La place des rétinoïdes dans le traitement de l’acné

Les rétinoïdes naturels

   Les rétinylesters ingérés sont hydrolysés dans l’intestin en rétinol, qui est absorbé. Les caroténoïdes (principalement β-carotène) subissent également un métabolisme intestinal avec hydrolyse en rétinal (sous l’action d’une β- carotène dioxygénase) puis réduction en rétinol par une rétinaldéhyde réductase. Le rétinol est estérifié en rétinylpalmitate et transporté lié aux chylomicrons jusqu’au foie où il est stocké. Après hydrolyse intrahépatique, le rétinol se lie au niveau du foie à une protéine de transport plasmatique, la rétinol binding protein qui est synthétisée par le foie. La sécrétion donc vers le plasma se fait sous forme d’un complexe (vitamine A-rétinol binding protein). La régulation de la synthèse de rétinol binding protein par le foie permet de maintenir constant le taux de rétinol circulant. L’acide rétinoïque tout trans, métabolite naturel actif du rétinol, est absorbé directement par le système porte, mais la plus grande partie de l’acide rétinoïque tout trans circulant provient de la métabolisation du rétinol au sein des tissus cibles [10].
a. Métabolisme intracellulaire des rétinoïdes naturels :Le complexe rétinol-rétinol binding protein circulant se fixe à des récepteurs membranaires spécifiques au rétinol binding protein, présents à la surface des cellules cibles. Après fixation, le complexe se dissocie et seul le rétinol libre pénètre à l’intérieur de la cellule cible et se lie à un récepteur cytosolique (cellular retinol binding protein) [11]. Le rôle principal de cellular retinol binding protein reste encore à définir (place dans le processus d’estérification intracellulaire du rétinol et dans le stockage sous forme inactive)
a-1 Voie de métabolisation en acide rétinoïque tout –trans : Le rétinol est initialement transformé en rétinaldéhyde, métabolite intermédiaire, sous l’influence d’un rétinol déshydrogénase. L’expression du gène du rétinol déshydrogénase prédomine au sein des couches les plus différenciées de l’épiderme. Dans le foie, cette transformation est sous la dépendance des cytochromes P450 CYP1A2 et CYP3A4 (CYP1A1 et CYP1B1 au sein des autres tissus). Le rétinaldéhyde est oxydé en acide rétinoïque tout trans sous l’influence de CYP1A1, 1A2, 1B1 et 3A4. L’acide rétinoïque tout trans se lie à un récepteur soluble cytosolique, la cellular retinoic acid binding protein. Il est transporté jusqu’au noyau où s’exerce son action biologique, après liaison avec des récepteurs nucléaires (cf. infra). L’acide rétinoïque tout trans non utilisé est dégradé au sein de la cellule cible en métabolites polaires moins actifs (4 oxo, 4 OH, 4 Kéto, 18 OH acide rétinoïque tout trans). Cette dégradation est sous la dépendance d’hydrogénases liées au CYP 450.
a-2 Voie de métabolisation en acide 9-cis-rétinoïque :Le rétinol présente une deuxième voie métabolique en 9-cis- rétinal. Cette transformation est sous la dépendance d’un rétinol déshydrogénase, récemment identifiée. Le 9-cis-rétinal se transforme à son tour en acide 9-cis-rétinoïque [13].
a-3 Voie d’estérification :Le rétinol non métabolisé est stocké sous forme d’ester non actif au sein de la cellule cible [11].
b. Récepteurs cytosoliques : Le rétinol non métabolisé est lié au cellular retinoic acid binding protein. L’acide rétinoïque tout trans se lie au cellular retinoic acid binding protein (CRABP), dont on connaît aussi deux isomères (1 et 2), codés par deux gènes différents, réglables par les rétinoïdes naturels et les rétinoïdes de synthèse. Les concentrations en CRABP varient en fonction des phases de développement embryonnaire, en fonction de la nature du tissu et au cours des divers processus pathologiques [11]. Au sein de la peau normale, les concentrations en cellular retinoic acid binding protein (CRABP) sont très significativement plus élevées dans l’épiderme (évaluées à 3,1 pmol/mg de protéine) qu’au sein du derme. La cellular retinoic acid binding protein 1 présente une affinité supérieure à la cellular retinoic acid binding protein 2 pour l’acide rétinoïque tout trans. L’acide 9-cis rétinoïque n’est pas un ligand physiologique de cellular retinoic acid binding protein, de même que les dérivés métaboliques de l’acide rétinoïque tout trans [14]. La cellular retinoic acid binding protein 2 est nettement prédominante au sein de l’épiderme, alors que la cellular retinoic acid binding protein 1, plus ubiquitaire, est plus exprimée au sein de la peau. L’expression de la cellular retinoic acid binding protein 2 est significativement accrue au cours de la différenciation kératinocytaire. L’application d’acide rétinoïque tout trans topique stimule l’expression épidermique de cellular retinoic acid binding protein 2 [15]. Au sein d’un épiderme psoriasique, les concentrations en acide ribonucléique messager (ARNm) de la cellular retinoic acid binding protein 2 apparaissent significativement réduites par rapport à un épiderme non lésionnel. Le rôle physiologique des cellulars retinoic acid binding protein n’est pas encore parfaitement connu. Il apparaît en tout cas clair que celui-ci ne se limite pas à un simple transporteur de l’acide rétinoïque tout trans vers son site d’action nucléaire. La cellular retinoic acid binding protein pourrait donc constituer un véritable régulateur «intracrine» des quantités d’acide rétinoïque tout trans, libres disponibles pour une action biologique, et constituer l’un des mécanismes protecteurs physiologiques contre les concentrations toxiques d’acide rétinoïque tout trans [11]. Les cellulars retinoic acid binding protein sont donc un des éléments clés de la spécificité tissulaire (voir cellulaire) d’une réponse à l’acide rétinoïque.
