La place du phytoplancton dans le réseau trophique

Généralités sur le phytoplancton 

Le phytoplancton est composé d’organismes végétaux (unicellulaires, filamenteux ou coloniaux) microscopiques en suspension dans la colonne d’eau, caractérisés par la présence de pigments chlorophylliens dont majoritairement la chlorophylle a. Ces organismes sont qualifiés de thallophytiques, c’est à dire dépourvus de tige, racine et de vaisseaux conducteurs. Ils sont localisés dans les couches superficielles éclairées des étendues d’eau, soit généralement de la surface à 100 m de profondeur (pour les mers). En effet leur métabolisme est dominé par le mode de vie autotrophe basé sur la photosynthèse (besoin de lumière) qui est la source principale voire unique de leur énergie et permettant la constitution des molécules pour les cellules (DAUTA & FEUILLADE, 1995). Toutefois, certains groupes du phytoplancton comme les dinoflagellés (Protoperidium sp. et Gymnodinium sp…) sont hétérotrophes et utilisent des substances organiques à la base de leur métabolisme (REVIERS, 2003). La flore algale est estimée à 474 – 504 genres regroupant 3444 – 4375 espèces selon les auteurs. Mais ces chiffres augmentent au gré des découvertes (ird.nc/BASE/BIODIVERSITE, 2004). Les espèces de phytoplancton ne constituent que 0,3 % des espèces décrites, avec une répartition mondiale (espèces cosmopolites) ou se distribuant par rapport aux grandes divisions climatiques classiques. On distingue ainsi des espèces d’eaux froides, d’eaux tempérées et d’eaux chaudes intertropicales (ird.nc/BASE/BIODIVERSITE, 2004).

La place du phytoplancton dans le réseau trophique 

Les organismes phytoplanctoniques sont à la base des chaînes trophiques pélagiques et donc responsables d’une part essentielle de la production primaire dans les milieux aquatiques (Fig. 1). Lorsque certaines conditions sont favorables (températures élevées associées à des conditions météorologiques calmes, niveaux élevés d’éléments nutritifs d’origine anthropique ou naturelle), certaines espèces peuvent proliférer de manière significative (REYNOLDS, 1988). Selon MCQUEEN et al. (1986), la structure de toute communauté aquatique est sous le contrôle de différents facteurs qui interagissent simultanément entre eux :

➤ les facteurs ascendants (« bottom-up » en anglais) qui se définissent en particulier par la dynamique des ressources nutritives (apports endogènes et exogènes) et qui vont déterminer le type de peuplement algal,
➤ les facteurs descendants (« top-down » en anglais) qui sont définis en particulier par les pressions de prédation et vont en retour modifier la structure du réseau trophique.

Ainsi les organismes photosynthétiques seront broutés par du zooplancton herbivore, lui même consommé par du zooplancton de plus grande taille, ou par des poissons brouteurs. Dans tous les cas, les poissons carnivores représentent le niveau trophique supérieur des écosystèmes aquatiques. Chaque étape génère des détritus de matière organique particulaire et dissoute dont les bactéries assurent la minéralisation en bouclant ainsi le système. Au sein du phytoplancton, la stabilisation de la colonne d’eau (relation avec le vent, le courant …) provoque un remplacement des espèces non motiles comme les diatomées présentes au cours des périodes de brassage et de crue, par des espèces flagellées (comme les Dinophycées et Chrysophycées) et les cyanobactéries (JONES & POPLAWSKI, 1998). Ces dernières se déplacent dans la colonne d’eau pour optimiser leur activité photosynthétique en fonction de l’éclairement et des concentrations en sels nutritifs, ce qui justifie la mention d’écostratégique de CHORUS & BARTRAM (1999).

En utilisant la combinaison de paramètres multiples tels que la température, l’intensité lumineuse, les besoins en nutriments, la vitesse de croissance, le déplacement dans la colonne d’eau et/ou la pression de broutage, REYNOLDS (1998) et REYNOLDS et al. (2002) ont défini des groupes ou assemblages pour l’ensemble des espèces phytoplanctoniques. Un total de 31 groupes fonctionnels est actuellement identifié avec des propriétés écologiques définies et remis en question périodiquement par les différents chercheurs suivant l’écosystème étudié.

Composantes du phytoplancton 

Le phytoplancton regroupe deux catégories bien marquées d’organismes en se fondant sur un caractère cytologique, à savoir la présence ou l’absence de membrane nucléaire. Les individus qui en sont munis sont classés sous le nom d’eucaryotes ou algues vraies, ceux qui en sont dépourvus sous le nom de procaryotes ou Cyanobactéries. Actuellement la systématique est en pleine évolution, les moyens d’investigation progressant avec le microscope électronique à balayage, les microsondes ou les méthodes d’analyse chimiques et génétiques. A l’heure actuelle, sept embranchements sont recensés dans les milieux dulçaquicoles à partir de critères (1) cytologiques, (2) biochimiques dont les types de molécules de chlorophylle, de la présence ou l’absence de phycobiline ou pigments surnuméraires (phycoérythrine, phycocyanine), et de la nature chimique des réserves photosynthétiques au cours du métabolisme et leur localisation dans la cellule et (3) de reproduction (COUTE & CHAUVEAU, 1994).

