des facteurs hormonaux endogènes est soulignée par certaines études qui ont montré une hypoandrogénie relative chez les femmes mais aussi chez les hommes atteints de PR, avec des taux de testostérone et de déhydroépiandrostérone plus bas.
Facteurs génétiques
Le taux de concordance pour la PR chez les jumeaux homozygotes atteints est en moyenne de 13 %. L’association génétique la plus forte est observée avec les gènes codant pour les molécules human leukocyte antigen (HLA) de classe II qui sont surtout exprimées à la membrane des cellules présentant l’antigène (CPA).
Facteurs environnementaux
Les agents infectieux viraux (Epstein-Barr), bactériens (E. coli) et mycobactériens ont été incriminés dans le déclenchement de la PR. Une infection commune sur un terrain génétiquement prédisposé pourrait déclencher la maladie par mimétisme moléculaire de certains composants de ces agents infectieux avec des composants de l’articulation.
La cavité buccale
P. gingivalis est une bactérie gram négatif anaérobie strict qui se niche au sein de la plaque dentaire et qui possède une peptidyl arginine déiminase (PAD), l’enzyme permettant l’hydrolyse de l’arginine en citrulline . Il a été montré que la PAD de P. gingivalis est capable de citrulliner des protéines du parodonte humain. Une infection chronique par P. gingivalis est donc susceptible de s’accompagner de la citrullination de protéines du parodonte, et peut donc conduire à une immunisation anti-citrulline chez des sujets génétiquement déterminés, (porteurs des groupes HLA DR4 ou DR1, associés au risque de développement de la PR (épitope partagé). On comprend dès lors son rôle potentiel au cours de la PR ACPA+. P. gingivalis possède également une énolase, et il a été montré que les anticorps anti-α-énolase citrullinée, parfois observés chez les patients atteints de PR, pouvait réagir de façon croisée avec l’énolase bactérienne . Il se pourrait donc que ce soit l’immunisation vis-à-vis de l’énolase bactérienne qui conduise à l’apparition de l’auto-anticorps (ACPA).
Les anti-CCP provenant de la périphérie se lient aux CCP générées au niveau de l’articulation pour former un complexe immun qui va être reconnu par les macrophages. Le macrophage ainsi activé sécrète des cytokines et des chimiokines et initie, d’une part, l’angiogenèse et le recrutement des cellules vers le tissu synovial et d’autre part l’activation des cellules dendritiques. La cellule dendritique est activée par la liaison des TLR à leurs ligands et par l’apprêtement et la présentation des antigènes (CCP). Il s’en suit une activation des lymphocytes T et leur différenciation en TH17 ainsi qu’une activation des lymphocytes B. Les cytokines pro-inflammatoires du milieu activent les chondrocytes et les synoviocytes qui permettent l’action des ostéoclastes et l’érosion osseuse.
Poumon
Il a été montré une interaction gène-environnement entre l’épitope partagé et le tabagisme pour les PR avec ACPA+, et non chez les PR ACPA-. L’hypothèse physiopathologique proposée est donc la suivante :
– le tabac peut activer l’expression des PADs dans des cellules bronchioalvéolaires, et induire la citrullination d’auto-antigènes au niveau de l’épithélium respiratoire ;
– la réponse auto-immune à ces protéines citrullinées induit la production d’ACPA, préférentiellement chez les sujets porteurs de l’épitope partagé ;
– le conflit dysimmunitaire entraine le développement quelques années plus tard d’une PR.
L’intestin
S’il n’y a pour l’instant pas de démonstration du rôle de la muqueuse et de la flore intestinale dans la physiopathologie de la PR, il est intéressant de rappeler qu’une influence considérable de la flore intestinale a été montrée dans de multiples modèles animaux de polyarthrite.
Phase d’inflammation de la synoviale
L’inflammation de la synoviale, ou synovite, implique de nombreux acteurs cellulaires, extracellulaires et intracellulaires.