c. Récepteurs nucléaires :
c-1 Classification : La découverte de l’existence de récepteurs nucléaires à l’acide rétinoïque tout trans a permis de faire progresser de manière déterminante la compréhension du mécanisme d’action biologique des rétinoïdes. Les récepteurs à l’acide rétinoïque (RAR) appartiennent à la super famille des récepteurs aux hormones stéroïdiennes, aux hormones thyroïdiennes et de la vitamine D. Les rétinoïdes exercent donc leur action biologique d’une manière comparable à celle des hormones stéroïdiennes [16]. On décrit différents sous types de récepteurs à l’acide rétinoïque, il y’a le RAR-α, RARβ et RAR-γ, ainsi que plusieurs isoformes. La peau humaine adulte contient RAR-γ et exprime fortement RAR-α, principalement RAR-α1, qui est par ailleurs peu exprimé au sein des autres tissus [64]. A l’inverse, RAR-β est faiblement exprimé dans la peau. L’application d’acide rétinoïque tout trans topique induit cependant son expression au niveau du fibroblaste [18]. Plus récemment, des rétinoïdes X receptors (RXR) ont été découverts. Et donc on a également trois sous types, α β et γ [19]. Les deux familles de récepteurs des rétinoïdes (RAR et RXR) diffèrent par :
• Leur ligand naturel dont l’affinité pour les récepteurs est élevée (acide tout trans pour les récepteurs à l’acide rétinoïque et acide 9-cis pour les rétinoid X receptors).
• Leur distribution tissulaire. Les retinoid X receptors sont normalement exprimés par la peau humaine normale, notamment par le follicule pileux, mais aussi par le kératinocyte, le mélanocyte, le fibroblaste et la cellule de Langerhans [20]. L’épiderme psoriasique lésionnel exprime des quantités d’ARNm réduites pour RARα et RXR [21]. La progression tumorale de carcinomes induits chez la souris s’accompagne d’une diminution de l’expression des récepteurs à l’acide rétinoïque et d’une augmentation de l’expression des retinoid X receptors. L’interprétation de ce phénomène reste à faire. Des cellules de certains carcinomes mammaires perdent l’expression de RAR-β, de même que les leucoplasies orales au cours de leur transformation carcinomateuse [22]. Ces récepteurs activent la région promotrice des gènes cibles en se fixant sur des sites précis de l’acide désoxyribonucléique (ADN), au niveau des éléments de récepteurs à l’acide rétinoïque (RAR) sous forme d’hétérodimères ou d’homodimères dans lesquels les RXR sont constants (RXR-RAR, RXR- RXR). Des hétérodimères peuvent également se former avec des récepteurs aux hormones thyroïdiennes et à la vitamine D3 (VDR /RX R et TR /RXR) qui activent d’autres éléments de récepteurs [19]. (fig.13) Cette modulation de la synthèse protéique sous-tend probablement en grande partie l’action pharmacologique complexe des rétinoïdes de synthèse (cf. infra).
c-2 Ligands : L’acide rétinoïque tout trans et l’acide 9-cis rétinoïque sont les ligands naturels des récepteurs à l’acide rétinoïque [23]. L’acide 9-cis rétinoïque est le ligand naturel des retinoid X receptors. Il apparaît ainsi comme un panagoniste. Les rétinoïdes de synthèse (cf. infra) se lient également d’une manière variable et encore imparfaitement connue aux récepteurs nucléaires. Ainsi s’élabore une nouvelle définition des rétinoïdes, en fonction de leur spécificité de liaison aux récepteurs nucléaires. A noter qu’il existe des agonistes desrécepteurs nucléaires.  On connaît de mieux en mieux le dialogue entre les récepteurs nucléaires, ainsi que les conséquences de la liaison des ligands (naturels ou de synthèse) avec les hétérodimères [16]. RXR α, β, γ / RAR α, β, γ Les hétérodimères RXR-RAR sont sélectivement activés par les ligands RAR mais les ligands RXR peuvent potentialiser l’action transcriptionnelle des ligands RAR. Les agonistes RXR stimulent la croissance folliculaire alors que les agonistes RAR l’inhibent [24]. Les hétérodimères RXR-RAR seraient plus puissants que les homodimères RXRRXR dans l’inhibition de la croissance des cellules néoplasiques [25]. On connaît de mieux en mieux, grâce à l’observation d’effets de molécules connues agonistes ou antagonistes, la fonction physiologique des récepteurs nucléaires. De plus, le développement des modèles animaux transgéniques permet d’optimiser cette connaissance [26]. Les RAR-γ seraient ainsi les médiateurs de l’irritation cutanée imputable aux rétinoïdes.L’utilisation expérimentale des rétinoïdes de synthèse agonistes RAR-α n’entraîne pas d’irritation. Les souris déficientes en RAR-γ ne présentent pas d’effets toxiques de type rétinoïde sous traitement [28]. L’activation des RAR par l’acide 9-cis rétinoïque et l’aciderétinoïque tout trans entraîne l’apoptose des lymphocytes T [29]. Au sein du sébocyte, les RAR induiraient des effets antiprolifératifs et antidifférenciants (particulièrement importants concernant l’action pharmacologique de l’isotrétinoïne). Les RAR seraient responsables de l’effet différenciant de l’acide rétinoïque tout trans sur les cellules de la lignée HL60 (leucémie promyélocytaire humaine) [30].