Les Cyanophytes ou Cyanobactéries
Les Cyanophytes se distinguent des autres embranchements car ils regroupent les organismes procaryotes (sans membrane nucléaire définie). Cet embranchement est composé de la classe des Cyanophycées. Ces organismes sont dépourvus de flagelles et leur appareil végétatif peut être coccoïde, colonial ou filamenteux. Les cellules renferment de la chlorophylle a et des phycobiliprotéines. Les réserves sont constituées par le glycogène, la cyanophycine et des gouttelettes lipidiques. Il existe aussi des granules de polyphosphates. La multiplication s’effectue principalement par division cellulaire et par fragmentation chez les filamenteux (REVIERS, 2003).

Les Dinophytes
Les dinophytes sont majoritairement unicellulaires. Il existe quelques rares formes filamenteuses. Ce sont des organismes en général monadoïdes, mais il existe des formes amiboïdes, coccoïdes ou coloniales palmelloïdes. Les dinophytes sont pourvues de deux flagelles dissemblables généralement insérés sur la face ventrale (ou à la partie antérieure) le plus souvent vers le milieu du corps. L’un d’eux, orienté transversalement, est inséré dans un sillon équatorial (cingulum) tandis que l’autre, longitudinal, est logé dans un sillon longitudinal (sulcus). Les dinophytes contiennent les chlorophylle a et c. Les pigments surnuméraires sont principalement la péridine et le β-carotène. L’hydrate de carbone de réserve est l’amidon synthétisé à l’extérieur du plaste. Les dinophytes sont majoritairement marins, mais il existe de nombreuses espèces dulçaquicoles. La reproduction est essentiellement asexuée par division cellulaire et / ou par divers types de spores (REVIERS, 2003).

Les Chromophytes
Les Chromophytes contiennent également de la chlorophylle a et c. Leurs réserves sont constituées de chrysolaminarine ou de laminarine selon le cas, toujours dans le cytoplasme. Quatre classes composent cet embranchement :
➤ les Chrysophycées essentiellement unicellulaires, rarement solitaires ou coloniales. Cette classe a pour propriété de pouvoir élaborer des structures de résistance intracellulaire siliceuses. La sexualité est rare. Ces organismes sont en majorité dulçaquicoles libres ou fixés, il existe cependant des taxons marins (REVIERS, 2003).
➤ Les Bacillariophycées ou Diatomées unicellulaires ou coloniales. Les cellules synthétisent une enveloppe externe siliceuse et souvent très ornementée (frustule). Elles sont dépourvues de flagelles et les mouvement se font grâce à la sécrétion de mucilage. Les diatomées sont diploïdes et se reproduisent essentiellement par multiplication végétative. Ce sont des organismes extrêmement répandus dans le monde aquatique (REVIERS, 2003).
➤ Les Xanthophycées de couleur vert-jaune, présentant tous les types d’organisation et capables de fabriquer des kystes siliceux intracellulaires. La sexualité n’est connue que chez deux genres. La grande majorité des xanthophycées sont dulçaquicoles, mais certaines se rencontrent dans les eaux saumâtres ou marines (REVIERS, 2003).
➤ Les Phéophycées caractérisés par une grande diversité de forme vivant en général fixées aux rochers ou sont épiphytes. Cette classe est très répandue en mer et peu représentée en eau douce avec cinq genres.

Les Euglénophytes
Ces algues sont unicellulaires flagellés rarement coloniales. Une invagination constituée d’un canal et d’un réservoir est située au pôle antérieur de la cellule. Les euglénophytes contiennent de la chlorophylle a et b et leurs réserves glucidiques sont constituées par le paramylon stocké dans le cytoplasme. Des gouttelettes lipidiques constituent des réserves supplémentaires. Les euglènes sont pourvues d’une pellicule souple ou non, constituée de bandes protéiques situées sous la membrane plasmique. La classe des Euglénophycées est unique pour cet embranchement. Ce sont des organismes dulçaquicoles (en particulier dans des milieux riches en matière organique), marins ou d’eaux saumâtres. La multiplication s’effectue par division cellulaire (REVIERS, 2003).

