La place du langage dans les interactions entre élèves dans une classe multi-âges de maternelle

Professeur des écoles stagiaire, chargée d’une classe multi-âges de PS-MS-GS dans une école rurale de Loire Atlantique (circonscription de Blain, 44), cette organisation pédagogique de classe à triple niveau m’a intriguée et posée question pour la prise en main de ma classe, et ce dès le mois de septembre.

Les classes multi-âges se développent de plus en plus dans notre société contemporaine. Parfois subies, faute d’effectif suffisant, parfois choisies par les enseignants, celles-ci peuvent constituer un atout dans le développement de l’enfant, notamment le développement du langage. Souvent critiquée car vectrices de frein pour les plus grands et d’apprentissages en accéléré pour les plus petits – afin de maintenir un niveau homogène dans les classes – elles développent chez ses élèves de nombreuses compétences sociales qui leurs sont nécessaires, telles que l’entraide, la coopération, ou encore l’empathie, compétences qui seront alors, selon moi, moins développées, ou du moins, développées de manière différente, dans une classe à niveau simple. Au-delà des compétences sociales, la classe multi-âges va constituer un véritable atout dans le développement du langage et ainsi la structuration de la pensée des élèves.

L’enfant, lorsqu’il fait sa première rentrée à l’école, découvre un univers qui lui était jusque-là inconnu. Lorsqu’il rentre dans la classe lors de son premier jour, son premier contact va être une communication avec l’enseignant qui, en première année d’école maternelle, doit veiller à avoir ce contact direct avec l’élève. Son premier contact avec l’école va donc être un échange oral, autrement dit, une interaction avec l’enseignant. Il est nécessaire que cet échange place l’élève au centre, afin qu’il se sente accueilli, en sécurité dans ce nouvel endroit jusquelà inconnu. L’école va être un lieu d’apprentissages, de découverte, de manipulation, mais surtout et avant tout d’interactions ; interactions avec les différents adultes membres de la communauté éducative (professeurs des écoles du groupe scolaire, ATSEM, adultes de l’équipe du périscolaire, parents d’élèves …), mais également interactions entre les enfants eux mêmes, ou encore interactions avec le monde qui les entoure (à l’école maternelle les élèves vont commencer à observer comment leurs interventions peuvent avoir un impact sur le monde environnant : la matière, les végétaux, …). Certains enfants, en arrivant à l’école, n’ont jamais connu la vie en collectivité. Ils n’ont pas connu la crèche et découvrent donc cette vie collective lors de leur première rentrée à l’école maternelle. Ils vont alors devoir mettre en place des stratégies pour s’approprier ces nouveaux lieux qui leur sont inconnus, mais qu’ils doivent partager avec d’autres enfants, savoir se mettre en retrait car l’adulte ne peut pas être en mesure de ne s’occuper que de lui, savoir se faire une place au sein du groupe classe, sans pour autant se mettre trop en avant, se créer un cercle d’amis afin d’être intégré à cette nouvelle société qu’est l’école.

Le cadre institutionnel : ce que nous disent les textes officiels concernant le langage et les interactions

Le programme de l’école maternelle de 2016

Le programme de cycle 1 (bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 201525) datant de 2016, d’une part, remet le langage au centre des apprentissages de l’école maternelle, et d’autre part, insiste largement sur la place et l’importance des interactions dans le développement de l’enfant.

Le langage, un élément primordial dans le développement de l’enfant

« L’oral est l’un des objectifs essentiels de l’école maternelle. Depuis les premiers essais jusqu’aux verbalisations plus complexes, l’attention de l’enseignant est constante. A travers toutes sortes de situations transversales ou orientées spécifiquement sur l’apprentissage linguistique, par des échanges nombreux et variés, il amène les élèves de l’oral en situation à un oral plus distancié, de l’oral pratique utilisé à la maison à un oral élaboré exigé par l’école et ce, grâce à l’usage de discours différents : raconter, décrire, expliquer… » .

Le langage se doit d’être une préoccupation pour les enseignants. Il va être au cœur des interactions. Grâce à celui-ci, les élèves vont pouvoir développer tout un lexique qui va leur permettre d’exprimer un avis, d’échanger avec les autres, de comprendre les demandes et attentes, d’une part de l’enseignant et d’autre part des camarades de classe. Pour ce faire, l’enseignant se doit d’adopter des postures visant à faire progresser les élèves (à travers la reformulation, la répétition…). Les élèves vont être sans cesse sollicité du point de vue langagier durant leurs journées d’école. Le langage va être au centre de l’idée de coopération que nous développerons plus tard.

« Le langage oral : utilisé dans les interactions, en production et en réception, il permet aux enfants de communiquer, de comprendre, d’apprendre et de réfléchir. C’est le moyen de découvrir les caractéristiques de la langue française et d’écouter d’autres langues parlées. » (p.6 du B.O.  spécial n°2 du 26 mars 2015 : Programme de l’école maternelle).

