En 2014, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait que, pour l’année 2012 et au niveau mondial, environ 7 millions de décès prématurés étaient liés à la pollution de l’air. Plus de la moitié de ces décès prématurés sont supportés par des pays en développement. On peut distinguer deux types de pollution, la pollution de l’air intérieur et extérieur. Au cours de l’année 2012, l’OMS estime à 3.4 millions le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l’air extérieur et 4.3 millions pour la pollution intérieure. La qualité de l’air, tant extérieur qu’intérieur, est donc un des enjeux environnementaux les plus préoccupants à l’heure actuelle. La mortalité prématurée induite par la pollution de l’air est liée en particulier à ses effets sur les systèmes respiratoires et cardiovasculaires. Les groupes de personnes les plus sensibles sont les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant au préalable de certaines maladies. Les conséquences de l’exposition à une mauvaise qualité de l’air peuvent être multiples. A court terme, lors d’un pic de pollution intense, les effets disparaissent avec la fin du pic de pollution. A long terme, avec une concentration en polluants moins importante mais sur une longue durée, les effets peuvent survenir plusieurs mois ou plusieurs années après le début de l’exposition. C’est pourquoi, lorsque l’OMS indique des concentrations de polluants à partir desquelles le risque sanitaire est fondé, ce sont en fait deux valeurs par polluant qui sont données (WHO, 2006) : une moyenne journalière permettant de prévenir les risques liés aux pics de pollution et une valeur annuelle permettant de prévenir les risques à long terme. Les polluants qui sont concernés par ces seuils sont, l’ozone, le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote et les particules fines. Les polluants qui concernent l’Europe en terme de dépassement de seuil sont l’ozone (O3 ) et les particules fines. Selon le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), les aérosols, ou particules fines, correspondent à des particules, liquides ou solides, en suspension dans l’atmosphère avec une taille typique comprise entre quelques nanomètres et dix micromètres et résidant au moins plusieurs heures dans l’atmosphère (Stocker et al., 2013). Tous ces divers polluants, gazeux ou particulaires, peuvent également avoir un impact sur la végétation. En effet, la plupart des polluants gazeux ont un effet soit acidifiant, soit oxydant, qui peut être nocif pour les végétaux. L’ozone, par exemple, peut entrainer une nécrose sur les feuilles qui affecte ainsi la photosynthèse et le rendement de la plante. Les aérosols également ont un rôle néfaste sur la végétation, en particulier en se déposant sur les feuilles, ce qui a pour conséquence d’altérer le processus de photosynthèse.
La pollution de l’air : gaz et aérosols
L’atmosphère est une fine couche gazeuse qui s’étend verticalement sur une centaine de kilomètres. Retenue sur Terre par la force de gravité, l’atmosphère est verticalement découpée en strates suivant des points remarquables sur le profil moyen de température. La figure 1.1 représente le profil vertical moyen de température dans l’atmosphère. La couche la plus basse, la troposphère, s’étend de la surface jusqu’à une séparation appelée tropopause qui correspond à la première cassure dans le profil moyen de température. L’altitude de la tropopause est d’environ 6-8 km au niveau des pôles, entre 10 et 12 km au niveau des moyennes latitudes et atteint 16-18 km au voisinage de l’équateur.
L’atmosphère, avec les autres sphères (hydrosphère, cryosphère, biosphère, etc), forment un système complexe régi par un grand nombre de phénomènes et de lois physiques associés, et ce sur des échelles de temps et d’espace très variées. La figure 1.2 donne une indication de la complexité des interactions entre les différentes parties du système Terre. Ici nous nous intéressons à l’atmosphère et plus particulièrement à la partie basse de la troposphère, qui correspond à l’air que nous respirons.
L’atmosphère est constituée à 78% de diazote et à 21% de dioxygène. Cependant, on trouve d’autres constituants, mineurs, à des concentrations parfois infimes, mais qui jouent un rôle important dans l’environnement terrestre. Parmi ces constituants, les plus connus sont sûrement les gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. On trouve une grande variété de polluants, définis comme des composés qui rendent l’environnement malsain.