Les Chlorophytes
Les Chlorophytes ou algues vertes renferment les chlorophylles a et b. La réserve fondamentale est l’amidon localisé dans l’appareil photosynthétique. Cet embranchement se divise en plusieurs classes dont trois d’entre elles se rencontrent dans le phytoplancton d’eau douce. Ce sont :
➤ les Prasinophycées, organismes unicellulaires, monadoïdes ou coccoïdes, parfois coloniaux. Le corps cellulaire et les flagelles sont recouverts d’écailles organiques. La reproduction est principalement asexuée. Ce sont des organismes présents dans le milieu marins comme dans les eaux douces (REVIERS, 2003).
➤ les Chlorophycées dont le thalle est unicellulaire, colonial ou filamenteux, coccoïde ou monadoïde. Les cellules sont nues ou munies d’une thèque. La reproduction est sexuée ou asexuée. Ce sont des organismes presque tous dulçaquicoles.
➤ les Zygnematophycées (ou zygophycées), cette classe regroupe les algues unicellulaire ou filamenteuses. Les plastes contiennent un ou plusieurs pyrénoïdes. Ce sont des algues dépourvues de flagelles. La reproduction est sexuée ou asexuée. Ces algues sont dulçaquicoles, avec quelques espèces d’eau saumâtre (REVIERS, 2003).

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Table des matières

1) INTRODUCTION
2) SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
2-1 Généralités sur le phytoplancton
2-2 La place du phytoplancton dans le réseau trophique
2-3 Composantes du phytoplancton
2-4 Ecophysiologie du phytoplancton
2-5 Facteurs spécifiques déterminants le développement de cyanobactéries
3) SITE D’ ETUDE
3-1 Situation géographique
3-2 Aménagements du fleuve Sénégal et fonctionnement du lac
3-3 Milieu physique
3-3-1 Climat
3-3-1-1 Précipitations
3-3-1-2 Température de l’air
3-3-1-3 Radiation solaire globale
3-3-2 Bathymétrie
3-3-3 Hydrodynamisme
3-3-4 Hydrologie
3-3-4-1 Salinité
3-3-4-2 Turbidité
3-3-4-3 Température des eaux
3-4 Facteur biologique
3-4-1 Zooplancton
3-4-2 Végétation aquatique
3-5 Les principaux utilisateurs de l’eau du lac de Guiers
3-6 Caractéristiques du lac de Guiers
4) METHODOLOGIE
4-1 Suivi en milieu naturel
4-2 Expérimentation en microcosmes
4-2-1 Etude du taux de croissance de Cylindrospermopsis raciborskii
4-2-2 Etude de l’impact du broutage du zooplancton
4-2-2-1 Phytoplancton naturel
4-2-2-2 Cultures pures de cyanobactéries
4-3 Analyses qualitative et quantitative du phytoplancton
4-3-1 Analyse qualitative
4-3-1-1 Identification des espèces
4-3-1-2 Diversité globale
4-3-2 Analyse quantitative
4-3-2-1 Abondance
4-3-2-2) Biomasse
4-3-3 Analyse des données
5) RESULTATS
5-1 Suivi en milieu naturel (Cycle annuel)
5-1-1 Composition taxonomique du phytoplancton
5-1-2 Richesse, diversité spécifique et succession d’espèces phytoplanctoniques
5-1-2-1 Richesse spécifique
5-1-2-2 Indice de diversité
5-1-2-3 Diagramme rang-fréquence
5-1-3 Abondance et biomasse du phytoplancton
5-1-3-1 Abondance
5-1-3-2 Biomasse
5-1-4 Variations spatiales du phytoplancton au niveau du lac de Guiers
5-1-6 Les groupes fonctionnels au sein du phytoplancton
5-1-6-1 Composition des groupes fonctionnels
5-1-6-2 Dynamique saisonnière des groupes fonctionnels
5-1-7 Relations entre phytoplancton et variables environnementales et biologiques
5-1-7-1 Compartiment zooplanctonique
5-1-6-2 Variables physiques et chimiques
5-1-6-3 Analyses des données par la co-inertie
5-2 Approches expérimentales
5-2-1 Impact du broutage du phytoplancton par le zooplancton
5-2-2 Impact du broutage de culture de cyanobactéries par deux types de zooplancton
5-2-3 Taux de croissance de Cylindrospermopsis raciborskii
6) DISCUSSION
6-1 Composition et structure du phytoplancton du lac de Guiers
6-1-1 Composition du phytoplancton
6-1-3 Successions des groupes fonctionnels dominants
6-2 Dynamique et facteurs de contrôle du phytoplancton du lac de Guiers
6-2-1 Impact des facteurs physiques
6-2-2 Impact des éléments nutritifs
6-2-3 Impact du broutage exercé par le zooplancton
6-2-4 Aménagements et réchauffement climatique
6-3 Développement de Cylindrospermopsis raciborskii au lac de Guiers
6-3-1 Distribution géographique
6-3-2 Morphologie de Cylindrospermopsis raciborskii
6-3-3 Toxicité de Cylindrospermopsis raciborskii
6-3-4 Déterminisme de croissance de Cylindrospermopsis raciborskii
7) CONCLUSION GENERALE
8) REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
9) ANNEXES

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