La pollution aux métaux traces comme pression de sélection

La pollution aux métaux traces comme pression de sélection

Les métaux traces ou éléments traces métalliques (ETM) regroupent les éléments métalliques présents à des concentrations inférieures à 1g.kg-1 dans la croute terrestre. Ils peuvent être confondus avec les « métaux lourds », une appellation désuète qui catégorisait les métaux selon leur masse volumique. Certains métaux traces sont des oligoéléments essentiels au fonctionnement métabolique (e.g. le Cuivre, le Chrome, le Nickel ou le Zinc) comme dans les métalloprotéines impliquées dans la respiration que sont l’hémoglobine (Fer) ou l’hémocyanine (Cuivre). Néanmoins, les ETM deviennent toxiques au-delà d’une certaine concentration dépendante de l’ETM, de l’espèce (biologique) et de la population considéré-e-s. En effet, les éléments trace métalliques sont peu stables et se trouvent majoritairement sous forme ionique positivement chargée (cation, e.g. Cu+ ou Cu2+, Ni2+ …) et ont une affinité forte pour les atomes de soufre et d’azote (Nieboer & Richardson, 1980) qui composent de nombreuses protéines, ils peuvent ainsi se lier à ces protéines et molécules, dont l’ADN (Patlolla et al., 2009), modifier leur conformation et les rendre non fonctionnelles (Rainbow, 1997, 2002). De plus, les ETM peuvent augmenter la production des dérivés réactifs de l’oxygène générant le dysfonctionnement de protéines, lipides et molécules: appelé stress oxydatif (Nuran Ercal, Hande Gurer-Orhan, & Nukhet Aykin-Burns, 2001; Tchounwou et al., 2012).

Les sources des métaux traces sont diverses et peuvent être naturelles et anthropiques. Bien que les sources naturelles soient multiples comme les poussières et les gaz provenant des sols, des volcans, des embruns marins, des feux de forêts… les activités humaines sont les principales responsables de la pollution aux métaux traces (Nriagu & Pacyna, 1988; Azimi et al., 2003, 2005b; Hill, 2010). En effet, les sources anthropiques des métaux traces sont nombreuses: les activités minières, la combustion fossile (industrielle et par le trafic routier), les stations d’épurations, le chauffage domestique, l’utilisation de certains produits phytosanitaires, les industries chimique et métallurgique… (Nriagu & Pacyna, 1988; Azimi et al., 2005b; Hill, 2010; DRIEE, 2013). Les métaux traces se retrouvent ainsi dans l’air, dans le sol et dans l’eau.

Les écosystèmes dulçaquicoles comme les mares et les lacs sont impactés par ces apports en polluants car ils présentent des volumes relativement peu importants et ils ne possèdent pas ou peu de connexions permettant la dilution ou le déplacement de la pollution (Hill, 2010). En Île-de-France, huit métaux traces sont considérés comme des micropolluants métalliques majeurs des écosystèmes dulçaquicoles (DRIEE, 2013): l’Arsenic (Arsenic – As), le Cadmium (Cadmium – Cd), le Chrome (Chromium – Cr), le Cuivre (Copper – Cu), le Nickel (Nickel – Ni), le Plomb (Lead – Pb), le Zinc (Zinc – Zn), le Mercure (Mercury – Hg). Bien que leur leurs utilisations soient encadrées (e.g. DRIEE, 2013) et leurs émissions réduites (Azimi et al., 2005a), les métaux traces, via leur toxicité, la multiplicité de leurs sources, leur ubiquité et leur persistance dans les milieux (Hill, 2010) restent une problématique importante dans l’évaluation des risques écotoxicologiques. Les écosystèmes dulçaquicoles présentant des quantités élevées d’éléments traces métalliques, comme par exemple au niveau des sites de drainage minier, ont fait l’objet de nombreuses études sur les impacts écotoxicologiques de cette pollution (e.g. Lefcort et al., 2002; Lopes, Baird, & Ribeiro, 2005; Agra, Soares, & Barata, 2011). Par ailleurs, les ETM sont généralement plus présents dans les milieux urbains, qui concentrent les activités humaines et les pollutions qui y sont associées, que dans les milieux ruraux (e.g. Azimi 2005, Bilos 2001, Maas et al., 2010). Les conséquences écologique et évolutive de l’urbanisation sont largement étudiées (Voir Box 1: L’habitat urbain) néanmoins les effets de la pollution aux métaux traces à des concentrations urbaines ont fait l’objet de moins d’intérêt (mais voir les études sur le pigeon biset de Chatelain et al., 2014 – 2018) et restent méconnus chez les espèces d’eau douce.

L’habitat urbain

Les humains modifient drastiquement leur environnement ce qui génère des effets souvent néfastes sur les populations naturelles. Les changements d’utilisation et d’occupation des sols, considérés comme la modification de la nature physique et/ou biotique d’un site, font partie des changements globaux imposés par les humains (Vitousek, 1997; Grimm et al., 2008). Une des causes de ces changements d’utilisation et d’occupations des sols est l’urbanisation et son importante expansion au cours du 20ème siècle et qui ne devrait pas ralentir pendant les 50 années à venir (Grimm et al., 2008). Le milieu urbain est un milieu perturbé par une perte rapide et la fragmentation de l’habitat natif, la présence d’espèces introduites (e.g. McKinney 2002), de la pollution chimiques, sonore (e.g. Nemeth & Brumm, 2009) et lumineuse, des températures plus élevées comparé au milieu rural, phénomène appelé « îlot de chaleur urbains » (Oke, 1973; Arnfield, 2003)… Ces perturbations affectent la biodiversité ainsi que la morphologie, la physiologie et le comportement des populations urbaines et impactent leurs dynamiques éco-évolutives (Donihue & Lambert, 2014; Alberti, 2015).