L’un des attendus de fin de cycle du domaine 1 – Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions – est de « communiquer avec les adultes et les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre ». En fin de grande section, les élèves doivent donc être en mesure de communiquer avec les autres, par des moyens verbaux et non verbaux. Se faire comprendre est à la base de toutes interactions, plus largement de toute société. Expression d’un avis personnel ou des émotions que l’on peut ressentir, transmission d’informations, échange avec les autres, le langage va permettre à l’enfant de se développer et de devenir plus tard le citoyen que l’on attend de lui.

Ces moments de langage vont être privilégiés dans la classe dans toutes les activités proposées, et ce, de l’accueil du matin jusqu’à ce que les parents viennent chercher leurs enfants. Le langage est un domaine interdisciplinaire : tous les autres domaines vont être concernés, avec des objectifs langagiers qui seront ciblés dans les différentes séquences menées en classe (par exemple pour une séquence dans le domaine 5 – explorer le monde – sur le développement des végétaux, tout le lexique des plantations va être abordé et développé auprès des élèves : les instruments du jardin – une pelle, un râteau, un arrosoir -, les verbes d’action – semer, arroser, pousser, croître, germer -, les noms associés – une plantule, une graine… Un abécédaire du jardin ou un album écho vont pouvoir être mis en place avec les élèves ce qui permettra de mesurer le niveau d’acquisition du vocabulaire mais également de vérifier ce qu’ils ont compris durant toute la période de plantation.). Chaque séquence proposée va être source d’une transmission de vocabulaire envers les élèves. Ils se doivent d’acquérir les codes du langage afin de continuer leur scolarité dans les meilleures conditions possibles. En effet, à la fin de l’école maternelle, les élèves sont évalués à travers la synthèse des acquis de l’élève . Cette synthèse, remplie par le professeur de GS sera ensuite transmis au professeur de CP afin de faire un bilan des compétences acquises par l’élève en question. Dans cette synthèse, deux points concernent l’oral : tout d’abord la production (langage oral: communication, expression), puis la réception d’un message oral (compréhension d’un message oral ou d’un texte lu par l’adulte).

Les interactions, vectrices de coopération

Dans ce bulletin, il est précisé que durant leurs trois années à l’école maternelle, les enfants doivent « apprendre en jouant ».

« Le jeu favorise la richesse des expériences vécues par les enfants dans l’ensemble des classes de l’école maternelle et alimente tous les domaines d’apprentissages. (…) Il favorise la communication avec les autres et la construction de liens forts d’amitié. » (p.4 du B.O. spécial n°2 du 26 mars 2015 : Programme de l’école maternelle).

Le jeu va apporter une dimension symbolique aux échanges entre élèves. Par ce biais, ces derniers vont développer des capacités sociales et langagières. En effet, la mise en place dans la classe de différents espaces de jeux (le coin cuisine, le coin construction, le coin « train » le coin bricolage, le coin ordinateurs, le coin poupée, le coin soin) va favoriser les échanges et les interactions entre les élèves, tous niveaux confondus. Ces coins jeux constituent une richesse pour les interactions, mais pour le langage également. C’est ici que les élèves vont développer tout un lexique propre à différentes activités.

Les défis de coopération et jeux de société vont également participer à ce développement. Les élèves vont être obligés par l’objet « jeu » (que cela soit les constructions ou les jeux de société) d’échanger, d’exposer un avis sur la manière de procéder, d’affirmer son accord ou son désaccord avec les autres. J’ai mis en place des jeux de coopération en période 1 et période 2, afin de souder les élèves entre eux et qu’ils trouvent une dynamique de classe grâce à ces jeux. La consigne pouvait être par exemple : construisez la plus haute tour en Kapla ; ou encore : réalisez le pont le plus solide en Lego. Les seules règles à respecter étaient que tout le monde, chaque élève, devait participer à la construction, et qu’il ne devait y avoir qu’une seule construction par équipes. Ce système forçait réellement les élèves à entrer en interaction les uns avec les autres pour donner un rôle à chacun, mais également à coopérer (untel va chercher les Kapla, untel les récupère, et les deux autres construisent la tour : les élèves étaient obligés de communiquer entre eux pour se distribuer les différents rôles, puisque je les laissais totalement gérer le groupe).

En périodes 4 et 5, nous avons changé ces jeux de coopération en jeux de société. Un créneau y est dédié chaque mardi après-midi . Les règles des jeux sont expliquées en début de période uniquement aux élèves de GS, puis ils se trouvent en charge de leur propre groupe. Chaque élève peut s’inscrire librement à un jeu de société, la seule règle est qu’il doit y avoir, au moins, un élève de grande section inscrit à ce jeu afin d’être le maître du jeu, d’expliquer et de faire respecter les règles aux autres élèves.