Facteurs influençant les lésions/poussées d’acné

   Plusieurs facteurs influençant l’acné ont été identifiés et notamment, la notion de terrain génétique : l’existence d’antécédents familiaux d’acné chez le père ou la mère est plus volontiers associée à des acnés plus précoces, sévères ou résistantes au traitement [39]. Parmi les facteurs acquis, le tabac influencerait notamment la formation des lésions retentionnelles. En effet, certains articles montrent que l’acné serait significativement plus fréquente chez les fumeurs (41,5%) que chez les non fumeurs (9,7%). Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les kératinocytes présentent des récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine pouvant induire une hyperkératinisation lors de fortes concentrations de nicotine [42]. Le stress joue aussi un rôle majeur dans la survenue de poussée d’acné par l’intermédiaire de la sécrétion de neuromédiateurs libérés par les terminaisons nerveuses périphériques entourant le follicule pilosébacé et la présence de récepteurs à ces neuromédiateurs au niveau des glandes sébacées [43]. Le rôle de l’alimentation, en particulier du lait et du sucre, est toujours discuté dans l’acné et aussi le rôle de l’insuline-like growth factor (IGF1) comme effecteur du régime a reçu quelques éléments de preuve [44]. Certains produits cosmétiques peuvent-être responsables de la survenue de l’acné ‹‹l’acné cosmetica›› réalisent une acné comédonienne du visage [39].