… et les adaptations attendues pour leurs avantages sélectifs

De manière intéressante, les populations de Daphnies montrent des capacités d’adaptations rapides en réponse à la pollution et notamment aux métaux traces (e.g Medina, Correa, & Barata, 2007; Agra et al., 2011; Messiaen et al., 2012; Hochmuth et al., 2015; Turko et al., 2016). La pression de sélection potentiellement exercée par la présence de polluants peut favoriser les génotypes capables de réduire leurs effets délétères par un « évitement » du polluant qui peut être déterminé (fixe) ou conditionnel (plasticité phénotypique) : chez les Daphnies, il peut s’agir d’évitement comportemental (Lopes, Baird, & Ribeiro, 2004), physiologique via la détoxication (Haap, Schwarz, & Köhler, 2016), ou encore d’évitement temporel ou spatial grâce à des stratégies de dormance et de dispersion. L’environnement urbain peut présenter une hétérogénéité spatiale et temporelle de la pollution aux métaux traces (Azimi et al., 2003, 2005b; spatiale Chapitre 1, Figure 3) et cette hétérogénéité peut favoriser les formes de dormance et de dispersion permettant d’échapper respectivement temporellement et spatialement à la détérioration de l’habitat (Wiener & Tuljapurkar, 1994; Hairston & Cáceres, 1996; Bowler & Benton, 2005; Gerber & Kokko, 2018).

Il est intéressant de constater que, chez les Daphnies, la reproduction sexuée donne lieu à la production d’éphippie permettant à la fois d’entrer en dormance, de disperser et d’accumuler les métaux et de potentiellement les détoxiquer.

Les prodigieuses éphippies et l’hypothèse en 3D: Dormance, Dispersion et Détoxication
Les Daphnies se reproduisent par parthénogenèse cyclique et peuvent produire sexuellement des oeufs de diapause (également appelés oeufs de durée) encapsulés dans une éphippie (Voir Box 2 : Cycle de vie de la Daphnie). Ces éphippies présentent des capacités de dispersion à la fois dans le temps et dans l’espace ainsi que d’accumulation des métaux :

La Dormance
La dormance, considérée comme une diminution/un arrêt métabolique et/ou développemental, permet une persistance dans le temps lorsque les conditions environnementales ne sont pas favorables à la survie des individus actifs (« dispersion  dans le temps » (Pietrzak & Slusarczyk, 2006)). Elle est divisée entre phénomènes de quiescence et de diapause. Chez la Daphnie, il s’agit de diapause car la sortie de dormance n’est pas permise par la disparition des indices environnementaux ayant induit l’entrée en dormance mais nécessite la perception de nouveaux indices environnementaux (Cáceres, 1997). Les éphippies peuvent rester en dormance durant une saison ou peuvent éclore jusqu’à plusieurs dizaines d’années après leur ponte ((Hairston, 1996) ainsi que toutes les études utilisant des éphippies pour des approches paléolimnologiques et d’écologie de la résurrection dont Rogalski, 2015, 2017; Turko et al., 2016). Durant ce temps elles peuvent être exposées à l’anoxie dans les sédiments, à la dessiccation et au gel. Il a également été montré que les éphippies résistent au passage dans le tube digestif de poissons et oiseaux (et même de rats de laboratoire) et que le taux d’éclosion de ces éphippies était d’autant plus important lorsque les éphippies étaient mélanisées (Mellors, 1975). Certaines éphippies tombent rapidement dans les sédiments et se retrouvent dans la banque d’oeufs dormants, tandis que d’autres flottent, facilitant leur dispersion spatiale et suggérant l’existence de stratégies de dispersion différentes chez les Daphnies (Pietrzak & Slusarczyk, 2006; Bernatowicz et al., 2018).

La Dispersion
Bien que très bonnes dormeuses, les éphippies sont capables de disperser efficacement dans l’espace et de coloniser rapidement de nouveaux environnements (Cáceres & Soluk, 2002; Louette & Luc, 2005). Les éphippies peuvent disperser grâce aux déplacements d’autres animaux (phorésie) sur lesquelles elles peuvent adhérer (comme sur les pattes des Notonectes ; van de Meutter, Stoks, & de Meester, 2008), ou qui les auraient mangées (Mellors, 1975). Il a été observé que les plus petites éphippies adhéraient mieux sur les Notonectes et étaient donc mieux dispersées par ce vecteur (van de Meutter, Stoks, & de Meester, 2008). Néanmoins, le facteur majeur permettant la dispersion des éphippies semble être le vent. En effet, même lorsque couverts par des filets empêchant aux animaux d’y accéder, les mésocosmes des études de Cáceres & Soluk (2002) et Cohen & Shurin (2003), pouvaient tout de même être colonisés par les oeufs de diapause des Daphnies.

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Table des matières

INTRODUCTION
La pollution aux métaux traces comme pression de sélection
Box 1 : L’habitat urbain
… et les adaptations attendues pour leurs avantages sélectifs
Box 2 : Cycle de vie de la Daphnie
Box 3 : Mélanine & Métaux
CHAPITRE UN
More and smaller resting eggs along a gradient for pollution by metals: dispersal, dormancy and detoxification strategies in Daphnia?
CHAPITRE DEUX
Dormancy, dispersal and detoxification in Daphnia: the 3D hypothesis in response to an experimental exposure to trace metal at increased temperature
CHAPITRE TROIS
Behavioural avoidance of a trace metal in an urban population of Daphnia magna
Conclusion générale
Perspectives
Annexe 1
Annexe 2
Références

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