La politique linguistique et éducative en faveur des adultes migrants

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Les apports de la didactique du lexique

Etat des lieux

Ma recherche porte sur l’analyse des stratégies verbales, non verbales et paraverbales mises en oeuvre par l’enseignant de FLE/S dans le cadre de l’explication lexicale. Ce travail concerne donc plusieurs champs disciplinaires, à la croisée des sciences du langage et des sciences de l’éducation. Ma recherche s’inscrit plus précisément dans la didactique du lexique et l’analyse du discours pédagogique.
Concernant l’enseignement du lexique en classe de FLE/S, il convient tout d’abord de faire un bref rappel historique. En effet, l’intérêt porté à la didactique du lexique à été tributaire des courants méthodologiques. Les ouvrages scientifiques concernant ce domaine ne sont pas très nombreux, ce qui est largement confirmé par les chercheurs (Galisson, 2001 ; Grossmann, 2011). Cuq (2004) avance le fait que le vocabulaire constitue le « parent pauvre » de la didactique. La didactique du lexique a connu son apogée avec l’apparition du français fondamental introduit en 1952 par le centre de recherche et d’étude pour la diffusion du français (CREDIF), où il était considéré comme central. Basé sur le français oral extrait de documents authentiques, un recensement du lexique de base a été effectué sur un critère de fréquence pour un niveau débutant puis intermédiaire. Ce que Cuq (2004) nomme « l’entrée par le vocabulaire » (p.64) était d’usage avec les méthodologies directes et audio-orales qui préconisaient un apprentissage thématique basé sur des listes de vocabulaire. Par la suite, bien qu’il soit scientifiquement reconnu qu’il existe « une corrélation forte entre la fréquence d’occurrence d’un item et sa possible activation dans le lexique mental » (Grossman, 2011 : 167), il apparait que d’autres critères, tels que la contextualisation du lexique, sont venus contredire les méthodologies en usage donnant lieu à un changement radical. Les approche communicative et actionnelle, quant à elles, sont davantage portées sur un enseignement incident du lexique en tant que compétence de communication en lien avec un objectif d’apprentissage. Ces approches portent l’accent sur « la capacité à communiquer langagièrement [sans se réduire] à une connaissance des formes et des règles linguistiques » (Cuq, 2003 : 46) mais qui, selon Tréville et Duquette (1996), « ne favorise pas le vocabulaire au-delà d’un niveau fonctionnel minimal » (cité par Cuq, 2004 : 65).
Ainsi, ce qui différencie ces méthodologies réside principalement dans la distinction entre « apprentissage incident » et « apprentissage explicite » du lexique où dans le premier cas, un « temps d’explication lexicale au sein d’activités de lecture ou d’écriture» est mobilisé au fur et à mesure, tandis que « l’apprentissage explicite […] prévoit une progression dans l’apprentissage, appuyée sur l’appropriation de notions métalexicales» (Grossmann, 2011 : 164). Selon l’auteur, bien que l’apprentissage explicite et implicite du lexique ne soit pas étanches l’un à l’autre, l’apprentissage incident aurait néanmoins plus d’impact sur l’acquisition effective du lexique par l’apprenant. De même, d’autres facteurs influeraient sur l’acquisition du lexique : la contextualisation de ce dernier serait indispensable (Grossmann, 2011 : 165), ce que Cuq (2004) confirme également puisqu’il avance le fait qu’il convienne « de ne jamais enseigner un mot isolément mais toujours en contexte » (p.67). De plus, pour Bogaards (1994), des conditions supplémentaires viennent s’ajouter à cela : selon lui, il est important que l’apprenant soit personnellement mobilisé dans des tâches qui favoriseraient le raisonnement. Du côté de l’enseignant, « plus la description ou la trace est riche, détaillée et précise », plus le lexique a de chance d’être réemployé (cité par Cuq, 2004 : 67). Enfin, Binon et Verlinde (2004) affirment que pour être effectivement mémorisé, plusieurs « rencontres significatives » avec le lexique dans différents contextes sont nécessaires (p.275). Le lexique revêt également une dimension « cumulative » et « multidimensionnnelle », ce qui implique une acquisition « longue et graduelle » puisqu’un « mot ou une expression doit être rencontré entre 8 et 10 fois pour être retenu » (Rançon & Dat, 2008 : 3).
Outre le critère de fréquence, les chercheurs distinguent deux sortes de lexique : qu’il soit qualifié de concret et d’abstrait ou de simple et complexe (Pottier, 1992, cité par Rançon & Spanghero-Gaillard, 2009), il se distingue par le degré de difficulté aussi bien pour l’enseignant dans ses potentielles explications que pour les apprenantes, chez qui la compréhension peut être plus ardue et la mémorisation plus longue. Un mot concret évoquerait « une image ou une action que l’on peut se représenter visuellement » (Tellier, Stam & Ghio, 2018 : 331). Pour Rançon & Spanghero-Gaillard (2009), « une lexie concrète bénéficierait d’un double encodage » (verbal et non verbal), le sens est « dénoté » et plus facile à expliquer car reposant sur « des références perceptuelles associées aux sens (images, son, etc.) et caractérisables par des « traits communs à une communauté (description physique, couleur, etc.) » tandis que « les mots abstraits semblent être dépendants linguistiquement et ontologiquement » expliquant « sa plus grande volatilité en mémoire » (p.445). Ces derniers ont un sens supplémentaire implicite voire métaphorique. Pour faire le lien avec la thématique enseignée, des termes tels que véhicule ou balise seraient concrets ou simples puisqu’ils sont représentables visuellement tandis que des termes tels que appel d’air ou conduite nerveuse seraient plutôt abstraits ou complexes car ils disposent de moins d’encodages possibles.
De plus, selon Rançon (2015), « les lexies abstraites sont plus difficiles à comprendre que les lexies concrètes et […] les verbes, les adverbes et les adjectifs sont plus difficilement retenus que les noms abstraits » (p.4). L’auteure (Rançon, 2015) souligne néanmoins le fait que la qualification de lexique abstrait peut être interprétée dans le sens de difficile ou d’« inaccessible [pour un public] non-initié » (p.16), ce qui est particulièrement adapté au lexique rencontré dans le cadre du code de la route puisque ce dernier n’est pas forcement abstrait dans le sens de métaphorique mais plutôt de complexe en lien avec un faible indice de fréquence dans l’usage général de la langue comme nous le verrons dans la suite de cette étude.

