« L’inondation ! De tous les fléaux qui nous menacent, il n’en est pas peut-être de plus redouté que l’inondation, comme si l’humanité avait conservé à travers les âges, la terreur du châtiment qui faillit l’anéantir à son berceau. Et en vérité nous n’en savons pas de plus redoutable »
Le déluge est le plus ancien mythe, répandu dans de nombreuses cultures, relatant de pluies intenses et de graves inondations en résultant. De façon générale, les différents récits font suivre le déluge de la disparition d’un royaume ou d’une civilisation. Tous les récits parlant du déluge relatent, avec effroi, l’anéantissement de la vie et de la connaissance humaine par les dieux.
Les inondations sont des phénomènes qui ont toujours fait peur et les populations d’autrefois les attribuaient à des punitions divines. Aujourd’hui, bien qu’avec les avancées technologiques et scientifiques, nous connaissions de mieux en mieux ce phénomène, il continue à terrifier les populations du monde entier. Il est intéressant de comprendre pourquoi. Les inondations représentent un des volets de ce que l’on appelle « les catastrophes naturelles majeures », mises en exergues par M. Haroun Tazieff dans les années 1980. Elles causent la mort d’environ 20 000 de personnes par an. L’Asie est le pays le plus touché par ce phénomène, notamment à cause des moussons. La population concernée par les inondations est d’environ 300 millions (5% de la population mondiale) variant selon les pays. Le Bangladesh par exemple est le pays le plus inondable du monde avec 50 % de sa superficie inondable et 40% de la population concernée.
Outre le fait que les inondations provoquent des dommages sur les personnes, elles provoquent également des dommages sur les biens naturels et matériels, ce qui représente plus de 300 milliards d’euros par an. C’est l’équivalent du budget de la France, soit 1% du PIB mondial.
La France, pays tempéré et moyennement peuplé, est lui aussi concerné par les inondations. En fait, c’est même le risque naturel majeur présent sur le territoire puisque les inondations constituent 90 % des risques dangereux. Une commune française sur trois est concernée, à divers degrés, dont 300 grandes agglomérations. Pour 160 000 kilomètres de cours d’eau, une surface de 22 000 km2 est reconnue particulièrement inondable. Cela représente deux millions de riverains concernés soit 3% de la population française. Les deux tiers sont affectés directement, c’est-à-dire avec endommagement de leurs biens, et le tiers restant est concerné indirectement (gênes de circulation, d’approvisionnement…). Tous ces dégâts représentent environ 80 % du coût des dommages imputables aux risques naturels. Ces dernières années ont connues une très forte hausse du coût des dommages avec une moyenne actuellement de 0,8 milliards d’euros par an.
Les inondations en France ne sont pas aussi dévastatrices que dans d’autres pays, comme les Pays-Bas, mais elles causent quand même 10 morts par an. Cependant, même si les inondations en France ne sont, en général, pas meurtrières, certaines l’ont été et restent gravées dans les mémoires. Celle de Vaison-la-Romaine est parmi une des plus mémorable pour la population française parce que cette ville est un site touristique bien connu. Elle a engendré la mort de 21 personnes et la disparition de 40 autres et causée de millions d’euros de dommages.
« Le 22 septembre 1992, un déluge d’eau et de boue déferle sur Vaisonla-Romaine. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la Région ont transformé la petite rivière de l’Ouvèze en vagues dévastatrices. Vaison-la-Romaine, depuis plus de quatre heures, la pluie tropicale tombe sans cesse. Et puis soudain, la vague arrive, sans doute haute de 15 mètres selon les témoins. »
Aujourd’hui l’inquiétude concernant les inondations grandit. En effet, le changement climatique risque très fortement d’agir sur l’augmentation du nombre des inondations dans le monde. La peur d’une catastrophe telle qu’à Vaison-la-Romaine est de plus en plus présente, notamment pour les communes situées près d’un fleuve ou d’une côte maritime. La Loire, par exemple, considérée comme le dernier fleuve sauvage d’Europe, est un fleuve qui, sous ses allures sages et paisibles, est en fait un fleuve tumultueux. « Personne ne connaît la Loire […] Elle est sauvage, sauvagement libre: elle se garde et brise toute contrainte d’où qu’elle vienne. Malheur aux Hommes s’ils ont osé la contraindre. »
Ce fleuve n’échappe pas au phénomène des inondations. Le débit peut être très faible en été, comme en 1933 où l’on pouvait pratiquement traverser le fleuve à pied à Tours. Il lui arrive également de s’avérer extrêmement violent. La Loire, en effet, produit des crues redoutables. Les trois dernières, catastrophiques, remontent au XIX ème siècle. Elles furent d’importance plus que centennale, causant chacune plus de 150 brèches dans les levées. Bien que sa zone inondable ne soit pas très importante (exemple : seulement 2,6 % du territoire en Région Centre), elle concerne entre Nevers et Angers environ 300 000 personnes, 13 600 entreprises, 72 000 emplois, 80 000 logements. La Loire peut donc se révéler très dangereuse. Une inondation survenant aujourd’hui causerait, sur les 450 kilomètres séparant Nevers d’Angers, environ 6 milliards d’euros de dommages.
