L’expression d’une nouvelle solidarité face au combat du sous développement
Le mouvement qui a mené à l’élaboration d’une doctrine internationale en faveur du développement n’aurait pas vu le jour sans le renforcement de la cohésion entre ces pays et le sentiment de solidarité. Si historiquement, elle s’est exprimée à travers les revendications du tiers monde, cette volonté réformatrice existe encore actuellement. Etant à l’origine de ce Droit, on peut repenser cette solidarité comme étant actuellement l’expression d’une nouvelle solidarité non plus conçue comme une solidarité entre les pays du Tiers-monde même si elle a existé historiquement et compte tenu des évolutions. Cette nouvelle solidarité serait celle naissante entre les pays actuellement qualifiés comme en voie de développement devant faire face aux problèmes du sous-développement et de ses conséquences négatives dans la vie étatique aussi bien que ses conséquences inégalitaires au niveau international. La coopération entre les pvd, la recherche d’une certaine autonomie par rapports aux pays développés à travers la création de mécanismes et d’institutions pour promouvoir cette coopération et l’intégration régionale en sont des manifestations. Cette solidarité ne deviendrait-elle pas internationale dans la mesure où elle impliquerait la construction d’un monde plus égalitaire et équitable incluant non-seulement les pays sous-développés mais aussi les pays développés (pd). Les pd se reconnaissent un devoir d’aide à l’égard des pvd19. La solidarité évoque toujours l’expression d’une communauté d’intérêts à défendre. D’une manière générale, le Droit international en lui-même peut être conçu comme l’expression de la solidarité.20 Comme il existerait un Droit de solidarité de l’urgence dans le cadre du Droit international humanitaire, le DID est aussi un Droit de solidarité relevant fondamentalement de ce concept, cette solidarité étant conçue d’une manière plus large, plus diffuse qui se manifeste en amont dans beaucoup d’autres domaines du Droit international21. La solidarité internationale dans le cadre de la Communauté internationale est l’acceptation par les Etats de leur interdépendance22 dépassant la simple coexistence. Plus que jamais, cette solidarité entre les pays existe face au combat que constitue le sous-développement à l’origine des inégalités. Selon Maurice Flory : « La Communauté internationale désormais rassemblée dans les liens de solidarité de toute nature ne peut plus accepter de tels déséquilibres qui constituent une véritable menace contre la paix23.» Il appartient au DID d’organiser cette solidarité issue de cette conscience collective pour lui faire porter tous ses fruits dans le domaine du développement.
La manifestation contemporaine de l’idéologie du développement : la consécration de l’objectif de développement
Le développement est devenu un objectif à atteindre, consacré essentiellement dans des instruments juridiques internationaux, régionaux voire les textes nationaux. Au niveau international, la Charte des Nations Unies constitue la référence. Après la décolonisation, l’ONU s’est présentée comme le relais des aspirations des Etats nouvellement indépendants en son sein et dans le cadre duquel l’idéologie du développement a pris toute sa place. A l’origine, la Charte des Nations Unies était un instrument nécessaire au maintien de la paix mondiale qui se trouvait être son objectif principal. De nouvelles préoccupations naissent dont la considération de l’objectif de développement, notamment à travers les revendications des pvd. L’idéologie du développement est effectivement présente dans la Charte des Nations Unies. Les peuples des NU se déclarent résolus « à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande » et à ces fins « à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples28.» L’ONU se donne comme objectif de « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire… »29 Le chapitre IX de la charte porte sur la coopération économique et sociale internationale et selon les articles 55 et 56, l’ONU et les Etats s’engagent à agir « en vue de créer les conditions de stabilité et de bien être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales.» Le développement économique et social se convertit sous l’influence des pvd dans l’AG des NU en nouveau leitmotiv de l’organisation. La proclamation des différentes décennies pour le développement qui a débuté en 196030 jusqu’à la Déclaration du Millénaire en septembre 2000 et le programme de développement post-2015 dans le cadre des Objectifs de Développement Durable ; le déploiement d’une grande activité dans le domaine du développement économique et social ainsi que la création d’institutions en faveur du développement31 témoignent de la place importante qu’a pris l’objectif de développement au sein de l’ONU toute aussi importante que l’est le maintien de la paix qui était à l’origine sa mission fondamentale. La charte de l’ONU, en résonance avec le concept très large de paix s’appuie sur une compréhension extensive du développement, y incluant également des aspects sociaux et humanitaires ainsi qu’une relation avec les droits de l’homme. Le développement est inscrit dans la Charte comme étant l’un des moyens privilégiés pour garantir la paix mondiale à long terme33. Au niveau régional, le développement est devenu l’objectif de certaines organisations regroupant les pays par la méthode coopérative ou celle plus poussée que constitue le modèle de l’intégration. L’Union Africaine se donne comme objectif de promouvoir le développement durable aux plan économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines et promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l’activité humaine en vue de relever le niveau de vie des peuples africains34. Au niveau national, la constitution, texte fondamental dans chaque Etat consacre le développement comme objectif à atteindre pour un pays donné. Le développement est devenu la préoccupation essentielle à tous les niveaux, pour la Communauté internationale, pour chaque pays et en faveur de chaque peuple, ce qui justifie que soit instauré notamment au niveau international, un Droit capable de répondre à cet objectif.