La spécificité du lexique en FOS

Un des traits caractéristiques du lexique rencontré dans le cadre d’une formation en FOS vient du fait que ce dernier « possède souvent un signifiant complexe, long, à l’orthographe parfois difficile. En revanche, il est assez monosémique et peu interprétable » (Cuq, 2004 : 63). Cette définition représente parfaitement selon moi la particularité du vocabulaire rencontré dans le cadre du code de la route. Comme exprimé précédemment, le lexique se distinguera par son emploi caractéristique au domaine d’activité avec un faible degré de polysémie et d’abstraction. Il convient de souligner que le lexique dans le cadre du FOS se réfère à « une utilisation, un usage spécifique dans le cadre d’une communication spécialisée » (Mangiante, 2006 : 137) dont la particularité est qu’il s’agit alors « d’apprendre des mots familiers dans des combinaisons nouvelles » (Binon & Verlinde, 2004 : 274). Dans le cadre du code de la route par exemple, bien que l’on puisse supposer qu’avec un niveau B2 en langue cible à l’oral les apprenantes connaissent les mots rond et point, cela ne suffit pas pourtant pas à comprendre le sens du mot rond-point. De plus, il faut préciser que parler de lexique de spécialité dans le cadre d’une telle formation relève d’un « abus de langage » puisque ce qui constitue en soi une particularité est l’usage qu’en ont les locuteurs : « ce n’est pas la langue qui est spécialisée mais son utilisation par des locuteurs spécialistes dans certaines circonstances de leur vie et qui en font une utilisation, un usage spécifique dans le cadre d’une communication spécialisée. Ils produisent donc des discours spécialisés » (Mangiante, 2006 : 137). Ainsi, parler de discours de spécialité pour se référer au lexique du code de la route serait plus adéquat.
Bien qu’il importe de « considérer le vocabulaire dans son fonctionnement discursif », la compétence lexicale dans le cadre d’une formation relevant du FOS pourrait être considérée comme étant la « clé de voûte» de ce champ didactique (Binon & Verlinde, 2004 : 272) puisque selon Challe (2000) « la première compétence chez les spécialistes est lexicale » (cité par Binon & Verlinde, 2004 : 272). Dans le cadre de l’enseignement, il y a donc « focalisation sur les mots de la langue professionnelle » (Cicurel, 2001 : 2) et l’enseignant sera amené à « insister sur la nécessité d’utiliser un terme ‘‘professionnellement correct’’ [et à refuser] d’accepter des termes approximatifs » (Cicurel, 2001 : 4), ce que Grossmann nomme l’usage du « mot juste » (2011 : 165).
Ainsi, la spécificité du lexique en situation d’apprentissage guidé doit être prise en compte et les stratégies que l’enseignant met en oeuvre lors de l’explication doivent être adaptées au type de lexique mais également au profil des apprenants tout en tenant compte des acquis en milieu social. Afin de déterminer les facteurs conditionnant l’explication du lexique du code de la route, il conviendra donc d’analyser la spécificité de l’enseignement du lexique en FOS tout en tenant compte de son apparition et de son traitement au cours des séances.

L’agir professoral et l’analyse du discours pédagogique

Les processus d’explication et de compréhension

Selon Cuq (2003), l’explication est un procédé qui renvoie à « l’activité de l’enseignant». Cette dernière « revêt au moins trois aspects : l’élucidation du sens […], l’explication de règles ou de modes de fonctionnement » et « l’exposé explicatif visant à introduire de nouveaux savoirs » par le biais de différentes stratégies (p.98). Ainsi, la tâche explicative de l’enseignant est une « pratique pédagogique » qui demande à « faire comprendre des éléments linguistiques nouveaux portés à la connaissance des apprenants » (Rançon et al. 2008 : n.p). Elle intervient « au moment où il y a rupture implicite ou explicite de la communication, c’est-à-dire manque de compréhension. Pour rétablir le lien sémantique, l’enseignant doit proposer un nouveau discours dans le discours […]. En cela, ce nouveau discours de compréhension peut être considéré comme métacommunicationnel et métafonctionnel » (Rançon et al., 2008 : n.p). Elle peut également avoir lieu lorsque l’enseignant, de par sa connaissance des acquis antérieurs du groupe-classe, anticipe les potentielles difficultés que peuvent représenter les termes.
L’explication se compose nécessairement de deux éléments : il y a d’une part « explanadum », correspondant au terme nécessitant une explication, et d’autre part, « explananas », correspondant au procédé explicatif (Rançon, et al., 2008 : n.p.). L’analyse qui suivra portera donc sur les diverses formes que peut revêtir l’explananas.
L’apport des sciences cognitives sur les processus d’explication montrent que la tâche explicative de l’enseignant doit suivre une certaine rigueur. Selon Rançon et Spanghero- Gaillard (2009), il est primordial pour l’enseignant d’anticiper ses explications et donc de procéder à une certaine planification des stratégies. Ces dernières suivent un « cheminement hypothético-déductif » qui demande cohérence et cohésion dans le discours et un « ordre d’élucidation spécifique », « une anticipation raisonnée » (p.443), en allant « du plus connu des apprenants au moins connu » (p.450). Soit l’enseignant anticipe les potentielles difficultés d’un apprenant ou de la classe dans son ensemble, soit les apprenants sont amenés à poser des questions, auquel cas, l’enseignant s’éloigne de la trame initialement prévue et il peut être amené à improviser ses explications. Cependant, il est évident que l’explication entretient un lien étroit avec la compréhension. En effet, les chercheurs s’accordent à dire que « les processus de compréhension sont inséparables des processus de compréhension qu’ils anticipent ou auxquels ils s’adaptent » (Cuq, 2003 : 99) et qu’« expliquer le lexique en classe n’a d’intérêt que s’il y a rétention et compréhension du lexique par les apprenants en vue d’une réutilisation future » (Bogaards, 1994, cité par Rançon et al., 2008: n.p.). Au lieu de style d’apprentissage, je retiendrai l’expression de « préférence modale » introduite par Tellier (2006) qui se réfère à « l’attirance que montre un sujet apprenant pour une modalité de présentation et de traitement des informations : celle-ci peut être auditive, visuelle ou kinesthésique ou un mélange de plusieurs. Le terme ‘‘préférence’’ n’est pas choisi au hasard mais montre bien qu’une modalité est plus appréciée que les autres ce qui n’exclut pas pour autant le recours à celles-ci » (p.236). L’enseignant a également ses propres préférences modales et a tendance à mobiliser naturellement dans ses explications celles avec lesquelles il est plus à l’aise (Tellier, 2006 : 237).
Le profil des apprenants doit donc être pris en compte afin de fournir des explications adaptées à chacun. C’est pourquoi, l’enseignant doit mobiliser des stratégies variées afin de cibler l’ensemble des apprenants quelles que soient leur « préférence modale » (Tellier, 2006 : 237). En effet, « face à la variabilité des styles d’apprentissage, il convient de privilégier une approche multimodale de la langue en multipliant les supports. Ceci favorisera la compréhension d’un maximum d’apprenants » (Tellier, 2006 : 219).