Activation des cellules de l’immunité innée
Les cellules dendritiques, les macrophages et les synoviocytes sont activés par l’intermédiaire des récepteurs de l’immunité innée, les « toll like receptor » (TLR) qu’ils portent à leur surface . L’activation de ces TLR, dans la PR, est déclenchée par la liaison avec leurs ligands endogènes appelés « damageassociated molecular patterns » (DAMPs) comme la protéine du choc thermique (HSP), l’ADN et l’ARN. Les DAMPs sont générés par un stress oxydatif qui résulte d’une rupture de l’équilibre entre la production des ROS et leur élimination par les antioxydants comme les superoxydes dismutases (SOD) La liaison des TLR aux DAMPs entraîne une transduction du signal médiée par quatre protéines adaptatrices, relayées ensuite par plusieurs kinases (initiales et distales) et par trois facteurs de transcription : le « nuclear factor κB » (NF-κB), l’« activator protein 1 » (AP1) et l’« interferon regulatory factor » (IRF). Ces facteurs de transcription induisent la synthèse des interférons (IFN), du TNFα, des interleukines 1, 6, 10, 12 et de différentes chémokines par les cellules dendritiques. L’activation des synoviocytes via leur TLR, aboutit à la synthèse de l’IL1, de l’IL6, de la prostaglandine PGE2 et des MMPs et celle des macrophages à l’IL1, l’IL6 et le TNFα . La fixation des cytokines à leurs récepteurs au niveau des cellules cibles de l’articulation (macrophage, PNN, synoviocyte) déclenche une cascade de transduction du signal selon quatre voies qui sont :
– la voie des « mitogen activated protein kinases » (MAPK surtout la p38MAPK) ,
– la voie de la phosphoinositide(PI)-3 kinase,
– la voie de « janus kinase/signal transducer and activator of transcription » (JAK/STAT) et
– la voie de NF-κB.
Dans le cytoplasme, le facteur NF-κB inactif est lié à « inhibitor of NF-κB » (IkB). Sous l’action d’IkB kinase (IKK), IkB se détache et NF-κB migre vers le noyau. Les cellules cibles ainsi activées synthétisent des cytokines, des facteurs de croissance et des MMPs et entretiennent par cette boucle l’inflammation.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS
LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
I. Généralités
1. Définition
2. Aspects épidémiologiques
3. Physiopathogénie
3.1. Phase de déclenchement de la maladie
3.2. Phase d’inflammation de la synoviale
3.3. Destruction de l’articulation
3.4. Facteurs pathogéniques communs aux PR et aux Parodontites
II-SIGNES
A. Type de description : PR de la femme jeune en dehors de la grossesse
1. Période de début
1.1. Signes cliniques
1.2. Signes paracliniques
2. Période d’état
3. Evolution
3.1. Elément de surveillance
3.2. Les modalités évolutives
B-Formes cliniques
1. Formes symptomatiques
2. Les formes selon le terrain
3. Les atteintes extra-articulaires
4. Formes associées
5. Les formes compliquées
III-Diagnostic
1-Diagnostic positif
2. Diagnostic différentiel
3. Diagnostic étiologique
V. Traitement
1. But
2. Moyens
3. Indications
4. Surveillance
LES PATHOLOGIES BUCCO-DENTAIRES
I.Rappel anatomique
1.1. Odonte
1.2. Parodonte
II. La carie dentaire
2.1. Définition
2.2. Epidémiologie
2.3. Classification
2.4. Moyens de diagnostic
2.5. Aspect clinique de la carie dentaire
2.6. Approche thérapeutique de la carie
III.Les maladies parodontales
3.1Etiologie des maladies parodontales
3.2. Pathogénie
3.3. Classification
3.4. Les gingivites
3.5. Les parodontites
3.6. Traitement de la maladie parodontale
DEUXIEME PARTIE
I.CADRE D’ETUDE
II. PATIENTS ET METHODES
1. Type d’étude
2. Population d’étude
2.1. Les critères d’inclusion
2.2. Les critères de non inclusion
3. Matériels
4. Recueil des données
4.1. Données socio-démographiques
4.2. Description des variables rhumatologiques
4.3. Description des variables odontologiques
4.4. Analyse statistique
RESULTATS
I. ETUDE DESCRIPTIVE
II. ETUDE ANALYTIQUE
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE