Pour J.-C. Beacco «l’ensemble solidaires de principes et d’activités d’enseignement, organisées en stratégies, fondées en théorie (c’est-à-dire qui s’appuient sur des concepts ou des connaissances élaborés au sein d’autres disciplines impliquées dans l’enseignement des langues) et / ou par la pratique (son efficacité constatée par exemple) et dont la finalité est d’accompagner les apprentissages» (Beacco 2007 : 16)
Les différences entre ces formations historiques portent sur un ensemble de variables : C. Puren, évoque, par exemple, «les objectifs généraux» «les contenus linguistiques et Culturels», «les théories de référence», «les situations d’enseignement»177. Pour chacune d’entre elles, les différentes méthodologies «effectuent des choix, définissent des hiérarchisations, organisent des articulations dotées d’une certaine originalité et d’une certaine cohérence» (Puren 1988 : 17).
Le texte littéraire, la fonction didactique qu’il occupe au sein d’un ensemble méthodologique, mais aussi les techniques d’enseignement dont il est l’objet, peuvent ainsi être envisagés comme l’une de ces variables qui permettent de différencier les méthodologies les unes des autres. La place qui lui est accordée, le moment auquel il est introduit, les objectifs qui lui sont assignés, le corpus qui est proposé aux apprenants, les activités qui lui sont associées ne sont pas les mêmes d’une méthode à l’autre.
Le texte littéraire, passeur de langue(s), passeur de culture(s)
‹‹ La littérature joue, via l’école notamment, un rôle essentiel d’intégration culturelle : en effet elle contribue à l’assimilation de la langue, et elle donne des modèles de représentation et interprétation du monde. Étant aussi une forme légitime de la culture légitime, son étude tend à intégrer les autres éléments culturels.» (Amossy 2002 : 130) d’une part le texte est traditionnellement considéré comme un échantillon langagier, d’autre part il transite «une certaine culture que l’école a pour mission de transmettre à l’élève» (Dufays, Gemenne et Ledur 2005 : 17), on trouve encore les tentions entre les différentes conceptions de la culture évoquée.
Le texte littéraire favorise bien évidement l’accession à une culture légitime, mais aussi il renvoie à la constitution et à la transmission d’un patrimoine commun, il permet d’asseoir un sentiment d’appartenance et d’intégration en accédant à tout un imaginaire collectif, à un ensemble de sources partagées. J.-L. Dufays parle à cet égard de l’acquisition d’une «grammaire culturelle commune»158, qui passe par le partage des références et stéréotypes dont la maîtrise est, nous l’avons vu, nécessaire pour lire. Cette inscription de l’acte de lecture dans la «doxa» va de pair avec ce que l’on peut nommer la «fonction intégrative» de la littérature (Séoud 1997 : 60) qui apparaît par là même comme un élément fondateur dans la constitution de l’identité d’une communauté donnée
Quelques caractéristiques de la lecture en classe
La lecture en classe présente un certain nombre de critères (les contraintes propre à un cache institutionnel, le partage de visées particulières d’enseignement/ apprentissage) par lesquelles elle se distingue de la lecture privée.
Les signes extérieurs
Ils englobent la lecture privée (personnelle) et lecture public, qui s’opposent sur de nombreux signes, différents entre l’une et l’autre :
– Le lieu et la posture
– Le moment : la lecture en classe a un temps précis, ce qui dit que les pratiques privées sont souvent nocturnes
– Le tempo : l’apprenant a quelques minutes ou une dizaine de minutes pour lire un passage du texte (alternance entre le temps de lecture et le temps de discussion).
– Supports : le texte s’agit d’un roman ou récit.
Un lieu de contrainte
En classe, de très nombreuses contraintes pèsent sur la lecture. L’étudiant, tout d’abord, ne choisit généralement ni le texte à lire, ni les activités qui accompagnent la lecture : «La plupart des élèves gardent des lectures en classe de littérature étrangère un souvenir peu agréable. Ils ont lu des textes en morceau, détachés de leur contexte et sur lesquels il a fallu travailler (les traduire la plupart du temps, les décortiquer, répondre à des questions de compréhension.» (Cicurel 1991 : 128).