La multimodalité des procédés explicatifs

Selon Cicurel (2011), l’agir professoral de l’enseignant est constitué « d’actions verbales et non verbales, préconçues ou non, que met en place un professeur pour transmettre et communiquer des savoirs ou un ‘‘pouvoir-savoir’’ à un public donné dans un contexte donné » (p. 119). On distingue alors les stratégies verbales des stratégies non verbales et paraverbales, dont la plupart peuvent être utilisées conjointement. Une stratégie d’enseignement peut être définie comme étant non seulement la transmission d’un savoir ou d’un savoir-faire mais également la capacité de l’enseignant à s’adapter aux apprenants (Cuq, 2003 : 226), ce qui rejoint en partie la définition de l’agir professoral (Cicurel, 2011).

Méthodologie de recherche

Le paradigme socioconstructiviste

Je cherche à analyser les stratégies d’enseignement propres à mon contexte et les phénomènes observés interviennent dans le cadre d’une salle de classe. Je m’intéresse donc précisément à des phénomènes sociaux et à des situations humaines.
Le paradigme socioconstructiviste, tel qu’il est défini par Clerc et Véronique (n.d)22, vise à « comprendre et interpréter le monde qui nous entoure dans une conception non préexistante du réel […] qui se construit par interprétation à travers nos perceptions, notre environnement social et nos expériences individuelles, en essayant de tenir compte de toutes les variables ». La subjectivité du chercheur est clairement assumée, et ce dernier adopte une « réflexivité permanente » quant à sa recherche, dont la connaissance est vue « comme une interprétation et non comme une explication du réel » (n.p).
Ainsi, la position épistémologique que je vais adopter suppose une démarche complexe et des influences réciproques entre agents et observateur, à l’inverse du paradigme réaliste et objectiviste, qui est une approche plutôt analytique et déterministe (Clerc et Véronique, n.d). Ce dernier me semble en effet inadapté à ma recherche car je ne vise pas la création de modèles ou de lois mais plutôt une interprétation subjective de mon contexte.
Aussi, tout contexte didactique étant « singulier et complexe », l’approche méthodologique qui en découlera sera fondamentalement appliquée et de type qualitatif dans une perspective compréhensive-interprétative. Cette perspective suppose que « le monde, les humains et les objets du monde sont caractérisés par la non stabilité et la complexité [nécessitant] par conséquent de recourir à différents angles de vue et à différentes focales » (Clerc & Véronique, n.d : n.p) Les principes de l’approche compréhensive-interprétative m’amènent donc à adopter une démarche méthodologique qualitative. Anadón (2006, cité par Lacelle, Boutin & Lebrun, 2018) décrit les principes de l’approche qualitative comme suit: «Elle est souple dans la construction progressive de l’objet d’étude et elle s’ajuste aux caractéristiques et à la complexité des phénomènes humains et sociaux. Elle s’intéresse à la complexité et met en valeur la subjectivité des chercheurs et des sujets, elle combine plusieurs techniques de collecte et d’analyse des données, elle est ouverte au monde de l’expérience, de la culture et du vécu, elle valorise l’exploration inductive et elle élabore une connaissance holistique de la réalité » (n.p.).
Pour Mucchielli (2007), « une méthode qualitative est une succession codifiée de processus de travail intellectuel humain […]. Ce travail se fait dans le but d’expliciter, en compréhension, à l’aide de concepts induits de l’observation, la structure intime et le fonctionnement interne d’un phénomène social » (p.23). Ainsi, l’approche qualitative me semble particulièrement adaptée à la recherche en didactique puisque l’objectif de cette étude n’est pas « de proposer des modèles mais des principes ou des orientations didactiques » (Clerc & Véronique, n.d : n.p) qui peuvent être en partie transposables à d’autres contextes.
Compte tenu de mes données et de mon statut d’enseignante-stagiaire, de sujet d’étude et de chercheuse, mon implication sur le terrain se traduit par la « participation observante » caractérisée par une forte implication du chercheur sur le terrain (Blanchet, 2011 : 73), « d’une observation clandestine mais d’un engagement entier » (Lacelle et al. 2018 : n.p.). En effet, je suis amenée à observer et analyser des phénomènes survenant au sein d’une classe que j’anime personnellement. Une méthodologie de recherche fortement appliquée dans une démarche empirico-inductive qualitative me semble la plus adaptée. En effet, la recherche appliquée, à l’inverse de la recherche fondamentale, vise à la résolution « fonctionnelle d’un problème […] pratique […] difficilement applicable à de multiples problèmes » (Lacelle et al, 2018 : n.p.). La démarche méthodologique empirico-inductive qualitative, quant à elle, a pour objectif de : « Proposer une compréhension de phénomènes individuels et sociaux observés sur leurs terrains spontanés, en prenant prioritairement en compte les significations qu’ils ont pour leurs acteurs eux-mêmes […]. Ce sont les phénomènes observés qui induisent l’interprétation, laquelle résulte de la recherche : il n’y a pas d’hypothèse de départ mais un questionnement auquel la rechercher permet d’apporter des éléments de réponse » (Blanchet, 2011 : 17).
La position épistémologique et le type de démarche adoptés me permettent ainsi de choisir une méthodologie de recherche cohérente et adaptée à mon contexte d’enseignement.

