La place du transitaire parmi les auxiliaires de transport a madagascar

« Nul n’est jamais aussi bien servi que par soi même ». Cet adage très connu et très usité trouve son fondement dans la différence qui existe entre le soin qu’apporte un propriétaire ou un maître d’ouvrage ou le titulaire d’un droit et celui qu’apporte une tierce personne dans la passation d’un acte, l’exécution de travaux d’entretien ou de construction, ou l’exercice d’un droit. En effet, c’est toujours l’individu au nom de qui ou pour le compte de qui un acte a été passé qui va en supporter les conséquences, et il a donc intérêt à le faire lui-même.

Pourtant, la compétence, les moyens, la disponibilité et aussi la volonté de faire peuvent manquer à la personne concernée et l’obligent à s’adresser à autrui, notamment à un professionnel. Par exemple, pour nous représenter devant le tribunal, nous nous adressons à un avocat ; en cas de maladie, nous consultons un médecin ; pour les travaux de construction ou d’entretien, on s’adresse à un architecte ; pour nous déplacer ou pour déplacer nos biens, on requiert le service d’un transporteur, etc. On peut classer ces différents professionnels en deux catégories : Il s’agit généralement d’un mandataire, lorsque l’acte à accomplir est un acte juridique, et d’un entrepreneur lorsqu’il s’agit d’un acte matériel :

– Le mandat, dit-on, offre le don d’ubiquité. Il permet à un individu d’être omniprésent par l’effet de la représentation. Le mandant charge un mandataire de passer des actes à son nom et pour son compte. Les effets de l’acte conclu par le mandataire seront donc supportés par le mandant, et on voit bien ici que le mandat est une exception au principe de l’effet relatif des contrats qui préconise que seul celui qui s’oblige est tenu par le contrat ;

– Quant à l’entrepreneur, il agit pour le compte de son cocontractant en toute indépendance ;

Nous allons étudier particulièrement le transporteur, qui est un entrepreneur et le transitaire qui est un mandataire.

Historique

– A Madagascar, la réglementation des relations entre un individu et un mandataire professionnel ou un transporteur date de l’époque royale, et le Code des 305 articles de la Reine Ranavalona II en parle notamment dans ses articles 151, 152 et 259.

L’art. 259 du Code prévoit l’intervention d’un délégué envoyé par les magistrats pour prendre connaissance des arguments à opposer à la partie adverse en cas d’empêchement d’une partie. Le délégué est bien ici un mandataire des magistrats qui agit en leur nom et pour leur compte. En ce qui concerne le transporteur, l’art. 152 dispose que : « Si des hommes libres ou des esclaves s’engagent à la solde d’un particulier, soit pour le transporter dans une localité soit pour y transporter des objets quelconques et qu’ils ne tiennent pas leurs engagements, alors qu’ils n’en auront été empêchés par la maladie, ils seront mis en prison pendant un mois et perdront leur salaire ; s’ils perdent les objets dont ils étaient porteurs, ils seront mis aux fers pendant deux ans. Au cas où ces mêmes engagés s’étant exactement acquittés de leurs tâche, vous profiteriez de ce que les objets transportés sont sur le point d’arriver ou de ce que l’expiration du contrat ou l’achèvement de la tâche pour laquelle ils sont engagés est proche, pour leur rechercher querelle dans le but de ne pas les payer, ils conservent leurs droits au paiement des journées pendant lesquelles ils auront travaillé ».

Et aux termes de l’art. 151 du même Code : «Si des personnes conduisent des voitures, montent des chevaux ou les mènent par la bride ou se font porter au galop en filanjana et que, pressant leur allure, elles causent des accidents de personne, elles seront punies d’une amende d’un bœuf et d’une piastre ou mises en prison à raison d’un sikajy par jour jusqu’à concurrence du montant de cette amende, si elles n’ont pu la payer. Si ce sont les porteurs du filanjana qui, se refusant à modérer leur marche, causent en galopant des accidents, ils seront mis en prison pendant huit jours. Toutefois, s’il y a eu avertissement et que le passant ne se soit pas garé, il n’y aura pas délit, le passant eût-il été blessé ».