Mettre les élèves de GS en responsabilité d’un groupe de trois ou quatre élèves plus jeunes a permis qu’ils soient mis en situation de communication face aux élèves plus jeunes. Ils ont pu se rendre compte que cela n’était pas toujours facile de trouver les mots justes pour expliquer aux élèves de PS et de MS les règles du jeu. Ils ont dû faire un effort dans la communication et ce système a poussé les élèves les moins avenants envers les plus jeunes à se mettre en situation d’interactions avec ces derniers. Les MS pourront être intégrés à ce système en dernière période pour les responsabiliser vis-àvis des autres.

Les programmes nous donnent également des indications pour développer des compétences de « vivre ensemble » chez nos élèves (3e paragraphe de l’introduction du B.O) « Une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble »).

« La classe et le groupe constituent une communauté d’apprentissage qui établit les bases de la construction d’une citoyenneté respectueuse des règles de la laïcité et ouverte sur la pluralité des cultures dans le monde. (…). L’école maternelle assure ainsi une première acquisition des principes de la vie en société. ». (p.5 du B.O. spécial n°2 du 26 mars 2015 : Programme de l’école maternelle).

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Table des matières

1. REMERCIEMENTS
2. INTRODUCTION
3. LA CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE
3.1. CHOIX DE L’OBJET : UN QUESTIONNEMENT AUTOUR DE L’INTERET DE LA CLASSE MULTI-AGES
3.2. LA PROBLEMATIQUE : COMMENT LIER LE LANGAGE ET LES INTERACTIONS ?
3.3. LA DEFINITION DE L’OBJET
3.4. LA METHODE EMPLOYEE
3.5. LES LIMITES ET LES DIFFICULTES RENCONTREES
3.6. CE QUE NOUS DISENT LES TRAVAUX DE SOCIOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE SUR LE LANGAGE ET LES INTERACTIONS
3.6.1. A propos du langage
3.6.1.1. Le socioconstructivisme de Lev VYGOSTKI
3.6.1.2. Les difficultés de langage : de quoi parle-t-on ?
3.6.1.2.1. Le tableau des « Indicateurs de vigilance pour des enfants normalement scolarisés »
3.6.1.2.2. Le tableau du développement de l’enfant
3.6.2. A propos des interactions
3.6.2.1. La transmission de la « culture enfantine »
3.6.2.2. Les interactions enfantines : l’âge a-t-il un rôle à jouer ?
3.7. L’ORGANISATION PEDAGOGIQUE DANS LA CLASSE
4. LE CADRE INSTITUTIONNEL : CE QUE NOUS DISENT LES TEXTES OFFICIELS CONCERNANT LE LANGAGE ET LES INTERACTIONS
4.1. LE PROGRAMME DE L’ECOLE MATERNELLE DE 2016
4.1.1. Le langage, un élément primordial dans le développement de l’enfant
4.1.2. Les interactions, vectrices de coopération
4.2. LE SOCLE COMMUN DE CONNAISSANCES, DE COMPETENCES ET DE CULTURE
4.2.1. Les langages pour penser et communiquer, un domaine nécessaire aux autres domaines
4.2.2. Le domaine 3 : La formation de la personne et du citoyen
5. LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
5.1. DES AMITIES EXPLIQUEES PAR DIVERS FACTEURS
5.1.1. L’âge : un facteur qui ne semble pas entrer en compte
5.1.1.1. Le cas de L.H
5.1.1.2. Le cas d’A.B
5.1.2. Le sexe : un élément important plus l’enfant avance dans sa scolarité
5.1.3. La place du comportement des élèves dans les réseaux d’amitié
5.1.3.1. Des généralités
5.1.3.2. …aux exceptions
5.1.4. Le niveau scolaire des élèves : une autre cause des mises à l’écart
5.1.5. L’entourage familial : un paramètre explicatif des amitiés développées à l’école
5.1.5.1. La place dans la fratrie
5.1.5.2. L’implication des parents dans l’institution scolaire
5.1.5.3. Les activités extra-scolaires
5.2. DES DIFFICULTES DE LANGAGE SE TRADUISANT PAR DEUX PROFILS D’ELEVES DIFFERENTS
5.2.1. L.H. : une élève aux grandes difficultés pour s’exprimer qui se transforment en difficultés de socialisation
5.2.2. A.B. : des difficultés de langage qui ne semblent pas intervenir dans la socialisation de l’élève
5.2.3. Comparaison entre les deux profils et hypothèses
6. CONCLUSION
7. BIBLIOGRAPHIE
8. SITOGRAPHIE
9. ANNEXES
10. RESUME / ABSTRACT

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