La multiplicité des aspects de la notion de nouvel ordre international
L’idée d’un nouvel ordre international a revêtu dans un premier temps un aspect économique qui justifie l’expression de « nouvel ordre économique international » (NOEI) consacré officiellement par l’AG des NU.42 La déclaration sur l’instauration du NOEI se trouve à l’origine du concept qui s’est étendu dans de nombreux autres domaines43. La structure du système international est responsable d’un état de choses à savoir des distorsions subies par les économies des pays sous-développés du fait d’une insertion particulière dans l’économie mondiale44. Il s’agirait par exemple de réformer l’échange international vers un échange moins inégal. A ce stade, le DID peut être conçu dans son évolution comme le « Droit du nouvel ordre économique international45.» Le problème ne se situe pas seulement ou n’est pas seulement réduit au plan économique. Ce nouvel ordre international comporte aussi des aspects juridiques, qui conduit à parler d’un nouvel ordre juridique international qui fait ressortir l’idée d’un Droit futur en gestation.46 La réflexion ouvre un vaste champ de recherche sur la validité et l’efficacité des principes qui prévalaient et continuent de prévaloir en Droit international. L’idée d’un nouvel ordre international sous-tend une approche novatrice et mobilisatrice d’idées et de principes efficaces. Il s’agit aussi de modifier les règles du jeu en vue d’assurer une plus grande et plus active participation dans le processus décisionnel. L’évolution du Droit international doit se faire dans le sens d’une plus grande égalité de chances et d’une meilleure protection des démunis.47 « La fonction de tout ordre juridique serait de garantir la stabilité par la promotion de nouvelles solutions qui ne perpétuent pas les anciennes causes des conflits et des souffrances.48» Le nouvel ordre possède une dimension plus large, représente un ordre global concernant l’ensemble des problèmes du développement, un ordre systématique avec une interdépendance de tous les problèmes et un ordre volontariste, les pays étant toujours inspirés par une idéologie interventionniste.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : La considération de la situation particulière des pays en développement comme originalité du droit international du développement
Chapitre I : L’existence de fondements spécifiques au Droit international du développement
Section 1 : Un Droit à forte connotation idéologique
Section 2 : Un Droit justifié : l’expression d’une nouvelle justice sur le plan international
Chapitre II : Les particularités du Droit international du développement en tant que discipline vouée à l’objectif de développement
Section 1 : La nécessité d’un Droit pour régir le développement
Section 2 : Le Droit international du développement : un meilleur outil d’appréhension des inégalités de développement
Section 3 : La formulation de techniques juridiques conformes à la situation d’inégalités de développement
Chapitre III : L’actualité de la construction d’un Droit international du développement au service de la suppression des inégalités de développement
Section 1 : Le Droit International du Développement : un Droit susceptible de s’adapter à l’objectif de développement
Section 2 : Le Droit international du développement : un instrument juridique d’actualité en faveur de la résorption de l’inégalité de développement
PARTIE II : Les inégalités de développement comme situation dépassant le droit international du développement
Chapitre I : La remise en cause du Droit international du développement comme solution aux inégalités de développement
Section 1 : Les faiblesses au niveau de la technique juridique
Section 2 : La difficulté de la construction d’un Droit voué à l’objectif de développement
Chapitre II : La négativité d’un bilan du Droit international du développement : la subsistance des inégalités de développement
Section 1 : Le contexte d’appréciation des inégalités de développement : la mondialisation
Section 2 : Les inégalités de développement : un problème persistant
Chapitre III : Vers une meilleure considération de l’avenir du DID dans la lutte contre les inégalités de développement
Section 1 : La nécessité d’un constat des inégalités de développement
Section 2 : La nécessité d’une réorientation du DID face au défi des inégalités de développement
Section 3 : La réaffirmation de principes solides du Droit international du développement
l’équité et la solidarité
CONCLUSION
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