On constate donc déjà, dans le Code, la gravité de la responsabilité qui pèse sur le transporteur. L’art. 152 met en évidence la responsabilité pour inexécution ou pour retard du transporteur tandis que l’art. 151 prévoit sa responsabilité civile en cas d’accident ; et cette gravité est encore consacrée par le droit positif, que ce soit en matière de transport terrestre, maritime ou aérien.

– Actuellement, en droit malagasy, le mandat est réglementé par les art. 132 et suivants de la Loi sur la Théorie Générale des Obligations. , tandis que les contrats de transport sont respectivement prévus par le C. com. pour le transport terrestre et le Code maritime pour le transport maritime.

La L.T.G.O. a consacré quinze articles  au mandat dans la section intitulée « effets des contrats » tandis que le C. civ. en a consacré un titre entier composé de vingt six articles. Une remarque s’impose : selon les auteurs malagasy, « Le titre XIII du livre III du C. civ. français renferme des art. 1984 à 2010 consacrés au « mandat ». Ces dispositions sont implicitement abrogées par les art. 132 à 147 de la Théorie Générale des Obligations « de la représentation » . Certaines dispositions du C.civ. concernant le mandat ont donc été abrogées par la Théorie Générale des Obligations, notamment celles prévoyant le mandat salarié. La justification à cette abrogation a été donnée par l’ancien Ministre de la Justice IMBIKI Anaclet : « … De nombreuses dispositions sont implicitement abrogées du fait de leur contradiction avec les principes posés par le législateur en matière notamment de droit de la famille et du droit des obligations mais aussi du fait des changements apportés par la nouvelle organisation judiciaire » . Mais une étude comparative des deux législations s’avère nécessaire pour comprendre le fonctionnement du mandat. D’ailleurs, le mandat salarié n’est-il pas la forme la plus connue et la plus usitée du mandat de nos jours ? Le transit, qui est une entreprise issue de la professionnalisation du mandat en est un exemple concret.

L’article 132 alinéa 1 de la L.T.G.O. donne une définition du mandat : « La représentation est le fait, par une personne nommée représentant, d’agir dans la passation d’un acte juridique, au nom et pour le compte d’une autre personne nommée représentée, dans des conditions telles que les effets de l’acte se réalisent directement dans la personne du représenté. » .

Naissance de la commission de transport 

Mais l’évolution et le développement du commerce ont engendré la multiplication des activités et donc des professionnels. En France, au début du 19e siècle, une autre catégorie de contrat est née : c’est la commission. Et contrairement au mandataire qui agit au nom et pour le compte du mandant, le commissionnaire agit pour le compte de son commettant mais en son nom personnel. Ce contrat de commission est prévu par les art. 94 et suivants du C. com. français de 1807 et de la professionnalisation de la commission est née la commission de transport.

En effet, pour des raisons commerciales, les grandes ou moyennes entreprises de transport françaises proposent à leurs clients d’organiser tout le transport et d’endosser les responsabilités découlant de leur choix, en ce sens qu’elles endossent les responsabilités des intermédiaires et transporteurs auxquels elles ont adressé la marchandise. C’est donc le commissionnaire de transport, devenu le seul cocontractant de ses clients, qui va endosser les lourdes responsabilités du transporteur.

Droit comparé

Il faut remarquer que le commissionnaire de transport français a un statut différent de celui de ses homologues européens car ni le spediteur allemand ni le forwarding agent anglais ne garantissent les faits de leurs suivants, et le régime de leur profession se rapproche plutôt de celui des transitaires, même si leurs activités sont celles du commissionnaire de transport. Et ce statut particulier du commissionnaire de transport a obligé le législateur français à réglementer minutieusement la profession de commissionnaire de transport pour le distinguer des autres intervenants. A signaler que, même si le commissionnaire de transport intervient surtout en matière de transport international, les conventions internationales, comme la convention de Bruxelles et la convention de Varsovie , ne sont pas applicables en matière de commission de transport qui reste soumise au droit national de chaque pays, et en cas de conflit, à la loi que les parties ont élue.