« Préciser des notions et des concepts flous »
Connaître et comprendre les causes et les mécanismes d’un phénomène pouvant provoquer des catastrophes, tel que le phénomène d’inondation, c’est déjà répondre, en partie, à la question des moyens susceptibles de mieux le prendre en compte dans les nouvelles politiques d’aménagement et de gestion des zones à risque. Mais les notions de risque d’inondation, d’aléa, de vulnérabilité restent des concepts flous malgré l’évolution des connaissances scientifiques. Ce premier point va donc expliquer ces notions complexes. Nous aborderons dans un premier temps, le risque d’une manière globale, ce qui permettra de simplifier sa complexité. Dans un second temps c’est le risque d’inondation en lui-même qui sera traité.
La notion de risque, définition
Le risque est une notion complexe. Ce terme apparaît pour la première fois en Italie au XIVème siècle, dans un secteur d’activité particulier, le commerce maritime. Il proviendrait d’un mot italien, « risco », qui signifiait l’écueil qui menaçait les navires de commerce à l’époque. Pour les marins, il signifie l’idée de la possibilité de ne pas revenir à cause du fait que tous les aléas de la navigation en mer ne peuvent pas être maîtrisés. Il renvoie ainsi au terme anglo-saxon « hazard ». L’origine de ce mot est encore discutée aujourd’hui, ce qui lui confère une double signification. Le terme « risque » désigne à la fois un danger potentiel, plus ou moins prévisible, et sa perception, une situation que l’on perçoit comme dangereuse que l’on subit. Il est à noter que le risque est une notion dépendante du contexte historique, politique et social. Elle a donc évolué au cours du temps. Elle implique l’idée d’une menace socialement et historiquement construite selon les modes de pensée référents à une période donnée. En effet autrefois, les populations voyaient dans les accidents ou autres manifestations naturelles, vécus comme des catastrophes, l’expression d’une punition divine et donc le risque n’était pas une notion accessible. Puis, grâce aux progrès scientifiques, cette notion va peu à peu naître et rendre compréhensibles les événements tout en suivant un raisonnement logique.
Aujourd’hui voici quelques exemples de définitions existant concernant la notion de risque :
« Danger éventuel plus ou moins prévisible » Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert, 2007
« Danger, inconvénient plus ou moins probable auquel on est exposé » Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, 2007
« Danger éventuel plus ou moins prévisibles dans une aire non précisément définie, d’une durée indéterminée » BAILLY A., Les concepts de la géographie humaine, Paris, Armand Colin, 4ème réédition de 1998
« Elément qui menace ou compromet la sûreté, l’existence d’une personne ou d’une chose » DE LAJARTRE A., Les collectivités territoriales faces aux risques physiques, Paris, L’harmattan, 2004
Ces exemples de définitions du mot risque mettent en exergue le manque de clarté de ce concept. Afin de définir clairement la notion de « risque » il est donc nécessaire de définir les termes qui lui sont liés, pour mieux le comprendre.
Le risque et la catastrophe, quelles différences ?
Afin de comprendre exactement la notion de risque il est important de l’aborder sous différents angles de vue. Par exemple, elle peut être abordée sous un angle mathématique. Le risque est alors considéré comme une mesure probabilisée de l’impact d’un phénomène sur le milieu anthropisé, comme l’espérance mathématique des pertes sur un site donné et au cours d’une période de référence. D’un point de vue géographique, la notion territoriale est privilégiée pour définir cette notion. Les dangers qu’engendre ce risque sont alors liés à la conjonction territoriale d’un ou plusieurs dangers et d’une présence humaine directe ou non. C’est pourquoi il existe trois types de risque : naturels, technologiques et sociaux. Les inondations sont classées parmi les risques naturels. Elles sont liées à des processus physiques et sont « la possibilité de survenance d’un événement susceptible de porter atteinte à l’équilibre naturel »
En ce qui concerne la notion territoriale pour les inondations, elle est évidemment applicable. Bien que de nombreuses villes soient soumises au risque d’inondation, le risque est différent selon la géographie, la topologie, la géologie… du site. Cela se retrouve aussi différemment dans les politiques d’aménagement de chaque ville. Chacune aura sa propre façon de traiter le risque d’inondation, bien que suivant un modèle national, pour le cas des communes françaises. A la différence de la catastrophe, le risque possède une part de probabilité, car il peut rester dans le domaine de l’inachevé. Lorsqu’elle s’inscrit dans le temps cette probabilité est appelée « période d’incubation ». Elle peut s’inscrire également dans l’espace car le risque ne concerne pas une zone précise, mais plutôt une aire aréolaire. La catastrophe possède, elle, un caractère plus réel, concret. Elle a donc une inscription territoriale beaucoup plus restreinte, généralement ponctuelle, et presque toujours interne à une aire de risque. « Pour que l’on parle de catastrophe il faut que le phénomène soit d’une certaine ampleur et qu’il présente un caractère soudain et exceptionnel […] Le risque n’est pas la catastrophe mais la potentialité, voire l’éventualité de l’accident ».
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Présentation du cadre de la recherche
1. « Préciser des notions et des concepts flous »
2. Délimitation du sujet : Les rapports urbanisation / risque d’inondation
Conclusion Partie 1
Partie 2 : Présentation du cas d’étude
1. Aperçu historique de la ville de Nevers
2. L’urbanisation récente de Nevers (1945-2005)
Conclusion Partie 2
Parie 3 : Analyse des données recueillies et hypothèse
1. Le regard des élus sur l’urbanisation ancienne
2. La politique de gestion actuelle des zones inondables
3. L’influence de la localisation géographique des zones inondables sur l’urbanisation d’aujourd’hui
Conclusion Partie 3
Conclusion générale
Annexe
Bibliographie
Table des illustrations
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