Hyperséborrhée

   La glande sébacée secrète le sébum. Sa sécrétion est augmentée au cours de l’acné: c’est la séborrhée. Celle-ci est essentiellement hormonodépendante, en particulier sous l’effet des androgènes, qui stimulent la sécrétion sébacée. Les gonades et les glandes surrénales produisent la majorité des androgènes circulants. Ils peuvent aussi être produits localement à l’intérieur de la glande sébacée à partir du sulfate de déhydroépiandrostérone [46]. Chez l’homme, la testostérone est le principal androgène sécrété par les cellules de Leydig du testicule et en plus faible quantité par les surrénales. Chez la femme, ce sont surtout les précurseurs de la testostérone qui sont sécrétés. Les précurseurs de la testostérone et la fraction libre de la testostérone peuvent être transformés en dihydrotestostérone (5% de la testostérone circulante), seule capable de stimuler la synthèse de sébum [47]. (fig.16) La dihydrotestostérone se fixe sur un récepteur cytosolique spécifique de la glande sébacée pour stimuler les genèses intervenant dans la formation du sébum. L’activité des androgènes dépend donc de leur production, de leur quantité, de leur transport, du taux de la sex hormon binding globulin circulante, de leur capacité à se lier aux récepteurs des androgènes, et de leur transformation au niveau des tissus périphériques [48]. A ce niveau, les aromatases transforment les androgènes en oestradiol et œstrone. La progestérone et l’œstradiol ont la capacité de se fixer sur les récepteurs aux androgènes et d’exercer ainsi un effet anti-androgène par complétion directe [46]. L’augmentation du taux des androgènes circulants est un facteur favorisant, mais ne peut à elle seule expliquer l’acné, puisque dans la majorité des cas, il n’y a pas de troubles hormonaux.

Sévérité de l’acné

C’est un ensemble de facteurs qui définit cette sévérité :
• Les facteurs séméiologiques permettent de grader l’acné selon, l’aspect, le nombre des lésions, leur densité et la surface atteinte. De nombreuses échelles ont été élaborées, basées sur des scores, des photographies et le comptage des lésions. Certaines sont trop subjectives et pas assez reproductibles. D’autres sont de réalisation trop longue pour la pratique courante, en particulier celles basées sur le comptage des différents types de lésions, souvent exigé. Dans les études thérapeutiques, et d’ailleurs même ainsi, la reproductibilité n’est pas parfaite. La tendance est donc aujourd’hui d’évoluer vers des échelles d’évaluation globale, d’application très rapide, de bonne reproductibilité. C’est le cas de l’échelle GEA (Global Evaluation Acne) mise au point par le Groupe Expert Acné [54] .
• Autres facteurs séméiologiques de gravité de l’acné :
– l’atteinte du tronc surtout quand elle descend plus bas que la pointe des omoplates.
– la présence de cicatrices, liées à la prédominance de lésions  inflammatoires et au traitement tardif de l’acné.
• Facteurs anamnestiques :
– la notion d’une acné sévère chez le père et surtout la mère, ou les deux, a une incidence sur la sévérité de l’acné, sa durée d’évolution et sa résistance au traitement [55].
– l’âge de début précoce, pré pubertaire des lésions [56].
– la résistance au traitement.
– la rechute précoce à l’arrêt du traitement, surtout s’il s’agit de l’isotrétinoïne.
– une longue durée d’évolution de l’acné et sa persistance au-delà de 25 ans.
– le stress dans la vie personnelle et professionnelle est un élément d’aggravation de l’acné.
• Enfin, il faut tenir compte de l’impact sur la qualité de vie : perte de la confiance en soi, dépression, liée à une acné assez affichante. La dysmorphobie, où le retentissement psychologique est disproportionné par rapport à une acné discrète, est aussi considérée comme un signe de gravité.
– Ghodzi SZ et al ont noté qu’une acné modérée à sévère varie suivant les pays entre 14% en Iran et 48% à Singafour [38].
– Pawin H et al ont rapporté que chez une population de sujets jeunes adultes,l’acné sévère est observée dans 47% et l’acné modérée dans 13% des cas [57].
– Dans notre étude nous avons trouvé 53,9 % d’acné sévère et 41,84% d’acné modérée par rapport à l’ensemble des consultants et ceci rejoint les données de la littérature.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES 
RESULTATS 
I. Epidémiologie 
1. Age
2. Sexe
3. Antécédents
4. Les facteurs influençant les lésions/poussées d’acné
II. Clinique 
1. Types d’acné
2. Localisation
3. Sévérité de l’acné
III. Bilan paraclinique
IV. Traitement 
1. Duré du traitement
2. Evolution sous traitement
3. Tolérance
DISCUSSION 
I. Les Rétinoïdes 
1- Historique
2- Classification des rétinoïdes
3- Métabolisme et mécanisme d’action des rétinoïdes
II. Acné 
1- Introduction
2- Epidémiologie
3- Les facteurs influençant les lésions/poussées d’acné
4- Physiopathologie
5- Manifestations cliniques
III. La place des rétinoïdes dans le traitement de l’acné 
1- Rétinoïdes topiques
2- Rétinoïdes oraux
IV. Les effets secondaires 
V. Les contres indications 
VI. Les perspectives des nouveaux rétinoïdes 
CONCLUSION
ANNEXES
RESUME
BIBLIOGRAPHIE

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