La confusion des professions auxiliaires de transport à Madagascar : 

Les dispositions du C. com. français sur la commission et la commission de transport ont été reprises par le C. com. malagasy. Pourtant, à Madagascar, la profession de commissionnaire de transport ne fait l’objet d’aucune réglementation. La reprise des textes français n’a pas été suivie par l’adoption d’un décret d’application réglementant cette profession et adapté à la situation qui existe à Madagascar. En outre, les dispositions des textes existants sont à l’origine d’une confusion au niveau des intermédiaires auxiliaires de transport. D’où il importe de consacrer une partie entière au transitaire et une autre partie aux autres auxiliaires, notamment le commissionnaire de transport.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : LE TRANSIT, UNE FIGURE DE PROFESSIONNALISATION DU MANDAT
Section 1 : Le droit commun du mandat appliqué au transit
Paragraphe 1 : La formation du contrat de transit
A- Les parties au contrat
1- Le mandant : le client du transitaire
2- Le mandataire : le transitaire
B : L’objet du contrat
1- Application du droit commun
2- Un acte général ou un acte spécial
3- La limite du pouvoir
C : La forme du contrat de transit
L’écrit est exigé
D : La preuve du contrat
Paragraphe 2 : Les effets du contrat
A : Les effets entre le client et le transitaire
1- Les obligations du transitaire
a- Exécuter la mission
b- Rendre compte de la mission
2- Les obligations du client
a- Le remboursement des frais et avances
b- L’indemnisation des pertes
c- Le paiement de la rémunération
B : Les effets entre le transitaire et les tiers
1- Le transitaire disparaît de la scène juridique
2- Le transitaire reste sur la scène juridique
C : Les effets entre le client et les tiers
1- Le transitaire a agi dans les limites de son pouvoir
a- Principe : le client est tenu
b- Exception : En cas de concert frauduleux entre le transitaire et le tiers contractant
2- Le transitaire a agi au-delà du pouvoir donné par le client
a- Principe : Le client n’est pas tenu
b- Exception : Le client est tenu
Paragraphe 3 : L’extinction du contrat
A : La fin voulue
1- La révocation par le client
a- Principe : Le mandat est librement révocable
b-Les exceptions
2- La renonciation par le transitaire
B : La fin subie
1- La faillite de l’une des parties
Section 2 : Le transitaire, un mandataire salarié auxiliaire de transport
Paragraphe 1 : La mission du transitaire
A- La réception de la marchandise
B- L’accomplissement des formalités douanières
C- L’obligation de réserver le recours de son mandant
D- La garde et la conservation des marchandises
E- L’expédition ou la réexpédition des marchandises
Paragraphe 2 : Les devoirs du transitaire
A : La loyauté
B : La diligence
C : Devoir de conseil
Paragraphe 3 : Les responsabilités du transitaire
A : La responsabilité des pertes et avaries
B : La responsabilité en tant que mandataire salarié
C : La responsabilité en tant que dépositaire salarié
D : La responsabilité en tant que commissionnaire en douane
Paragraphe 4- Les privilèges du transitaire
CHAPITRE II : LA RÉGLEMENTATION DE LA PROFESSION DE TRANSITAIRE À MADAGASCAR
Section 1 : La déclaration en douane
Paragraphe 1 : L’obligation de déclarer
Paragraphe 2 : La forme de la déclaration
A : Principe : l’écrit est exigé
B : Exceptions
1- la déclaration verbale
2- La déclaration provisoire
Paragraphe 3 : Les personnes habilitées à déclarer les marchandises
A : Le commissionnaire en douane agréé
B : L’expéditeur ou le destinataire réel de marchandise
C : Les entreprises de transport exploitées en régie directe par l’Etat
Section 2 : L’agrément
Paragraphe 1 : Les conditions d’obtention de l’agrément
A : La demande d’agrément
B : Le paiement du cautionnement
Paragraphe 2 : Le retrait de l’agrément
Section 3 : Les tarifs des rémunérations des commissionnaires agréés en douane
CONCLUSION

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