Même s’il a une plus grande liberté, l’enseignant est lui aussi limité dans ses choix, par l’existence d’un programme, d’un manuel, par les exigences de l’institution dans laquelle, il travaille… Le parcours de lecture est lui aussi étroitement balisé. Pas question pour les étudiants de circuler librement dans le texte. Ils doivent suivre un rythme imposé par l’enseignant, alterner lecture détaillée de certains passages (voire d’une phrase bien précise) et lecture cursive de passages plus longs. Ils doivent répondre à des consignes, des dires de faire. Même si certains moments de négociation peuvent surgir, on est loin ici de la liberté sans contrainte de la lecture personnelle où l’on peut se permettre de vagabonder à sa guise dans le texte, de sauter des pages ou de s’attarder sur d’autres selon son bon vouloir.
Les objectifs attribués à l’enseignement/apprentissage du texte littéraire
L’intégration de la littérature comme support pédagogique dans la classe de langue constitue un sujet polémique d’actualité en didactique des langues-cultures. En effet, les représentations et les postures vis-à-vis de la place et des fonctions des textes littéraires dans la salle de classe sont diverses : pour certains, ces documents ne sont pas tout de suite accessibles pour tous les apprenants étant donné la complexité du discours littéraire ; et ce n’est donc pas intéressant de ne les utiliser que pour travailler la grammaire ou le lexique. Pour d’autres, les textes littéraires peuvent bien être exploités en classe de FLE, malgré leur complexité et leurs spécificités ; ils fournissent un éventail de possibilités pour la classe de langue (Biard et Denis, 2003 ; Albert et Souchon, 2000).
Convaincues des atouts du texte littéraire et de son intérêt pour la classe de FLE, nous considérons que, exploité de façon adéquate, il peut être un outil approprié pour favoriser la lecture, l’écriture et les échanges d’idées en langue étrangère, tout en permettant d’intégrer aussi bien des éléments culturels que des aspects linguistiques et esthétiques dans la classe de langue. Pourtant, dans notre contexte spécifique – l’Université Autonome de Querétaro – et certainement dans d’autres contextes universitaires au Mexique, les textes littéraires sont très peu utilisés dans la classe de FLE. Partant de ce constat, nous souhaitons plaider ici en faveur d’une utilisation pédagogique plus récurrente et approfondie de ce type de documents authentiques dans les divers établissements universitaires où le français est enseigné, en nous appuyant sur nos observations à la suite d’une expérimentation d’enseignement mise en œuvre dans notre institution.
Culture cultivée / anthropologique
Sans retracer exhaustivement l’histoire, complexe et entrelacée, des deux concepts, on peut tout d’abord revenir sur les significations de culture qui sont pertinentes au vu de nos propres interrogations et exposer, parmi les multiples acceptions du terme, celles que nous retiendrons plus particulièrement. R. Williams donne de ce «mot fourre-tout» la définition suivante, qui met à jour trois grandes manières d’envisager la culture : «Il existe trois grandes catégories dans la définition de la culture. Tout d’abord, le domaine de “l’idéal” de certaines valeurs universelles, dans lesquelles la culture est un état de perfectionnement humain ou un processus y conduisant. Ensuite, il y a le domaine “documentaire” dans lequel la culture constitue l’ensemble des productions intellectuelles et créatives, et dans lequel se trouvent enregistrées dans le détail la pensée et l’expérience humaines. Enfin, il existe une définition “sociale” du terme, qui fait de la culture la description d’un mode de vie particulier traduisant certaines significations et certaines valeurs, non seulement dans le monde de l’art ou du savoir, mais aussi dans les institutions et le comportement social.»