La recherche ethnographique associée à l’analyse multimodale

Le choix d’une ou de plusieurs méthodologies de recherche est central en didactiques des langues et en tout autre domaine scientifique. Elle est caractérisée par « un ensemble de points de vue et de perspectives sur la recherche […] [qui] doit former un tout cohérent et ordonné, où les décisions méthodologiques découlent des postures épistémologiques » (Savoie- Zajc & Karensti, 2001, cité par Lacelle et al, 2018 : n.p.).
En ce qui concerne le type d’intervention, j’ai fait le choix d’opter pour une approche hybride qui allie recherche ethnographique et analyse multimodale. Souvent qualifiée par raccourci de « recherche descriptive », le caractère « descriptif et analytique » (Lacelle & al., 2018 : n.p.) de la recherche ethnographique, basée sur l’observation d’un groupe et des interactions qui ont lieu en son sein (Lacelle et al., 2018 : n.p.), en fait une méthodologie appropriée à mon contexte et à ma problématique de recherche car je ne vise pas à éprouver des hypothèses ou à créer des lois mais à rendre compte de phénomènes observés tels qu’ils sont interprétés par les sujets d’étude. Blanchet (2011) explique que « ce type d’enquête consiste à réaliser des observations en participant soi-même aux situations authentiques qui les produisent, en contextes spontanés, hors de toute situation explicite et formelle d’enquête » (p. 73), ce qui convient également à mon degré d’implication sur le terrain. En effet, afin d’interpréter au mieux les phénomènes étudiés, l’observation directe, en immersion sur le terrain est à privilégier : le chercheur est alors le « témoin » direct « des comportements et des pratiques au sein des groupes [en fréquentant] les lieux même où ils se déroulent » (Lacelle et al., 2018 : n.p.). Pour Muller, David et Crozier (2016), ce type de recherche « se manifeste par une volonté de compréhension des pratiques et des gestes professionnels de l’enseignant […]. Dans une telle approche, le chercheur s’appuie non seulement sur les notes qu’il a prises, mais également sur les enregistrements, audio ou vidéo, réalisés puis transcrits » (p.2).
Dans le cadre de ma recherche, l’analyse de corpus audio et vidéo est centrale afin d’étudier l’agir professoral et les interactions en classe. Comme je souhaite analyser les stratégies d’enseignement dans l’explication du lexique du code de la route, je m’intéresse aussi bien aux interactions verbales, aux gestes pédagogiques qu’aux représentations visuelles qui vont caractériser les stratégies de l’enseignante et impacter sur la compréhension des apprenantes. L’analyse multimodale, qui considère le « langage comme sous champ d’une science des signes » (Lacelle & al., 2018 : n.p.) constitue à mon sens une perspective complémentaire adéquate. Dans ce type d’analyse, « le langage est […] considéré comme un système linguistique qui intègre parole et gestualité de manière organisée » (Ferre, 2011 : 73.). Le chercheur s’intéresse alors à la richesse multimodale des interactions, à l’articulation entre gestes et parole et leur impact sur l’objet d’étude.
Enfin la recherche par entrevue vient compléter mon étude par la mise en place d’entretiens semi-dirigés auprès d’un échantillonnage d’apprenantes d’une part, et auprès des enseignantes de la structure d’autre part. L’objectif de cette démarche est d’enrichir les perspectives en contribuant « à accentuer et à affiner de manière sentie la compréhension des phénomènes à l’étude (Lacelle et al., 2018 : n.p.). L’interprétation des phénomènes observés reste néanmoins subjective puisque « sous le contrôle, voire le monopole du chercheur (Lacelle et al.,2018: n.p.).