Une première catégorie de polluants est celle des métaux lourds qui sont en particulier représentés par l’arsenic (As), le cadmium (Cd), le chrome (Cr), le cuivre (Cu), le mercure (Hg), le nickel (Ni), le plomb (Pb) et le zinc (Zn). Tous ces métaux lourds ont des effets différents. On note cependant qu’un grand nombre de ces composés sont considérés comme étant cancérogènes, en particulier l’arsenic, le cadmium, le chrome ou encore le nickel. Une deuxième catégorie de polluants correspond aux polluants organiques persistants (POP). Les POP sont des molécules ayant des propriétés de toxicité prouvée sur la santé humaine et l’environnement, de persistance dans l’environnement, de bioaccumulation dans les tissus vivants et de transport à longue distance. Dans la famille des POP, on trouve par exemple les dioxines et les furanes (PCDD−F), l’hexachlorobenzène (HCB), les polychlorobiphényls (PCB) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
La notion de polluant est étroitement liée à celle de gaz à effet de serre. En effet, un gaz à effet de serre peut être un polluant et inversement. Les principaux gaz à effet de serre sont le dioxyde de carbone (CO2 ), le méthane (CH4 ), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbones (HFC, remplaçant de deuxième génération des chlorofluorocarbures ou CFC), les perfluorocarbures (PFC) ou encore l’hexafluorure de soufre (SF6 ). Parmi ces gaz, on peut notamment citer le CO2 peu toxique à faible dose, mais qui peut provoquer des malaises, maux de têtes et des asphyxies à forte dose. On peut également noter que le méthane, même s’il n’est toxique qu’à de très hautes concentrations, en remplaçant l’oxygène, prend part au cycle chimique d’autres polluants. Une autre grande catégorie de polluants gazeux, est constituée des polluants liés à l’acidification et l’eutrophisation (excès de nutriments) du milieu et de la pollution photochimique. On y trouve, en particulier, le dioxyde de soufre (SO2 ), les oxydes d’azote (NO et NO2 ), l’ammoniac (NH3 ), le monoxyde de carbone (CO), l’ozone (O3 ) et un ensemble assez fourni de composés organiques en phase gazeuse que l’on appelle composés organiques volatils (COV). L’atmosphère contient également des composés non gazeux, qui sont solides ou liquides : les aérosols. Ces aérosols ont non seulement un impact sanitaire important, mais également différents impacts sur le climat et la météorologie.
Les polluants gazeux
Dans cette partie, nous définirons la classification des différents polluants gazeux. Dans un deuxième temps, nous nous attarderons plus en détails sur les différents impacts de ces polluants. Ensuite, nous explorerons l’exemple important qu’est celui de l’ozone troposphérique au travers de son cycle de formation et destruction. Enfin, nous examinerons les sources et les puits de ces polluants.
Les grandes classes de polluants gazeux et leurs sources
Les polluants gazeux présents dans l’atmosphère sont très nombreux et il n’est pas possible de les énumérer, ni de les identifier tous. Nous dressons une liste non exhaustive des principaux composés par grandes familles de polluants.
Les composés soufrés
Les principaux composés soufrés que l’on trouve dans l’atmosphère sont le sulfure d’hydrogène (H2S), le sulfure de diméthyle (DMS), le sulfure de carbone (CS2 ), le sulfure de carbonyle (OCS), le dioxyde de soufre (SO2 ) et les différentes formes liées à l’ion sulfate, c’est à dire l’acide sulfurique (H2SO4 ) et les aérosols sulfatés. Toutes ces espèces se trouvent sous forme gazeuse dans l’atmosphère exceptés les aérosols sulfatés qui sont sous forme d’aérosols. Le SO2 est le polluant gazeux soufré d’origine anthropique prépondérant dans l’atmosphère. Émis à hauteur de 70 Tg(S) par an (Delmas et al., 2005), il est en particulier produit par les industries et les combustions de produits pétroliers. Une autre source importante de SO2 , qui contribue à hauteur de 10% environ du total de SO2 , sont les volcans. Le DMS, quant à lui, est le composé soufré d’origine naturelle prépondérant. Il est en grande majorité émis par les océans, et plus particulièrement par des organismes marins comme le plancton, à hauteur de 20 Tg(S) par an. L’acide sulfurique provient en grande partie de l’oxydation du dioxyde de soufre (Berglen et al., 2004).
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Table des matières
Introduction
1 La pollution de l’air : gaz et aérosols
1.1 Les polluants gazeux
1.2 Les aérosols
1.3 Principaux outils d’étude de la composition chimique de l’atmosphère
1.4 Réglementation et prévision de la qualité de l’air
2 Le modèle de chimie transport MOCAGE et ses évolutions
2.1 Le modèle MOCAGE : Version initiale
2.2 Nouveaux développements du modèle MOCAGE
3 Validation des aérosols inorganiques secondaires dans MOCAGE
3.1 Résumé en français de l’article
4 Les aérosols sur le bassin méditérranéen
4.1 Le bassin méditerranéen et les programmes MISTRALS et ChArMEx
4.2 Simulation numérique et validation
4.3 Les aérosols sur le bassin méditerranéen
4.4 Test de sensibilité : influence des émissions anthropiques
4.5 Conclusion
Conclusions