Culture et civilisation
La civilisation apparaît au XVIIIe siècle, sous la plume de Mirabeau père qui dans L’Ami des hommes ou traité de la population parle en 1756 des «ressorts de la civilisation» et du «luxe d’une fausse civilisation». À l’origine, le terme est employé au singulier et renvoie à l’«ensemble des caractères communs aux vastes sociétés les plus cultivées, les plus évoluées de la terre, ensemble des acquisitions des sociétés humaines» (Le Nouveau Petit Robert). Le modèle auquel il renvoie se veut universaliste, mais, de fait, il correspond à celui de la société française des Lumières, qui y voit «avec satisfaction son propre portrait» (Braudel 1987 : 34). La civilisation ne peut, de fait, concerner que quelques sociétés, jugées parmi les plus «avancées», et renvoie nécessairement à une hiérarchie entre des peuples : certaines sociétés y auraient accès, d’autres non. Elle correspond ainsi pour F. Braudel à «l’idée propre au XVIIIe siècle d’une civilisation confondue avec le progrès en soi et qui serait réservée à quelques peuples privilégiés» (ibid.). Civilisation, dans ce sens universaliste, peut être opposée à culture dans son sens particulier. C’est cette opposition que l’on retrouve dans cette citation de M.-A. Lahbabi : «La culture nationale peut se définir comme la concrétisation du génie d’un peuple dans son travail, sa vision du monde et ses comportements, tandis que la civilisation serait, pouvons-nous dire, l’objectivation des génies de tous les peuples dans leurs efforts conjugués au cours de l’histoire humaine, un patrimoine humain, un patrimoine commun.» (Cité par Fichou 1979 : 26) Civilisation peut au contraire être utilisée comme un quasi synonyme de culture dans son sens.
La didactique du texte littéraire et l’interculturel
L’internationalisation, marque les échanges économiques, et culturels semble aller dans le sens d’une uniformisation des différences, les implorations identitaires, à la culture sont facteurs à cette globalisation, la différence et la diversité culturelles devenant le paradigme central, dans les politiques de gouvernance, et du management, doivent l’être aussi dans la gestion pédagogique, et didactique au sein des institutions éducatives.
En effet, la mission de l’espace éducatif, ne se limite plus à la maitrise des langues mais la dépasse, pour porter son intérêt sur le traitement des cultures afin d’assurer une éducation interculturelle aux apprenants.
L’enseignement du français par le texte littéraire dans les départements de langue, et littérature française importe du moment que c’est par le texte littéraire que transitent les représentations et les transferts interculturels.
En tant que production de l’imaginaire, il représente un genre inépuisable pour la rencontre de l’Autre. La littérature permet d’étudier l’être humain dans sa complexité et sa variabilité.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre1: Le texte littéraire dans l’enseignement/apprentissage du FLE, itinéraire, objectifs et défis
1.1 La place du texte littéraire dans les courants méthodologiques
1.1.1. Lire le texte littéraire en classe de langue
1.1.2Une lecture en classe
1.1.3.Littérature / enseignement : des liens indissolubles
1.1.3.1.Définir ce qu’est la littérature, et comment on la lit
1.1.3.2.Le texte littéraire, passeur de langue(s), passeur de culture(s)
1.1.4.Quelques caractéristiques de la lecture en classe
1.1.5.Les objectifs attribués à l’enseignement/apprentissage du texte littéraire
1.2. Le texte littéraire «lieu emblématique de l’interculturel» en classe de FLE?
1. 2.1Culture(s), civilisation(s)
1.2.1.1. Culture cultivée / anthropologique
1.2.1.2.Culture et civilisation
1.2.3 La didactique du texte littéraire et l’interculturel
Chapitre 2: Expérimentation et mise en pratique du texte littéraire choisi en classe de 3ème année secondaire dans une pédagogie à visée interculturelle
2.1.Mise en œuvre du texte littéraire en classe de langue
2.2.1. Protocole expérimental
2.2.2 Objectif de recherche
2.2.3 Méthodologie
2.2.4 Recueil des données
2.2.5 Description du groupe expérimental
2.2.6 Champ d’étude
2.2.6.1. Description du lieu d’expérimentation
2.2.6.2. Durée de l’expérimentation
2.2.7 Description du corpus
2.2.8 Déroulement des séances
2.2.8.1 Fiche pédagogique n°1
2.2.8.2Description de la 1ère séance
2.2.8.3 Analyse de la première séance
2.3 Enquête auprès des enseignants
1. Recueil de données de l’enquête destinées aux enseignants
1.1. Protocole d’enquête
1.1.1 Difficultés rencontrées
1.1.2 Objectifs de l’enquête
1.2 Présentation du questionnaire destiné aux enseignants
2. Analyse des données et commentaires des résultats du questionnaire
3. Bilan de l’enquête destiné aux enseignants
Conclusion
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