Les données en question

Méthodologie de recueil des données

Il existe un lien étroit entre les choix méthodologiques et le type de données recueillies puisque « ce sont les techniques retenues de collecte, de traitement et d’analyse des données qui permettent de concrétiser les choix d’ordre méthodologiques » (Lacelle et al., 2018 : n.p.). Les données auxquelles j’ai eu recours sont multiples et variées. Ces dernières « ne s’imposent pas, elles sont construites […] [et tiennent] d’un compromis : faire avec ce à quoi on a accès, mais faire au mieux avec cela » (Bommier-Pincemin, 1999 : 137).
J’ai collecté dans un premier temps des données secondaires concernant le contexte de stage avec des informations sur les apprenantes telles que le répertoire langagier, le niveau de scolarisation, le pays d’origine, ou la date d’arrivée en France grâce aux fiches d’accueil mises en place par la structure dont j’ai recensé certaines informations sous forme de graphes23. Ces dernières ont leur utilité à bien des égards : elles permettent par exemple d’appréhender le rapport et le niveau en langue cible au regard du niveau de scolarisation ou de l’ancienneté sur le territoire et de savoir si les apprenantes ont été inscrites ou non en auto-école.
Pour analyser le discours pédagogique et les interactions en classe, j’ai filmé deux séances de deux heures chacune, à une semaine d’intervalle. Les leçons dont il était question traitaient de la thématique des autres usagers au code de la route. Si j’ai choisi de filmer deux séances à une semaine d’intervalle, c’est parce que je souhaitais initialement m’intéresser précisément à l’acquisition du lexique. J’ai finalement fait le choix de développer davantage le processus d’explication puisque la recherche aurait été trop complexe à mener. J’ai filmé la première séance le 07/03/2019 à l’aide d’un téléphone portable sur trépied et la seconde séance a été filmée le 14/03/2019 par une tierce personne à l’aide d’une caméra NX100 sur trépied avec micro directionnel et d’un micro-cravate. J’ai transcrit les segments ayant trait à des explications lexicales à l’aide de la convention de transcription de l’équipe du GARS/DELIC24. Pour répondre aux principes de l’analyse multimodale et afin de déterminer les différents types de stratégies d’enseignement mises en place, il convient d’une part d’analyser le discours pédagogique, la gestuelle de l’enseignant et les moyens matériels mis en oeuvre pour faciliter l’accès au sens. D’autre part, les échanges verbaux, les demandes de sollicitations, l’éventuelle co-construction du discours, le feedback apporté aux explications par les apprenantes traduisant la compréhension ou incompréhension, voire le réemploi du lexique seront analysés. Les vidéos ont donc été annotées et à l’aide du logiciel Elan pour plus de précision compte tenu de la multimodalité des phénomènes verbaux et non verbaux étudiés25. En parallèle des interactions et des stratégies verbales, les stratégies non verbales et gestuelles ont été annotées sur Elan selon leurs types avec une piste par modalité (définition, synonyme, exemple contextualisé et exemple décontextualisé pour les stratégies verbales et geste, mime, inscription au tableau, usage d’outils pour les stratégies non verbales et gestuelles).
En complément, en fin de chaque séance filmée, j’ai effectué des sessions d’auto-observation à chaud en individuel et par écrit. Mon analyse réflexive quant à ma pratique pédagogique a été rédigée dans mon journal d’apprentissage (JAP) sur Efoliam26 en fin de chaque séance en deux temps27. Tout d’abord, j’ai noté mon ressenti et mes observations en fin de chaque séance de façon global puis, j’ai visionné les vidéos que j’ai commenté par écrit au fur et à mesure avec mes impressions et des commentaires sur ma propre pratique. J’ai tenté de commenter mon agir professoral tout en essayant de garder une certaine distanciation.
Aussi, dans le cadre de la recherche ethnographique et pour s’inscrire dans une perspective compréhensive-interprétative tout en évitant une trop grande subjectivité ou une surinterprétation des phénomènes observés, j’ai procédé à des entrevues auprès de différents acteurs : d’une part, auprès de sept apprenantes inscrite sur cette formation et présentes lors des séances filmées, et d’autre part, auprès des trois enseignantes de la structure. Je me suis basée sur des grilles d’entretien détaillées28 afin de cibler des réponses pertinentes pour ma problématique de recherche. Par exemple, j’ai demandé aux apprenantes comment elles jugeaient le lexique du code de la route et je les ai questionnées sur les types d’explications qu’elles préféraient.

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Table des matières

Partie I : présentation du contexte d’enseignement
1.1. Le contexte sociolinguistique et éducatif
1.1.1. La politique linguistique et éducative en faveur des adultes migrants
1.1.2. Les enjeux d’un apprentissage en milieu homoglotte
1.2. Le contexte institutionnel
1.2.1. Présentation de l’association Mot à mot
1.2.2. La formation linguistique Des mots pour le code
Partie II. Cadre théorique et notionnel
2.1. Les apports de la didactique du lexique
2.1.1. Etat des lieux 26
2.1.2. La spécificité du lexique en FOS
2.2. L’agir professoral et l’analyse du discours pédagogique
2.2.1. Les processus d’explication et de compréhension
2.2.2. La multimodalité des procédés explicatifs
2.2.3. Les attitudes discursives de l’enseignant
Partie III. Méthodologie de recherche
3.1. Le paradigme socioconstructiviste
3.2. La recherche ethnographique associée à l’analyse multimodale
3.3. Les données en question
3.3.1. Méthodologie de recueil des données
3.3.2. Outils d’analyse des données
3.3.3. Traitement des données
Partie IV. Analyse des données
4.1. Les différents types d’explication du lexique
4.1.1. De la catégorisation du lexique aux stratégies d’enseignement adaptées
4.1.2. La posture de l’enseignant face à l’explication du lexique
4.1.3. La compréhension du lexique
4.2. Les contraintes et les limites de la recherche
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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